Description

L’ÉCONOMIE FRANÇAISE À L’EPREUVE DU RECONFINEMENT ?

 

Le gouvernement espère que les mesures sanitaires de confinement annoncées le 28 octobre pèseront moins qu’au printemps sur l’économie.  Selon la dernière note de l'Insee du 6 octobre, l'économie française devrait plonger d'environ 9% en 2020. « Après le vif rebond associé au déconfinement (+16% prévu au troisième trimestre, après -13,8% au deuxième et -5,9% au premier), l'activité économique pourrait ainsi marquer le pas en fin d'année sous l'effet de la résurgence de l'épidémie » indiquent les statisticiens. La consommation des ménages devrait refluer de 7% cette année après avoir augmenté de 1,5% en 2019. Les dépenses de consommation des administrations publiques devraient connaître en 2020 un recul de 6%. Selon les projections de l'Insee, « les exportations françaises ont fortement diminué (-6% au premier trimestre 2020, puis -25% au deuxième) ; de même pour les importations, quoique dans une moindre mesure (-5,6% puis -16,4%) ». Ce sont principalement des activités de services qui ont été touchées : transport de voyageurs (ferroviaire et aérien), hébergement-restauration, activités sportives et culturelles. Sur le front industriel, ce sont principalement la construction aéronautique et ferroviaire qui ont connu un recul massif d'activité. Au total, ces secteurs représentent environ 9% de la valeur ajoutée française. A l'opposé, d'autres secteurs ont réussi à tirer leur épingle du jeu : l'industrie pharmaceutique, les services d'information, les télécoms et le commerce de détail. Des secteurs qui représentent environ 8 % de la valeur ajoutée totale.

Sur le front de l’emploi l'Unédic prévoit un chômage à 10,5% pour 2020.L'organisme qui gère le régime d'assurance-chômage prévoit l'indemnisation de 420.000 demandeurs d'emplois supplémentaires fin 2020 par rapport à fin 2019 du fait de la destruction de 670.000 emplois salariés. En mai dernier, 23% des ménages ont déclaré que leur situation financière s'était détériorée pendant le confinement. A l'opposé, 2% des ménages avaient vu leur situation s'améliorer, tandis que deux tiers signalaient une stabilité. 

L'exécutif a déjà mobilisé 468 milliards d'euros pour aider les secteurs en difficulté. Tout l'argent n'a pas été utilisé. L’arsenal de mesures enclenchées au printemps est réactivé, amplifié ou prolongé qu’il s’agisse du chômage partiel, du recours au fonds de garantie, ou des prêts garantis par l’Etat. De nouvelles mesures seront prises dans les prochaines semaines. Le ministre de l’Economie, lors de la conférence de presse du Premier ministre du 29 octobre a estimé à 15 milliards d’€ par mois les aides publiques nécessaires pour soutenir lesentreprises. Face à cette situation très tendue pour les finances de la France, la question se pose de la soutenabilité de la dette publique qui devrait atteindre cette année plus de 115 %.


***


OÙ ERDOGAN EMMÈNE-T-IL LA TURQUIE ?

 

Après l’hommage à Samuel Paty, et le « nous ne renoncerons pas aux caricatures », d’Emmanuel Macron, Recep Tayyib Erdogan a invité le présidentfrançais à « faire examiner sa santé mentale ». L’ambassadeur de France à Ankara a été rappelé en consultation. Erdogan reproche à son homologue français le projet de loi en préparation à Paris contre le « séparatisme » islamistequi prévoit notamment de « structurer l'islam » en France. Selon lui, ce projet discriminerait la population musulmane française. Les réseaux pro-turcs au Qatar et au Koweït ont encouragé les appels au boycott des produits français en représailles contre la republication par divers titres de la presse française des dessins de Charlie Hebdo. Pour Paris, la synchronisation de ces manifestations d’hostilité a pour véritable cause la décision française de contrôler les ressources engagées en France par la Turquie pour conserver la haute main sur sa diaspora (forte de 700 000 personnes) via des associations culturelles, cultuelles et politiques. La Turquie contrôle en France la moitié des 300 imams détachés par des pays étrangers et cherche à implanter des écoles turques. 

Ces nouvelles tensions auxquelles s’ajoutent les affrontements entre Arméniens et Turcs près de Lyon, le 29 octobre, interviennent au moment où les contentieux géopolitiques entre la France et la Turquie ne cessent de se multiplier, que ce soit en Syrie où Ankara reproche à Paris son soutien aux milices kurdes, en Libye, en Méditerranée, ou plus récemment dans le Caucase. A un moment également où en Turquie, les piètres performances de l'économie, la répression accrue envers les Kurdes, les purges de la société civile, l'emballement de la pandémie de Covid-19 ont terni l’image du président turc. Selon Avrasya, un institut d'études de l'opinion, si les élections, présidentielle et législatives, prévues pour juin 2023, étaient anticipées, Erdogan n'en sortirait pas vainqueur : son score serait de 38,7 % contre 41,9 % pour Ekrem Imamoglu, le maire d'Istanbul, son principal rival. En cause notamment l’économie : les promesses de prospérité se sont évanouies, le chômage est en hausse (13 % en moyenne, 26 % chez les jeunes), la devise locale ne cesse de se déprécier (- 25 % par rapport au dollar depuis le début de 2020), tandis que les investissements étrangers se sont taris. 

En Europe, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le président du Conseil européen, Charles Michel, et le haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, ont tous dénoncé des « propos intolérables » et appelé la Turquie à cesser « cette spirale dangereuse de confrontation », sous peine de se retrouver elle-même « isolée », tandis qu’Angela Merkel est sortie de sa réserve pour fustiger « des déclarations diffamatoires » et « inacceptables ».



Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr