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Les réactions se sont multipliées depuis la mort tragique, mercredi  dernier, de Shireen Abu Akleh, la journaliste palestinienne et  américaine de la chaîne Al Jazeera pour laquelle elle couvrait sur le  terrain, depuis les années 1990, le conflit israélo-palestinien. Le jour  de sa mort elle faisait un reportage sur une opération antiterroriste à  Jénine. Muhammad Shehada, un écrivain et militant de la Bande de Gaza a  réagit dans les colonnes de Newsweek au lendemain de cette mort tragique : « Pour  tous les Palestiniens que je connais, la mort tragique de Shireen Abu  Akleh mercredi a été vécu comme un drame personnel. Des gens que j’ai  rarement vu pleurer auparavant étaient en larmes. Shireen […] était une  icône dont le nom, la résilience et la persévérance sont chers à tous  les cœurs palestiniens depuis les années 1990. Lorsqu’elle a été tuée de  manière si insensée plus tôt cette semaine à Jénine, en Cisjordanie  occupée, pour le crime d’avoir fait son travail, cela a profondément  touché chacun de nous. Mais comme c’est si souvent le  cas lorsqu’il s’agit de ce conflit [israélo-palestinien], notre chagrin  s’est rapidement transformé en rage lorsque […] le Premier ministre  israélien Naftali Bennett a insisté sur le fait qu’ « il semble probable  que des Palestiniens armés  soient responsables de la mort malheureuse  de la journaliste », malgré des témoins oculaires attestant exactement du contraire. » 

Le militant palestinien Muhammad Shehada rappelle aussi que B’Tselem ,  une ONG israélienne de défense des droits de l’homme dans les  territoires occupés appuie cette accusation contre l’armée israélienne  et l’enquête, côté palestinien, se poursuit.

Enfin il y a eu cette violence choquante de la police israélienne,  couverte par nombre de télévisions, alors que le cercueil de Shireen  sortait de l’hôpital Saint-Joseph de Jérusalem : un groupe d’hommes  palestiniens a insisté pour le porter sur leurs épaules en hommage à la  journaliste et des dizaines de policiers israéliens des forces de  sécurité ont violemment tenté de disperser une foule impressionnante, le  cercueil a failli tomber suscitant la colère des journalistes  d’Al-Jazira et leur stupéfaction lorsque « les soldats israéliens demandent aux gens s’ils sont chrétiens ou musulmans. Si vous êtes musulman, vous n’êtes pas autorisé à entrer » dans l’église où avait lieu la messe avant l’ensevelissement, a rapporté Imran Khan, un autre reporter de la chaîne qatarie » cité par le quotidien La Croix.  

L’immense foule a accompagné le cercueil jusqu’au cimetière du  Mont-Sion près de la vieille ville de Jérusalem, après une messe dans  une église grecque catholique comble. Et alors que toutes les églises de  Jérusalem faisaient sonner leurs cloches.

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Qui était Shireen Abu Akleh ? Elle était née en 1971 dans une famille  palestinienne chrétienne de Jérusalem-Est occupé, dans une famille  membre d’une Eglise grecque catholique, que l’on appelle aussi  « melkite ». Et uniate parce que rattachée à Rome depuis 1724.  Cette  Eglise rassemble entre 1,3 et 2 millions de fidèles dans le monde,  principalement originaires de Syrie ou encore de Terre sainte, alors que  les grecs orthodoxes, dont ils se sont séparés seraient quelque 14  millions dans le monde.

Quant au terme « melkite », issu du syriaque, il désignait les  chrétiens des patriarcats de Jérusalem, d’Alexandrie et d’Antioche ayant  accepté le concile de Chalcédoine (451) où sera affirmée la double  nature du Christ à la fois homme et Dieu, au contraire des monophysites  comme les coptes orthodoxes d’Egypte, par exemple, qui affirment que le  Christ n’a qu’une nature, divine. « Aujourd’hui, seulement quatre Églises sont monophysites, explique un théologien égyptien :   Les coptes-orthodoxes, les syriens orthodoxes, les arméniens  orthodoxes et les Éthiopiens. Toutes les autres Églises sont en fait  melkites ! Mais les grecs-catholiques sont les seuls à avoir repris le  nom pour leur Église. »

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Shireen détenait également la citoyenneté américaine. Après avoir  étudié le journalisme en Jordanie, elle avait  cofondé la radio Voix de Palestine basée à Ramallah. Depuis 1997, elle était journaliste à Al-Jazira la chaîne du Qatar lancée en 1996.

Dans une interview récente, Shireen Abu Akleh ne cachait pas avoir  fréquemment peur lorsqu’elle était sur le terrain. Elle disait alors : « Je cherche un endroit sûr où me tenir et une façon de protéger mon équipe avant de me préoccuper des images. 

Mercredi dernier, elle était à Jénine, une ville palestinienne du  nord de la Cisjordanie occupée depuis 1967, où se trouve un  camp de  réfugiés palestiniens d’où sont parties plusieurs attaques  anti-israéliennes meurtrières ces dernières semaines.  L’armée  israélienne y a récemment multiplié les opérations et Shireen couvrait  l’une d’elles : elle portait un casque et un gilet pare-balles où  s’inscrivait le mot PRESSE. Cela n’a pas suffi pour la protéger de la  balle reçue dans la tête et qui l’a tuée.

