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N°301 / 11 juin 2023


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Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 9 juin 2023.


Avec cette semaine :


  • Nicolas Baverez, essayiste et avocat.
  • Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.
  • Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.
  • Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova.


RAPPORT PISANI-FERRY


« Il va nous falloir faire en dix ans ce que nous avons eu de la peine à faire en trente ans. L’accélération est brutale », affirme Jean Pisani-Ferry, dans un rapport intitulé « Les incidences économiques de l’action pour le climat », rendu public le 22 mai et réalisé avec l’inspectrice générale des finances, Selma Mahfouz, et avec France Stratégie, l’organisme d’évaluation et de prospective rattaché à Matignon. Dans ce travail M. Pisani-Ferry, Professeur à Sciences Po et membre des think tanks Bruegel et Peterson Institute, et qui fut un pilier de la campagne d’Emmanuel Macron en 2017, chiffre le coût de l’adaptation aux objectifs environnementaux entre 250 et 300 milliards d’euros de dette en plus, en cumulé, en 2030.

Missionné, en septembre 2022, par la Première ministre, Elisabeth Borne, M. Pisani-Ferry avait remis, en novembre, une première note d’étape à Matignon, alertant déjà, sur le « changement profond de modèle de développement » du pays qu’allait nécessiter l’objectif de neutralité carbone fixé par la Commission européenne à l’horizon 2050 – et les 55 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Pour atteindre ces objectifs, il faut, selon lui, mettre sur la table « 66 milliards d'euros » d'investissements supplémentaires publics et privés par an, chaque secteur en prenant en charge la moitié. La transition va entraîner une perte prononcée de recettes pour l'Etat. Pour le financement des 33 milliards d'euros d'investissements publics, les auteurs proposent notamment de recourir à l'endettement et la fiscalité. Ils plaident pour « un prélèvement forfaitaire exceptionnel de 5 %, dans une fenêtre de trente ans », qui serait payé par les «10 % les mieux dotés » et qui rapporterait, selon eux, 150 milliards d'euros sur trente ans, soit 5 milliards par an. « Il s'agit de convaincre les Français que la charge est équitablement répartie », a expliqué Jean Pisani-Ferry.

Deux pistes, que le ministre de l’Economie et des Fiances, Bruno Le Maire a exclues, arguant que « Les 10 % des Français les plus riches paient déjà 75 % de l'impôt sur le revenu ». Pour financer la transition écologique, le locataire de Bercy a rappelé les pistes déjà évoquées pour financer la loi sur l'industrie verte : le verdissement de la fiscalité (suppression des niches fiscales sur les énergies fossiles, alourdissement des taxes et autres malus sur les véhicules thermiques) ; la mobilisation de l'épargne des Français avec notamment la création d'un nouveau plan d'épargne avenir climat ; le financement par les entreprises et enfin la mobilisation des banques, comme la Banque européenne d'investissement (BEI) qui « doit devenir la banque du climat ». Le rapport Pisani-Ferry pourrait connaître le sort du rapport Borloo sur les banlieues, en 2018. Début juillet, le gouvernement expliquera quel est son plan précis pour financer la transition, lors du conseil de la planification écologique censé trancher la feuille de route élyséenne et le financement qui lui correspond.


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ESPAGNE : « À DROITE TOUTE »


Le 29 mai, au lendemain d'une lourde défaite électorale, le Premier ministre socialiste espagnol, Pedro Sanchez, au pouvoir depuis 2018, a annoncé la convocation d'élections législatives anticipées le 23 juillet prochain, initialement prévues fin 2023. Les conservateurs ont remporté une large victoire  face à la gauche lors d'un double scrutin, municipal et régional. Le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) a recueilli moins de 6,3 millions des voix (28,1 %) aux municipales, contre plus de 7 millions (31,5 %) pour son rival conservateur, le Parti populaire (PP). Une progression de deux millions de voix pour la droite en quatre ans, et un recul massif de la gauche, qui perd six des dix régions qu'elle dirigeait jusque-là. L'extrême droite, représentée par le parti Vox, sort gagnante du scrutin : avec plus de 1,5 million de voix aux municipales, le parti a doublé son score en quatre ans et assoit encore davantage sa place de troisième force politique du pays. La droite ne pourra gouverner dans les régions récupérées que si elle s'allie avec Vox, placé ainsi en position décisive pour négocier des gouvernements régionaux de soutien ou de coalition.

Les crises répétées secouant la coalition gouvernementale formée par les socialistes et le parti de gauche radicale Podemos, les accords parlementaires scellés avec les indépendantistes catalans de la Gauche républicaine de Catalogne et les héritiers de la vitrine politique du groupe séparatiste et terroriste basque ETA, sont considérés par les analystes comme les principales raisons de la débâcle socialiste. S’y ajoutent des mesures et textes législatifs controversés, de la loi sur le consentement sexuel, qui a abouti à la mise en liberté anticipée de plus d’un millier d’agresseurs, à la loi d’autodétermination de genre, qui a divisé le mouvement féministe, en passant par les grâces et la réforme du délit de sédition décidées pour complaire aux indépendantistes catalans.

Le PSOE a été sanctionné dans les urnes alors que le bilan de Pedro Sanchez est plutôt jugé satisfaisant par les Espagnols. Ils notent positivement la hausse du salaire minimum d’environ 47 % durant la législature et la réforme du marché du travail limitant les emplois précaires. Ils saluent les bons résultats économiques : l’inflation (4 % en avril) est très inférieure au reste de l’Europe ; le plafond du prix du gaz, négocié à Bruxelles ; le taux de chômage en baisse (à 13 %). Le pays affiche l'une des croissances les plus dynamiques d'Europe, avec un PIB en hausse de 5,5% l'an dernier, et 1,9% attendu cette année. On voit par la que l’aphorisme adressé par James Carville à Bill Clinton doit ici être inversé : It’s not the economy, stupid !

Avant l'Espagne, la droite a déjà enregistré des succès ces derniers mois en Grèce, Finlande, Suède et Italie. En Turquie, le nationalisme sort renforcé des récentes élections. A l'automne, les Polonais auront à choisir entre deux droites, l'une conservatrice (au pouvoir), l'autre libérale. En Allemagne, l'extrême droite (AfD) dépasse les Verts (au pouvoir) de deux points dans les intentions de vote.

Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr