Voilà un épisode aussi doux que puissant pour clôturer la première saison de La petite voix ! J'ai eu la chance de rencontrer Myriam Beaugendre, une psychothérapeute devenue chamane. Elle nous raconte comment son parcours l’a amené d’un hôpital parisien où elle gérait les mères et leurs enfants en détresse jusqu’aux confins du Pérou. Là où elle a hérité d’une terre, le jardin de Lola, où elle propose des stages à base de rituels traditionnels et de diète de plantes sacrées.
C’est tout un cheminement qu’elle a du faire elle-même pour concilier son approche thérapeutique classique, avec celle plus ésotérique, et parfois difficile à assumer, de la « médecina » qui soigne autant le corps, la psychée que l’âme.
Un épisode doux et profond. A l’image de Myriam.
Ensemble, nous allons parler de son tout premier métier comme consultante (4’50), de son travail de psy dans un hôpital auprès de mères et d’enfants en détresse (6’20), de sa découverte du chamanisme amazonien (14’10), du parallèle entre les visions lors d’une transe et les expériences de mort imminente (20’), de comment elle a été nommée chamane (28’20), du lien fécond entre psychothérapie et chamanisme (37’20), des stages qu’elle organise aussi en France (42’50).
Notes sur l'épisode:
- Le site de Myriam : www.myriambeaugendre.com
- Son rituel bien-être : se relier à la Lune
- Son conseil lecture : « Siddhartha » de Hermann Hesse
RETRANSCRIPTION DE L’EPISODE AVEC MYRIAM BEAUGENDRE
Comment avais-je envie de clôturer cette première, et pour moi incroyable, saison de La Petite Voix ? Eh bien, en vous emmenant loin, très loin même.
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Fermez les yeux et laissez-vous percer par la douze fois de Myriam Bojendre. De la France au Pérou, de la psychothérapie au chamanisme, elle nous invite à un voyage au plus profond de nous-mêmes. Un voyage pour déconstruire nos croyances, sortir de nos conditionnements, et se voir plus grand, se voir mieux, se voir autrement. Un voyage aussi pour déconstruire nos croyances sur le chamanisme. Cette pratique, devenue à la mode ces dernières années, ne se résume surtout pas à un bon trip à l'ayahuasca. C'est donc un épisode à la fois doux et puissant, sensible et profond que je vous propose. En fait, à l'image de Myriam, cette psychothérapeute devenue chamane qui s'est formée auprès des anciens à cette médicina pour nous soigner dans toutes nos dimensions, notre corps, notre psyché et notre âme.
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Avec Myriam, nous allons parler de son premier métier auprès des mères et des enfants en souffrance, d'une maladie incurable qui l'a amenée à explorer des traitements alternatifs, du jardin de Lola, ce jardin au Pérou dont elle a hérité, et de la manière dont elle perpétue les traditions chamaniques aussi en France. Un dernier mot avant de laisser place à ce bel échange. Merci pour ces derniers mois passés ensemble, vous et moi, chacun d'un côté du casque. Merci pour ces liens précieux tissés sur Instagram et sur Facebook. Passez un très bel été et une tout aussi belle rentrée. Moi, je vous donne rendez-vous en octobre pour une saison 2 qui s'annonce déjà incroyable. Bonjour Myriam et bienvenue dans la petite voix. Bonjour Hervéline.
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Alors, avant de commencer et de nous laisser nous embarquer avec vous pour le Pérou, est-ce que vous pouvez vous présenter en quelques mots, s'il vous plaît ? Alors, je m'appelle Myriam Beaugendre et je suis psychologue clinicienne de formation. Et depuis une vingtaine d'années, je m'initie au chamanisme et plus particulièrement au chamanisme amazonien depuis une dizaine d'années. Très bien. Alors là, déjà en quelques mots, vous nous promettez un sacré programme pour cet entretien. On va parler donc de psychothérapie, de chamanisme. Mais avant d'évoquer le chamanisme, moi, j'aimerais comprendre comment, dans votre parcours de vie, vous avez, vous êtes dirigé vers ce métier de psychothérapeute, dans un premier temps. Alors, j'ai choisi de m'orienter vers ce métier parce que je pense que d'une certaine manière, ça s'est imposé à moi quand j'étais enfant.
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Déjà, je trouvais que j'avais envie de devenir psychologue, mais on m'avait dit que c'était bouché comme moi. Ok. Et puis, après, j'ai fait un long cheminement personnel. J'ai beaucoup travaillé sur moi et au bout d'un moment, j'ai eu le désir de prendre soin des gens aussi à ma façon. J'étais consultante avant, dans une première vie professionnelle. Ah, mais vous avez une première vie professionnelle ? Oui, en fait, quand j'ai fait des études de philosophie et Sciences Po, et après, j'ai été consultante dans un grand cabinet de conseil à Paris pendant trois ans. Et voilà. Je pense que ça a été important pour moi, pour prendre confiance en moi et puis pour certainement prouver que j'étais capable aussi d'avoir une carrière comme celle-là.
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Mais assez rapidement, je ne trouvais plus suffisamment de sens dans ce travail-là et mettre au service, je sentais que je mettais au service mes qualités d'écoute et puis toute mon intuition, que je mettais ça au service simplement de logique de profit. Et il y a quelque chose qui ne fonctionnait plus pour moi. Je sentais vraiment que j'avais envie d'être dans le sens. D'accord. Donc, à la sortie de vos études, vous êtes devenue consultante, mais au bout de trois ans, déjà, vous avez senti que quelque chose d'autre vous appelait. Oui. Ce passage par le monde du conseil, c'était plus peut-être par loyauté familiale, voilà, pour montrer que j'avais bien fait tout ce qu'il fallait et que voilà, maintenant, il est temps de pouvoir aller tracer ma propre route. Ok.
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Donc là, vous retournez à la fac. Combien d'années d'études avez-vous repris ? Alors, j'ai eu des équivalences. Donc, j'ai trois années à la fac. D'accord. Donc là, vous avez repris ces études. Comment avez-vous démarré ? Je crois que vous avez d'abord démarré à l'hôpital, non ? Alors, oui. J'ai d'abord commencé à travailler dans un hôpital de jour avec des enfants autistes et psychotiques. Et puis après, j'ai donné beaucoup de formations sur les questions de maltraitance, aussi, d'abus sexuels. Et puis, ce qui me tenait beaucoup à cœur pendant toutes mes études de psychologie, j'ai beaucoup travaillé sur ce qu'on appelle l'archaïque, c'est-à-dire vraiment ce qui se passe dans les premiers mois, les premières années de la vie. Et j'avais très, très envie de pouvoir travailler et d'aider les mères avec leurs bébés.
