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Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 

Avec cette semaine :

  • Nicolas Baverez, essayiste et avocat.
  • Akram Belkaïd, journaliste au Monde diplomatique.
  • Michel Eltchaninoff, rédacteur en chef du mensuel Philosophie Magazine.
  • Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit


L’ARGENTINE ENTRE DEUX POPULISMES

En Argentine, alors que tous les sondages donnaient le libertarien Javier Milei vainqueur il a obtenu 30, 2% des voix au premier tour de la présidentielle contre 36,3% à son rival, Sergio Massa, ministre de l’Économie et candidat de la coalition péroniste de gauche sortante Unión por la patria. Alors que voter est obligatoire en Argentine, le scrutin a été marqué par une abstention record : 74 % de participation, en recul de 9 points par rapport à 2019. Pour le deuxième tour, le 19 novembre, les deux hommes se disputeront notamment les voix de la droite traditionnelle, éliminée avec Patricia Bullrich et ses 23,8 %,.

L’actuel ministre de l’Économie a pourtant été incapable de juguler une inflation de 140 %, dans un pays où 40 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, où le dollar atteint 1.000 pesos au marché noir et où le PIB perd 3,3 % par an. Pour effectuer sa « remontada » par rapport aux élections primaires d'août qui le donnait deuxième, ( il est passé de 5,3 millions à 9,6 millions de voix), Sergio Massa a annoncé une série de mesures destinées à protéger le pouvoir d'achat des électeurs. Il a mis en place un remboursement de la TVA sur les produits de première nécessité pour les salaires inférieurs à 700.000 pesos par mois (soit six fois le salaire minimum). Il a supprimé l'impôt sur le revenu pour l'immense majorité des travailleurs. Il veut « reconstruire la patrie » grâce à un large programme pour faciliter l'accès à la terre et au logement. Il veut renforcer les entreprises publiques, prône une politique d'adaptation volontariste au réchauffement climatique, et promet une « révolution éducative » dont le contenu reste vague. Sergio Massa se fixe quatre objectifs macroéconomiques : l'ordre fiscal, l'augmentation de l'excédent de la balance commerciale, qui devrait permettre de renflouer la Banque centrale, le développement dans l'inclusion sociale. Enfin, il veut rembourser au plus vite la dette que le pays a contractée auprès du F. M.I.

Javier Milei, quant à lui, est un polémiste surgi en 2021 des plateaux TV sur la scène politique, souvent comparé à Donald Trump. Il a depuis suivi un fil rouge « dégagiste » contre la « caste parasite », visant les péronistes (centre-gauche) et les libéraux qui alternent au pouvoir depuis vingt ans. Anti-étatiste, son « plan tronçonneuse » vise à diminuer les dépenses publiques en supprimant plusieurs ministères (Éducation, Santé, Travaux publics et Développement social, Femmes), à libéraliser le port d'armes pour les civils et le commerce d'organes Il entend remplacer la monnaie nationale par le dollar, comme l'ont déjà fait le Panama ou l'Équateur. Mais dans un texte publié début septembre, 170 économistes qualifiaient cette dollarisation de « mirage », en raison du manque de dollars en circulation dans le pays et dans les coffres de la banque centrale. Il est opposé à l'avortement, doute de l'origine humaine du changement climatique, considère l'homosexualité comme un handicap et célèbre Viktor Orbán, Giorgia Meloni et Marine Le Pen.

Lundi matin à l'ouverture des marchés, le risque pays, tel que mesuré par JP Morgan, a augmenté de plus de 10 %.


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L’EUROPE ET LA SÉCURITÉ

Deux citoyens suédois ont été tués et un autre grièvement blessé à Bruxelles, le 16 octobre, par un homme qui s’est présenté ensuite, dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, comme un membre de l’organisation Etat Islamique. L’auteur des faits, Abdesalem Lassoued, un Tunisien de 45 ans sans papiers, a été tué par la police. Le royaume, qui a connu deux attentats meurtriers faisant trente-cinq morts en 2016, compterait aujourd’hui quelque 600 « fichés S » dont la surveillance serait difficilement assurée. L’auteur de l’attentat ne figurait toutefois pas sur les listes de l’Office central d’analyse de la menace, a assuré le ministre de la Justice qui a démissionné. La Sûreté de l’Etat – le service de renseignement intérieur – a appelé récemment à un renforcement de ses moyens dans la lutte contre le terrorisme.

Après l’assassinat dans un lycée à Arras du professeur Dominique Bernard et le meurtre des deux touristes suédois à Bruxelles, des aéroports ont été évacués en catastrophe en France, des frontières intérieures se sont fermées... L'Europe fait face à un risque terroriste bien plus important depuis l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier. Le 19 octobre, à Luxembourg, les ministres de l'Intérieur de l'Union européenne ont discuté de l'importation du conflit israélo-palestinien et de leurs corollaires, qu'il s'agisse d'antisémitisme ou d'islamophobie. Plusieurs ministres ont appelé à des politiques migratoires plus strictes consistant à mieux filtrer les entrées dans l'Union européenne et à pouvoir renvoyer plus rapidement les demandeurs d'asile qui présentent un risque pour la sécurité. Gérald Darmanin a dénoncé « un peu de naïveté dans les institutions de certains pays ou de l'Union européenne » face à ce qu'il appelle le « djihadisme d'atmosphère ». L'UE dispose désormais d'outils bien plus coercitifs que lorsque la France et la Belgique avaient été frappées en 2015 et en 2016. D’abord le règlement de l'UE adopté en 2021 et mis en œuvre depuis juin 2022 qui oblige les plateformes à supprimer en une heure les contenus terroristes, sur injonction des autorités compétentes des États membres. Mais également, le Digital Service Act, cette loi récente portée par le commissaire français Thierry Breton et qui vise à la modération des contenus diffusés sur internet.

La guerre entre le Hamas et Israël, la polarisation croissante observée dans nombre d'États membres et le risque terroriste, conjugués aux importantes arrivées irrégulières dans l'UE, font monter la pression autour du pacte migration et asile, cet ensemble de textes présentés en septembre 2020 et toujours en discussion. Réunis en conseil à Bruxelles, jeudi et vendredi, les Vingt-Sept ont fait le point sur la sécurisation des frontières extérieures de l’UE. Certains États membres ont d'ores et déjà choisi de ne pas attendre davantage. Comme l'Autriche, l'Italie a décidé de réintroduire des contrôles à la frontière avec la Slovénie. Les gouvernements européens craignent une poussée des tensions communautaires à mesure qu’augmentera le nombre de victimes civiles dans la guerre d’Israël contre le Hamas. Dans plusieurs pays, dont la France, les actes antisémites, et, dans une moindre mesure, islamophobes, ont augmenté.

Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr