Sans intention parodique, la médecine ultra-techniciste de notre époque reproduit le geste sacrificiel et salvateur de Jésus lors de la Cène. On ne prélève certes que quelques parties du corps du donneur, mais il s’agit dans ce cas aussi de donner la vie, sans aucune contrepartie. La communion du greffé avec le prélevé n’est pas assurée puisqu’un rejet peut toujours survenir, mais en cas de succès, on assiste à ce miracle technique autant que métaphysique d’un organe ou de tissus étrangers qui deviennent ma chair et mon sang. Il donne donc je suis – je continue d’être. Le donneur, pourtant anonyme, devient littéralement mon alter ego, l’Autre présent en moi. Dans L’Intrus, le très court ouvrage qu’il a consacré à l’accueil de l’étrangeté en soi, le regretté philosophe Jean-Luc Nancy, qui a bénéficié d’une greffe du cœur en 2000, évoque cette intrusion espérée et crainte à la fois. Il n’est pas facile en effet de bien accueillir celui qui entre chez nous par effraction.
Invitées du mois : Ambre Trellu et Sarah Lavaine, infirmières coordinatrices de prélèvements d'organes et de tissus, Réseau Ouest-Francilien.
Intervenants :
Judith Arnoult, infirmière, formatrice Yannis Constantinidès, philosophe, animateur John Lim, théologien, conférencier, animateur Frédéric Spinhirny, philosophe, directeur d’hôpital Cécile Vinot, infirmière, cadre de santé.