Description

 Le 12 août 2022, dans la ville de Chautauqua, aux Etats-Unis, et alors qu’il s’apprête à monter sur scène pour donner une conférence sur l’importance de préserver la sécurité des écrivain, Salman Rushdie, le célèbre écrivain britannique, auteur entre autres des Versets Sataniques, est victime d’une attaque terroriste. Poignardé au moins 15 fois, il reçoit des coups à l’abdomen et au cou, avant que l’agresseur ne soit maîtrisé par des membres de l’assistance. Directement transporté à l’hôpital et opéré en urgence, il survit mais perd l’usage de son œil droit. Deux ans plus tard, il s’arme de sa plume et publie « Le couteau » chez Gallimard, le récit de cette tentative d’assassinat. 

Actuellement à Paris pour recevoir le Prix Constantinople qui récompense les auteurs faisant le pont entre les cultures et civilisations orientales et occidentales, il indique trouver le caractère hasardeux des prix littéraires « formidable ». Au micro de Thomas Sotto, il revient sur l’importance d’écrire pour retrouver la force qu’il avait perdue suite à l’attaque, une manière pour lui de « recontrôler le récit ». Vivant depuis 33 ans sous menace de mort, depuis qu’il est objet d’une fatwa par le « Guide suprême » iranien Rouhollah Khomeini, il dit avoir « très souvent imaginé la possibilité que quelqu’un l’attaque ». 

Une vie placée sous le signe de la peur 

« C’est donc toi, te voilà », écrit-il dans son nouveau roman. L’écrivain britannique vivait avec la perspective d’être victime d’une tentative d’assassinat depuis la fin des années 1980, bien qu’ayant pris l’habitude de vivre avec la peur. Il précise : « Un jour, j’ai cessé d’imaginer ça, parce que cela faisait 25 ans que ma vie était normale à New-York, mais en réalité, ce chapitre n’était pas clôt ». Il voit une « exception » en le jeune homme de 24 ans qui l’a agressé, manifestement radicalisé au Liban après y avoir visité son père, et en quête d’une cible pendant plusieurs années. Les quelques mots que l’écrivain d’origine indienne daigne lui accorder : « Bonne vie en prison ». Il estime en fait lui avoir tout dit dans son livre, et qu’il suffit à son agresseur de le lire, même s’il doute qu’il le fasse. 

« Cela fait des années que je vis avec la peur, c’est un sentiment que je connais bien et j’ai développé des techniques pour le mettre de côté ». La peur comme une habitude, donc, pour quelqu’un de menacé par les extrémistes, mais pas de colère. Même après son attaque, Rushdie considère ne pas avoir ressenti de colère, mais de s’être inquiété de savoir où étaient ses clés et sa carte de crédit, porté par un esprit de vie : « je n’avais pas prévu de mourir ce jour », avoue-t-il. Un besoin nécessaire d’aller de l’avant pour se remettre de l’attaque, guérir et survivre, que la colère bloquerait : « j’ai l’impression que la colère vous fait reculer ». 

À propos du débat Israël-Palestine qui embrase les universités à travers le monde, bien qu’il se montre compréhensif face au besoin de s’exprimer des étudiants, l’écrivain prévient qu’il ne faut pas pour autant que la situation dégénère ni que des étudiants, notamment juifs, se sentent menacés. Il continue avec sa carrière littéraire pour lutter à sa manière contre les fondamentalistes, parce qu’il « n’aime pas l’idée qu’ils puissent gagner ». Volonté ou brin de naïveté, il conclut que « le stylo sera toujours plus fort que le couteau ».