Je suis le matador, debout, seul, au milieu de l’arène, mon épaule et mon bras gauche drapés dans la capote de paseo qui révèle par contraste mon habit de lumière. « traje de luces », habit de paillettes. La corrida va bientôt s’ouvrir. La soie rose de ma capote de brega viendra caresser le pelage du taureau. Son revers est jaune, comme le soleil trop intense, dans le grand lac du ciel. Jaune, la dernière couleur qui frappera ma rétine si le taureau m’encorne. Passée la parade initiale du paseo, après le signal des clarines, le toro fait son entrée dans l’arène. Après les premières passes du tercio de pique qui nous permet de faire connaissance, c’est le tercio des banderilles ; trois paires de piques fichées dans le corps du toro. Puis viendra le temps du tercio de la mise à mort. Nous serons seuls face à face. Le rouge de la muleta succèdera au rose de la cape. J’aurai quinze minutes pour porter le coup de grâce. Ce sera la faena. La tâche, le travail, la besogne. Pour le toro, il ne s’agira plus du couloir qui conduit vers l’arène mais de celui qui conduit vers la mort.