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UN MORT NOIR DE PLUS, UN MORT NOIR EN TROP


Le 25 mai un policier de Minneapolis a été filmé alors qu'il écrasait de son genou pendant neuf minutes le cou d'un Africain-Américain, George Floyd jusqu’à ce que mort s’ensuive. Dans son agonie, Floyd a gémi qu'il ne parvenait plus à respirer, une plainte qui rappelle les derniers mots d'Eric Garner, dont le décès, en 2014, a contribué à donner naissance au mouvement Black Lives Matter « les vies noires comptent ». La mort de Floyd est survenue seulement trois jours après l'arrestation en Géorgie de trois hommes accusés d'avoir traqué et assassiné un jeune Noir, Ahmaud Arbery, alors qu'il faisait son jogging.

À Minneapolis, les manifestants ont déferlé dans les rues, et la police a réagi beaucoup plus durement que face aux contestataires anticonfinement armés jusqu'aux dents. Dans la soirée du 27 mai, les manifestations pacifiques ont dégénéré en émeutes. Le lendemain, le gouverneur démocrate du Minnesota appelait en renfort la Garde nationale. La colère provoquée par la mort de George Floyd à Minneapolis a continué de s'étendre, embrasant quelque 40 grandes villes du pays. Certaines ont dû instaurer un couvre-feu.

Face à ces troubles, le président américain a menacé de déployer l'armée pour venir à bout de ce qu'il a qualifié de « terrorisme intérieur ». Il pourrait mettre en œuvre une loi de 1807, qui n’a pas été appliquée depuis 30 ans. Cette éventualité a semé le trouble dans l’institution militaire. L’ancien Secrétaire d’État à la défense, l’ex-général des marines, James Mattis, a publié, mercredi, une tribune incendiaire accusant le président de diviser le pays. « Je n’ai jamais imaginé qu’on ordonnerait à des soldats de violer les droits constitutionnels de leurs concitoyens », écrit-il dans le magazine The Atlantic. L’amiral Mullen, ex-chef d’état-major des armées, le général Allen, ancien patron de la coalition contre Daech et l’actuel chef d’état-major se sont prononcé contre le président. Mark Esper, l’actuel Secrétaire à la défense, a, lui aussi, pris ses distances avec la menace de la militarisation brandie par le président américain. Selon le New York Times, 40% des effectifs de l’armée américaine sont des « personnes de couleur ». Barak Obama a estimé que les noirs ont joué un rôle prépondérant pour « réveiller » le pays. 


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DONALD TRUMP CONTRE L’OMS

 

Le président Trump a annoncé le 29 mai « mettre fin à la relation » entre son pays et l'Organisation mondiale de la santé (l'OMS. Il accuse l'organisation onusienne de se montrer depuis le début de la pandémie trop indulgente avec la Chine, où le coronavirus est apparu en décembre avant de se répandre sur la planète. La décision était redoutée mais attendue : après avoir gelé son financement en avril, puis l'avoir sommée, mi-mai, de se réformer en profondeur dans les 30 jours, Donald Trump a finalement privé l’OMS d'une part essentielle de son maigre budget et menacé ainsi des programmes de santé dans les pays les plus pauvres.

Née en 1948, l'OMS est une énorme machine de 7.000 employés présente dans le monde entier. Ses missions sont tributaires des crédits accordés par ses États membres et les dons de bienfaiteurs privés. Dotée de 2,8 milliards de dollars par an (5,6 milliards sur l'exercice biennal 2018-2019), l'OMS a « le budget d'un hôpital de taille moyenne dans un pays développé », a déploré son directeur général, l'Éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus. Avec 893 millions de dollars apportés sur la période 2018-2019, (15 % du budget), les États-Unis en sont le premier bailleur de fonds, devant la fondation Bill et Melinda Gates, premier contributeur privé, l'Alliance du vaccin Gavi, le Royaume-Uni et l'Allemagne, et loin devant la Chine et ses 86 millions.

La contribution américaine va essentiellement en Afrique et au Moyen-Orient. Environ un tiers de ces contributions co-finance les opérations de lutte contre les urgences sanitaires, le reste étant d'abord consacré aux programmes d'éradication de la poliomyélite, à l'amélioration de l'accès aux services de santé et à la prévention et la lutte contre les épidémies. L'annonce américaine a stupéfié la communauté scientifique. Richard Horton, rédacteur en chef de la revue médicale britannique The Lancet, l'a qualifiée de « folle et terrifiante », estimant que « le gouvernement américain joue au voyou en pleine urgence humanitaire ».

Une question demeure sans réponse pour le moment : quand et comment les Etats-Unis couperont-ils concrètement les vivres à l’OMS ? Dans un tweet publié le 29 mai, Lawrence Gostin, professeur au O'Neill Institute for National and Global Health Law à l'université de Georgetown et collaborateur de l'OMS, a jugé la décision du président américain « illégale » à deux titres : les Etats-Unis ont signé et ratifié un traité d'adhésion à l'OMS et les crédits sont votés par le Congrès américain.

Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr