« Notre Europe est mortelle » : c’est l’une des phrases chocs retenues lors du discours d’Emmanuel Macron à La Sorbonne ce jeudi 25 avril 2024. Invité à prendre la parole sur l’Europe, le président de la République a évoqué à plusieurs reprises la « puissance européenne » qui passe selon lui par un effort sur la défense et les crédits militaires. Est-ce donc l’antidote pour sauver l’Europe du péril ? Pour Sébastien Lecornu, ministre des Armées, les multiples conflits actuels justifient une telle prise de position, aussi alarmiste qu’elle soit. « Les risques d’insécurité sont bien là avec tous les défis que nous posent la Russie, l’Iran, les proliférations nucléaires, le terrorisme qui n’a pas disparu, les contestations d’espaces nouveaux, les fonds sous-marins, la militarisation de l’espace, les menaces cyber… On vit une époque objectivement qui n’est pas que romantique » constate notre invité. Longtemps déléguée à Washington, l’Europe doit à présent reprendre la main sur sa capacité de défense et s’émanciper progressivement de sa dépendance internationale pour consolider la souveraineté et l’autonomie du territoire. C’est certainement l'une des premières leçons que les gouvernement européens respectifs peuvent tirer de la guerre en Ukraine. Tous ou presque ont compris l’importance de produire en quantité malgré les réticences de la commission européenne qui a pendant longtemps freiné des quatre fers le financement des industries de défense. Aujourd’hui, les institutions européennes ont décidé de soutenir le développement de ces industries parfois stigmatisées en les finançant, en accompagnant les investissements en matière de production et d’innovation. « Les grands programmes européens entre nations créent de la valeur, de l’emploi et ça permet de résister au choc des compétitions internationales » défend le ministre des Armées.
Dans ce jeu d’échec grandeur nature et malgré les alertes d’Emmanuel Macron, qui appelle à la préférence européenne, certains pays à l’instar de nos voisins allemands continuent d’acheter du matériel aux États-Unis. En effet, leur projet de bouclier anti-missile sera difficilement estampillé européen bien que la France n’y ait pas totalement renoncé. Emmanuel Macron est-il condamné à faire cavalier seul ? Pour Sébastien Lecornu, c’est avant tout un vieux réflexe protectionniste : « Beaucoup de capitales européennes […] sont dans la promesse que Washington viendra les protéger y compris avec un non-dit de ces opinions publiques là qu’est le parapluie nucléaire américain » explique notre invité. Pourtant, il soutient le modèle de dissuasion nucléaire européen qui est « complètement autonome ». Dans son allocution à la Sorbonne, Emmanuel Macron a donné quelques détails sur cette future défense européenne avec notamment la création d’une prochaine académie militaire. Le chef d'État français a également évoqué la cyber défense et a parlé d’une force de réaction rapide qui pourrait se constituer et atteindre 5000 hommes. « C’est un sujet clé et sur lequel je souhaiterais qu’on puisse aboutir dès l’année prochaine en étant très réactif. Il y a beaucoup de crises sur lesquelles l’OTAN n’est pas compétente et sur lesquelles la France mène souvent des opérations seules comme les exactions de nos ressortissants dans des pays qui sont en crise […] ce partage là a du prix et de la valeur. C’est du pragmatisme. Cette force la permet de faire de la mise en sécurité des ressortissants européens, on doit pouvoir la mettre en place très rapidement » affirme le ministre.
Européenne : le RN creuse le fossé
Malgré de nombreuses dissonances avec l’Allemagne du point de vue de la défense, Sébastien Lecornu s’apprête à signer avec son homologue allemand un accord sur le char du futur, un véhicule de combat franco-allemand à horizon 2040. Mais avant cette lointaine échéance, les élections européennes se profilent à vitesse grand V. Et si la majorité tarde à prendre le train en marche, le discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne, très porté sur l’Europe, sonne comme un début de campagne. Plutôt mal engagée dans les sondages, largement distancée par le Rassemblement National, Valérie Hayer, la tête de liste du camp Renaissance, peine à s’engager dans la course.