Habillée en soubrette exagérément sexy, Soraya Rhazel amène les burgers aux convives du clip “Mégadose” de Vald, qui vont les conduire à l’overdose dans cette version rap de la Grande Bouffe, vue plus de 15 millions de fois. Un des nombreux clips de rap que l'on compte au palmarès de Soraya Rhazel qui tournait aussi il y a presque 10 ans sur le clip de "Martin Eden", l'un des premiers succès de Nekfeu, ou sur celui de "ASAP", sorti en 2021 par Gazo.
La profession de Soraya Rhazel ? “Vixen”. Un terme américain qui se traduit par “renardes”, ou en argot : "femmes fatales". Si au temps de Russ Meyer, le terme renvoyait à ces actrices à gros seins et gros caractère, aujourd’hui, le bonnet est variable (bien que la plastique toujours mise en avant) et le caractère toujours aussi trempé. Ce mot "Vixen", désigne aujourd'hui celles que la plupart appellent "les meufs des clips de rap". Des femmes hypersexualisées, à la fois danseuses, comédiennes, performeuses, pour certaines spécialistes de la pyrotechnie ou gymnastes… Elles sont très peu respectées, boudées par certaines féministes qui les accusent de jouer le jeu du patriarcat, et jamais (ou presque) créditées au générique des clips pour lesquels elles travaillent.
On ne connait pas leur nom, en voilà un : Soraya Rhazel fait partie de la première génération de Vixen. Dix ans après ses débuts, elle publie aujourd'hui son premier livre. Baptisé Vixen, Les égéries oubliées du Rap, l'ouvrage retrace le parcours de Soraya Rhazel, intime et professionnel, et nous plonge dans les coulisses du métier. Elle raconte sa passion du rap, l’indépendance, les allié‧es, la sororité et la méfiance. On apprend par exemple que les professionnels du milieu ne lui demandaient (curieusement) pas son âge lors de ses premiers shootings et tournages, à ses quatorze ans. Ainsi, pendant quatre ans, la jeune femme aura dix-huit ans. Une partie du livre est consacrée à l'omerta, qui règne en maître dans le milieu : Soraya Rhazel évoque ainsi deux prédateurs et agresseurs influents dans la sphère rap, qu'elle baptise de surnoms pour raconter leurs terribles agissements, certainement par peur des représailles. Notons alors l’appel à témoignages qui clôture le livre, avec un contact associé aux nombreux numéros d'écoute, pour peut-être encourager à mettre un nom (et un procès ?) sur ces affreux personnages.
Soraya Rhazel raconte aussi la professionnalisation de son métier, puisqu’elle est devenue la première directrice de casting pour Vixen. C'est elle qui a convaincu ses collègues de se faire payer en facture, comme auto entrepreneures.
Sous la plume de Soraya Rhazel se dessine l’histoire d’une profession trop méprisée alors que plus qu’importante dans l’histoire du hip-hop. On en retient la puissance des Vixens, "belles déterminées fortes (…) elles sont mères, cheffes d’entreprise, étudiantes."
On vous laisse sur une dernière citation, lorsque Rhazel évoque les humiliations qu’elle subissait dans sa ville du 92 : "Aujourd’hui les garçons du bus n’osent plus croiser mon regard. Quand vous avez dansé en string dans les quartiers préférés de BFMTV et que vous êtes parvenue à vous faire respecter toute seule parmi ces hommes que les enfants de bourgeois ne côtoient que dans leurs fantasmes, je vous garantis que vous n’avez pas peur de trois sales gosses lorsqu'il s’agit de leur dire de baisser les yeux s’ils ne veulent pas gouter à la gifle que leurs nourrices ont oublié de leur donner." Et vlan.