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Le reconfinement du 30 octobre et ses mesures de toutes sortes a provoqué de nombreuses polémiques. Alors que les librairies, les boutiques de vêtements et les commerces de jouets sont qualifiés de non-essentiels et fermés,les grandes surfaces demeurent ouvertes à condition d’empêcher l’accès à leurs rayons de livres, de vêtements et de jouets. Les plateformes en ligne regorgent de commandes et les polémiques se concentrent sur Amazon dont les profitsconnaissent une très forte croissance alors qu’elle échappe à la condition fiscale commune. Le ministre de l’Économie s’est flatté d’avoir obtenu que la plupart des plateformes repoussent d’une semaine les ventes promotionnelles dites duBlack Friday. La Fédération du commerce et de la distribution a accepté cet arrangement auquel Amazon France a souscrit. Plusieurs maires ont signé des arrêtés autorisant l’ouverture de commerces fermés par le gouvernement. Les groupes de la grande distribution, contraints de mettre sous le boisseau leurs rayonnages de produits non essentiels connaissent une baisse d’activité. Ilsrecourent désormais massivement au chômage partiel : les services territoriaux du ministère du Travail ont reçu 208.600 demandes en deux semaines, avec quelque 15 000 requêtes quotidiennes contre 3.000 les semaines précédant le reconfinement.

Dans ce contexte, l’opposition juge le plan de relance de 100 milliards d’euros « mal calibré », « trop tardif » et « insuffisant pour protéger les plus fragiles ». Le Medef estime les mesures destinées aux entreprises souvent trop compliquées et selon le Cédétiste Laurent Berger « il manque des mesures qui aident la demande des foyers les plus modestes ». La grogne a également sévi leweek-end dernier chez les catholiques qui se sont mobilisés devant les parvis des églises d'une vingtaine de villes en France pour réclamer le retour des messes publiques, quand certains évêques et d'autres fidèles appelaient à la patience. Le Premier ministre a annoncé qu’il ne réautoriserait pas les messes en public avant le 1er décembre, par crainte de contaminations en masse. 

Enfin la discussion du projet de loi sur la Sécurité globale à l’Assemblée nationale a débuté le 17 novembre dans un climat tendu. Si le renforcement des polices municipales et l'encadrement de la sécurité privée font plutôt consensus, plusieurs failles ont été ouvertes par le volet sur la protection des forces de l'ordre. L'article 24, qui rend passible d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait de diffuser « dans le but qu'il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l'image du visage ou tout autre élément d'identification d'un agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale » a suscité depuis son examen en commission des lois, il y a trois semaines, les blâmes de la Défenseure des droits Claire Hédon, puis ceux des sociétés de journalistes, avant la semonce, le 16 novembre, du Conseil des droits l'homme des Nations unies et, in fine, le ministre de l’Intérieur a dû annoncer qu’il reverrait sa copie.


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ASEAN L’Encerclement par la Chine

 

       Quinze pays d'Asie et du Pacifique ont signé le15 novembre un important accord commercial, promu par la Chine, à l'occasion de la clôture d'un sommet virtuel de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean).Il vise à créer une gigantesque zone de libre-échange entre les dix Etats de l'Asean – Indonésie, Thaïlande, Singapour, Malaisie, Philippines, Vietnam, Birmanie, Cambodge, Laos et Brunei – avec la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Ce Partenariat régional économique global (RCEP) devient l'accord commercial le plus important au monde. Ilreprésente 30 % du Produit intérieur brut (PIB) mondial et un marché de 2 milliards d'habitants. Il se classe devant les États-Unis (24,2 % du PIB mondial, 327 millions d'habitants) et devant l'Union européenne (22,1 %, 512,3 millions d'habitants).

       L'accord prévoit une élimination de 90 % des tarifs douaniers entre pays membres et des règles communes pour la propriété intellectuelle, mais exclut tout ce qui touche à la protection des travailleurs et à l'environnement. Il « consolide les ambitions géopolitiques régionales plus larges de la Chine autour des « nouvelles routes de la soie » », analyse Alexander Capri, professeur à la Business School de l'Université Nationale de Singapour. L'Inde, qui compte 1,4 milliard d’habitants devait également rejoindre ce pacte commercial sans précédent mais a décidé l'an dernier de s'en retirer par crainte de voir des produits chinois à bas prix envahir son marché. New Delhi a toutefois la possibilité de rejoindre l’accord plus tard. 

       Cet accord commercial, dont l'idée remonte à 2012, est considéré comme la réponse chinoise à une initiative américaine : Barack Obama qui redoutait la montée en puissance de cette influence chinoise, avait poussé, avec Tokyo, à la création, sans Pékin, d'un autre accord de libre-échange baptisé « le Partenariat transpacifique », dont l'administration Trump a décidé de se retirer en 2017. 

       Ce Partenariat régional économique global est un pas de plus vers le déplacement de l’économie mondiale vers l’Asie, qui en 1950 représentait (Inde comprise) 25% de la production mondiale et en 2050 en représentera 60%.  La signature de cet accord intervient dans un contexte de forte crise économique en raison de l'épidémie de Covid-19 pour les dix membres de l'Association des nations du sud-est asiatique (ASEAN). 

      Selon les calculs de Bloomberg les économies non libérales (largement administrées par l’Etat) qui représentaient 12% du PIB mondial en 2000 en représenteront 43% en 2050 (tandis que la part de l’Occident passera de 57% à 33%). Des économies insensibles aux aspects sociaux et environnementaux (tous deux exclus de l’accord signé le 15 novembre à Hanoï)et non démocratique. Bloomberg prévoit que la part des pays démocratiques dans le PIB mondial qui était de 86% en 2000, attendra 60% en 2050.


Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr