On doit à Mathias Enard, outre Boussole, primé en 2015, des livres étonnants comme Zone, qui n’est composé que d’une seule phrase à la première personne du singulier sur près de 500 pages, à la seule exception de trois chapitres qui sont des extraits de l’ouvrage que lit le narrateur. D’autres titres traitent de régions qui lui sont chères, comme Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants, qui raconte, au moyen d’un voyage du peintre Michel-Ange à Constantinople comment l’ancienne et cosmopolite Istambul, a su accueillir les juifs chassés d’Espagne par les rois catholiques.
Dans ce livre, intitulé Déserter, deux récits se tissent entre eux, sans jamais se rejoindre si ce n’est sur le plan de l’esprit qui anime les personnages, et du poids qu’ils vont donner à la vie, la leur et celle de l’autre. De la tension entre ces deux récits s’élève, comme par une sorte de magie poétique, spatiale, mathématique, tout ce qui se joue, en amour comme en politique, entre l’engagement et la trahison, entre la fidélité et la lucidité, entre l’espoir et la survie.