Le 24 avril 1988, Jean-Marie Le Pen obtient 14,38 % des voix au premier tour de l’élection présidentielle. Dès le mois de février, l’œil de verre de l’extrême-droite a annoncé que son parti occuperait la rue le 1er mai (plutôt que le 8, d’ordinaire dévoué à son carnaval de fafs à la mémoire de Jeanne d’Arc). Charles Pasqua, alors ministre de l'Intérieur, évoque certaines « valeurs communes » entre le Front National et une partie de la droite majoritaire. À la téloche (ouais, dans les années 80, on dit encore « téloche »), François Mitterrand, qui s’apprête à affronter son Premier Ministre Jacques Chirac au second tour, rappelle que depuis le début des années 60, la France a, je cite, « fait venir les immigrés en masse par besoin de main-d'œuvre et pour contenir les salaires des travailleurs français. On les a embauchés, même clandestins, parce qu'ils étaient commodes. »
Et le président socialiste ajoute, histoire de rassurer l’électorat droitard : « Nombre de mes amis auraient voulu que je tienne un langage plus conciliant sur les immigrés clandestins. Mais je pense que, s'ils doivent être traités humainement, les clandestins doivent rentrer chez eux. Pierre Mauroy, lorsqu'il était Premier ministre, a fait adopter une loi facilitant le retour et l'insertion dans leur pays d'origine des immigrés en situation régulière. Quoi qu'il en soit, lorsque l'expulsion devient nécessaire, il me semble que c'est à la justice de se prononcer puisqu'il s'agit de protection du droit des personnes. Quant aux autres, qui se trouvent légalement en France et veulent y rester, il est normal qu'ils soient, ainsi que leurs enfants, intégrés à la vie du quartier, de l'école, etc. »
Dans ce climat délétère, Nova préfère fêter son « 1er mai des immigrés » en tendant son micro à Yannick Noah (Radio Noah !), s’improvise premier sur le raï avec Khaled, et le single inaugural de Princesse Erika, Trop de bla-bla, complainte ragga contre les violences conjugales, tourne en rotation lourde. La même année, John Carpenter nous prête ses lunettes pour identifier les zombies gouvernementaux qui veulent nous endormir et nous faire obéir dans son film Invasion Los Angeles, tandis que Public Enemy te rapp/elle de ne pas croire à la hype. La jeunesse plonge dans les abysses du Grand Bleu de Besson, qui provoque beaucoup moins de remous que La Dernière Tentation du Christ de Scorsese. Chez Almodovar les femmes sont au bord de la crise de nerfs, Akira pique une colère nucléaire dans Tokyo en ruines, Roger Rabbit se demande qui veut lui faire la peau… alors que le prix Femina est attribué à Alexandre Jardin pour son deuxième roman très sentimental, intitulé Le Zèbre. Assez de haine : le seul RN qui compte, c’est Radio Nova.
Réalisation, mixage : Benoît Thuault.