Parcours sentimental

Jean-Pierre Guéno

Ce podcast propose de revisiter la vie d'un homme, connu ou inconnu, et se s'arrêter sur les points de basculement, ceux qui ont un jour décidé du reste de sa vie. Hasard ou non, il existe dans nos vies des moments qui nous font changer de direction. C'est de ces parcours non linéaires qu'il est question dans ces rencontres.

17/12/2022
Julien Paganetti a 47 ans. Lyonnais de pure souche il est le fils d'un entrepreneur du bâtiment et son bac précoce décroché à 16 ans le fait sombrer dans le grand ennui d'études qui ne correspondent pas à une vocation qu'il na pas encore découverte. Il décroche laborieusement une licence de sciences économiques à l'Université Jean Moulin dont il sèche les cours pour assister à des cours d'histoire de l'art auxquels il n'est pas inscrit. Devenu indépendant à 17 ans, il choisit la piste lucrative et entrepreneuriale à la fin de ses études et devient entrepreneur en échafaudages pour les monuments historiques. Réussite, 50 employés, travail harassant et quelque peu aliénant dans toute la France. Après 10 ans d'existence régie par les échafaudages, il décide de changer de vie. Il sait ce qu'il ne veut plus faire. Il veut faire ce qui lui plait, il veut une existence sans stress. Il veut être raccord avec ses passions: art, histoire, culture littérature peinture chanson . Il se lance dans une trajectoire touffue. Il achète toutes sortes d'antiquité de livres, de tableaux, de meubles qu'il revend très vite sur E BAY . Jusqu'à l'acquisition d'une lettre de Victor Hugo en 2006. Tous bascule. Achetée 100 euros, il la revend 2500 euros. Il n'y connait pas grand-chose en manuscrits mais il devient un autodidacte guidé par une passion dévorante avec ses auteurs, ses grandes figures et ses périodes de prédilection. La révolution, l'Empire, Napoléon Hugo toujours lui, les poètes maudits, la deuxième guerre Mondiale, De Gaulle, les grands peintres et puis bien avant tout le monde, les manuscrits de Gainsbourg. Il est devenu un formidable orpailleur. Sa librairie Lyonnaise Autographes des Siècles est pour reprendre sa raison sociales «spécialisée dans l'achat, la vente, et l'expertise de lettres autographes rares et de manuscrits originaux de personnages célèbres». Il ne se contente pas de réunir des documents autographes. Les documents clef, les documents capitaux viennent à lui. Il semble les aimanter. L'émotion est au rendez-vous. Il y a une sorte de justice immanente. Sa passion le transforme en formidable tête chercheuse. A moins de 50 ans, il est devenu incontournable dans son métier d'orpailleur. Il constitue avec ses clients, qu'ils cèdent leurs trésors ou qu'ils les acquièrent, un cercle vertueux. La valeur de ce qu'il vend est renforcée par un formidable travail de documentation et de de catalogage . Ses catalogues sont des expositions capitales. https://www.autographes-des-siecles.com/
Alexandre Grandazzi a 65 ans. Primé au concours général, khâgneux au lycée Louis le Grand, il est un ancien élève de l'école normale supérieure de la rue d'Ulm, agrégé de Lettres, ancien membre de l'école française de Rome, ancien pensionnaire reçu premier de la Fondation Thiers, lauréat du prix Bordin décerné par l'Institut et professeur des universités. Il est archéologue spécialiste des langues anciennes et spécialiste de l'antiquité romaine. A ses yeux, les différentes approches – littéraire, historique, archéologique, et aussi anthropologique – doivent être menées complémentairement si on veut avoir une petite chance de saisir toute la richesse et la complexité des textes antiques. C'est la raison pour laquelle il est simultanément professeur, philologue étudiant les textes anciens, historien et archéologue plus encore des textes et du papier que du terrain. Il a consacré sa thèse soutenue sous la direction de Pierre Grimmal à «Albe la longue», ancienne ville duLatiumenItalie centrale, à 19kmau sud-est deRome, dans lesmonts Albains, cette cité d'où seraient venus les jumeaux fondateurs de Rome. Il a succédé succédé au légendaire Pierre Grimmal qui a dirigé pendant 30 ans le mythique département d'études latines de la Sorbonne. Il a pris, il y a 4 ans, la direction du département des études latines de la Faculté des Lettres de la Sorbonne (dite maintenant "Sorbonne Université"), ainsi que celle d'une équipe (on dit maintenant "unité") de recherches, nommée EDITTA (pour Edition, Interprétation, Traduction de Textes Anciens).Il semble avoir toujours suivi sa grande leçon: il n'a jamais confondu le raisonnement et le mythe et sans voiler la poésie du mythe et de l'imagination il a toujours choisie la voie du raisonnement. Après la découverte du pomoerium, le «sillon sacré» tracé par Romulus et qui permettra d'élever, un peu plus tard, un premier mur d'enceinte autour de la colline, il a déclaré que «Romulus n'avait probablement jamais existé mais, avec la découverte du sillon, nous ne pouvions que conclure à l'historicité d'un moment "romuléen"». Il faut rajouter à tout cela qu'il est membre de la Commission générale d'enrichissement de la langue française ce qui prouve qu'il n'est pas seulement doué pour redonner vie aux langues anciennes. Il déclare avoir toujours eu «le sentiment esthétique du passé». L'admiration est son moteur. Son goût pour le latin et sa merveilleuse littérature l'a finalement aiguillé vers l'Antiquité, après qu'il ait été très tenté par la période moderne (XVII-XIXèmes siècles). Il a vécu trois ans à Rome en tant que membre de l'école française de Rome qui est uninstitut français de rechercheenhistoire, enarchéologieet en sciences humaines et sociales, placée sous la tutelle de l'Académie des inscriptions et belles-lettres une école française à l'étranger qui dépend duministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Ne voulant pas travailler de façon stérile, il a toujours voulu faire du neuf et cette volonté a fait de lui un historiographe, c'est-à-dire un étudiant, un analyste permanent de l'érudition du passé et des trouvailles de ses prédécesseurs qui lui permet de les remettre en question. Pour cela vous il a fait feu de tout bois: le décloisonnement scientifique est pour lui une absolue nécessité: il combine les disciplines: littérature, histoire, géographie, géologie, linguistique, anthropologie histoire des religions, mythographie... Son dernier ouvrage Urbs Histoire de la ville de Rome des origines à la mort d'Auguste publié en 2017 chez Perrin et qui a reçu le prix Chateaubriand est une biographie dont Rome est le personnage principal, un «personnage collectif». Le roman vrai d'une ville-monde. Il s'agit à mes yeux et jusqu'à nouvel ordre du chef d'œuvre de sa vie. Là où l'on s'étend habituellement sur la légende de la naissance et du rayonnement de l'empire de Rome, il analyse la gestation et le développement urbain d'une cité. Il déroule l'histoire romaine intra-muros en constatant qu'à Rome, chaque événement extérieur a une répercussion monumentale à l'intérieur de l'espace urbain. Toute l'histoire de Rome se retrouve à l'intérieur de ses 700 hectares d'espace urbain. On est dans l'histoire de l'urbanisme. Son travail est monumental et minutieux, tout en fines couches successives, un travail d'archéologue et de biographe au pinceau souffleur. Il a choisi le mode de la narration au présent dans un style clair et jamais jargonneux. Il fait de Rome une personne. Il ne résume jamais les siècles de la gestation et des étapes de la métamorphose d'une ville, au mythe de sa naissance et d'un coup fondateur. Son livre rappelle que le surplomb du Capitole, au-dessus de l'ile Tibérine et du gué permettant de franchir le Tibre avant qu'il n'existe un pont, commença même à être occupé à partir du XVIIe siècle avant notre ère. Son livre rappelle que la ville a vu le jour sur la route du sel. Son livre rappelle que les Romains ont considéré la soudaine métamorphose de l'hypercentre de Rome au 8ème siècle avant JC comme la fondation même de Rome. Son livre rappelle que depuis l'agrégat de villages constitué par les premières huttes bâties au VIIIe siècle avant notre ère, siècle après siècle, victoire après victoire, les Romains ont inscrit le déroulement de leurs conquêtes dans l'espace de leur cité, devenue ainsi comme le mémorial de pierre où ils pouvaient lire leur histoire et célébrer une identité collective à la fois conquérante et assimilatrice. C'est ce message qu'il s'attache à déchiffrer avec toutes les ressources offertes aujourd'hui par la science. " une histoire où les événements se traduisent en monuments, et où les monuments sont autant d'événements". Ce qui est agréable avec Alexandre Grandazzi, c'est qu'il n'hésite pas à avouer qu'il a pu lui arriver de se tromper: il avait ainsi écrit, il y a 25 ans, que le sac et l'incendie de Rome par le peuple gaulois en 390 avant JC était un mythe alors qu'il correspondait à la réalité. La lecture de son livre m'a procuré la sensation qui avait été la mienne lorsque j'ai travaillé sur les plus beaux manuscrits de Victor Hugo. Le sensation de côtoyer un homme fleuve capable d'abattre un travail considérable. Une sorte de vertige devant le fruit de 10 ans de travail acharné. Alexandre Grandazzi a atteint son objectif: il a su rendre le mot « urbanisme » à l'Urbs et son livre est une incitation à réfléchir sur l'avenir des villes monde qui nous hébergent en ce début de 3ème millénaire...
Stéphane Distinguin n'a pas 50 ans. Il est diplômé de SUP de CO paris qui a changé de nom . Après avoir été consultant et créateur de fonds d'investissement, il est devenu le fondateur et le président de l'agence d'innovation internationale Fabernovel en 2003. Faber Novel rassemble aujourd'hui 450 salariés et 17 agences sur 4 continents. Il est le président de la Grande Ecole du Numérique dont il a accompagné la création. De 2004 à 2010 il a été le Président de Silicon sentier. De 2013 à 2016 il a été membre du Conseil National du Numérique. De 2013 à 2019, il a été Président de Cap digital pôle de compétitivité et de transformation numérique réunissant plus de 1000entreprises et laboratoires. Il parle à l'oreille des membres du gouvernement depuis 15 ans. Avec Fabernovel il a participé à la création de start-up telles que Digitick, Bureaux à Partager, Urban Campus. il a été à l'origine deLa Cantine , premiercoworkingen Europe et lieu d'accueil, d'échange et de partage pour les acteurs de l'écosystème parisien et de Le Camping, un des premiers accélérateurs de start-up au monde. De par ses fonctions, il a participé au lancement en France de nouveaux formats d'événements et de rencontres tels que les BarCamps, les MobileMondays, les CleanTuesdays, TEDx Paris, ou encore les API days. Il est devenu une éminence grise incontournable du digital, une référence pour tous les geek qui comptent bien devenir des leaders dans leur domaine. Quand cela bouge dans le Digital, il précède et il suit. Il a publié chez JC Lattès en janvier 2022 «Et si on vendait La Joconde ?» un essai qui nous propose un voyage dans le monde de l'art, son histoire et son économie, et surtout une réflexion sur notre futur. « Et si on vendait la Joconde ? C'est la question que je me suis posée, face au Louvre, un matin du printemps 2020, alors que le monde entier s'était presque arrêté de respirer et se préparait à connaître une crise économique sans précédent. Publiée dans la presse, ma proposition a été reprise aux quatre coins du globe sous des airs de scandale. Je venais d'ouvrir la boîte de Pandore. Pourtant, j'étais animé par une seule préoccupation : comment trouver de l'argent pour sauver le monde de la culture et permettre aux artistes de continuer à écrire notre futur.» À partir d'une question aussi aberrante que sérieuse, il nous propose un voyage enthousiaste et curieux de la Florence des Médicis au San Francisco des start-up, de la technique du sfumato à la blockchain, de Charlemagne à Dan Brown. Il nous raconte l'histoire passionnante du marché de l'art, de son économie, de l'évolution de ses pratiques et il parvient à nous faire reconsidérer ce qui semblait être l'évidente réponse à sa question. Il s'investit dans la vie associative en étant membre du conseil d'administration de plusieurs fonds ou associations: · Le Fonds de Dotation ADIEqui permet à des personnes qui n'ont pas accès au système bancaire traditionnel de créer leur propre entreprise) · L'Unicef · Le Conseil d'administration de la Cité de la céramique – Sèvres & Limoges (depuis 2010) Depuis juillet 2018, il est le président de l'Association ESCP Europe Alumni. Il est chroniqueur pour Stratégies, Libération, les Echos. En 2021, il a été nommé pour représenter la France pour le choix du design des futurs billets de l'Euro.
Yannick Dehée, vous avez 51 ans. Editeur indépendant, créateur et directeur des Editions Nouveau Monde qui viennent de fêter leurs 20 ans, directeur de la revue bi annuelle Le Temps des médias et de la revue trimestrielle Sang froid, créateur en 2013 et dirigeant de Numérique premium, unagrégateur francophone de livres numériques en Sciences humaines, sociales, juridiques et politiques qui met une plateforme de diffusion et consultationd’ebooks à la disposition des bibliothèques, en association avec50 éditeurs etsociétés savantes du monde francophone, vous êtes de toute évidence un développeur qui n’a jamais oublié son métier d’historien en le mettant au service de son métier d’éditeur. Vous n’avez pas suivi la voie qui a été celle de vos ascendants, depuis votre arrière grand père qui créa une droguerie en sortant des tranchées de 14/18 jusqu’à votre père devenu grossiste pour tous les droguistes, pour tous les magasins de bricolage du nord et du nord est de la France. Vous êtes tombé dans la marmite du livre et vous n’avez pas longtemps hésité entre le journalisme et l’Edition. Hypokhâgne, khâgne, Sciences Po, Doctorat d’histoire, HEC, premier stage au Syndicat National de l’Edition, premières armes chez Fayard, premier vrai job après HEC chez Havas Vivendi puis dans la pépinière à cadres de chez Nathan pour y développer l’édition numérique début 1998, à savoir «Internet Ecoles» qui mettait à la disposition des enseignants des contenus numériques par abonnements. Vous avez ensuite échappé à ce groupe Vivendi qui devenait un mammouth pour créer votre propre maison en 2000. Le sujet de votre thèse d’histoire publiée aux PUF en l’an 2000 «Mythologies politiques du cinéma français (1960-2000)»prouve que vous êtes un passionné de l’histoire du cinéma et de l’audiovisuel. Vous avez contribué à des monuments éditoriaux tels que le Dictionnaire du Cinéma Populaire Français, le Dictionnaire de la télévision française et vous faites partie de ces éditeurs d’histoire qui savent que le champ de l’histoire n’est pas le monopole des universitaires mais gagne à être partagé avec les passionnés, les journalistes et les raconteurs d’histoires. Nouveau Monde Editions Le dictionnaire insolite publié à l’occasion des 20 ans de «Nouveaux mondes Editions» qui frise avec sa filiale numérique Premium les 2 millions d’euros de chiffre d’affaire, vise à réunifier l’image un peu fragmentée de votre maison: les libraires vous savent éditeur d’histoire, éditeur de cinéma, spécialiste de l’espionnage, éditeur de documents d’actualité, éditeur de dictionnaires encyclopédiques à thèmes, passionné de nouveaux supports multiples livres traditionnels, mais aussi E books, Mook, romans graphiques. Vous revendiquez votre éclectisme qui vient de vous conduire à publier le dictionnaire insolite d’Astérix tiré d’emblée à 18000 exemplaires et qui prouve votre attachement à la culture populaire et votre désir permanent de sortir l’histoire d’un ghetto culturel et d’en faire un vecteur de plaisir. Vous publiez 55 titres par an en moyenne depuis 12 ans. Vous êtes un véritable éditeur, c’est-à-dire un entrepreneur qui sait prendre des risques en utilisant le CA généré par ses titres locomotives pour oser investir dans des titres risqués.
Ivan Levaï vous êtes né en en Hongrie, à Budapest le 18 mars 1937. Votre «Maman Lili» avait 34 ans. Elle était chapelière et d’origine juive. Vous n’avez jamais connu votre père qui peut être Autrichien et Viennois. Votre mère a débarqué avec vous rue des Archives, à Paris en février 1939; vous n’aviez pas deux ans. Les cousins qui «accueillent» votre mère n’aiment pas les «filles-mères». Vous migrez vers un passage couvert, celui du Prado, 12, rue du Faubourg Saint-Denis. Ensuite tout se précipite et devient confus. Votre mère fuit en Belgique, revient à Paris. Elle atterrit à l’hôpital soit parce qu’elle veut se faire opérer d’une coxalgie, soit parce qu’elle veut éviter l’expulsion vers la Hongrie alliée de l’Allemagne, soit pour les deux motifs ; elle a le temps de vous mettre en nourrice avant d’être très vite aspirée dans les tourbillons de la «drôle de guerre» et de l’intrusion de l’ombre dans le pays des lumières. Elle vous fait baptiser dans la religion catholique et ne vous fait pas circoncire. Vous vous retrouvez à l’assistance publique, veillé «à distance» par une famille lointaine restée en Hongrie, capable d’envoyer de l’argent, mais qui ne va pas jusqu’à vous prendre en charge physiquement. Un conseil de tutelle vous confie à une famille d’accueil. Vous êtes confié à une tutrice: Yvonne Narboni, femme bretonne d’un instituteur juif d’Algérie qui vient d’aboutir dans les Stalags et dont le statut de prisonnier de guerre va lui sauver la vie. Vous habitez à Paris dans le 20ème arrondissement, 191 rue des Pyrénées. En Juin 40, la tutrice et sa fille quittent «Paris ville ouverte»; elles partent sur les routes de l’exode; elles n’ont que deux places pour fuir. Vous restez en carafe à Paris comme 120 000 autres enfants. Vous êtes à nouveau confié à l’assistance publique. Fin de l’exode. Retour de votre nourrice. Fin de l’assistance publique. La vie reprend son cours dans la capitale occupée. Vous ignorez ce qu’est devenue votre mère au moment où elle meurt le 28 mai 1941 à Paris, à l’hôpital Cochin, avant d’être jetée dans une fosse commune. Vous avez quatre ans. Vous attendrez 74 ans pour apprendre la date de sa mort. Vous fréquentez l’école maternelle de la rue Pierre Bulet derrière la mairie du 10ème arrondissement. Vous êtes un taiseux ce qui est utile pour un enfant caché. Votre tutrice refuse de faire porter l’étoile jaune à sa fille, que l’on fait passer pour votre sœur . Un pasteur voisin finit par établir un certificat de baptême protestant pour la petite fille juive. Joli mélange: un chef de famille algérien, juif, prisonnier de guerre et «maréchaliste». Une tutrice bretonne catholique, résistante et gaulliste. Vous deviendrez protestant par affinités avec le pasteur Jean Casalis. Vous savez liter très vite dès la maternelle. Votre école primaire est celle de la rue de Ferdinand-de-Lesseps dans le quartier de Charonne. Votre enfance, Ivan, c’est la France occupée. Lorsque vous pensez à votre tutrice, vous estimez avoir été élevé par Folkoche, la marâtre de Vipère au poing, le célèbre roman d’Hervé Bazin publié en 1948. Vous êtes fugueur; vous essayez de vous suicider par strangulation à l’âge de 10 ans. Vous rêvez souvent de tuer votre tutrice qui ne cesse de vous brimer er de vous dévaloriser. Lorsque la fille de vos tuteurs suit des cours de danse vous restez à la maison. Vaisselle, ménage, lessive, cirage de parquets, Vous êtes un «cendrillon» une cosette au masculin. l’esclave des basses besognes du foyer. Vous «payez votre écot». Vous quittez votre famille d’accueil après avoir décroché votre bac philo et alors que votre tutrice vient de faire mine de vous crever les yeux à coups de fourchette. Vous avez fréquenté l’école protestante du Dimanche. Vous devenez instituteur remplaçant, après avoir travaillé comme coursier puis comme comptable «débiteur» dans une entreprise qui fabrique des fermetures éclair. Très jeune, à 15 ans vous gagnez la coupe interscolaire de Monsieur Champagne organisée par la radio. Après avoir suivi les cours du soir à la Sorbonne, vous passez le Capseg et enseignez dans un collège du 14ème arrondissement jusqu’en 1953, tout en dirigeant à partir de 1958 des voyages culturels offerts aux boursiers du gouvernement. Votre chance, c’est d’avoir croisé beaucoup de jeunes et d’avoir visité Naples, Haïfa en 1958 puis en 1959 à nouveau Israël avec des jeunes de l’Office Franco-Allemand pour la Jeunesse. En 1960, 1961, vous visitez l’Union soviétique, la Russie Stalinienne. Vos expériences pédagogiques justifient votre première spécialité de journaliste: vous entrez à la télévision dans le cadre des émissions pour la jeunesse en 1964. Très jeune, vous vouliez être cuisinier ou journaliste. Vous voilà exaucé. Le journalisme est une forme de cuisine. Vous savez manier les épices. En mai 68 vous avez trente ans. Vous entrez au service «université jeunesse» de l’Express. Vous rencontrez Catherine Ney, Michèle Cotta, Jean-François Kahn, Jean-Jacques Servan-Schreiber, mais encore François Mauriac et Françoise Giroud. La radio vous fait signe, et vous aspire à l’époque où Daniel Cohn-Bendit dirige encore des colonies de vacances. Il y aura France Inter, Europe 1, la presse écrite la télévision, la chaîne parlementaire, Radio France à nouveau en même temps que Tribune juive et tout cela jusqu’à votre débarquement de France Inter en 2014. Vous restez à ce jour un véritable orpailleur de l’actualité à travers plus de 2000 revues de presse qui ont ouvert nos matinées sur les antennes de Radio France en général et de France Inter en particulier. Vous avez su pendant des années nous aider à grandiren fuyant les travers du superficiel, du «tout à l’Ego», du zapping, du buzz à tout prix, des informations de caniveau véhiculées et reluquées par des «gobe-charognes» et par des «gobe–merde» comme les qualifiait Juliette Drouet lorsqu’elle écrivait à son amant Victor Hugo alors qu’une partie de la presse l’accablait dans son exil.
Parcours sentimental est réservée aux personnalités attachantes. Didier van Cauwelaerty a donc sa place. Il est un écrivain précoce, surdoué et touche à tout. 34 romans, 15 prix littéraires dont le Prix Goncourt à 34 ans, sans compter les essais, les récits, les nouvelles, les pièces de théâtre, les scénarios, les comédies musicales, la BD, la littérature jeunesse. A sept ans et demi, il décide de devenir le plus jeune écrivain publié du monde par amour pour son père meurtri dans sa chair par un très grave accident de voiture. Il entame des études de lettres classiques qu’il abandonne rapidement. Il cumule les petits boulots et puis il publie son premier roman à 22 ans «20 ans et des poussières» après s’être vu refuser 10 romans par la plupart des grands éditeurs de l’hexagone. Ce roman lui vaut le Prix Del Duca; Il recevra bien d’autres prix prestigieux à côté du Goncourt : le Prix Roger Nimier, le prix Gutenberg, le grand prix des lecteurs du livre de poche, le prix du théâtre de l’académie française, le Molière du meilleurs spectacle musical… Didier van Cauwelaert se définit comme un romancier de la reconstruction et de l’air du temps. Comme quelqu’un qui se reconstruit en reconstruisant les autres. La construction, la reconstruction des gens en difficulté, des gens en souffrance et en déshérence. Reconstruction: c’est un mot magique quand tant de protagonistes du monde de la culture de la pensée et de la politique sont des chevaliers de la destruction ou de la déconstruction. Ses romans souvent adaptés au cinéma possèdent toutes les qualités que l’on attend d’un roman: l’originalité, la fraîcheur, l’inventivité, le suspens des histoires que vous racontez. Car il raconte de vraies histoires Didier Van Cauwelaert. L’amour y est toujours présent. C’est de plus en plus frappant et l’ensemble de ses livres comme Un aller simple, qui lui a valu le Prix Goncourt, comme ses trois derniers opus la personne de confiance, l’Inconnue et Le pouvoir des animaux ne font pas mentir la règle. Il ne cesse jamais de surprendre. Ses romans sont jubilatoires sans doute parce qu’il jubile en les écrivant. Il y a aussi la dimension des univers qu’il sait construire. Il y a encore la force d’un style toujours marqué par son humour léger et virevoltant,par sa tendresse. Ses romans ont une tête et une queue, un début et une fin éternelle, comme dans les contes de fée. Ils sont tous haletants et constituent des antidotes contre l’ennui. Et c’est la vraie vie qui documente ses histoires, au prix d’un formidable travail de documentation. Son dernier Opus, Le pouvoir des animaux publié chez Albin Michel est d’une actualité brûlante. La plus petite créature animale du monde, un Tartigrade vieux de centaines de milliers d’années et la plus grosse créature animale du monde, un mammouth laineux de six tonnes et vieux de dizaines de milliers d’années sont avec un couple de chercheurs deux protagonistes qui jouent le rôle du petit prince dans le conte d’Antoine de Saint Exupéry: venus du fond des temps, ils portent un regard à la fois critique, tendre et bienveillant sur l’humanité et sur le genre humain. Ils sont des facteurs de distanciation qui nous permettent d’y voir plus clair sur nous-mêmes. C’est là le pouvoir de ces animaux qui nous ont précédé et qui peut-être nous survivront. Tout cela fait de Didier van Cauwelaert un écrivain incontournable. De la graine d’académicien, tant le quai Conti aurait besoin de sa vitalité qui lui injecterait la piqure de jouvence qui sommeille dans l’ADN Tartigrade de son dernier livre. Son nom de famille a des origines belges flamandes néerlandaises . Il évoque les collines pourtant si rares au royaume du pays plat. Mais il est Niçois d’éducation et d’adoption. Les corniches et les villages perchés de son pays de cœur lui ont à permis à cet égard de prendre sa revanche . Pourquoi il faut absolument lire «Le pouvoir des animaux» Didier van Cauwelaertdans la peau des deux narrateurs de son dernier livre: un Tartigrade et un Mammouth Laineux l’un et l’autre surgis du fond des âges, le premier parce qu’il s’est réhydraté, l’autre parce qu’il peut être cloné. Ce scénario donne faim et recouvre par ailleurs une belle histoire d’amour. Le pouvoir des animaux: un roman haletant et jubilatoire qui surprend de la première à la dernière page. Il ne faut rien dire de plus de ce livre pour ne pas le «spoiler». Il faut simplement rappeler que Le pouvoir des animaux est bienveillant, à l’exemple du magicien qui l’évoque, et que ce pouvoir tranche avec celui des hommes qui restent les plus grands prédateurs d’eux-mêmes et de toutes les espèces qui peuplent la planète terre, qu’elles soient animales ou végétales.
Atanase Périfan, vous avez 57 ans. Vous êtes conseiller de Paris, créateur de l’Association Voisins solidaires et de la fête des Voisins. Votre père, Yancou Périfan, était ingénieur du Génie civil. Il s’est enfui de Roumanie soviétique la veille de son exécution, en 1948. Etudiant à l’Ecole polytechnique, il participait à la résistance contre l’Armée rouge et avait été condamné à être fusillé par le régime de Ceausescu. Il a été capturé en Yougoslavie, envoyé dans les mines de sel, dont il s’est évadé ; il a réussi à gagner l’Autriche, en pleine guerre froide. Il a mis quatre ans pour traverser l’Europe, à pied, et arriver en France. Son point de chute a été l’Eglise orthodoxe roumaine, à Paris, qui rassemblait l’élite intellectuelle ayant fui le communisme. A l’âge de 89 ans, votre père est reparti à Bucarest, qui a ouvert les archives de la Securitate, l’ancienne police politique. Elles contenaient dix-sept volumes sur lui, et il voulait savoir qui l’avait dénoncé, mais les noms avaient été effacés. Vous avez appris la solidarité, la fraternité et le sens du service, grâce au scoutisme entre 8 à 25 ans. Votre foi orthodoxe, qui vous conduit à la messe tous les matins,donne un sensà votre vie et vous faitaimer profondémentles gens. Vous êtes un modèle d’intégration. Votre prénom d’origine grecque signifie immortel. Après des études d’informatique, un DESS de marketing direct et de commerce electronique, vous vous êtes associé relativement jeune avec Alexandre Basdereff,un jeune gaulliste qui montait sa boîte, Optimus, destinée à rechercher des fonds pour des causes associatives comme les Pièces jaunes ou le Téléthon. Vous êtes toujours associés. Vous vous considérez comme un gaulliste social. En 1981, vous avez adhéré au RPR. En 1989, vous avez été élu conseiller municipal du 17earrondissement de Paris. En 1990, vous avez créé avec trois amis une première association, «Paris d’Amis» qui avait pour slogan «Pas de quartier pour l’indifférence».En 2000, vous vous êtes «désencarté» pour ne pas marquer vos projets associatifs, et parce que vus travaillez aussi bien avec des élus de droite que de gauche. En 2011, vous avez été chargé par Roselyne Bachelot, alors ministre des Solidarités et de la Cohésion Sociale, de rédiger un rapport sur les «Solidarités de voisinage et fragilités sociales».Votre nom et votre réussite restent associés à des concepts nés à l’échelon local qui se sont souvent mondialisés après s’être généralisés en France: la fête des voisins immeubles en fêtes créée dans la ville en 1999 puis étendue à l’entreprise, voisins solidaires , créé en 2007. Vous avez étendu la fête des voisins à l’Europe en 2003 avec la «Journée européenne des voisins» et en 2007 au reste de la planète. La fête des voisins est aujourd’hui célébrée par plus de20 millionsde participants dans 36 pays du monde. Vous présidez en Europe la Fédération européenne des solidarités de proximité. Vous avez publié en 2005, Pas de quartier pour l’indifférence: pour en finir avec la France dépressive, aux éditions de la Table Ronde.
