Description

Invités :

Benjamin Haddad, directeur du Centre Europe du groupe de réflexion « Atlantic Council »

Elsa Vidal, rédactrice en chef de la rédaction en langue russe de RFI

Anthony Bellanger, éditorialiste lance Inter, spécialiste des affaires internationales

L’image a fait le tour du monde. Lundi 14 mars, la journaliste russe, Marina Ovsyannikova a fait irruption sur le plateau du journal télévisé le plus regardé de Russie, sur une chaîne de propagande officielle, pour dénoncer la guerre en Ukraine. « Arrêtez la guerre. Ne croyez pas à la propagande. On vous ment, ici. Les Russes sont contre la guerre », pouvait-on lire. La séquence n'a duré que quelques secondes et a immédiatement été coupée par la diffusion d'un reportage, mais s'est rapidement propagée sur les réseaux sociaux. La veille, la journaliste avait publié une vidéo pour dénoncer la propagande du Kremlin. « Tout ce qui se passe actuellement en Ukraine est un crime. La Russie est l'agresseur, la responsabilité de cette agression repose sur la conscience d'une seule personne, Vladimir Poutine. Ces dernières années, malheureusement, j’ai travaillé sur cette chaîne de télévision, en relayant la propagande du Kremlin. J’ai honte d’avoir diffusé de tels mensonges, d’avoir permis à la zombification du peuple russe ». Transférée au commissariat, la journaliste a écopé d’une amende de 250 euros et reste libre pour l’instant. En revanche, elle attend son jugement pénal, où elle encourt jusqu’à 15 ans de prison, pour son geste.

L’opinion russe est-elle en train de se retourner contre le Kremlin ? « Le régime se sent menacé, il a besoin de contrôler un peu plus sa population et peut-être de masquer les exactions qui sont commises en Ukraine. L’opération patine et les images des violences sont rapportées par les réseaux sociaux et les reporters. Cela devient plus compliqué pour le Kremlin de justifier. Il est difficile d’évaluer l’ampleur de ce mouvement. Mais c’est sans précédent sur les années de règne de Vladimir Poutine », analyse Benjamin Haddad. Cette intrusion a entraîné de nombreux départs de présentateurs et présentatrices de cette chaîne de télévision qui ont été suivis dans d’autres chaînes affiliées au pouvoir. « Il y a un crash test de la société russe », décrypte Elsa Vidal.

Face à l’éveil de l’opinion, le régime verrouille encore plus les médias. « Il y a des poches de résistance qui sont très compliquées. Vladimir Poutine a compris que Marina Ovsyannikova était devenue une icône internationale et qu’il fallait la libérer pour l’instant. Quand les médias auront oublié l’affaire, ils sauront lui réserver le sort qu’on réserve aux opposants », explique Anthony Bellanger.