Invités :
- Catherine Mathieu, économiste à l’OFCE spécialiste du Royaume-Uni et des questions européennes
- Anne-Elisabeth Moutet, éditorialiste au Daily Telegraph
- Christian Roudaut, journaliste et correspondant anglophone de Radio France
- Stephen Clarke, écrivain britannique, auteur de « Elisabeth II ou l’humour souverain »
Boris Johnson va accorder plus de 10 000 visas de travail pour les étrangers, notamment pour les chauffeurs poids-lourds. La Grande-Bretagne est sujette à des pénuries en tout genre : essence, nourriture … Le Brexit est-il coupable de la crise britannique ?
Même pendant la nuit, les files d’attente devant les pompes semblent interminables. La Grande-Bretagne est victime d’une pénurie colossale, source de tensions entre les Britanniques. Les pro-Brexit incriminent la crise sanitaire pour justifier cette pénurie tandis que les autres la justifient comme la conséquence de la sortie de l’Union européenne. La vérité est à mi-chemin pour expliquer cette crise du carburant. La pandémie a bousculé tous les systèmes d’approvisionnement au Royaume-Uni.
Tandis que la crise du carburant entache sérieusement la popularité de Boris Johnson, quel impact va avoir sa nouvelle résolution ? Celui qui défend une politique d’immigration choisie souhaite faire venir des travailleurs dont le pays a besoin. Pour Anne-Elisabeth Moutet, cette stratégie politique déployée par le Premier ministre britannique s’apparente clairement à celles de ses alliés anglophones comme l’Australie ou le Canada.
Le Brexit n’a pas eu pour seule conséquence la crise du carburant mais a également touché de plein fouet les entrepreneurs. Catherine Mathieu souligne la difficulté pour les entreprises qui « employaient de la main d’œuvre dite peu qualifiée […] qui avaient l’habitude d’avoir un volant d’immigration de l’Union européenne, des gens que l’on payait beaucoup moins que le salaire national dans des conditions de travail beaucoup plus difficiles ». Aujourd’hui, le gouvernement a pris le parti de s’aligner contre le travail précaire en encourageant les entreprises à revoir à la hausse les salaires et à privilégier la main-d'œuvre britannique. Cela suppose un changement drastique du modèle économique non seulement pour le Royaume-Uni mais également pour les pays voisins.
Pour Christian Roudaut le temps de la « ruée vers Londres » est bel et bien révolu et déplore la nouvelle « condescendance britannique » envers ses compatriotes européens. Pour le journaliste, le Brexit est pour beaucoup dans la déchéance progressive de l’Angleterre « Cela ne donne plus l’image d’ouverture ». Pour Sephen Clarke, Boris Johnson est dans une impasse « il a vraiment besoin des travailleurs européens mais il ne peut pas, pour son électorat, montrer qu’il en a besoin » explique-t-il. Un chaos quasi inextricable qui interroge sur l’avenir de la Grande-Bretagne post Brexit sauvée par son « soft power ».