Description

La révélation 2019 du festival d’Angoulême libère le TGV de son imagination cartoonesque et nous dessine un futur youplaboum avec champagne à table, salsa au balcon et déconstruction savante des stéréotypes.

La folie à tous les coins de rue. Et la réalité qui se dégonde, contaminée par l’imaginaire effervescent et le trait caoutchouc d’Emilie Gleason, 28 ans, autrice belgo-mexicaine de bande dessinée formée aux Arts décoratifs de Strasbourg. « J’aime que ça explose, tout simplement », dit-elle. Révélation 2019 du festival d’Angoulême, sa première histoire longue, Ted drôle de coco (éditions Atrabile), tirait le portrait d’un curieux gugusse librement inspiré de son frère, atteint d’un Trouble Envahissant du Développement (T. E. D.) connu sous le nom d’autisme Asperger ; elle y restituait très bien, par exemple, sa peur panique de l’imprévu via des couleurs en pagaille et des paroles pétaradantes.

Cette rentrée, on retrouve avec plaisir son sens du cartoon grand-guignolesque dans J’perds pas la boule, biographie des années foot de Vikash Dhorasoo, coco-signataire du livre publié aux éditions Revival. De son enfance au Havre à l’épopée 2006 des Bleus où il fut le premier joueur d’origine indienne à disputer une Coupe du monde, on voit Vikash éviter un but à l’Inter Milan en prenant la balle en pleine gueule, se passionner pour le blues de Fleetwood Mac, se sentir touriste à Calcutta, tenter d’esquiver la poignée de main de Sarkozy ou dédicacer un roman de Philippe Delerm.

Et le roulement TGV de l’imagination d’Emilie Gleason glisse aujourd’hui sur le pont de notre Arche, déboussolée par tant d’idées à la minute. Au programme de son futur : nudisme pour tous, école à « déconstruire les stéréotypes », seniors réalisant « leurs rêves les plus fous avant de mourir », chasseurs « condamnés à vivre dans une réserve, entourés de prédateurs, avec juste un coupe-ongles », champagne à table et bonbons remplacés par « des petits pois congelés » – le sucre étant devenu « interdit aux moins de dix-huit ans »... Jusqu’à la vraie révélation, qui dit tant sur son style : « On vivrait dans le monde de Roger Rabbit, où trottiner de joie remplacerait la marche, de la salsa à chaque balcon, plus aucune publicité sinon de belles fresques colorées, partout ».

Image : Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, de Robert Zemeckis (1988).