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Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 22 septembre 2023.

Avec cette semaine :

  • Nicolas Baverez, essayiste et avocat.
  • Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.
  • Michel Eltchaninoff, rédacteur en chef du mensuel Philosophie Magazine.
  • Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova.



L’AGRESSION CONTRE LE HAUT-KARABAKH

L'Azerbaïdjan a lancé le 19 septembre une opération militaire qualifiée par elle « d'antiterroriste » dans le Haut-Karabakh, territoire à majorité arménienne où la souveraineté de l’Azerbaïdjan est aujourd’hui reconnue et où les quelques 120.000 Arméniens qui y vivent jouissent d’une forme d’autonomie. Depuis la dislocation de l’Union soviétique, fin 1991, le Haut-Karabakh est un point de tension quasi constant Deux guerres meurtrières y ont déjà eu lieu, la première en 1988-1994 et la seconde en 2020, à l’issue de laquelle la Russie a déployé des forces chargées de garantir la libre circulation dans le corridor de Latchine, seul axe routier reliant le Haut-Karabakh à l'Arménie. Après une courte période d'accalmie, les tensions ont repris, Bakou menant une guerre d'usure à force de coupures de gaz, d'électricité, de tirs sur les paysans et de kidnappings. Fin 2022, les Azéris ont bloqué la circulation dans le corridor de Latchine. Ce blocus, renforcé en juillet, isole la population arménienne de l’enclave. Il a provoqué ces dernières semaines un début de famine. La Croix-Rouge n’est parvenue que le 18 septembre à faire passer une cargaison de vingt tonnes de farines et de produits médicaux. Les 2.000 soldats russes déployés dans l’enclave après le cessez-le-feu de 2020 et censés assurer la sécurité des Arméniens n’ont pas cherché à empêcher le blocus.

Aucun pays ne reconnaît les autorités séparatistes arméniennes du Haut-Karabakh, pas même Erevan, qui les soutient. La première réaction publique du premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a été d'écarter fermement l'option d'une intervention militaire de la République d'Arménie. Il a réaffirmé l'absence de soldats de son pays dans le Haut-Karabakh. Ces déclarations ont provoqué la colère de milliers d'Arméniens, qui sont venus manifester mardi devant le siège du gouvernement, à Erevan, pour affirmer leur solidarité avec les Arméniens du Haut-Karabakh et réclamer la démission de M. Pachinian.

Mercredi, après 24 heures sous les frappes, les autorités arméniennes du Haut-Karabakh ont annoncé leur intention de déposer les armes, selon les conditions imposées par l’Azerbaïdjan pour toute négociation de cessez-le-feu. Le ministère azerbaïdjanais de la Défense a confirmé le désarmement des forces du Karabakh ainsi que l'ouverture de négociations en Azerbaïdjan. Les discussions porteront sur la réintégration de la région à population arménienne à l'Azerbaïdjan. L’opération militaire azerbaïdjanaise a fait au moins 200 morts et 400 blessés, d’après le dernier bilan des séparatistes arméniens, alors que 7.000 habitants auraient été évacués.


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LA FRANCE A-T-ELLE PERDU PIED EN AFRIQUE ?

Les présidents de l'ex-pré-carré français en Afrique sont renversés les uns après les autres : le malien Ibrahim Boubacar Keita en août 2020, le guinéen Alpha Condé en septembre 2021, le burkinabé Roch Kaboré en janvier 2022, le nigérien Mohamed Bazoum au mois de juillet et fin août, le gabonais Ali Bongo. Dans la foulée de ces coups d’état, la France a dû évacuer ses militaires du Mali (août 2022), puis de Centrafrique (décembre 2022), du Burkina Faso (février 2023) et peut-être bientôt du Niger où elle déploie encore 1.500 militaires. Au Niger, le président français a choisi la fermeté : refus de reconnaître les autorités putschistes, exigence d'un retour au pouvoir du président Bazoum et rejet des injonctions de la junte, qui exige le départ de l'ambassadeur à Niamey et réclame le retrait des militaires français. Un mois après le coup d'État au Niger, la position de la France reste assez isolée. Joe Biden, qui veut sauver sa base militaire au Niger, ne voit pas d'inconvénients à dialoguer avec la junte. Les Allemands se désolidarisent de la position française au Niger, de même que les Italiens en Libye, tandis que les Espagnols reconnaissent le Sahara occidental pour se rapprocher du Maroc. Les pays d'Afrique de l'Ouest renâclent à intervenir militairement.

La France est devenue indésirable dans ce qu’elle considérait jadis comme son « pré carré », décriée comme prédatrice économique par toute une génération et comme porteuse de valeurs honnies par des groupes islamistes orthodoxes et radicaux. Marquée du sceau colonial, la France vit d’autant plus mal son éviction de la région, qu’elle a le sentiment de s’être acquittée, à la demande des autorités locales, d’une tâche que les armées africaines ne parvenaient pas à remplir seules : la lutte antiterroriste contre le djihad.

Le lent déclin de la présence française sur le continent se constate aussi sur le plan économique. La France n'est plus le premier fournisseur ni le premier investisseur du continent. Si, en valeur, les exportations françaises vers l'Afrique ont fortement augmenté, leur poids relatif a été toutefois divisé par deux, passant de 12 % de part de marché à 5 % entre 2000 et 2021. Pour Antoine Glaser, journaliste spécialiste de l’Afrique, et auteur de l’ouvrage « Le piège africain de Macron » « la France n’a pas vu l’Afrique se mondialiser, ni su solder sa présence post-coloniale, terreau du sentiment anti-français. Depuis la fin de l’opération Barkhane, le leadership français en Afrique est terminé. » Cependant, la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna souligne que l’Afrique n’est pas que le Sahel. Elle assure que nos relations se développent avec des États dans lesquels nous étions moins présents, comme le Kenya, l’Afrique du Sud ou l’Éthiopie.

Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr