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MACRON : L’HUMILIATION A STRASBOURG  

     Le 28 août dernier, Emmanuel Macron proposait Sylvie Goulard au poste de commissaire européen. Ursula von der Leyen, qui doit devenir présidente de la Commission européenne en novembre, lui attribuait le portefeuille du Marché unique, dont l'objet est de faire fonctionner le marché intérieur et de développer une politique industrielle. 

       Cette candidature s’est trouvée fragilisée par une enquête du parquet de Paris et du Parlement européen visant le Modem dont Sylvie Goulard était membre pour de potentiels emplois fictifs de collaborateurs au Parlement européen. Contrainte pour cette raison à démissionner, en juin 2017, de son poste de ministre des Armées, elle doit en outre répondre d’un possible conflit d'intérêts, car d'octobre 2013 à janvier 2016, parallèlement à sa fonction de députée européenne, elle a travaillé pour un think tank américain, l'Institut Berggruen, pour plus de 10.000 euros par mois. 

      Soumise à l’accord du Parlement européen, la candidate française a fait face au scepticisme de nombre de députés quant à son éthique et elle a peiné à expliquer son versement de 45.000 euros visant à mettre un terme au contentieux avec le Parlement européen dans l'affaire des emplois présumés fictifs. Elle ne convainc pas les euros-députés qui décident de lui imposer une session de rattrapage sous la forme d'un questionnaire écrit, à renvoyer pour le 8 octobre. 

        Dans ses réponses, Sylvie Goulard refuse de s’engager à démissionner en cas de mise en examen dans le cadre de l’enquête toujours en cours d'instruction à Paris, sur les emplois présumés fictifs, alors même que cette affaire a provoqué sa démission du gouvernement français en 2017. Les eurodéputés ont demandé à Sylvie Goulard de passer une nouvelle audition : le 10 octobre, fait inédit pour la France, sa candidature est rejetée par 82 voix contre 29 et une abstention. Après la Roumanie et la Hongrie, la France est ainsi le troisième pays à voir son candidat recalé.

Emmanuel Macron, qui avait réussi à écarter la candidature de Manfred Weber à la tête de la Commission et à imposer celle d’Ursula von der Leyden a estimé que la décision des parlementaires de Strasbourg relevait du « ressentiment » et déclaré que l’Europe connaît "une crise politique que nous ne devons pas laisser s'installer".


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LES KURDES A L’ABANDON 

      Le 6 octobre au soir, un communiqué de la Maison blanche a informé du retrait des troupes américaines stationnées en Syrie aux abords de la frontière turque. Trois jours plus tard, la Turquie lançait une opération militaire destinée à chasser des secteurs frontaliers la milice kurde syrienne des Unités de protection du peuple (YPG), qu’elle qualifie de « terroriste ». Ankara déclare vouloir instaurer une « zone de sécurité » de 32 kms de profondeur en territoire syrien pour séparer sa frontière des zones contrôlées par les YPG. Plusieurs villes ont été bombardées, entraînant la mort des dizaines de civils et d'importants déplacements de populations, et provoquant de nombreuses condamnations de la communauté internationales. Le désengagement américain a été vivement critiqué outre-Atlantique, et notamment par des membres influents du parti Républicain et par d’anciens militaires en poste dans la zone. 

        La milice kurde visée par l'offensive turque est au premier rang de la lutte contre l’État Islamique en Syrie. Son effectif était estimé en 2015 entre 35 000 et 65 000 combattants. Elle représente un allié important dans la lutte contre l’État Islamique. Elle vise à terme la création d'un État Kurde regroupant des populations aujourd'hui à cheval sur plusieurs pays, solution rejetée au premier chef par la Turquie, mais aussi par l'ensemble des acteurs internationaux au Proche-Orient.

        Le Président Erdogan, récemment malmené aux dernières élections locales, pourrait être tenté de se relégitimer par cette opération.

Cité par Courrier international, Brett McGurk, ancien envoyé de Trump chargé de la coalition internationale contre l’État islamique, considère que  Moscou devrait être un grand bénéficiaire” de la décision américaine car “le retrait complet des forces américaines fait disparaître du paysage la seule puissance militaire capable de rivaliser avec la Russie et d’influer sur l’avenir de la Syrie » 

Ruslan Mamedov, spécialiste russe du Moyen-Orient cité par Bloomberg estime que « L’offensive de la Turquie contre les Kurdes pourrait avoir un effet positif pour la Russie, car cela va obliger les Kurdes à se rendre compte qu’ils doivent conclure un accord avec Damas, ce qui correspond à l’objectif principal de Poutine : un règlement politique qui place la Syrie tout entière sous le contrôle du président Bachar El-Assad. »



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