Invités :
Georges Malbrunot, grand reporter au Figaro, spécialiste du Moyen-Orient
Mariam Pirzadeh, journaliste à France 24, ancienne correspondante à Téhéran
David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’IRIS, spécialiste du Moyen-Orient
Cela fait maintenant 12 jours que l’Iran est bousculé par de violentes manifestations. Depuis la mort de Mahsa Amini, une jeune femme de 22 ans, arrêtée le 13 septembre dernier par la police des mœurs, pour avoir porté un voile mal ajusté, la révolte ne faiblit pas. Les Iraniens sortent pour manifester leur colère et les femmes n’hésitent pas à enlever leur voile. Les images montrent certaines de les brûler. Depuis le début du soulèvement, le mouvement a trouvé écho dans le monde entier. Selon l'ONG Iran Human Rights (IHR), « au moins 76 personnes ont été tuées ». Lundi 26 septembre, le quai d'Orsay a vivement condamné cette situation, la qualifiant de « répression violente ». « Ces femmes iraniennes en ont assez de ce voile qu’elles portent depuis 43 ans. À cette révolte, se sont agrégés d’autres déceptions, rancunes. C'est en cela que cette révolte est inédite, il y a une juxtaposition des colères. », explique Georges Malbrunot. En cause ? « On assiste à une calcification du pouvoir autour d’un noyau dur, dans la perspective de la succession du Guide qui est âgé et son durcissement depuis plusieurs années », analyse le journaliste.
Avec un taux de chômage supérieur à 50%, l’Iran est plongé dans une crise économique sévère, à laquelle on ajoute une absence de liberté… « Au-delà du voile, les femmes ne supportent qu’on leur dise quoi faire », commente Mariam Pirzadeh.
La peur a-t-elle changé de camp ?
Ce n’est pas la première fois que les Iraniens se révoltent, notamment lors du soulèvement post-électoral en 2009. Néanmoins, le pouvoir tient bon. « Il faut rester prudent, car la logique répressive est constante dans ce régime. Mais par rapport au précédent mouvement de manifestations, les gens ne se cachent plus. Ils n’hésitent pas à affronter les forces de l’ordre. (...) L’autre singularité, ce sont les femmes. Pour la première fois, elles se sont emparées de l’espace public. Elles ont été rejointes par la jeunesse masculine. Cela touche tout le monde, toutes les classes, toutes les générations », précise David Rigoulet-Roze.
Face à la menace populaire, comment réagira le régime ? « Pour l’heure, les détenteurs du pouvoir semblent plutôt dans une logique répressive et jusqu’au boutiste », estime Georges Malbrunot.