Jean Rochefort n’était pas qu’un « dandy », tantôt à son avantage, tantôt dérisoire (« Un éléphant, ça trompe énormément »). Enfant de la post-nouvelle vague (où il ne fut pas invité) il eut une carrière sur deux jambes : le théâtre (PInter notamment), et le cinéma (une soixantaine de rôles). Pacifiste convaincu, il se retrouve associé au travail d’un ex-militaire (Schoendorfer et le « Crabe-tambour ») Homme penchant à droite (« inactif et qui préfère le regret à l’action »), il fit deux films avec son opposé politique : Bertrand Tavernier.
Jean Rochefort savait être cassant avec ses réalisateurs (Chabrol traité de paresseux, Leconte à qui il demande de ne plus adresser le parole sur le tournage des « Vécus étaient fermés de l’intérieur). Il savait aussi être encourageant avec de jeunes auteurs qu’il cautionnait par sa présence (Salvadori, Lioret entre autres).
Rochefort était plus complexe que Marielle et Noiret, ses deux comparses des « Grands ducs » (Leconte). Le cinéaste Pierre Granier-Deferre raconte qu’il eu le vertige en visitant la maison de Rochefort tellement celle-ci était vide et spartiate, Rochefort mettant ses souvenirs dans les placards. Jean Rochefort avait un psy, à qui il dit qu’il n’avait pas envie d’aller voir Noiret sur son lit de souffrance. Sauf que Le psy a insisté...
Pas impliqué dans Mai 68, énervé par le culte de la vedette, c’était un libre-penseur indépendant qui « devenait plus misanthrope en vieiilissant . « Je suis victime de mon époque » dit-il dans le livre de Jean-Philippe Guerrand. Pourtant l’époque l’a aimé. Jusqu’au bout et jusque à ce film en noir et blanc (« L’artiste et son modèle » de Fernado Trueba), où il est un peintre dont les sens et l’âme chavire au contact d’une de ses jeunes modèles...
Le cheval fut sa passion, qui l’aidait à prendre ses distances avec les mondes creux du show-biz. Il participa au développent d’une technique in vitro responsable, qui permit de ne pas s’en remettre, question équidés, à la rentabilité américaine.
« Prince sans rire », la somme de Jean-Philippe Guerrand sur Rochefort est à la fois chronologique mais aussi en escalier. Une biographie fidèle, tissée d’histoires et de souvenirs, et qui mérite un vrai détour. A l’image de cet « Etrange voyage » de Cavaiier, où Rochefort arrête le temps et sort des rails pour un détour avec sa fille. (Pierre Gaffié)