Il se pourrait que le bug du 21ème siècle ne soit pas le mythe de celui de l’an 2000, qui était censé porter sur le format de la date dans les mémoires des ordinateurs, mais celui de la tergiversation. Tergiversation, du latin tergiversatio « tergiversation, lenteur calculée, détour ». Le mot désigne l’ensemble des moyens mis en œuvre pour éluder ou retarder une décision, une réponse, un engagement précis. Il a des synonymes terribles : « atermoiement, dérobade, faux-fuyant, louvoiement ». On en aboutirait presque à la procrastination, le fait d’ajourner, de remettre au lendemain ce que l’on pourrait faire dans l’instant. L’air du temps est à la tergiversation. Judiciarisation aidant, le fait de recourir de préférence à des solutions judiciaires pour régler des litiges plutôt qu’à l’accord amiable ou à la médiation. D’un côté la nouvelle signature de la marque Peugeot « Motion & e-motion » qui revendique la transition vers la voiture hybride ou électrique. De l’autre celle qui pourrait parapher la posture de nombre de leaders, élus ou proclamés : « Inhibition et tergiversation ». Le principe de précaution appartient à la novlangue de l’inaction. Il justifie toutes les lenteurs. Il exclue, il diabolise la notion de prise de risque, inhérente à la vie. Procréer ? C’est une prise de risque. Entreprendre ? C’est une prise de risque. S’engager ? C’est une prise de risque. Décider ? C’est une prise de risque. A force de ne pas gouverner, ceux font mine de diriger prennent un risque fatal et bien supérieur à tous les autres : celui de se conduire en irresponsables, en individus qui à force d’avoir peur de leur ombre finissent par devenir les chevaliers du chaos. Comme dans toutes les crises, chacun renvoie la patate chaude à son prochain : les civils aux militaires et réciproquement. Les politiques aux administrations et réciproquement. Le secteur public au secteur privé et réciproquement.
Jean-Pierre Guéno