Le site de nouvelles Yahoo https://fr.news.yahoo.com/toll%C3%A9-apr%C3%A8s-charge-police-isra%C3%A9lienne-071932970.html  a donné une place importante à ce drame, ce samedi et raconte : La  police israélienne a annoncé samedi l’ouverture d’une enquête après le  tollé international provoqué par l’intervention de ses membres lors des  funérailles de la journaliste palestinienne Shireen Abu Akleh, dont le  cercueil a failli tomber après les coups de matraque contre les  porteurs.

A la sortie du cercueil de l’hôpital Saint-Joseph à Jérusalem-Est,  secteur palestinien de la ville également occupé par Israël, la police a  pénétré dans l’enceinte de l’établissement et chargé une foule  brandissant des drapeaux palestiniens. Le cercueil a failli tomber des  mains des porteurs frappés par des policiers armés de matraques avant  d’être rattrapé in extremis, selon des images des télévisions locales.  La police a accusé la foule de Palestiniens d’avoir empêché le transport  du cercueil dans un corbillard, « tel qu’il a été convenu avec la  famille. »

Mais le frère de Shireen Abu Akleh, a affirmé à l’AFP « qu’aucun accord n’avait été passé avec la police. »  Il a dit que la police lui avait demandé le nombre de participants  attendus aux funérailles et qu’elle s’était opposée à tout chant ou  drapeaux palestiniens. Les images de la charge de la police circulant en  boucle sur les réseaux sociaux ont provoqué un tollé international. « Nous avons été profondément troublés par les images de l’intrusion de la police israélienne au sein du cortège funéraire »,  a dit le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, alors que la  Haute-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme Michelle Bachelet a  parlé d’images « choquantes ».

L’Union européenne a condamné « le comportement irrespectueux de la police israélienne. » La Représentation française à Jérusalem a jugé « profondément choquantes les violences policières », et l’Espagne a dénoncé comme « inacceptable » le « recours à la force disproportionné. » « Les  forces d’occupation ne se sont pas contentées de tuer Shireen (…) mais  elles ont terrorisé ceux qui l’ont accompagnée vers sa dernière  demeure », a dénoncé le Qatar.

« Le « meurtre » de la journaliste a été condamné à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU, qui a réclamé « une enquête transparente et impartiale ».  L’Autorité palestinienne, la télévision du Qatar Al Jazeera et le  gouvernement du Qatar ont accusé l’armée israélienne d’avoir tué la  journaliste. Selon « les premiers résultats » de l’enquête du procureur palestinien à Ramallah, « la seule origine du tir, ce sont les forces d’occupation [israéliennes] ».

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Elle s’appelait Deborah Samuel, elle était chrétienne et vivait dans  le nord-ouest du Nigeria, dans l’Etat de Sokoto où la charia est  appliquée illégalement à côté du droit commun., comme dans 12 Etats du  nord du Nigeria.  Les photos montrent jeune fille souriante et jolie  comme un cœur.

Cela, c’était avant cet horrible jeudi 12 mai où les photos  deviennent insoutenables : elle est allongée par terre dans sa robe  rose, le visage en sang, morte. A côté d’elle une dizaine de grosses  pierres qui ont servi à la lapider puis elle a été brulée par ses  camarades de classe ainsi que le bâtiment éducatif où elle avait été  mise à l’abri. Pourquoi cette horreur ? Des étudiants l’avaient accusée  d’un commentaire « blasphématoire » à l’égard du Prophète sur les  réseaux sociaux.

Deux jeunes ont été identifiés et arrêtés, d’autres sont recherchés  ce qui a provoqué des manifestations de rues, la foule réclamant la  libération des meurtriers.  Mais le sultan de Sokoto, la plus importante  personnalité musulmane au Nigeria qui préside le Conseil interreligieux  du Nigeria a lui-même condamné sans réserve le meurtre de la jeune  chrétienne et demandé que les coupables soient jugés.

Voix discordante, l’imam de la mosquée nationale, un haut dignitaire musulman a justifié la sauvagerie du meurtre de Deborah : «  Tout le monde devrait savoir que nous, les musulmans, avons des lignes  rouges à ne pas franchir. La dignité du Prophète est au premier rang de  ces lignes rouges. Si nos griefs ne sont pas correctement traités, nous ferons justice nous-mêmes. » 

Le Nigeria compte quelque 215 millions d’habitants. Le pays est  divisé entre un Nord majoritairement musulman et un Sud majoritairement  chrétien et l’on dit que c’est l’un des pays les plus religieux au  monde. Peut-être serait-il plus vivable s’il l’était moins… Les  tribunaux islamiques, qui fonctionnent parallèlement au système  judiciaire étatique, ont déjà prononcé des condamnations à mort pour  adultère, blasphème ou homosexualité, sans qu’aucune exécution n’ait eu  lieu jusqu’à présent. Mais la honte sociale est bien présente pour les  condamnés.

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