D’Artagnan, le maton de Fouquet et de Lauzin.
Il y a 406 ans, le 27 janvier 1615 Nicolas Fouquet voit le jour à Paris. Il est le descendant d’une famille de petits commerçants intégrés dans la noblesse de robe depuis moins d’un siècle et devient le ministre de l’économie et des finances de Louis XIV sous Mazarin, après s’être constitué par ses mariages et par ses relations un formidable réseau d’influence et d’espionnage dans les milieux de la finance. Colbert déteste Fouquet et arrive à convaincre Louis XIV du fait que ce parvenu a volé l’argent de la couronne, cachant au roi qu’il a été en vérité surtout détourné par Mazarin. Le 17 août 1661, Fouquet offre au roi une réception somptueuse mêlant promenade, souper, comédie et feux d’artifice enchanteurs dans son « petit Versailles », dans son château de Vaux le Vicomte. Fouquet a eu recours aux plus grands talents de son époque : André Le Nôtre et Nicolas Poussin pour les jardins, Daniel Guittard et Michel Villedo pour le château, Charles Le Brun pour la décoration, et François Vatel pour les fêtes et banquets.
C’en est trop et celui qui aurait devenir en mars 1661 le premier ministre du royaume fait trop d’ombre au roi Soleil et à son château de Versailles. Louis XIV fera crever les yeux des forgerons de ses grilles pour que ces dernières ne puissent jamais être copiées.
« Le 17 août, à 6 heures du soir, Fouquet était le roi de France ; à 2 heures du matin, il n’était plus rien. » aurait écrit Voltaire.
Louis XIV utilisera l’équipe ayant créé Vaux le Vicomte. Les premières grandes fêtes du château de Versailles n’auront lieu qu’à partir d’avril 1664. Nicolas Fouquet avait bel et bien devancé son roi !
Profitant d’un voyage à Nantes, Louis XIV charge l’un des capitaines de ses mousquetaires, Charles de Batz de Castelmore, dit d’Artagnan, d’appréhender le ministre devenu son rival. Arrêté à Nantes, l’affairiste « bling-bling » est incarcéré à Angers pendant trois mois, dans le vieux château de roi René, et dans la ville de ses trop modestes ancêtres. Le ministre déchu va connaître une triste vie de château dans les geôles de Vincennes et de la Bastille avant que son procès ne le condamne à mourir dans la forteresse prison de Pignerol, près de Turin, 20 ans après sa déchéance. Durant trois ans et demi, le Capitaine d’Artagnan qui doit sa carrière à Mazarin reste le geôlier de Fouquet jusqu’à sa relégation en Italie, rôle qu’il déteste, mais qu’il accomplit à la satisfaction respective du Roi et du prisonnier. Devenu plus tard le geôlier de Lauzin, favori de Louis XIV tombé en disgrâce, d’Artagnan assume ainsi des rôles décisifs qui ne seront pas repris par Alexandre Dumas dans ses romans. Le vrai d’Artagnan sera encore « Capitaine des petits chiens du Roi courant le chevreuil » puis « capitaine-lieutenant de la première compagnie des mousquetaires » et enfin « maréchal de camp, gouverneur de Lille », avant de mourir héroïquement en soldat le 25 juin 1673, devant le siège de Maastricht, d’une balle hollandaise reçue en pleine gorge.
Jean-Pierre Guéno