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RACISME : ILS N’EN SOUFFRAIENT PAS TOUS, MAIS TOUS ÉTAIENT FRAPPÉS

 

L’onde de choc provoquée par la mort de George Floyd aux Etats-Unis continue de se propager en France. Le 2 juin, devant le tribunal judiciaire de Paris, 20.000 personnes, selon la Préfecture de police, au moins 60.000, selon les organisateurs, se sont rassemblées à l'appel du comité La vérité pour Adama du nom du jeune homme de 24 ans, mort en 2016, lors de son interpellation par des gendarmes dans des circonstances qui font encore aujourd’hui l’objet d’une information judiciaire. Le comité Adama est devenu le symbole le plus connu en France de la lutte contre les violences policières. Personne n'avait vu venir l'ampleur de la mobilisation, qui se poursuit dans plusieurs villes de France. Depuis plusieurs semaines, la dénonciation de certaines pratiques policières et les accusations de racisme à l'encontre des forces de l'ordre se multiplient. Sur plusieurs vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, des insultes proférées par des policiers - utilisant des termes à caractère raciste - alimentent un débat sur l'interprétation à faire de ces comportements : faut-il y voir le fait d'agents isolés à sanctionner individuellement ou le symptôme d'un mal plus profond, structurel, au sein de l'institution policière ?

 

Au-delà de l’affaire Adama Traoré la question est posée dans le calme ou avec passion du caractère institutionnel des violences policières et du caractère « systémique » du racisme. « Il s'agit de dire que le racisme est détachable des individus pour être le fait d'une institution ou d'un système, selon Fabien Jobard, sociologue et directeur de recherche au CNRS. Ici, le racisme est le produit d'un cumul de processus, notamment historiques, avec une histoire de la police fortement marquée par la guerre d'Algérie et la chasse aux travailleurs d'Afrique du Nord, et d'une organisation économique et sociale, qui veut que la jeunesse masculine sans diplôme, occupant l'espace public, est principalement formée de descendants de l'immigration post-coloniale ». Saisi d'une affaire relative à des violences policières sur des jeunes noirs et d'origine maghrébine de Paris, commises entre l'été 2013 et l'été 2015, le Défenseur des droits, Jacques Toubon a formulé, le 12 mai dernier, des observations devant le tribunal judiciaire de Paris plaidant pour une analyse « systémique » des discriminations qu'ont subies ces jeunes.

 

Le ministère de l'intérieur, s'il condamne les cas individuels, refuse de parler de « racisme diffus dans la police », comme l'a déclaré le secrétaire d'État Laurent Nunez. Lors des questions d'actualité au gouvernement, le 2 juin, Christophe Castaner a défendu la police « qui protège dans ce pays les femmes et les hommes de tout, y compris du racisme ». L’ancienne Garde des Sceaux, Christiane Taubira a jugé pour sa part que, contrairement aux États-Unis, où l’aspect systémique du racisme ne fait plus beaucoup débat, « chez nous, des personnes meurent d’avoir rencontré des policiers, pas d’avoir rencontré la police ».

Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr