Pour en finir avec le genre, cette musicienne parisienne déménage chez les « Getheniens », un peuple hermaphrodite imaginé en 1969 par la romancière américaine Ursula K. Le Guin.
« I see people change. » Elle voit les gens se métamorphoser. Sur I know about you, l’une des quatre chansons de son premier mini-album de folk sombre à paraître le 30 avril, Blumi observe des personnes qu’elle croit connaître, mais qui s’avèrent « aveugles » et manifestement paumées dans leurs désirs. Le beau vibrato de sa voix nous avertit d’un « froid » qui envahit tout, comme la marée qui monte, porté par d’étranges notes de claviers distordues – avant l’envolée des chœurs, vaguement psychédéliques, réclamant davantage de vérité dans les relations, « en attendant plus ». À la fin, le morceau The Dream nous conte, lui, le rêve d’une rencontre dans l’obscurité, lors d’un « anniversaire effrayant » où tout arrive « à l’intérieur, sous la peau ».
Parlons d’identité, tiens. Dans la brume de Blumi, une femme. Introducing Emma Broughton, trentenaire parisienne ayant étudié le jazz vocal ainsi que la flûte traversière au conservatoire, entendue aux côtés de Bon Iver, Mina Tindle ou Melissa Laveaux, poly-membre de trois groupes : Thousand, Orouni et O (mené par Olivier Marguerit). La musicienne s’affirme aujourd’hui en solo via cet EP délicat, qui paraît explorer – sans se lamenter – des chagrins enfouis.
Pour L’Arche de Nova, Emma Broughton rêve d’en finir avec le genre et déménage chez les « Getheniens », un peuple hermaphrodite imaginé en 1969 par Ursula K. Le Guin. Dans La main gauche de la nuit, la romancière américaine téléporte un Terrien sur la planète Nivôse, pour convaincre ses habitants d’adhérer à une organisation commerciale intersidérale. Ce voyageur découvre une nation asexuée et pacifique, cédant chaque mois à des « poussées hormonales » très libres, dont les mœurs firent du livre, dès sa sortie, un classique de la science-fiction. Les hommes peuvent tomber enceints, « l’abstinence est volontaire et le plaisir toujours licite, traumatismes et frustrations sont l’un et l’autre exceptionnels » et la société s’organise « devant les tourments et les joies de la passion ». C’est l’utopie sans blues et mi-mi, mi-homme mi-femme, de Blumi.
Réalisation : Mathieu Boudon.
Pour voir la vidéo de I know about you, c’est ici : https://www.youtube.com/watch?v=io20Iy2TeZ8&ab_channel=Blumi
Image : Laurence Anyways, de Xavier Dolan (2012).