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Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 31 janvier 2025.
Avec cette semaine :
- Nicolas Baverez, essayiste et avocat.
- Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.
- Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit.
- Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung.
ÉLECTIONS ALLEMANDES
À quelques semaines des élections législatives allemandes, le 23 février, le dernier baromètre de la chaîne de télévision ARD, indique que 37 % des Allemands considèrent l'immigration ou l'asile comme l'un des deux problèmes politiques auxquels les politiques doivent s'attaquer en priorité, juste devant l'économie (34 %) et très loin devant la guerre et la paix (14 %), l'environnement et le climat (13 %) et l'injustice sociale (11 %).
La succession des attaques au couteau de la part d’étrangers est de nature à populariser le discours antimigrants du parti d’extrême-droite, Alternative pour l'Allemagne (AfD). Partisan de l'avènement d'une politique européenne plus résolue à Berlin, la tête de liste chrétienne-démocrate (CDU) Friedrich Merz, a fait sauter mercredi, le « cordon sanitaire » avec l’extrême droite en proposant un texte plaidant pour un durcissement de la législation en matière d’immigration, qui a obtenu une courte majorité au Bundestag grâce aux voix de l’AfD. Un vote dénoncé par l’ancienne chancelière CDU Angela Merkel. Sur le volet économique, conformément aux prévisions des experts, le produit intérieur brut allemand s’est contracté de 0,2 % en 2024, marquant une deuxième année de récession, après une baisse de l’activité économique de 0,3 % en 2023. Les indicateurs de janvier sont si faibles qu’une troisième année de récession n’est pas exclue. Eclipsée par l’immigration et l’économie, le sujet de la guerre en Ukraine a refait surface à l’approche du scrutin, rappelant la profondeur des clivages qu’il suscite, y compris au sein du gouvernement. Une querelle persistante oppose le chancelier social-démocrate Olaf Scholz (SPD) à ses ministres de la défense, Boris Pistorius, et des affaires étrangères, AnnalenaBaerbock (Verts), au sujet d’une rallonge budgétaire de 3 milliards d’euros destinée à l’Ukraine. Réclamée par les deux ministres, cette enveloppe est bloquée par la chancellerie. Le pays est lui-même divisé sur le sujet : les enquêtes d’opinion montrent qu’une majorité d’Allemands soutient l’aide à l’Ukraine, mais pas la livraison de missiles de croisières Taurus, qui permettrait à Kyiv de frapper le territoire russe en profondeur, et à laquelle Olaf Scholz s’est jusqu’ici toujours opposé.
Dans les sondages, l’AfD pointe en deuxième position, gagnant du terrain selon une étude parue le 11 janvier qui crédite la formation de 22 % des suffrages, derrière les conservateurs du camp CDU/CSU autour de 30 % mais devant les sociaux-démocrates du chancelier Olaf Scholz autour de 16 %. La formation à la rhétorique anti-migrants et qui prône un rapprochement avec la Russie a reçu le soutien appuyé d'Elon Musk, allié et appui financier de Donald Trump avec lequel Alice Weidel, investie par l’AfD pour conquérir la chancellerie allemande, a dialogué plus d'une heure lors d'un échange public le 9 janvier sur le réseau social X du milliardaire.
SOMMET DE L’IA : RÊVES EUROPÉENS, MONOPOLE AMÉRICAIN
Après les sommets de Bletchley Park (au Royaume-Uni) en novembre 2023 et de Séoul au printemps dernier, le sommet de Paris sur l'intelligence artificielle réunira les 10 et 11 février le « Sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle », un événement de portée mondiale réunissant chefs d'État et de gouvernement, dirigeants d'entreprise, universitaires, chercheurs, organisations non gouvernementales, artistes et autres membres de la société civile. L'événement a pour ambition de mettre la France et l'Europe sur la carte mondiale de l'IA, mais aussi de rendre compréhensibles pour le grand public les enjeux liés à cette technologie. Les discussions s'orienteront autour de trois objectifs prioritaires, : le développement d'une IA plus durable - cette technologie étant particulièrement énergivore - plus ouverte et au service de l'intérêt général, et la mise en place d'une gouvernance mondiale plus inclusive. Alors que les précédents sommets se concentraient surtout sur les risques, celui de Paris mettra en avant les opportunités qu'offre cette technologie.
Deux régulations très différentes s'opposent : alors que les Européens veulent réguler a priori l'IA, les Américains ont opté pour de grands principes certes ambitieux mais non contraignants. La présence d'Elon Musk dans la nouvelle administration américaine, alors que le milliardaire vient de lever 6 milliards de dollars pour son entreprise d'IA, « xIA », risque d'accélérer ce découplage entre les Etats-Unis et l'UE. Dans la lignée du rapport Draghi sur la compétitivité de l'Europe, le Sommet de Paris doit surtout renforcer la place de l'innovation dans l'approche européenne de l'IA, approche que soutient Paris au sein des 28. Il s'agit de limiter drastiquement une approche qui serait principalement centrée sur les risques, encadrant les entreprises innovantes, et qui ne permettrait pas au continent européen de prendre le tournant de cette nouvelle révolution technologique.
L’IA est devenue un véritable enjeu de souveraineté pour les États. Donald Trump a annoncé mardi le projet « Stargate », comprenant des investissements « d’au moins 500 milliards de dollars » pour construire des centres d’hébergement et de traitement des données, les fameux « datacenters », indispensables pour faire fonctionner les intelligences artificielles. Selon Bloomberg, les grandes entreprises de la tech américaine vont dépenser 274 milliards de dollars en investissements en capital dans l'IA en 2025. C'est presque deux fois plus qu'en 2023. Avec ses 20 Mds d’euros d’investissement par an, dont 4 Mds en France, l’Europe reste largement distancée par les États-Unis.
Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr