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CONFINEMENT QUASI GENERAL, 

DEPISTAGE QUASI EXCEPTIONNEL

 

 

En Europe, les autorités ont opté pour des stratégies différentes face à la propagation du coronavirus sur leur territoire, tout en surveillant ce qui se pratique chez le voisin. La Commission européenne a lancé, le 18 mars, un appel d'offres pour le compte de dix-huit États membres afin, notamment, d'acheter en commun des kits de tests. Toutefois, les industriels ont jusqu'à fin mars pour répondre à cet appel et Bruxelles ne décidera que début mai des candidatures retenues.

Certains pays ont choisi une politique de confinement qui prend appui sur la diminution des interactions sociales, et donc de la transmission. D’autres ont opté pour une stratégie d’immunité collective qui repose sur l’idée que plus les personnes sont infectées par une maladie, plus elles développent des anticorps contre ce virus, et moins l’épidémie se propage dans la population. La France, la Chine ou l’Italie ont choisi la distanciation sociale. Les Pays-Bas ont fait le choix de l’immunité collective. La Grande Bretagne, après avoir prôné cette solution, a finalement opté pour le confinement. 

Le choix du confinement pose la question de son acceptation par la population et celui de sa durée. Il suppose une stratégie définie par l’OMS comme « agressive et ciblée ». L’OMS préconise un dépistage massif, qui permettrait de tester chaque cas suspect, d’isoler chaque cas confirmé et de retrouver puis de placer en quarantaine chacune des personnes avec qui ils ont été en contact proche.

 

Regardée comme un modèle, la Corée du Sud a pratiqué un grand nombre de tests et s’est servie de la technologie pour localiser les personnes contaminées (même celles avec peu de symptômes). En Europe, l’Espagne, deuxième foyer de contamination en Europe après l'Italie, ne réalise plus le dépistage que sur les malades présentant des symptômes graves, faute de kits disponibles. LaScandinavie réserve le dépistage aux patients acceptés à l'hôpital avec des troubles respiratoires. L’Allemagne a porté à 500.00 le nombre de dépistage hebdomadaire.

 

En France, face au nombre croissant de cas, les dirigeants s'interrogent sur la possibilité de suivre le modèle allemand de dépistage massif. Mais si le pays dispose d’assez de laboratoires, équipés, il manque de réactifs et d’écouvillons ans matériels fabriqués en Chine et aux États-Unis et pour lesquels la demande excède l’offre.


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LE VIRUS, LA LOI, LA SOCIÉTÉ

 

Publiée au JO du 24 mars, la loi d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie de Covid-19 organise le report du second tour des élections municipales, donne un cadre à la notion d’état d’urgence sanitaire, débloque des moyens pour prévenir les faillites, donne aux entreprises la possibilité de déroger au Code du travail, restreint les libertés de déplacement, de réunion (et d’exercice des cultes) et la liberté d’entreprendre. 

 

. « Ce sera un test pour notre démocratie. Nous devons montrer que nous pouvons protéger le peuple des pandémies sans rien renier de nos principes », avait déclaré dimanche dernier au JDD Emmanuel Macron qui, mercredi à Mulhouse, a appelé à « se mobiliser dans l’unité » face aux « facteurs de division ». Patrice Spinosi, avocat à la Cour de Cassation et au Conseil d'État, explique dans un entretien à « l'Obs » : « Les mesures administratives prises (…)par le gouvernement s'appuient notamment sur le Code de la Santé publique, qui habilite le ministre de la Santé à prendre toute mesure proportionnée et appropriée pour répondre à une menace sanitaire grave telle qu'une épidémie »donnant raison à Montesquieu pour qui « Il y a des cas où il faut mettre, pour un moment, un voile sur la liberté comme on cache les statues des dieux. »

« Proportionnée » et « appropriée » constituent matière à débat, tout comme la longueur et l’épaisseur du voile. Certains maires vont plus loin en instaurant le couvre-feu dans leur commune. Certains médecins en appellent au Conseil d’État pour imposer un confinement plus strict – voire absolu - à l’ensemble du pays. Des parlementaires d’opposition réclament une commission d’enquête ; ils ont obtenu une mission d’information. Un collectif de 600 médecins soutenu par 240.000 pétitionnaires a saisi la Cour de la République d’une plainte pour mensonge d’État contre Édouard Philippe et Agnès Buzyn. Le Canard enchaîné révèle que les déplacements de certaines personnes ont étéretracés grâce au relevé des positions de leur portable. Le PDG d’Orange assure que ces données ont été anonymisées. 

 

Depuis le maintien du 1er tour des élections municipales, le caractère contradictoire, voire incohérent de plusieurs préconisations gouvernementales ne facilite pas l’adhésion de la population. On s’étonne que le ministre de l’agriculture souhaite, dans un contexte où il n’y a pas de dépistage, que l’on s’affranchisse de l’obligation du confinement pour aller aider les agriculteurs et que la porte-parole du gouvernement ne sache pas que les professeurs travaillent à distance et ne sont donc pas disponibles pour les travaux des champs. On comprend mal quelle sorte de tour de France sera celui sans public le long des routes que préconise la ministre des sports. Enfin, les réseaux sociaux se remplissent d’exemple d’un mode très courtelinesque de vérification des attestations de déplacement dérogatoire par les forces de l’ordre. 



Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr