« L’âge légal de départ à la retraite revu à la hausse à 64 ans n’est plus négociable »: ces mots ont été prononcés très clairement par Elisabeth Borne ce week-end malgré le rejet d’une majorité des Français soutenus par les syndicats. « C’était le point de départ de la réforme et on l’a tout de suite compris. Il faut écouter ce qui est train de se passer » alerte Laurent Berger qui appelle les salariés à renouveler cette mobilisation massive contre la réforme des retraites ce mardi 31 janvier 2023. Pour le secrétaire général de la CFDT, ce point de crispation majeur est à l’origine de toutes les inégalités. Pourtant, le gouvernement ne compte pas ratifier cette mesure et reste ancré sur ses positions au nom du progrès social. « C’est une réforme injuste qui va toucher y compris les personnes les plus fragiles, les travailleurs intermédiaires. C’est une réalité et certains au gouvernement disent que ça va toucher un peu plus les femmes » poursuit l’invité des 4V alors que les instituts de sondage ont levé le voile sur la disparité entre les hommes et les femmes qui devront travailler neuf mois supplémentaires en moyenne contre cinq mois chez la gent masculine. Si la CFDT ne s'oppose pas au rééquilibrage du système et de la valeur travail, elle souhaite plus de reconnaissance notamment à travers les salaires et une valorisation des conditions de travail. « Je n’ai pas de problème avec le travail mais il faut que les travailleurs soient respectés et se sentent reconnus, ce qui n’est pas le cas ».
Pris dans les rouages d’une réforme qui ne fait pas l’unanimité, le gouvernement semble rester sourd à l’appel du pied des syndicats. Pourtant, les manifestations du 19 janvier parlent d’elle-même : « dans des petites villes, il y a eu des milliers de manifestants, les salariés ont bien ressentis que ça allait les concerner notamment les travailleurs les plus modestes comme ceux du bâtiment, de l’agroalimentaire, du service à la personne, du nettoyage… » constate Laurent Berger. Malgré les tentatives du gouvernement de faire passer cette réforme en force, des négociations pour faire plier l'exécutif sur cette question épineuse du report de l’âge légal ? Le secrétaire de la CFDT y croit notamment grâce au travail des parlementaires sur le banc de l’opposition. Posé au Parlement dès aujourd’hui [lundi 30 janvier 2023 ndlr], le texte sera soumis au vote le 6 février 2023. « J’invite les parlementaires à ne pas aller tête baissée dans le report de l’âge légal à 64 ans parce que c’est rejeté par une immense majorité des salariés et des retraités » implore notre invité.
Ceux qui défendent la réforme des retraites invoquent les défaillances du système mis en place qui nécessitait le travail de quatre actifs pour financer la retraite d’un seul contribuable contre un retraité pour 1,8 actifs. La retraite par répartition est-elle encore un modèle à suivre ? « On a déjà fait ces efforts-là. Il faut arrêter de faire croire qu’on n’aurait rien fait pendant 30 ans. Ce n’est pas la philosophie d’équilibre des systèmes qu’il faut changer. Le vrai sujet c’est le travail des séniors » lâche Laurent Berger qui souhaite sanctionner les entreprises qui s’emploient à favoriser le jeunisme. Valoriser le travail des anciens : c’est tout le combat de la CFDT pour ne plus se reposer sur les travailleurs.
Taxer les milliardaires ? Vraie solution ou punchingball démago ?
A gauche, les députés fermement opposés à la réforme des retraites ont relancé le débat sur la taxation des super-fortunes à l’instar du milliardaire Bernard Arnault qui ulcère le camp de Jean-Luc Mélenchon. Ce à quoi le l’homme d'affaires s’est justifié sans détour en expliquant avoir généré 40 000 emplois l’an dernier et versé 2,2 milliards d'euros d’impôts sur les sociétés en France. Pour Laurent Berger, cette dénonciation est contre-productive : « Ce qui est intéressant, c’est de savoir combien chacun contribue en fonction de ses revenus. On voit bien qu’il y a un problème de fiscalité dans le pays et l’impasse dans laquelle s’est mise le gouvernement », dénonce le militant qui invite à réfléchir sur le revenu du capital et le revenu du patrimoine pour renflouer les caisses de l’État.
En parallèle, les actions Robin-des-Bois se poursuivent pour faire entendre la colère des Français. La CGT emploie depuis quelques jours les grands moyens en rendant l'électricité gratuite à certains endroits stratégiques ou en organisant des coupures ciblées. Des frappes incisives qui divisent l’opinion et fragilisent la cohésion des mouvements syndicaux. « Je préfère ça que les actions sanction que je condamne tout à fait. Ce n’est pas comme ça que ça marche dans une démocratie. Après, ce qui fait la légitimé du mouvement c’est l’opinion et nos mobilisations. Je serai très vigilant à ce que ça ne dérape pas » défend Laurent Berger.