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La mémoire des inquisiteurs


Les terroristes de la pensée sont des gens qui font passer les différences pour des incompatibilités. Longtemps l’église et la religion catholique qui ont façonné mon berceau spirituel ont été tristement redoutables et toxiques dans ce domaine. En France, mais pas que, l’inquisition a embrasé plus d’un siècle les épisodes d’un odieux thriller national dont Jeanne d’Arc pourtant si souvent récupérée par des catholiques radicalisés, fut l’une des principales victimes, en étant brulée à l’égal d’une sorcière.


Hérésie, dogme, autodafé, torture, bûcher, supplice, dislocation, brûlures, mutilations, aveux, confessions, rétractations, tels sont les mots clef d’une calamité qui a également touché l’Espagne et le Portugal, avant de franchir les mers, et qui relève d’un état d’esprit qui fait encore aujourd’hui des adeptes. L’inquisition est un fléau qui ne se contentait pas de toucher les vivants mais qui cherchait à effacer jusqu’à la mémoire des morts en démembrant les corps consumés de ceux qu’elle avait martyrisé, en brisant leurs os et en jetant dans un second brasier des morceaux de leurs dépouilles pour que leurs cendres soient dispersées dans les eaux courantes d’une rivière ou d’un fleuve.


Ce programme « nacht und nebel » avant la lettre nazie soulignait la capacité des inquisiteurs à essayer de radier les conséquences de leurs méfaits de la mémoire humaine. Que les bourreaux en aient été des prêtres, des religieux, des nazis, des staliniens, des maoïstes ou des talibans, tous sont arrivés à imposer des dogmes par la terreur et par la persécution et à inciter des enfants à dénoncer et donc à renier leurs propres parents. Le fanatisme n’a épargné aucune religion. Au temps de l’inquisition, des catholiques qui se prétendaient chrétiens en sont venus à crucifier leur prochain ! L’église catholique a préféré canoniser nombre de tortionnaires de l’inquisition plutôt que de célébrer la mémoire des martyrs qu’elle avait suppliciés avant de les éliminer. Mais les religions n’ont pas le monopole de l’inquisition. Pierre Chaunu nous a rappelé que la Révolution française avait fait plus de morts en un mois au nom de l’athéisme que l’Inquisition au nom de Dieu pendant tout le Moyen-Âge et dans toute l’Europe.


Les inquisiteurs ont toujours été des sortes de commissaires politiques, de magistrats honteux. Il est intéressant de rappeler la définition que l’on donnait de l’inquisiteur au 17ème siècle : « Officier d'un tribunal estably contre les Juifs, Les Mores & les Heretiques, pour s'enquerir de ceux qui pechent contre la Foy. » Les juifs et les arabes étaient déjà ciblés. Les inquisiteurs ont toujours cherché des victimes expiatoires afin d’expier, de vivre leurs névroses paranoïaques par procuration.