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J'ai participé à la création d'un hôpital à Paris qui s'appelle l'hôpital mère-enfant de l'Est parisien. Ok. Et qui est un hôpital vraiment très chouette où on accueille les mères et les bébés quand il y a des difficultés de lien précoce. Donc ça, ça a été vraiment une clinique passionnante parce que je crois que dans la première année de la vie se posent des bases de la personnalité, de sa capacité à être en lien avec les autres et de la confiance en soi qui sont essentielles. Et là, du coup, par rapport à cette première expérience professionnelle que vous aviez eue, vous étiez complètement alignée ? Oui. Oui. J'ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec ces femmes-là.
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Et ça a été quelque part un déchirement à un moment donné de devoir choisir pour l'Amazonie et puis pour une autre voie où effectivement je sentais que c'était peut-être encore plus ma place. Donc, justement, qu'est-ce qui a fait qu'un jour vous avez évolué vers autre chose ? Est-ce qu'il y a eu des éléments déclencheurs dans votre travail, dans votre vie. Depuis une vingtaine d'années, je me suis intéressée au travail. Je me suis intéressée au chamanisme. Alors, pour embobiner peut-être encore plus en amont et parler de choses un peu plus personnelles, moi, j'ai été élevée dans une famille chrétienne avec une spiritualité qui était présente, mais aussi une spiritualité personnelle qui était là depuis mon enfance et qui était vraiment importante pour moi.
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Quand j'ai fait mes études de philosophie, j'ai eu besoin de prendre du recul par rapport à l'Église. Voilà. Je me sentais en fait un peu trop étriquée dans la façon dont l'Église me proposait de vivre ma spiritualité. Et donc, c'est à ce moment-là que j'ai rencontré des gens qui pratiquaient le chamanisme qui leur avait été enseigné par les Indiens Lakota, qui sont une tribu qui vient de l'Amérique du Nord. Et donc, avec ces gens-là, j'ai pu retrouver un lien à la spiritualité plus simple, j'ai envie de dire, dans le sens où j'ai été initiée à des rituels très simples dans la nature, avec le tambour, avec ce qu'on appelle les hutations. Ce sont des rituels qui sont comme des espèces de saunas naturels dans la nature.
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Et ce sont des rituels qui sont très puissants pour vivre une expérience d'ouverture du cœur et puis de connexion simple aux éléments, à la terre. On était en quelle année, à peu près, quand vous avez eu ces premières expériences ? Alors là, on est en fin des années 90. Donc, très loin du phénomène de mode actuel. Comment, à quel moment sur votre route, vous croisez quelqu'un qui vous parle de chamanisme ? Alors, en fait, on ne m'a pas parlé directement de chamanisme, c'est que j'ai fait un stage homme-femme avec un homme merveilleux qui s'appelle Beni Kassuto et qui, à l'époque, était lui-même initié à ce chamanisme des Anjalakutas, mais n'en parlait pas ouvertement parce qu'il faut se rappeler qu'il y a 20 ans, c'était très tabou tout ça.
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Et dans ce stage, on a fait des rituels. Et j'ai senti que ça m'appelait profondément. Donc, voilà. Donc, du coup, après, c'est avec lui que j'ai commencé ces premières initiations. Puis après, de fil en aiguille, j'ai travaillé avec d'autres personnes. Et donc là, en découvrant le chamanisme et puis en vous y initiant de plus en plus, vous trouvez des réponses à ce besoin de spiritualité ? Oui. C'est-à-dire que je pense que j'expérimente ce dont j'ai besoin, c'est-à-dire une spiritualité qui est simple. Qui est peut-être, j'ai envie de dire, plus mystique, qui est l'expérience mystique en fait dans la nature d'ouverture du cœur, de contact avec les éléments, de contact avec la terre, avec les arbres. Et il y a un autre aspect aussi qui est vraiment important, c'est cette question de la transe qui est vraiment le dénominateur commun de toutes les traditions chamaniques.
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Souvent, c'est un mot qui peut faire un petit peu peur, la transe, on se dit oh là là, on a tout de suite des images de possession, alors que la transe, c'est quelque chose que tout le monde vit en fait. Au cours d'une journée, on a des moments où notre conscience, elle est plus concentrée, plus vigile, et puis des moments où on est en état de conscience modifiée. C'est un état où on relâche notre mental en fait, et puis on se laisse plus traverser par des sensations physiques, par des émotions, même en conduisant, en écoutant de la musique. Voilà, notre mental desserre un peu l'étau de ces contraintes, et puis on est dans un état un peu plus relâché. Voilà, c'est plus sensoriel.
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On est plus dans le ressenti, voilà, on est dans quelque chose de ressenti et de moins intellectualisé. Et donc, comment étiez-vous le jour où vous êtes ressorti de votre première expérience de transe ? Comme je disais tout à l'heure, en fait, c'est des expériences qui sont simples, et c'est pas des expériences, enfin je sais pas, par exemple, c'est comme si vous alliez faire une fête, vous êtes invité à une fête et vous allez danser à partir de la nuit, bah le lendemain vous aurez, vous serez radieuse. Voilà. C'est la même chose, en fait. Après, c'est vrai que toutes ces expériences-là, elles sont restées très taboues, très longtemps taboues. Vous n'osiez pas évoquer ce sujet-là ? Pour vous, il n'avait pas du tout sa place dans votre métier, par exemple ?
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Non, parce que j'avais peur d'être jugée. J'avais peur d'être jugée. Je crois que c'était trop précieux pour moi pour que je puisse le donner, donc j'en parlais avec les gens qui étaient proches de moi, les personnes aussi qui étaient proches de moi, qui partageaient ces expériences-là avec moi, ou des gens que je sentais ouverts à ça. Mais la plupart du temps, je n'en parlais pas et dans mon activité professionnelle, non. Mais est-ce que vous sentiez déjà à l'époque que peut-être ce que vous viviez pendant ces stages de chamanisme vous apportait quelque chose dans votre métier ? Non, je pense que c'était très clivé en moi. Au début, je ne suis pas sûre, je crois que j'étais très concentrée pour apprendre, je pense qu'on a tellement à apprendre quand on devient psychothérapeute, quand on devient psychothérapeute.