Patrick Barbier a 65 ans. Nantais, musicologue, historien de la musique, universitaire et écrivain, il est professeur émérite à l’Université catholique de l’Ouest, à Angers et il est un conférencier réputé, apprécié tant en France qu’à l’étranger. Spécialiste des castra, de l’opéra, de la période baroque et de la période romantique, il a obtenu son doctorat d’italien sous la direction de l’Académicien Dominique Fernandez. De «A l’opéra eu temps de Balzac et Rossini» à son dernier Opus consacré à «Marie Antoinette et la musique», en passant par «l’histoire des Castrats» traduite dans 12 langues ou encore «Farinelli le castrat des lumières», et plus récemment «Pour l’Amour du Baroque» il est l’auteur de 15 ouvrages à succès dont beaucoup publiés aux éditions Grasset et personne n’a oublié ses ouvrages sur Vivaldi, Pergolèse, La Malibran, Pauline Viardot ou Spontini auquel il a consacré sa thèse. Il est vice chancelier de l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire, située à Nantes, et membre associé de l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts d’Angers. Il est un acteur majeur des Folles journées de Nantes, de Mars en baroque à Marseille, et il a marqué le festival Chopin à Nohant, le Festival de musique baroque de Sablé, et Via aeterna au Mont-Saint-Michel… Il a reçu le Prix Thiers de l’Académie française en 2017 pour son Voyage dans la Rome baroque. Le Vatican, les princes et les fêtes musicales et une mention spéciale du Prix des Muses 2010 pour sa biographie de Pauline Viardot. Patrick Barbier, n’est ni pédant, ni ennuyeux, ni méprisant du grand public. C’est un passionné, un formidable conteur, qui ne perd jamais la vigilance et la précision du chercheur et de l’historien ainsi que l’amour du partage et de la transmission.
Hervé Bentegeat a 67 ans. Il a eu plusieurs vies professionnelles et il a été été un homme de chiffres avant de devenir un homme de lettres. Après avoir été fonctionnaire à la Mairie de Paris, puis analyste financier chez PSA, il est devenu journaliste économique d’abord au Nouvel économiste, puis à l’Expansion et au Point avant de basculer vers le grand reportage au point et au Figaro dont il a été le rédacteur en chef adjoint puis le responsable des pages «portraits et grands reportages. Pendant vingt ans il a écrit de nombreux portraits, réalisé une centaine de reportages en France et surtout à l’étranger. Et puis il est devenu un auteur de romans, d’essais et de pièces de théâtre, donc à la fois romancier, essayiste, analyste et auteur dramatique. Il faut citer ses essais: Les nouveaux rois de France ou La trahison des élites Ramsay 1997 Le Roman de la gauche (Éditions du Rocher, 2012) ses romans – Un traître anne Carrière La Transsibérienne (Plon, 2004), Ho, l’enfant dragon (Robert Laffont, 2006), La Fuite à Baden (Éditions Ramsay, 2006) qui a été adapté en téléfilm sur Canal+ sous le titre Adieu de Gaulle, adieu, avec Pierre Vernier, Didier Bezace et Guillaume Gallienne, et a obtenu le Grand prix du Festival de Luchon présidé par Claude Lelouch. Deux livres de Globe trotter Le Mékong – Du Tibet à la mer de Chine 2004 belem éditions et Le roman de Prague 2007 Editions du Rocher, des livres d’histoire Surtout pas un mot à la maréchale Pétain et ses femmes, Albin Michel 2014 Louis XIV amoureux Editions Rabelais 2016. Je n’oublie pas Voyages d’Ecrivains: Durant l’été 2001 Le Figaro avait publié une série d’enquêtes sur des voyages d’écrivains.Série transformé en livre dont il a préfacé l’édition En tant qu’auteur dramatique, il a connu son premier succès avec Meilleurs alliés, créée au festival d’Avignon en 2017, retraçant à travers cette pièce la rencontre entre Winston Churchill et le général de Gaulle à la veille du débarquement du 6 juin 1944. Monté par Jean-Claude Idée avec les comédiens belges Pascal Racan et Michel de Warzée au Petit Montparnasse, la pièce a été jouée plus de trois cents fois, à Paris, Bruxelles et jusqu’à Beyrouth. Elle lui a valu le prix du Jeune théâtre de l’Académie française en 2019. Ensuite il a écrit d’autres pièces qui n’ont pas trait à la politique, comme Dior et moi, sur la vie du grand couturier français et Le Dernier Amour d’Einstein ainsi qu’une pièce sur Dieu sous forme de théâtre musical. Et puis il a renoué avec le théâtre historique et politique: Sa dernière création, «Elysée» se joue actuellement au Petit Montparnasse, et met en scène un événement inconnu de l’histoire politique française: la rencontre secrète entre François Mitterrand, Jacques Chirac, et Charles Pasqua, entre les deux tours de l’élection présidentielle Jusqu’au mois d’avril 2022 Au Théâtre du Petit Montparnasse 31, rue de la Gaîté 75014 Paris Une pièce écrite par Hervé Bentégeat avec Christophe Barbier, Adrien Melin, Emmanuel Dechartre et Alexandra Ansidei sur une mise en scène de Jean Claude Idée