En 1986, dans Mauvais sang de Léos Carax, Denis Lavant décide de laisser la radio lui dicter ses sentiments et il se met à courir de nuit comme un fou dans Paris en écoutant Modern Love de Bowie. Mais quels étaient les sentiments des Français/es en apprenant, cette année-là, la mort de Coluche, de Simone de Beauvoir, de Borges, de Genet, ou l’explosion d’un réacteur dans la centrale de Tchernobyl ? Est-ce qu’aller voir 37°2 le matin (Beinex), La Mouche (Cronenberg), Top Gun (Scott) ou Blue Velvet (Lynch) remonte le moral ? Est-ce que ça suffit, l’annonce d’un tunnel qui se creuse sous la Manche, celle du premier cœur artificiel, la fusion rap-rock avec Walk This Way d’Aerosmith et Run DMC, ou gueuler comme les Beastie Boys quand ils nous incitent à nous battre pour notre droit à faire la fête ? Comment vous croyez qu’on se sent, quand le nec plus ultra de la réussite sociale a la tronche de Bernard Tapie ou de Jacques Séguéla ? Et quand on entend qu’un étudiant de 22 ans, Malik Oussekine, a été matraqué à mort par la police ?
La jeunesse bouillonne. En 1986, Nova choisit pendant trois semaines de devenir la radio d’un mouvement de contestation, contre le gouvernement Chirac, alors Premier Ministre, et la loi Devaquet, qui vise à reformer les conditions d’accès à l’université. C’est aussi l’année où notre reporter Black Samba tend son micro à Hugh Masekela ou Touré Kounda, ambiance les chauffeurs de taxi et colle des autocollants dans toutes les stations de métro, tandis que Bintou Simporé et l’équipe d’Actuel explorent les communautés d’un Paris mondialisé, dans les quartiers chinois ou espagnols.
En parlant d’Espagne, la voix qui ouvre l’épisode, tirée de l’émission Actuel Sons spéciale Colombie, c’est celle de Luis Gonzalez-Matta, un espion de Franco qui – incroyable, mais vrai – fut l’éphémère directeur de Radio Nova, nommé par Bizot en personne. Est-ce une légende de notre bureau ?
Réalisation, mixage : Benoît Thuault.