Depuis le début des émeutes à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, ce mardi 14 mai 2024, un bilan de quatre morts et de nombreux blessés est à déplorer. L’état d’urgence a été proclamé dès mercredi par le président de la République pour déployer le plus de forces possibles et encourager le retour au calme. Invité de Télématin aujourd’hui, jeudi 16 mai, à deux jours du début de l’escalade de tensions et de violences dans l’archipel du Pacifique, le ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer Gérald Darmanin exprime tout d’abord des mots pour les forces de l’ordre locales, « blessées dans leur chair avec la mort d’un gendarme de 22 ans ». Il souligne également leur « courage » et les plus de 206 interpellations qui ont été menées depuis la proclamation de l’état d’urgence. Il se félicite enfin d’avoir assigné à résidence dix leaders indépendantistes, qu’il estime « mafieux » : « le CCAT est un groupuscule qui se dit indépendantiste mais qui commet des pillages, des meurtres et de la violence », explique-t-il. Il prévoit de continuer les arrestations d’une vingtaine d’autres leaders de ce parti dans la journée et affirme que « nous ne reculerons pas ».
Le ministre annonce la suite du programme, qui sera déployé dans la journée : l’arrivée de centaines de policiers et gendarmes en Nouvelle-Calédonie en soutien à ceux déjà présents sur place. Ce sera au total plus de 2700 policiers et gendarmes qui seront déployés sur l’île : « le calme va revenir », affirme l’homme politique, sûr de lui et des forces armées. Il rappelle que ces dernières œuvrent à « sauver des vies », et qu’aucun des morts civils n’est à imputer aux autorités. Les deux kanaks qui sont morts « voulaient manifestement voler une voiture », selon lui : la police serait donc intervenue et aurait tiré à bout portant, « pour faire son travail », c’est-à-dire, « arrêter tous les tueurs, tous les gens qui assassinent ». Il réfute l’hypothèse d’une intervention de l’armée dans les rues de Nouméa, rappelant que si cette dernière aide ponctuellement les forces de l’ordre, il ne s’agit pas d’une invasion militaire, mais bien d’une question de « maintien de l’ordre », ce qui est le travail des policiers et gendarmes.
À ceux qui estiment que la Nouvelle-Calédonie est au bord de la guerre civile, Gérald Darmanin répond par la négative. Il est convaincu d’être « vers la voie du rétablissement de la paix publique », et insiste sur le fait que l’État met tout en place pour « sauver des vies et protéger les infrastructures ». « Dans les heures qui viennent, l’État va reprendre le contrôle », annonce-t-il. Quant à aller directement sur l’archipel, il indique s’y être déplacé plus d’une dizaine de fois depuis qu’il est entré dans ses fonctions, mais qu’il attend aujourd’hui que les policiers et les gendarmes fassent leur travail avant de poser le pied dans ce territoire d’Outre-Mer : « je ne veux pas les gêner », avoue-t-il.
Les causes de la révolte
La Nouvelle-Calédonie s’embrase depuis plus de deux jours suite au vote à l’Assemblée nationale d’un projet de loi constitutionnel prévoyant l’élargissement du corps électoral de l’archipel. Le texte de loi servirait surtout, explique Gérald Darmanin, à donner le droit de vote aux Calédoniens qui ne le possèdent pas, malgré leur naissance sur l’archipel. Selon les indépendantistes calédoniens, il s’agirait plutôt d’un projet visant à invisibiliser davantage la communauté autochtone kanak, représentant approximativement 40% de la population du territoire et majoritairement partisane de l’indépendance. Le ministre de l’Intérieur explique que les Calédoniens ont voté trois fois en cinq ans « non » à l’indépendance, et qu’il n’a pas prévu de retirer le texte de loi, car cela reviendrait à « retirer la démocratie ». Il ne veut surtout pas faire passer le message que « la violence, les pillages et les meurtres peuvent faire pression sur notre démocratie ». Il insiste sur l’importance du rétablissement de l’ordre public, et ne se prononce pas sur l’utilisation d’un médiateur dans les discussions avec les Calédoniens. Enfin, il énonce sa déception quant à l’implication de l’Azerbaïdjan dans les affaires calédoniennes : « je regrette qu’une partie des leaders calédoniens aient fait un deal avec cette dictature ».