Dork Zabunyan, Maître de conférences en études cinématographiques. Vu d’Europe, Donald Trump a incarné ce qui peut se faire de pire en politique : un ploutocrate venu du monde des affaires, un incompétent notoire, un populiste, un ennemi de la démocratie et des minorités, qui a fait entrer l’Amérique dans l’ère des fake news et du conspirationnisme au plus haut niveau de l’État. Trump a aussi été perçu comme un maître des réseaux sociaux, dont les mots et les réactions incontrôlées ont alimenté des scandales permanents. Mais ce portrait est très incomplet, car il oublie que Donald Trump est d’abord un homme d’images. Et c’est par les images qu’il est connu aux États-Unis, avant même d’être élu président. Trump a une présence médiatique ininterrompue depuis près de 20 ans, et a eu sa propre émission de télé-réalité – The Apprentice – pendant des années, dans laquelle il jouait son propre rôle, faisait triompher sa violence managériale, ponctuant les éliminations de candidats d’un légendaire « Vous êtes viré ! ». La victoire électorale de Trump ne peut donc se comprendre que dans la circulation des images qui l’ont permise. Il n’est pas tout à fait le premier à avoir subverti la télévision, et on pourra penser à un Berlusconi en Italie. A Ronald Reagan aussi, dans une moindre mesure. Des hommes dont l’entrée en politique semble se faire par un glissement de la familiarité médiatique vers le pouvoir. Des hommes surtout qui, véritablement, inventent de nouvelles formes audiovisuelles, auxquelles il faut être attentif. Car ce sont de nouvelles images du pouvoir. Celles qui mêlent politique et divertissement, celles qui le transforment en une marque, et celles qui lui confèrent une ubiquité interventionniste permanente. Celles au fond qui transforment le réel en fiction. Si l’on veut comprendre comment la démocratie peut céder sous le poids politiques de certaines images, en apparence anodines, il faut étudier les images de Trump qui ont circulé avant, pendant et après sa présidence. C’est ce que nous allons voir avec mon invité, Dork Zabunyan.