L’été 2022 signe les premières vacances post Covid-19. Les signaux montrent que la saison est excellente. Malgré toutes ces bonnes indications, selon le sociologue Bertrand Réou, « on voit quand même que des crises sont passées par là ». « La première c’est celle liée à l’emploi touristique. Il y a des difficultés très importantes de recrutement. Et puis, on voit aussi qu’un certain nombre de lieux sont en train de mettre des protocoles pour limiter la surfréquentation touristique ». En effet, l’accès aux calanques de Marseille a été limité par exemple. « Cette régulation a commencé à être réfléchie avant la crise liée au Covid. Mais c’est vrai que c’est un enjeu majeur dont se sont saisis des grandes villes comme Amsterdam ou encore Venise et Barcelone », explique notre invité avant d’ajouter : « À partir de janvier 2023, Venise va faire payer un droit d’entrée avec un quota d’un nombre de personnes qui pourront visiter. Il y aura tout un système de paiement. À Amsterdam, cela sera encore plus rigoureux. Ils veulent complètement réaménager le quartier des boutiques de souvenirs ».
Il se dit : « Tous égaux en maillot de bain ». Cependant, il n’est pas sans savoir que les classes populaires sont les plus affectées en matières de vacances. Bertrand Réou développe ce point. « Ils ont des difficultés pour partir en vacances. Par rapport à cela, c’est une première barrière. Mais ce qui est important, c’est que nous devons garder en tête qu’on apprend à partir en vacances. C’est tout un processus de socialisation qui peut paraître inné, mais qui ne l’est pas ».
Alors que les Trente Glorieuses ont permis une démocratisation des vacances, depuis les chiffres stagnent. La proportion de Français qui ne partent pas évolue assez peu. La faute à quoi ? La faute à qui ? Le sociologue des vacances du centre européen de la sociologie et de science politique répond : « C’est un véritable enjeu. (…) On a atteint un effet de seuil de près de 70% de partants. Il y a non seulement le fait de partir en vacances mais aussi la différence de partir une fois ou plusieurs fois et dans des formules plus ou moins diversifiées. Là, on voit que les inégalités sont encore plus flagrantes. Lorsque l’on prend le nombre de départs par catégorie sociale, et bien on voit que les cadres partent trois fois plus que les ouvriers et six fois plus lorsqu’il s’agit de partir à l’étranger. Les vacances s’inscrivent vraiment dans un mode de vie ». Bertrand Réou souligne également le fait que pour la prise en charge des enfants, il y a encore des différences. « Les aides mises en place par l’État (comme Vacances Apprenantes), sont toujours des aides ponctuelles qui s’inscrivent dans des politiques sociales spécifiques et il n’y a pas de réflexion globale sur les enjeux mêmes que sont les vacances. Et je dirais même sur les effets que cela a sur les familles, sur le lien social, sur le rapport à la société, sur l’intégration sociale. (…) On peut constater que depuis près de 40 ans, nous sommes passés à une politique qui était à la fois économique d’aménagement du territoire avec un soutien pour encourager les départs en vacances à une politique beaucoup plus individualisée, notamment par la mise en place des chèques vacances. Cela marque un désengagement de l’État », constate l’invité des 4 vérités.
Pour terminer, Bertrand Réou rappelle que le fait de partir en vacances est nécessaire. « Pour les adultes, c’est un moment de soupape et de liberté. (…) Une soupape essentielle au bien-être psychique et physique ».