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Donc en fait, le chamanisme restait quelque chose à part, plus pour vous, vraiment à titre personnel, mais vous n'y voyez aucun raccord avec votre métier de l'époque, donc là, vous êtes toujours à l'hôpital. Entre temps, vous aviez aussi ouvert votre cabinet à côté où vous receviez du coup votre patientèle en entretien privé ? Oui. Et à quel moment se fait la bascule ? Parce que tout à l'heure, vous nous expliquez qu'en fait, le chamanisme vous a appelé trop fort et ça vous a un peu arraché à ce, à cet environnement dans lequel vous étiez bien. Alors en fait, ce qui s'est passé, c'est qu'à un moment donné, je travaillais à l'hôpital et en même temps, j'étais déjà au Pérou.
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Donc là, on saute beaucoup d'étapes d'un coup, mais j'étais déjà au Pérou, j'avais déjà en fait un lieu de soins au Pérou et en fait, je suis tombée malade parce que je travaillais trop en fait. Et au bout d'un moment, mon corps, il a dit stop, il faut que je m'arrisse. Il vous a envoyé un message très net. On va reprendre par étapes du coup. Parce qu'effectivement, là, il y a beaucoup d'étapes. Il y a plusieurs infos à la fois. Donc là, on est passé des chamanes d'Amérique du Nord à ceux du Pérou. À quel moment s'est faite cette rencontre-là avec le Pérou et ses chamanes ? Alors en fait, quand je vivais toutes ces initiations avec cette tradition des indiens Lakota, j'avais entendu parler du chamanisme amazonien.
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Pendant une conférence, une femme qui s'appelle Guylaine Bourgogne nous avait raconté son expérience dans la jungle. Et j'avais trouvé ça fascinant. Et en même temps, je me suis dit, oh là là, ça a l'air merveilleux, mais ce n'est pas pour moi. Parce que un, il faut s'isoler dans la jungle et ça me fait peur. Deux, il faut vomir. Et trois, c'est une drogue. Donc, du coup, je me suis dit, c'est très bien, mais ce n'est pas pour moi. Je trouvais que la transe qu'on obtiendra grâce à la danse, grâce aux jeunes, je ne sais pas, il y avait quelque chose pour moi qui me convenait plus, que je trouvais plus ajusté. Voilà. J'avais mis à l'écart cette expérience et puis, en fait, j'ai eu des problèmes de santé assez lourds.
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Quand on rentrait dans les détails, j'étais hospitalisée à un moment donné et on m'a découvert une arrhythmie cardiaque pour laquelle les médecins me proposaient un traitement assez lourd. Et à l'époque, j'avais 33 ans et je n'avais pas du tout envie de passer ma vie sous traitement. Donc, j'ai dit aux médecins que je n'avais pas tellement envie de prendre ça et ils m'ont dit OK, mais il faut que vous vous dépêchiez de chercher autre chose. Parce que votre cœur se fatigue, en fait, à ne pas battre régulièrement. Et donc, j'ai cherché un petit peu ici, j'ai fait différentes choses parce que souvent on dit que les problèmes du cœur sont liés au stress, donc j'ai fait du travail psychocorporel, de la fasciathérapie, j'ai complété tout le travail psychique que j'avais déjà fait au cours de mon analyse, voilà, par d'autres choses et puis, ben, ça ne résolvait pas mon problème.
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Et donc, je me suis souvenu de cette femme et cette expérience qu'elle nous avait racontée, et puis j'ai lu le témoignage d'un professeur de faculté qui s'était soigné d'un cancer grâce à cette médecine d'Amazonie. Et donc, je me suis dit : ben, si ça soigne un cancer, peut-être que ça pourrait soigner mon cœur. Donc, je me suis décidée à partir ; alors, je n'en menais pas large, hein, j'avais 33 ans. J'allais vous demander : oui, dans quel état d'esprit on est à la veille de son premier voyage chamanique ? Ça doit être quand même particulier. Oui. Donc, il y avait de la peur ; oui, j'avais très, très peur ; oui, oui, j'avais très, très peur. Oui, oui, j'avais très, très peur.
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Alors, en plus, c'était, j'étais partie avec un cousin et je lui avais dit : Je t'emmène, si tu veux, on va partir faire un voyage au Pérou. Donc, on avait prévu de visiter le Pérou et on allait terminer par la jungle, je ne leur avais pas dit tout de suite. Alors, j'avais prévenu avant qu'on parte, mais il m'avait dit : Bon, ben, très bien, moi, je t'accompagne, mais bon, moi, ces choses-là, ça ne m'intéresse pas. Donc, je crois que c'est des médecines qui sont tellement loin de notre culture, hein ? Notre culture où on cherche avant tout le confort, le bien-être, le plaisir, la sécurité. C'est vrai que notre société entière est basée sur ces valeurs-là, donc, de tout d'un coup, se retrouver, voilà, dans la jungle, avec toutes les associations qu'on a avec la jungle, hein, on associe tout de suite à des énormes araignées, des bêtes sauvages.
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Oui. Donc, si on en revient à cette première expérience, donc, là, vous arrivez à avec votre cousin pour ce premier stage, donc, voilà, comme vous dites, vous l'emmenez par l'Argent et comment ça va se dérouler, alors, après, pour vous ? C'était un lieu où, voilà, un chaman péruvien travaillait à accueillir les gens qui le souhaitaient. Et donc, ben, on a commencé par vivre dans la forêt. Alors, on était là juste pour une semaine, donc, ce n'était pas très long. On a participé à une première cérémonie avec lui, et puis, donc, ce qu'on appelle une cérémonie, là-bas, c'est un rituel très particulier qui se déroule. Il se passe la nuit. Donc, on se retrouve tous dans un endroit, une espèce de ce qu'on appelle une maloka, donc, une maison qui est faite de feuilles, et puis, qui est ouverte, quoi, qui est sur la terre battue, et on se retrouve là pour prendre une décoction qui a été préparée par le chaman.
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Donc, là, en l'occurrence, c'était pour prendre ce qu'on appelle l'ayahuasca, qui est une décoction qui est préparée à partir d'une liane, qui est donc la liane ayahuasca, et puis, mélangée à d'autres feuilles qui s'appellent la chakras. Donc, l'ona, jusqu'à obtenir un mélange comme une espèce de mélasse qui a des vertus, donc, hallucinogènes, donc, qui donne des visions, et puis, en même temps, purgative, donc, qui fait vomir. On a pris cette décoction, et puis, voilà, pour moi, ça a été une expérience magnifique de rencontre avec la nature, avec la forêt, j'ai eu des très belles visions, images de fleurs. De la nature, enfin, j'ai vraiment vécu une expérience d'extase, voilà, devant la beauté de la nature, quoi. Oui, comme si, tout d'un coup, vous y étiez connectée plus que jamais.
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C'est-à-dire que cette décoction nous met dans un état de conscience un peu particulier, donc, on est dans l'obscurité, on ne voit pas avec ses yeux physiques, mais par contre, il y a tout un cinéma à l'intérieur de nous qui se déploie, on accède à certains moments, et puis, ce n'est pas forcément pour tout le monde. Mais on peut accéder à des images d'une beauté qui n'est pas descriptible. Si je regarde une fleur, je ne vais pas la voir de manière aussi magnifique que ce que j'ai pu le voir pendant cette première cérémonie. En revanche, vous en avez encore aujourd'hui le souvenir précis. Vous pouvez-vous raccrocher à cette magnifique image-là ? Non, je ne pourrais pas décrire l'image. Je ne pourrais pas. C'est intéressant, cette question. C'est vrai que les images, on ne les garde pas.
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Alors, il y a certains, ce qu'on appelle les peintres visuels. Il y a des visionnaires qui réussissent à peindre leur vision, mais je crois qu'on oublie beaucoup. D'accord. Si vous me permettez un petit parallèle, parce que ça m'a toujours beaucoup frappé, ça. En fait, les gens qui racontent, qui ont des expériences de mort imminente, on sait maintenant que les gens décrivent tous un peu la même chose. Donc, ils traversent un tube noir, et après, ils se retrouvent dans un espace-temps avec différentes étapes. Mais notamment, il y a un moment donné, il y a une étape où ils voient un peu plus de la nature, d'une beauté innommable et qui est beaucoup plus belle que la nature qu'ils peuvent voir ici. Et c'est le cas. Quand on prend cette scène, on a accès.
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Donc, c'est quelque chose qui me fait beaucoup réfléchir, moi. C'est vrai que c'est étonnant, ce parallèle. Quelle conclusion vous en tirez, vous, qu'on puisse voir de telles images, les mêmes images dans ces deux expériences, a priori, différentes ? Alors, je ne sais pas si c'est exactement les mêmes, parce que moi, personnellement, je n'ai pas vécu une expérience de mort imminente. Mais par contre, il y a aussi d'autres éléments, comme par exemple, souvent, les gens racontent, je pense, les gens qui font une expérience de mort imminente, ils racontent qu'ils vont voir leur vie et ils vont voir leur comportement, en fait, aussi du point de vue des autres. C'est-à-dire, ils se rendent compte de la souffrance qu'ils ont pu faire endurer aux autres.
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Quand on prend cette médecine ayahuasca, on a aussi cette capacité psychique à se mettre à toutes les places. C'est-à-dire que tout d'un coup, je vais vous donner un exemple. Un père de famille prend la médecine et puis, tout d'un coup, il se voit dans son bureau, en train de travailler, c'est un chercheur, il voit ses enfants dans la pièce d'à côté, qui sont là et qui sont tristes de ne pas le voir. Il se rend compte à quel point il est coupé, ses enfants. C'est comme si notre conscience, à ce moment-là, n'était plus limitée à simplement notre conscience habituelle, mais qu'on avait une conscience beaucoup plus vaste. Oui. Oui. Oui. Vous, là, pardon, je reviens à cette première expérience, vous vivez du coup quelque chose de magnifique.
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Alors, qu'est-ce qui va se passer dans les jours, dans les mois qui vont passer, cette expérience ? Déjà, est-ce que votre cœur va mieux ? Alors, mon cœur n'a pas été soigné tout de suite. En fait, cette première expérience, elle m'a vraiment, moi, j'ai été très, très touchée, en fait, par cette médecine. C'est incroyable, une médecine qui peut soigner ma psyché, m'ouvrir spirituellement, me faire comprendre. J'ai été vraiment touchée, quoi, par cette médecine. Et je me suis dit, bon, là, mon cœur n'est pas soigné, mais je vais revenir. Donc, je suis revenue plus longtemps pour une diète plus longue. J'ai passé un mois et demi dans la forêt. À la première cérémonie, on m'a demandé de jeûner complètement, alors que normalement, on garde une alimentation pendant tout ce temps de la diète.
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Oui. Juste pour dire deux mots de ce cadre de la diète. Oui, oui, oui. C'est important d'expliquer la diète et les plans. Oui. Le cadre de la diète, ça veut dire être en pleine nature, s'isoler, être seule dans une petite maison en bois, ne pas avoir de sollicitations du tout, manger de manière très frugale. On ne mange pas de sucre, pas de sel, pas de produits animaux. Et puis, quotidiennement, on va boire des décoctions de plantes. Donc, le chaman avec qui on travaille va nous inviter à diéter une plante ou une autre ou un arbre. En fonction de notre besoin de soins sur le plan psychique ou physique. C'est quand même ultra personnalisé cette diète-là. Ce n'est pas la même diète et les mêmes décoctions pour tous les participants ? Oui.
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Ce que disent aussi les chamanes, c'est que c'est des écoles. Donc, en général, on commence par diéter telle plante, tel arbre. Voilà. Il y a comme des étapes. Je ne sais pas comme quand on apprend à écrire ou à lire. Voilà. Il y a des étapes par lesquelles on parle. Donc, on va être invité à diéter une plante et après une autre. Et l’ayahuasca, on va dire que c'est des rituels de trance qui vont permettre de venir d’abord nettoyer le corps et la psyché de toxines, en fait, de toxines physiques ou de toxines mentales grâce à cette purge. D’ailleurs, dans votre livre « Prendre soin de l’âme », qui est un très beau livre, vous comparez un peu cet état de trance à une centrifugeuse.
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Et je trouve l'image très parlante pour un peu expulser ce dont on n’a plus besoin sur le plan physique ou psychique. Nous, les Occidentaux, quand on pense à l’ayahuasca, on dirait génial, les visions, un petit peu comme ce que je vous racontais tout à l'heure, voir la beauté. Et en fait, ce n'est pas du tout, du tout, du tout l'essentiel. Ce qui est le plus important, c'est cette purge parce qu'elle nous nettoie de tout ce qui nous encombre. Et pour donner un exemple, quelqu'un qui est beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup dans des ruminations. Elle peut, par exemple, pendant une session d'ayahuasca, être comme dans une espèce de labyrinthe où elle va passer une situation. Elle va être sur le pont et puis elle va trouver une maison.
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Elle cherche quelqu'un et il n'y a personne. Elle passe par la forêt. Elle retourne à la maison. Elle cherche quelqu'un. Elle repasse par la forêt. Vous voyez quelque chose de circulant comme ça. Et tout d'un coup, en fait, quand la personne voit cette façon qui est comme une espèce de métaphore de son système. Une psychique interne, elle va avoir comme le tournis de son fonctionnement. Et là, tout d'un coup, quand elle prend conscience que c'est tellement fatigant de fonctionner comme ça psychiquement, elle va se mettre à vomir et elle va vomir son fonctionnement. Donc, c'est quelque part une chance extraordinaire de pouvoir se débarrasser. Combien de fois on se dit dans la vie, mais j'en peux plus d'être comme ça. J'en peux plus de ce fonctionnement. J'en peux plus de cette souffrance-là.
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Et là, en fait, on peut vraiment vivre l'expérience. L'expérience de dire OK, mais je ne veux plus de toi, quoi. Il y a quelque chose qui passe dans le corps, quoi. Alors ça, c'est un des points qui est passionnant sur le chamanisme que j'ai découvert dans votre livre. C'est que vraiment, ça parle à toutes nos dimensions. Ça parle à notre corps. Ça parle également à notre mental. Et puis, plus grand, ça parle à notre âme. Oui, c'est ça. Pour moi, en tant que psychologue, ce qui a été vraiment révolutionnaire. Ce à quoi nous ouvre et nous autorise, quelque part, ces techniques chamaniques, c'est à regarder l'individu comme une globalité. Et que le soin va toucher, en fait, tous les endroits de l'être. Il va toucher le corps, il va toucher la psyché.
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Et il va toucher aussi la dimension spirituelle. L'objectif, il n'est jamais de convertir qui que ce soit à quoi que ce soit. Mais, en tout cas, ces rituels chamaniques ouvrent l'opportunité de vivre une expérience. De vivre une expérience spirituelle, de vivre une expérience mystique avec la nature. Après, il y a des gens qui vont vivre une rencontre spirituelle avec Bouddha. Il y en a qui vont voir le club. Il y en a qui vont voir les arbres. Il y en a qui vont juste se sentir vivants. Et ce qui est important, c'est que soi-même, on vit une spiritualité vivante. Et je pense que c'est ça que je cherchais. Donc, c'est là où on voit aussi comment, dans votre propre parcours, le chamanisme et la psychothérapie. On peut se rejoindre.
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En revanche, ce qu'on n'a pas encore expliqué, c'est à quel moment vous êtes devenue vous-même chamane ? Alors, ça s'est fait petit à petit. Alors, je trouve que c'est toujours complexe, ces notions de chamane qui appartiennent à une autre culture que la nôtre. Mais ce que j'ai envie de dire, c'est que pour moi, quelqu'un qui est chamane, je ne sais pas si on devient chamane. C'est des choses qu'on a déjà à l'intérieur de soi. Moi, ce que je ressens, c'est que je pense que depuis que je suis petite, j'avais une sensibilité, d'ailleurs pas toujours facile à vivre parce que c'est une sensibilité très grande et donc parfois douloureuse. Et en fait, le chamanisme m'a permis de structurer. Par exemple, j'ai toujours eu des visions, mais le chamanisme m'a permis d'apprendre des techniques de trance et peut-être de maîtriser davantage.
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Toutes ces capacités-là. Et comme je dis toujours, on ne se nomme jamais soi-même chamane. C'est la communauté qui reconnaît un chaman. Donc, voilà, c'est les chamanes que j'ai côtoyés qui m'ont nommé ainsi. C'est les gens que j'ai commencé à soigner qui m'ont nommé ainsi. Justement, donc, vous en parlez bien dans le livre en expliquant qu'être chamane, ce n'est surtout pas être magicien. On n'a pas des pouvoirs magiques comme ça qui vont aider les uns ou les autres. Mais vous êtes un peu les passeurs d'une tradition, d'un certain savoir. Vous êtes un peu le lien qui nous permet d'accéder à cette partie très mystérieuse des visions, etc. Mais voilà, il n'y a pas de magie. Pour moi, le chamane, il a cette capacité, effectivement, à entrer en trance, à avoir des visions et à pouvoir dialoguer avec la dimension du chamanisme.
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À avoir cette dimension subtile de la réalité. Il n'y a rien de magique. J'ai envie de dire, pour moi, c'est très important qu'il n'y ait rien de magique. Parce que je crois que si moi, je dis aux gens, écoute, c'est moi qui vais te soigner, je prends le pouvoir sur l'autre. Et pour moi, c'est extrêmement important que chacun soit acteur de sa propre guérison, de son propre soin. Donc, moi, je suis là pour accompagner les gens. Et mes visions ou les soins que je peux donner, ils sont là pour accompagner. Vous voyez, tout à l'heure, on parlait de la purge. Dans la purge, vraiment, la personne voit ce qui ne fonctionne pas bien en elle. Et puis, avec son corps, le sort d'elle-même.
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Il y a quelque chose de ce chemin de son propre soin, de la compréhension de sa propre maladie, de se mettre debout aussi, qui est retiré à ce moment-là. En fait, on est pleinement acteur de ça. On ne se remet pas entre les mains d'un chamane en disant, écoute, moi, je te pose là tout ce qui ne va pas. Et fais ce que tu peux avec tes plantes. C'est que tout d'un coup, le travail du chamane, celui des plantes, va nous ouvrir des nouvelles voies pour nous guérir nous-mêmes. Traditionnellement, on va voir le chamane. C'est lui qui nous soigne. Et traditionnellement, d'ailleurs, très souvent, il n'y avait que le chaman qui prenait l'ayahuasca pour avoir les visions. L'ayahuasca l'aidait pour avoir des visions plus précises sur la maladie de son patient, les remèdes à lui donner.
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Donc, c'est pourquoi je préfère, sur ces points-là, parler de ma propre expérience et de la façon dont moi, en tant que femme occidentale, je vois les soins et le chamanisme qui est forcément une interprétation. Donc, justement, dans la manière dont vous le vivez, vous proposez des stages au Pérou, dans la jungle. Ça fait combien de temps que vous organisez ces stages ? Ça fait une dizaine d'années que je propose ce qu'on appelle les diètes en Amazonie. Et donc, vous les organisez dans un endroit qui s'appelle le jardin de Lola. Vous pouvez nous raconter un peu l'histoire de ce jardin et puis surtout nous le décrire ? Alors, le jardin de Lola, c'est un lieu qui m'a été transmis, en fait.
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Parce qu'à un moment donné, des chamanes avec qui je travaillais ont eu la vision, au cours d'une cérémonie, que je devais avoir ce lieu qui a appartenu, en fait, à une guérisseuse qui était décédée quelques années auparavant et qui s'appelait Lola. C'est 16 hectares de forêt, en fait, qui sont pas loin de la ville d'Iquitos. Donc, Iquitos, c'est une toute petite ville au nord du Pérou. Et c'est une ville qui est accessible qu'en bateau ou en avion. Donc, c'est un peu particulier. C'est-à-dire que quand on arrive là-bas, c'est déjà un voyage en bateau. En lui-même, de se retrouver dans cet endroit qui, on a vraiment une sensation de mou du monde, quoi. Voilà. Donc, le jardin de Lola, il est à une heure à peu près de cette ville.
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C'est vraiment un jardin. On a une quinzaine de petites maisons individuelles qui sont des maisons en bois. Et puis, dans chaque petite maison, il y a un hamac. À l'époque où moi je suis arrivée en Amazonie, il n'y avait aucune connexion internet, pas de connexion téléphonique dans la jungle. Malheureusement, aujourd'hui, il y en a. Donc, du coup, on est obligé de demander aux participants de laisser leur téléphone à la ville, à son arbre. Oui, parce que ça fait vraiment complètement partie de l'expérience, l'isolement que vous nous décrivez là dans cette nature pas hostile, mais en tout cas une nature très présente. Oui, oui, tout à fait, tout à fait. Les gens le vivent vraiment comme un bain de nature. Alors, c'est très intéressant le processus qu'il y a pour certains.
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Il y a certaines personnes pour qui c'est très compliqué. Lorsqu'elles arrivent, elles ne se sentent pas du tout bien, en sécurité. C'est très inconfortable pour elles. C'est vraiment très intéressant tout le processus que ça leur fait faire. Je repense à une femme qui avait très peur de croiser un serpent. Alors, bien sûr, évidemment, le premier jour, elle a croisé un serpent, donc elle a été terrorisée. Et en fait, cette femme, elle a pu comprendre petit à petit à quel point elle était sécurisée, à quel point elle avait peur de la mort, elle avait perdu son père très jeune. C'est justement ce rapport à la jungle. En fait, je dis souvent : la jungle, c'est comme un écran de cinéma sur lequel on va pouvoir projeter les choses.
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Donc, les gens qui ont beaucoup de peur en eux, ils vont les projeter. Et c'est justement parce qu'elles apparaissent, ces peurs, qu'on va pouvoir les travailler. Parce que dans nos vies hyper confortables, souvent, elles n'apparaissent pas. Là, je décris les expériences de peur, mais il y a aussi des gens qui, la plupart des gens vivent une expérience vraiment de profond bien-être. Être dans la nature comme ça, ils se sentent vraiment nourris et en harmonie avec la nature. Et donc, justement, quel est le programme d'un stage ? Est-ce que tout est très cadencé, les cérémonies, etc. ? Alors, c'est très organisé. Le chamanisme traditionnel est très ritualisé dans le sens, les rituels sont très encadrés. Voilà, c'est plutôt ça. Parce qu'on travaille avec des choses qui sont très puissantes.
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Et donc, c'est important que, voilà, il y a des heures précises, des moments où on travaille, des moments où le travail est terminé. Mais néanmoins, il y a beaucoup de temps de solitude et qui sont très importants. Parce que dans cette solitude, déjà quand on s'arrête, toutes nos petites radios intérieures, extérieures, qu'on s'arrête notre agitation, qu'on s'arrête de courir dans tous les sens, qu'on se pose et qu'on est juste en contact avec soi-même, déjà c'est extraordinaire tout ce qui va pouvoir émerger de notre être, de qui on est. C'est un point fondamental du processus. Donc, les gens passent beaucoup de temps seuls dans leur maison. Après, il y a tous les jours soit des décorations de plantes qui sont dues, soit il y a aussi un bain de fleurs qui est proposé dans la rivière au début du séjour.
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Et puis, il y a des cérémonies, il y a des cercles de paroles, il y a des entretiens individuels. Donc, il y a des choses qui sont proposées pour accompagner ce processus. Mais les gens partent vraiment pour vivre un voyage intérieur, pour aller à la rencontre d'eux-mêmes. Quand vous dites ça, me vient cette question, mais quelle différence entre un stage chamanique et peut-être le simple fait de suivre une thérapie dans sa ville tout simplement ? Comme on suit une thérapie dans sa ville, l'avantage qu'on a c'est la régularité. C'est-à-dire qu'on sait qu'on va pouvoir voir son thérapeute toutes les semaines et qu'il y a quelque chose qui peut s'inscrire dans le lien, dans la durée, et ça c'est un météâtre qui est fondamental.
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Par contre, si je parle juste du cadre là, quand les gens vivent comme ça pendant deux semaines avec moi dans la nature, il y a quelque chose qui est, j'ai envie de dire, les masques sont baissés très rapidement. En fait, le processus est un peu accéléré. C'est ça. Tout le monde se retrouve, j'ai envie de dire, à la fois une vulnérabilité mais surtout une vérité de qui il est, de ses fonctionnements. Il y a tout un tas de processus. Puis de sentir aussi que pendant deux semaines, on n'a à se préoccuper de rien. S'il y a quelqu'un qui va venir vous apporter à manger deux fois par jour, que vous pouvez passer, si vous êtes fatigué ou si vous êtes émotionnellement bouleversé, vous pouvez passer toute la journée dans votre hamac, personne ne vous demandera rien.
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Ça, ça permet aussi drôlement de relâcher ses défenses et sa pression parce que quand on va voir son thérapeute et qu'on sait que l'heure d'après, il va falloir retourner au bureau, il y a quelque chose qu'on doit tenir et c'est normal. Oui, c'est intéressant parce que là, on commence à deviner tout le tissage qui peut se faire entre l'apport du chamanisme qui va nous emmener dans des trances où on revisite des moments de vie parfois douloureux où on vit des expériences mystiques comme celles que vous décriviez tout à l'heure. Mais tous ces temps de parole, ça, c'est vraiment propre à la thérapie comme on le connaît en Occident. Avec la parole. Oui, moi, je suis persuadée qu'il y a vraiment quelque chose de très fécond dans la rencontre entre la psychothérapie et le chamanisme parce que quand on vit ces expériences fortes qui viennent retoucher des zones de notre être très vulnérables, où on a été profondément blessé, voire traumatisé, c'est important de pouvoir le déposer, de pouvoir le parler, de pouvoir être accueilli.
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Il y a quand même tout ce temps d'élaboration dans un lien de confiance à l'autre. Je crois que cet accompagnement est fondamental, en fait. On voit bien, du coup, là, en vous écoutant, et je pense que c'est important de le préciser, même si on le sait, mais ces stages-là qui sont le chamanisme étant très à la mode, on voit bien que quand-même tout ça doit se vivre dans quelque chose de très encadré, qu'on ne s'amuse pas à prendre de l'ayahuasca parce qu'on se fait un trip comme ça. Il y a des risques qui sont réels. Alors, ça, c'est vraiment important que vous le souligniez. Pour moi, déjà, il y a une règle, la règle de la législation du pays dans lequel on se trouve. Oui, parce que effectivement, on parle d'ayahuasca qui n'est pas autorisé en France.
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Voilà, donc ça, c'est un point qui est important. Le deuxième point, c'est effectivement qu'il y a des risques importants et graves de consommation de ces plantes quand on soit-même on est sous traitement, tous les traitements psychiatriques, anxiolytiques, antidépresseurs, ou si on consomme des drogues par ailleurs, d'utiliser ces médecines traditionnelles avec ces traitements-là, il y a des risques de décès. Donc, c'est important de bien se renseigner avant de bien être encadré sur ces points-là. C'est des précautions importantes. Il y a des risques aussi quand on a des fragilités physiques, par exemple sur le plan cardiaque. Voilà, il faut être bien conscient de ce qu'on fait. Et après, ce que j'ai envie de dire, c'est que l'ayahuasca, ce n'est pas une baguette magique non plus et qu'il faut voir tout ça comme des processus.
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Et c'est parce qu'on est en confiance avec quelqu'un qu'on va pouvoir aussi accepter d'ouvrir les zones blessées de notre être. Je crois vraiment que ce qui est important, c'est d'abord de sentir à l'intérieur de soi ce qui nous appelle. Sur le plan thérapeutique, il y a tellement de voies possibles. Il n'y en a pas une qui est meilleure qu'une autre. Je ne crois pas que la voie de ces médecines chamaniques ou d'autres, ce que je propose aujourd'hui, c'est une voie meilleure qu'une autre, c'est une voie parmi d'autres. Ce qui est important, c'est de se tenir aux choses. C'est-à-dire que ce que je vois beaucoup aujourd'hui, c'est que les gens disent : 'Ah génial, alors la méditation, ça c'est super, je vais faire un peu de méditation, et puis je fais un peu de psychothérapie, alors je vais faire 10 séances de MDR.'
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» Et puis après, le chamanisme, ça a l'air vraiment super, ça c'est fort, je vais essayer ça, je vais faire un week-end ayahuasca, donc je vais prendre 3 fois l'ayahuasca dans le week-end, et on ressort la tête à l'envers. Et en fait, ce qui est terrible, c'est que quand on est dans un cheminement personnel où on passe de l'un à l'autre comme ça, ce n'est pas que ce ne soit pas bien ou immoral ou quoi que ce soit, ce n'est pas du tout de cet ordre-là, c'est juste que, en fait, ça ne permet pas de soigner les gens. Et que du coup, il peut y avoir un vrai désespoir de ces gens qui se disent « Mais je souffre, j'ai tout essayé et rien ne peut me soigner.
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» Moi, ce à quoi j'ai vraiment envie d'inviter les gens, c'est de s'inscrire dans un mode thérapeutique. Et que si on est dans une psychothérapie avec un thérapeute, ça me prend du temps. Ce n'est pas en 3 séances qu'on se soigne, ça met du temps, ça met des mois, ça met des années. Voilà, c'est quelque chose qui me tient particulièrement à cœur, parce que je crois qu'aujourd'hui, il y a un tel marché dans le développement personnel, dans la psychothérapie, il y a tellement de choses, et puis tout est à disposition partout dans le monde. Et le chamanisme n'est pas une voie meilleure qu'une autre, elle n'est pas plus révolutionnaire, elle n'est pas plus extraordinaire, si on se sent attiré par ça, il faut y aller, avec beaucoup de précautions, et puis il faut y rester pendant un petit temps.
00:41:52
Voilà. Encore une fois, on est acteur de ce travail-là. C'est exactement ça. C'est-à-dire que cette notion d'engagement, je sais que, par exemple, moi je l'ai vraiment vis-à-vis des gens que j'accompagne, on n'a pas beaucoup de place, parce que justement, on a un engagement fort vis-à-vis des gens qu'on accompagne, on les accompagne dans le temps, et avec, voilà, une certaine régularité, mais cet engagement, il doit être réciproque pour que ça puisse fonctionner. Ça veut dire que vous avez, par exemple, des personnes qui viennent faire un stage, mais qui en font un deuxième, un troisième, etc. Oui, alors là, on a surtout parlé de l'Amazonie, mais notre travail, c'est plutôt de venir ramener en France, j'ai envie de dire, la connaissance, l'intelligence de ces diètes, pour proposer des cheminement aux gens ici.
00:42:42
S'il y a une diète en Amazonie, souvent elle s'inscrit dans un programme de processus plus global d'accompagnement, ou en France aussi, on mêle des rituels chamaniques légaux ici, et puis cette dimension thérapeutique. Comme vous l'avez très bien souligné dans ce qu'on fait en Amazonie, on fait la même chose en France, en fait. Donc, vous organisez des stages en France ? Oui, on organise des stages en France, des diètes de plantes, et puis on organise des groupes plus continus sur l'année, en fait, où il y a différents temps. Il y a différents temps de rencontres où, à chaque week-end, il y a des thématiques différentes qu'on va explorer avec les participants, et où il y a une dimension à la fois de thérapie de groupe, on va dire, pour dire très vite, et puis une dimension rituelle.
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C'est-à-dire que tout ce qu'on fait, que ce soit en France ou en Amazonie, c'est toujours dans la nature, avec une dimension rituelle, spirituelle. D'accord. Voilà. Et pourquoi avez-vous eu le besoin ? Ou l'envie, un jour, de transmettre ces expériences-là dans un livre qui s'appelle « Prendre soin de l'âme » ? L'histoire de ce livre, c'est que c'est un livre que Moni Elkaïm, qui était mon enseignant à cette époque-là, qui me formait à la thérapie familia systémique, m'a demandé d'écrire. Un jour, il m'a dit « Écoute, il faut que tu écrives », et je l'ai regardé avec des yeux ronds en disant « Je ne comprends pas de quoi tu me parles ». Donc, j'ai mis sept ans à écrire ce livre. Donc, ça a été vraiment un accouchement, je pense, de moi-même.
00:44:17
C'est-à-dire que j'ai commencé à écrire ce livre en disant que j'allais parler d'un point de vue de psychologue, de ses pratiques, jusqu'à pouvoir vraiment assumer ma place et ce nom de chamane qui n'était pas si simple pour moi à accepter. Encore une fois, ce n'était pas facile de m'exposer, en fait, avec tout ça. De moi-même, j'aurais préféré rester dans l'ombre tranquillement, et pas forcément parler publiquement de ça. Mais voilà, ça m'a été demandé et j'ai fait confiance aussi aux gens pour qui j'avais beaucoup d'estime et qui m'ont demandé de parler de ce que j'étais en train de tisser. Et finalement, avec « Le recul », je crois que le livre est sorti il y a maintenant deux ans.
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Qu'est-ce que ça vous a apporté ? Oui, vous l'avez dit très justement en utilisant le terme « clivage », c'est-à-dire que ça m'a permis vraiment de m'unifier. Et je pense qu'aujourd'hui, ça m'aide à être pleinement moi, avec toutes les dimensions de mon être, et puis d'être une femme, une thérapeute complète. Je n'ai plus besoin de cacher des choses, en fait. Je peux exister pleinement avec ce que je suis. Donc, c'était une grande chance. Et puis, ça a été tout un travail aussi d'élaborer, parce que tout ce travail chamanique, ces rituels, ces états de transe, c'est des états où le mental est très peu actif. Et donc, d'écrire ce livre, ça m'a demandé de mettre en mots et de traduire en concept, de faire passer par le mental quelque chose qui ne l'est pas.
00:45:46
Donc, ça a été un gros travail, mais je crois que ça permet aussi de faire des ponts pour des expériences, des traditions qui sont différentes de notre monde, mais qui peuvent venir l'enrichir. Vous vous voyez où dans cinq ans, Myriam ? Alors, dans cinq ans, je me vois dans un centre de soins qu'on est en train de créer en France. On ne sait pas encore exactement dans quelle région ce sera, mais peut-être en Bretagne. Voilà. Donc, on cherche à créer un lieu où on puisse justement continuer à tisser ces traditions ensemble et accueillir les gens de manière plus simple qu'à l'autre bout de la Terre. Donc, je me vois dans cet endroit-là avec d'autres, avec d'autres thérapeutes, avec d'autres soignants. Ok. Ah, joli projet à suivre. Voilà, exactement. C'est vraiment passionnant, Myriam.
00:46:35
Merci. Avant de conclure, j'ai quelques petites questions rituelles pour vous. Ma première question, c'est est-ce que vous avez un rituel bien-être quotidien ? Pas forcément, mais par contre, ce que j'avais envie de vous partager, c'est que moi, je me sens très connectée à la Lune. Voilà. Et ce n'est pas une connexion intellectuelle, mais je suis très, très liée à son cycle. Voilà. Donc, je me réjouis quand je commence à la voir apparaître. Petit à petit, j'ai la nuit et je la ressens vraiment comme une figure maternelle bienveillante. Voilà, c'est quelque chose qui est très vivant pour moi, ce rapport avec la Lune. Ok, c'est joli. Mon autre question, c'est que j'aimerais savoir quel livre vous avez le mieux accompagné dans votre propre cheminement. J'adore lire, mais c'est vrai que sur cette question, je calme un peu.
00:47:29
Alors, ce qui me vient, c'est que j'avais lu Hermann Hesse, Le Siddhartha d'Hermann Hesse, quand j'étais adolescente. Oui. Et je sais qu'à ce moment-là, je n'étais pas encore vraiment dans un cheminement initiatique, mais je me souviens que ce livre m'avait comme ouvert des portes que je ne comprenais pas encore, mais qui m'attiraient. Est-ce que vous pouvez me citer trois mots synonymes de bonheur ? Je dirais plénitude, d'abord. La joie. Et ce qui me venait aussi, c'était pétillant. C'est très joli. Et justement, est-ce que vous Myriam, vous êtes heureuse ? Alors, c'est une bonne question. Je dirais qu'aujourd'hui, j'ai trouvé un équilibre personnel qui me rend profondément heureuse. Voilà, je suis très nourrie par ma vie de famille, par mon travail. J'ai beaucoup de joie et de plaisir à faire tout ce que je fais.
00:48:26
Et voilà, je pense que la vie, elle est pour tout le monde un chemin qui n'est jamais linéaire. Et voilà, je suis comme tout le monde amenée à traverser des moments où je me sens un peu plus fragile, où je suis plus en contact avec des difficultés intérieures. Mais j'essaie aujourd'hui, peut-être avec la maturité, le recul, j'essaie vraiment de prendre ces moments comme des cadeaux. Alors, quand je suis sur le moment, je ne le vis pas, je ne pourrais pas forcément le nommer comme ça. Mais en tout cas, de vivre ces moments-là comme une opportunité de venir me soigner encore davantage, trouver encore plus de paix. C'est une très jolie façon de terminer cet entretien, un joli message pour nous tous. Donc, merci beaucoup Myriam.
00:49:15
Vous nous avez offert les portes du chamanisme par un prisme très accessible. Donc, merci beaucoup pour ce bel entretien. Merci à vous Hervéline de m'avoir invitée sur votre podcast.
Chamanisme amazonie • Ayahuasca • Transe chamanique • chamane • rituel de guérison • spiritualité amazonie
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La petite voix est un podcast du label Lacmé Production.