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Le sommet de Berlin qui a réuni le 19 janvier des délégations de onze Etats et de quatre organisations internationales (Nations unies, Union européenne, Ligue arabe et Union africaine) concernées par voire engagées dans le chaos libyen, a marqué l’affirmation de l’Allemagne en tant que puissance diplomatique. Le sommet s’est conclu par l’adoption d’une déclaration commune appelant notamment à un « cessez-le-feu » permanent en Libye, à « s’abstenir de toute ingérence dans le conflit armé », à respecter l’embargo en vigueur sur les livraisons d’armes, à répartir équitablement les revenus pétrolierset à relancer le « processus politique » brisé par l’attaque de Tripoli, en avril 2019, par le maréchal dissident Khalifa Haftar.

Un « comité militaire mixte » - composé de cinq membres nommés par le Gouvernement d’accord national de Farez Sarraj et de cinq autres désignés par Haftar est appelé à se mettre en place. Cette entité devra fixer les modalités pratiques de l’hypothétique cessez-le-feu, et notamment le mécanisme de surveillance. Le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guteres a annoncé que ce comité devrait se réunir prochainement à Genève.

Les combats opposent depuis neuf mois le Gouvernement d’accord national de Farez Sarraj à l’Armée nationale libyenne du maréchal Haftar. Sarraj, reconnu internationalement, qui contrôle la capitale Tripoli et l’ouest du pays (la Tripolitaine). Fin décembre, le président turc Erdogan a annoncé une intervention militaire de la Turquie en Libye pour soutenir le gouvernement Sarraj. De son côté, Haftar bénéficie du soutien de la Russie qui lui fournit armes et mercenaires, ainsi que de l’appui de l’Egypte, de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis. Il règne sur l’est du pays (Benghazi et la Cyrénaïque), et en particulier sur les ports pétroliers.

L’Europe, proche des côtes libyennes, est la première concernée par le chaos d’un pays où combattent désormais des islamistes venus de Syrie et où vivent 700 000 migrants subsahariens, dont une partie rêve de traverser la Méditerranée. Entre le retrait américain de la région et l’irruption de la Turquie et de la Russie, les vingt-sept divisés sont menacés de marginalisation.L’interminable Brexit, la fragilité gouvernementale italienne, les préoccupations économiques allemandes et la position ambiguë de la France - entre soutien officiel à Sarraj et appui en sous-main à Haftar, qui prétend être le seul à pouvoir pacifier le sud Libyen, porte du Sahel pour le terrorisme islamiste que Paris combat – ainsi que les divisions européennes ont empêché la formation d’un front commun européen en Libye où se joue en partie, avec les djihadistes et la pression migratoire, la sécurité du continent.


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Avocats jetant leurs robes à terre, enseignants faisant de même avec leurs manuels scolaires, ballerines du corps de ballet de l’Opéra de Paris dansant un lac des cygnes protestataire sur le parvis du Palais Garnier, retraites aux flambeaux organisées par les syndicats : l’action contre la réforme des retraites arécemment pris de nouvelles formes. Mais depuis le 17 janvier, la contestation s’est traduite de manière moins souriante ; des militants CGT ont forcé l’accèsau siège de la CFDT, favorable au principe d’un système de retraite par points. Les Bouffes du Nord où le président de la République assistait à une représentation de La Mouche ont connu une tentative d’intrusion suivie, après son échec, d’une manifestation improvisée devant le théâtre. Dans la nuit, un départ de feu criminel s’est déclaré à la brasserie La Rotonde, prisée du président Macron. « Nous condamnons toute forme de violence » a déclaré dimanche dernier le numéro un de la CGT, Philippe Martinez dont le syndicat revendique des coupures ciblées d’électricité.

Pour le spécialiste de l’histoire des mouvements sociaux Stéphane Sirot, depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, « l’ébullition sociale est permanente ». L’historien souligne que « face à un pouvoir politique qui joue le pourrissement, on voit surgir des formes d’intervention plus spontanées, dynamiques, moins contrôlables » qui donc « peuvent déraper, d’autant plusqu’elles ne sont pas encadrées stricto sensu par les syndicats ». Selon lui, « il y a une ‘’gilet-jaunisation’’ du mouvement social ».

Pour Eric Giuily, président du cabinet de conseil en communicationCLAI, « le pourrissement de la grève est inévitable, compte-tenu de l’opposition irréductible d’une partie des syndicats et de leur base à l’encontre du régime universel par points ». L’inefficacité du mouvement syndical, prévoit-il« devrait conduire à une radicalisation croissante d’au moins une partie de la base, avec le risque d’une multiplication d’actions coup de poing qui peuvent toujours dégénérer ». Pour sa part, l’ancien sénateur et député européen socialiste Henri Weber, expert associé à la Fondation Jean-Jaurès observe que « le haut niveau de combativité du peuple français a permis de nombreuses conquêtes sociales et démocratiques. Mais aujourd’hui, notre culture d’affrontement est devenue un handicap » déplore-t-il.

     La forme qu’ont pu prendre ces affrontements a pour contexte une mise en question du comportement des forces de l’ordre à qui il est reproché de ne pas respecter les trois obligations d’absolue nécessité, d’absolue proportionnalité et de simultanéité, tandis que leurs responsables mettent en avant une augmentation inédite des actes de violence contre police et gendarmerie, le tout dans une société où les chiffres de la délinquance pour 2019 ont nettement augmenté ainsi que les agressions antisémites.


Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr