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TRAITEMENT POLITIQUE DU CORONAVIRUS

 

Le 17 mars, Agnès Buzyn, l’ancienne ministre de la Santé et candidate de la République En Marche à la Mairie de Paris, confiait au Monde : « Je savais que la vague du tsunami était devant nous. » « Le 30 janvier, j'ai averti [Edouard Philippe que les élections ne pourraient sans doute pas se tenir. » « On aurait dû tout arrêter, c'était une mascarade. » L'opposition réclame des explications : le leader de La France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon s’indigne de ces « aveux consternants », et réclame que la mission d'information ouverte à l'Assemblée nationale sur le coronavirus s'en saisisse ; le député européen (Les Républicains) François-Xavier Bellamy tweete : « Comment ne pas être révolté ? (…) il ne fallait pas pleurer, il fallait agir ! » 

Les propos d’Agnès Buzyn ont obligé le soir même le chef du gouvernement à se défendre d'avoir sous-estimé le danger. « Si nous n'avions pas pris au sérieux cet événement sanitaire, je n'aurais pas organisé une réunion dès le mois de janvier » ni « pris des décisions lourdes », a fait valoir Édouard Philippe. Quant à l'alerte de l’ancienne ministre de la Santé sur la tenue des élections, il convient qu'elle a eu lieu le 30 janvier. Mais précise qu'« à l'époque, beaucoup de médecins n'étaient pas d'accord avec elle ».

Le conseil scientifique, nommé le 10 mars pour « éclairer » les choix du gouvernement a rendu public son avis du 12 mars, qui précise le cadre dans lequel il a eu à se prononcer sur un éventuel report des élections : « Cette décision, éminemment politique, ne pouvait lui incomber », expliquent ses membres. Le conseil a simplement précisé qu'« aucun élément scientifique n'indiquait que l'exposition des personnes lors du vote serait plus importante » que si elles allaient « faire leurs courses ». En clair : les scientifiques, loin de valider l'une ou l'autre option, ont simplement rendu un avis technique.

La double injonction contradictoire du gouvernement demandant « à toutes les personnes âgées de plus de 70 ans, à celles et ceux qui souffrent de maladies chroniques ou de troubles respiratoires, aux personnes en situation de handicap, de rester autant que possible à leur domicile » et en même temps, qu'elles se rendent aux urnes, a jeté le trouble dans la population et la classe politique. Dimanche, les bureaux de vote se sont avérés plus vides que les rues. Notamment à Paris. Avec un taux d’abstention de 55,25%, soit une baisse de plus de près de 20 points par rapport à 2014, la participation s'est effondrée comme jamais, posant la question de la légitimité des résultats obtenus lors de ce premier tour. La date du second tour des élections municipales, qui devait initialement se dérouler aujourd’hui, dimanche 22 mars, « sera fixée par décret », prévoit un projet de loi d’urgence, qui acte son report « au plus tard au mois de juin 2020 ».


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D’AUTRES DÉSORDRES

 

En Afghanistan, l'accord signé le 29 février à Doha par les États-Unis et les talibans vise à trouver une fin à dix-huit ans de guerre, au cours de laquelle près de 3.500 membres des troupes américaines et alliées ont été tués et qui a coûté des milliers de milliards de dollars. D’ici la mi-juillet, environ 4.000 hommes auront quitté l'Afghanistan. Les 8.600 restants plieront bagage d'ici avril 2021. Le secrétaire d'État Mike Pompeo a assuré que l'accord bilatéral n'était pas un abandon et précisé : "Nous observerons les talibans de près pour vérifier qu'ils respectent leurs engagements et nous ajusterons le rythme du retrait de nos troupes à leurs actions." Son collègue Mark Esper, secrétaire à la Défense a complété : "Si les talibans n'honorent pas leurs engagements, [...] les États-Unis n'hésiteront pas à annuler l'accord." La principale fragilité de l'accord de Doha est que le gouvernement afghan, même s'il a été tenu au courant des négociations, n'en est pas cosignataire. Le cœur de l'entente est de prévoir un retrait militaire américain en échange d'un arrêt du soutien taliban aux groupes djihadistes internationaux. Pour le reste, Kaboul et les talibans doivent, à partir de maintenant, parvenir à imposer un cessez-le-feu durable, et négocier l'avenir du pays. 

Sur le front pétrolier, le 9 mars 2020 les cours du pétrole ont chuté à environ 33 dollars le baril (un niveau inobservé depuis début 2016), soit une baisse de près de 25 % par rapport au vendredi 6 mars. À un choc de demande issu de la propagation du coronavirus et des mesures de confinement imposées notamment par la Chine, s'est superposé un choc d'offre issu des conséquences de la décision de l'Arabie saoudite et de la Russie de cesser leur coopération sur le marché, précipitant ainsi l'effondrement des cours et ce, d'autant plus que l'offre était déjà excédentaire sur le marché pétrolier au premier semestre 2020. 

En Russie, au nom de la « stabilité », le président russe, Vladimir Poutine, 67 ans, au pouvoir depuis vingt ans, vient de s'aménager la possibilité d'y rester seize ans de plus. Le 10 mars, la Douma, Chambre basse du Parlement de Russie, a adopté à une majorité écrasante (380 voix sur 450), un amendement constitutionnel visant à autoriser le chef de l'État à solliciter deux nouveaux mandats à l'issue de son mandat en cours, qui prend fin en 2024. Cette réforme doit encore être validée par la Cour constitutionnelle, puis par les électeurs, appelés à se prononcer lors d'un « vote populaire » le 22 avril

A Pékin, enfin, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian, a laissé entendre le 12 mars sur Twitter que l'armée américaine aurait introduit le virus à Wuhan, où la plupart des scientifiques s'accordent à dire que l'épidémie a commencé en décembre.


Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr