Description

Cléments Desrumeaux, Maître de conférence en science politique à l’université Lyon 2
Gwenaëlle Mainsant, chargée de recherche en sociologie à l’IRISSO

En l’espace de 50 ans, le monde universitaire français a profondément changé. On comptait 580 000 étudiants en 1968, ils sont désormais plus d’1 million 600 mille, répartis dans 74 universités. L’accès aux études supérieures s’est largement démocratisé, et on compte 40% d’étudiants boursiers. Faire le portrait-robot de toute cette jeunesse estudiantine serait impossible, mais plusieurs enquêtes récentes se sont intéressées au profil politique des étudiants en droit et en science politique, dans des facultés, des Instituts d’Études Politiques et à Sciences Po Paris. Elles permettent d’approcher au plus près des préférences politiques des étudiants et étudiantes, de leurs engagements, de leur sensibilité écologique et de la façon dont ils s’articulent au monde social. Sachant qu’il s’agit d’enquêtés un peu atypiques, car plus politisés et informés que la moyenne des étudiants. A grands traits, cet écosystème n’est pas très éloigné de ce qu’on observe dans le reste de la société : les idées de la gauche radicale, ou disons « insoumise », reçoivent un écho très favorable, comme les idées écologistes, et la gauche socialiste comme la droite traditionnelle sont anémiées. La perception de l’activité politique reste cependant largement écornée, et un sentiment de défiance à l’égard des élites et de leur oubli de l’intérêt général est très visible. La crise de la représentation se mesure donc aussi dans cet espace. Mais quelques nouveautés s’observent aussi : une éco-anxiété vivace, et, dans le contexte de la guerre russe contre l’Ukraine, un réveil de sentiments patriotiques, voire la possibilité de se battre pour son pays, pas seulement à l’extrême droite. La violence est en revanche réprouvée dans l’action protestataire. Cette génération d’étudiants est aussi celle qui se préoccupe le plus de questions identitaires et de demandes d’émancipation et de reconnaissance individuelles, dans une société débarrassée du patriarcat, plus progressive et plus égalitaire. C’est donc une génération qui invente quelque chose comme une « citoyenneté critique »...