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N° 313 / 3 septembre 2023.

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Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 16 juin 2023.

Avec cette semaine :

  • Dominique Reynié, enseignant à Sciences Po agrégé de sciences politiques.
  • Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.
  • Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.

LES DROITES EN EUROPE

Dominique Reynié, vous êtes Professeur des Universités à Sciences Po et agrégé de sciences politiques. Vous dirigez, depuis 2008, la Fondation pour l’innovation politique, un think tank indépendant et reconnu d’utilité publique qui s’inscrit dans « une perspective libérale, progressiste et européenne ».

Vos travaux portent sur les transformations du pouvoir politique, l'opinion publique, les mouvements électoraux, la droite et le populisme. Vous avez dirigé l’ouvrage de la Fondapol intitulé Les droites en Europe. Il retrace la montée en puissance des partis de droite au sein de l’Union européenne dès le milieu des années 1980, dans le contexte de l’effondrement du communisme et de l’épuisement de la social-démocratie. Il montre comment, sous l’effet du vieillissement démographique et de la pression migratoire, les Européens sont devenus de plus en plus soucieux de préserver leur niveau de vie et leur identité, un patrimoine à la fois matériel et culturel. Les mouvements populistes ont très tôt orienté leurs discours et leurs programmes autour de cet « enjeu patrimonial ». Ils ont ainsi opéré une large poussée en Europe dès les années 1990, au point de figurer parmi les principaux adversaires de la droite de gouvernement.

Le basculement électoral à droite qui s’opère aujourd’hui en Europe rappelle l’actualité de ces analyses. En mai, en Espagne, les scrutins locaux se sont traduits par un échec sévère pour la gauche, au pouvoir depuis 2018. La droite de gouvernement est sortie gagnante du vote en totalisant plus de 7 millions de suffrages. La formation d’extrême droite Vox a doublé son score en quatre ans et a effectué une poussée spectaculaire dans plusieurs parlements régionaux. En Grèce, le parti conservateur du Premier ministre sortant Kyriakos Mitsotakis a remporté une nette victoire en mai dernier. Le nationalisme turc a été renforcé par la réélection récente de Recep Tayyip Erdogan, et une semblable percée électorale de la droite et de l’extrême droite a été observée ces derniers mois en Finlande, en Suède, et en Italie.

A partir des résultat des élections européennes de 2019, la Fondapol a calculé que les électeurs de listes de droite représentent en Europe 43.4% des suffrages, soit presque le double des suffrages alloués aux listes de gauche. Dans une autre étude, en 2021, vous montrez la conversion profonde des Européens aux valeurs de droite. Elle est nourrie par trois thèmes particulièrement mobilisateurs : le libéralisme économique, le nationalisme, via la question identitaire, et le libéralisme politique, indexé à l’individualisme.

La recomposition politique bat son plein en Europe et interroge la droite sur sa doctrine, son programme de gouvernement et son système d'alliance. Dans divers pays d’Europe, la frontière entre droite et extrême-droite s’efface progressivement. L’Europe hérite de la stratégie « d’union des droites » mise en place par Sylvio Berlusconi dès 1994 avec l’alliance, jusque-là inconcevable, de son parti libéral « Forza Italia », du parti conservateur « Lega Nord » et du parti néofasciste « MSI ». Depuis, la droite radicale a modéré son discours, notamment sur l’Union européenne, et est devenue l’alliée de la droite de gouvernement dans plusieurs pays du Nord de l’Europe, comme la Finlande ou la Suède. En France, seul Éric Zemmour appelle pour l’instant à cette « union des droites ». Mais l’offensive des LR sur l’immigration, qui proposent de modifier la Constitution pour y inscrire « la possibilité de déroger à la primauté du droit européen quand les intérêts fondamentaux de la nation sont en jeu », pourrait accélérer le rapprochement idéologique avec l’extrême-droite.

Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr