Expertes à la Une

Christelle Chiroux, TF1 Info

Femme politique, entrepreneure, économiste, sportive, scientifique, historienne ou encore médecin... ​Qui sont-elles ? Quels sont leurs parcours ? Quelles sont leurs expertises et en quoi cette expertise est-elle utile ? ​« Expertes à la Une » part à la rencontre de CELLES qui ont des choses à dire. Leur parole ne sera pas interrompue par le son d’une voix plus forte ou plus grave. Les Expertes seront à l’honneur dans ce podcast car le savoir ne doit pas se résumer à une moitié de l’Humanité. ​Mes invitées sont des femmes légitimes dans leurs domaines de compétence, leur voix doit être entendue. Parfois trop invisibles, je plonge dans chaque épisode au cœur de leur univers intime ou professionnel, sous la forme d’une conversation pour les mettre dans la lumière.

Polyglotte, boulangère, pâtissière et à deux doigts de devenir pizzaïola. Touche-à-tout, Nina Métayer a été désignée meilleure pâtissière mondiale en 2023. La professionnelle des desserts aime réunir autour d’elle pour goûter ses productions. Dans le podcast Expertes à la Une, elle raconte son parcours hors du commun. Un jour, alors que Nina Métayer est encore au collège, ses parents reçoivent une facture téléphonique de 1 500 francs. L’adolescente avait appelé à plusieurs reprises son petit copain de l’époque sur son téléphone portable. "Mes parents me disent que ça ne tombe pas du ciel et me demandent comment je vais faire pour rembourser ? J’ai pris leur remarque au pied de la lettre. Le lendemain, je me suis levée tôt le matin et je suis partie chercher du travail au marché. J’ai vendu des pommes et des poires." Plus de vingt ans plus tard, Nina Métayer a été désignée Meilleure pâtissière mondiale. C’est la première femme à décrocher cette récompense. Désormais, elle dirige Délicatisserie, sa propre entreprise de boulangerie pâtisserie. "Je fabrique des desserts. J’aime mélanger des ingrédients simples pour leur donner une forme, un goût et une émotion que j’aime transmettre." Pour en arriver là, la Rochelaise découvre la fabrication du pain au Mexique : "Après la seconde, je suis partie au Mexique. Je ne parlais pas un mot d’espagnol, ni d’anglais. Je rencontre des boulangers français qui me montrent comment fabriquer une baguette." De retour en France, elle passe son CAP boulangerie : "C’est un métier dur sur le plan physique. Dans mon école, je n’étais que la troisième femme à apprendre ce métier : les deux précédentes devaient reprendre la boulangerie de leurs parents."
Des violences policières, un manque de reconnaissance, un accès au monde du travail parfois bouché… Fin juin dernier, en France, une partie de la jeunesse se soulève avec fracas. Moment choisi par le gouvernement pour introniser Prisca Thevenot au poste de secrétaire d'État chargée de la Jeunesse et du Service national universel. La nouvelle secrétaire d’État prend ses fonctions juste après la mort de Nahel et les émeutes qui s’en sont suivi. Immédiatement, Prisca Thevenot se saisit de son bâton de pèlerin pour aller écouter ce que les jeunes ont à lui dire : "C’était une violence inouïe parfois commise par des jeunes de onze ans sans revendication. Ils ont le sentiment d’être administré sans être responsabilisé. La crise sanitaire, l’environnement et la guerre, présente sur notre continent, deviennent de grands défis." À la tête du Service national universel, elle ambitionne de leur inculquer des valeurs. "Il s’agit d’un engagement sur un temps fort où on apprend à passer du temps avec soi, entre soi et avec l’autre. Les jeunes y apprennent à devenir des acteurs des défis qui sont les nôtres avec l’aide d’associations locales. J’aimerais en faire un passage républicain pour toute une génération." Franco-mauricienne, Prisca Thevenot s’étonne que certains cherchent à opposer les cultures : "À Maurice, il y a un fort attachement à la France et à sa culture. On est sans cesse en train d'opposer des racines et leur histoire. La première question qu'on me pose n'est pas comment je m'appelle, mais d'où je viens. Quand on est né en France, c'est assez blessant. Il faut aller au-delà de cette maladresse pour ouvrir l'univers des possibles."
L’auteure-réalisatrice Valérie Zoydo et l’experte de l’Agence de la transition écologique Valérie Martin lancent l’Assemblée citoyenne des imaginaires. Objectif, aider à comprendre les enjeux du réchauffement climatique, accompagner les citoyens vers la sobriété et les embarquer sans les culpabiliser. Engagée, les deux femmes ne se considèrent pas pour autant comme des militantes. "Prendre soin de la Terre, c'est prendre soin de soi, des autres et de notre environnement", jure Valérie Martin comme en écho à ses envies d’enfant de devenir médecin. Elles ont choisi la fiction pour déconstruire les discours et montrer aux citoyens des chemins constructifs. Elles cherchent donc d’abord à sortir le public des discours incompréhensibles. "Les experts délivrent des expressions ou des visions trop techniques : les tonnes de carbone équivalent CO2, par exemple, beaucoup ne comprennent pas ce que ça signifie. On oublie de raconter que l’on fait face à un problème sociétal et qu’il faut s’interroger en conscience", admet Valérie Martin. La cheffe du service mobilisation citoyenne de l’ADEME veut questionner nos besoins : Un voyage long courrier, à l’autre bout du monde, est ce que j'en ai besoin ? Est-ce que c'est nécessaire ? Je ne peux pas faire autrement ? J’essaie de mon côté de ne pas céder à l'impulsivité permanente ou à l'injonction." Valérie Zoydo ajoute : "Cette transition ne revient pas seulement à économiser du CO2. Il s’agit de comprendre le fonctionnement du vivant dans l'agriculture, l'énergie, les milieux urbains, autour des transports, au sein de la culture, etc."
"Quand on ferme la porte de la salle des délibérés, c'est la raison qui doit l'emporter!" Plus jeune juge de France à 23 ans, Isabelle Rome démarre sa carrière à Lyon comme juge de l'application des peines, elle découvre l'univers carcéral dans une prison vétuste de 1200 détenus, ce fut dit-elle "un choc qui lui a appris sur la société, sur la vie, ses souffrances et ses limites". Depuis 35 ans, toutes les fonctions du siège pénal sont inscrites dans le parcours d'Isabelle Rome: juge d'instruction, juge des libertés et de la détention, assesseur, présidente de tribunal correctionnel mais également présidente de plusieurs cours d'assises... Guidée par ses lectures, du contrat social de Rousseau à l'esprit des lois de Montesquieu, Isabelle Rome revendique son engagement dans la prévention de la délinquance et dans la lutte contre les violences faites aux femmes . "Juge et citoyenne, je pense que c'est possible" avoue-t-elle sans omettre d'ajouter: "un engagement dans le respect des valeurs tout en ne mettant pas en danger son indépendance". Son combat auprès des femmes, elle le partage notamment dans ses livres, le dernier "Liberté, égalité, survie" est consacré à des affaires de féminicides qui l'ont touchéesdurant sa carrière. Elle analyse les signaux d'alerte et aide à comprendre comment s'en sortir. Haute fonctionnaire au ministère de la justice, Isabelle Rome coordonne aujourd'hui le plan de lutte contre les violences conjugales, elle est également en charge de promouvoir l'égalité professionnelle au sein de ce ministère.
"Avant j'avais un tout petit bureau au dernier étage sous les combles, aujourd'hui j'ai un bureau qui a doublé de volume et j'ai un bureau pour mon collaborateur, je n'aurai jamais imaginé un jour dans ma vie pouvoir choisir des œuvres d'art pour décorer mon bureau. Je le vis comme un grand luxe!". Bienvenu dans le bureau de Laetitia Saint-Paul, députée LREM du Maine-et-Loire, vice-présidente de l'Assemblée nationale. Depuis son élection le 18 juin 2017 au Palais-Bourbon, comme au sein de l'armée, année après année, la capitaine Saint Paul gravit les échelons . Militaire de carrière, Saint-Cyrienne, Laetitia Saint-Paul n'est pas effrayée par les combats, elle a réussi à devenir la première militaire élue députée ! Sa mission, que ce soit du côté des soldats ou de la politique est la même me dit-elle :"Tenir coûte que coûte!". (Le titre de son livre "Mission: tenir de l'armée à l'Assemblée nationale", éditions JC Lattès). Elle se définit comme un "produit" de la méritocratie républicaine, des parents et grands parents commerçants. Très tôt, Laetitia Saint-Paul était, souligne t-elle, un mélange "d'intello" et d'aventurière, elle rêvait de sauter en parachute , de faire des stages de survie, son choix s'est donc porté très rapidement vers les écoles militaires et elle souhaitait la plus prestigieuse. Mais de ses années à Saint Cyr, elle se souvientd'unparcours du combattant, d'un environnement hostile, seulement 12 filles sur 150. Dans sa promotion au début des années 2000, tout était fait pour que les filles démissionnent, raconte-t-elle, certains hommes pratiquaient "l'indifférence courtoise"! Elle poursuit, les garçons qui parlaient aux filles étaient appelés les "souz", les sous-hommes. Beaucoup de ses camarades ont abandonnées. C'est ce qui a nourri ma foi en l'action politique me dit la députée , quand on ne peut pas agir de l'intérieur dans le microcosme , il faut qu'il y ait une décision souveraine qui s'impose. Vingt ans plus tard, elle œuvre donc politiquement pour que les choses changent , il y a un gros effort à faire au niveau de l'exemplarité des élites. Laetitia Saint-Paul continue à se battre avec ses armes : connaissance du régalien, stratégie , terrain et conviction !
"Et toi ça va ? Antoine angoisse, culpabilise et ne se sent capable de rien. Il est toujours fatigué, a du mal à s'intéresser aux choses, aux autres. Il dort mal, pense que sa vie n'a plus de sens, et se dit qu'il vaudrait mieux que tout s'arrête." L'histoire d'Antoine, la psychiatre Astrid Chevance la connaît bien, c'est ce que vit une personne sur cinq, près de neuf pour cent des Français sont en dépression à l'heure actuelle. Des personne atteintes de dépression , on en a tous connu autour de nous , me précise la jeune doctorante en épidémiologie. L'histoire d'Antoine, Astrid Chevance l'a écrite pour un court-métrage réalisé par Marie-Stéphane Cattaneo avec la Fondation Pierre Deniker . A travers ce film de sensibilisation et ses différentes recherches, le Dr Astrid Chevance souhaite alerter sur cette maladie parfois insidieuse. Durant cette période de crise sanitaire, la santé mentale des français va être mise à mal, prévient-elle, et nous ne devons pas la sous-estimer. Installée avec ses 3 écrans et son clavier sur la table de la cuisine de son appartement, Astrid Chevance me raconte son parcours atypique mêlé d'histoire , de philosophie et de médecine. Aujourd'hui , elle mène de front sa vie demère de famille et sa vie professionnelle, elle travaille sans relâche du matin au soir, dort peu, me confie-t-elle, pour terminer sa thèse de doctorat. La dépression, c'est son sujet de recherche. Un sujet qui hanteson esprit jour et nuit, et pour lequel elle vient de recevoir à 34 ans le Prix jeunes talents 2020 l'Oréal-Unesco pour les femmes et la science.
La coupe du monde féminine de football en 2019, Brigitte Henriques en parle encore avec ferveur et émotion, un événement auquel elle a toujours cru : "La vision , elle était simple , c'était 5 piliers : c'était la coupe du monde ce n'est pas qu'un simple événement sportif, elle va avoir un impact sociétal, elle va montrer que la mixité, que la diversité, c'est quelque chose de très important pour notre société et que ça intéresse du monde et que ça va faire changer les mentalités et ça je le portais avec toutes mes tripes ! " Brigitte Henriques, 49 ans, me reçoit dans son bureau , numéro 316, elle est fière de me montrer la petite plaque collée sur sa porte, un nom, un titre : Brigitte Henriques, Vice-présidente de la FFF, Fédération Française de Football. Son bureau est au troisième étage, l’étage de la direction, son voisin du numéro 315 s’appelle Noël Le Graët, c’est lui qui est allé la chercher en 2011 pour devenir la Numéro 2 de la Fédération. Brigitte Henriques est un experte du football féminin, elle le connait parfaitement et le défend avec une énergie débordante. Entière, elle ne cherche pas à cacher ses émotions et laisse percevoir des trémolos dans la voix lorsqu’elle évoque les grands événements de sa carrière, comme la première fois qu'elle porte le maillot bleu en équipe de France en 1988, elle avait seulement 17 ans. Volubile, passionnée, Brigitte Henriques me raconte son enfance dans sa ville de cœur, Poissy, ses premières amours avec le ballon rond, sa carrière de sportive, de ses nombreuses sélections en équipe de France, de sa fonction de manager au PSG et puis de ses 9 années passées à la Fédération avec bien sûr en point d'orgue l'organisation du mondial Féminin de foot en 2019.
« Mes parents sont illettrés mais ils m’ont appris des choses qu’on n'apprend pas dans les livres, ils m’ont appris le respect, ils m’ont appris le courage, ils m’ont appris la résilience. Tout le reste je le dois à l’éducation nationale, je le dois à ma première professeure de CP, j’arrivais en France, je ne parlais pas la langue, il faisait froid et personne ne me ressemblait, c’était un déchirement très important et cette femme d’une générosité extraordinaire m’a prise sous son aile et elle m’a fait aimer l’école et c’est à elle que je dois ce que je suis aujourd’hui » Aujourd'hui, Elisabeth Moreno est Ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes , de la diversité et de l'égalité des chances , "je crois que ce ministère est un vrai cadeau du ciel parce qu'il représente tout ce que je suis" me dit-elle . L'ancienne patronne de Hewlett Packard Afrique, experte de la tech, m’accueille dans son bureau du ministère coloré d'orchidées , un cadeau qu'elle vient de recevoir pour ses 50 ans. Le ton est direct , durant près d'une heure la nouvelle ministre accepte de se livrer sur son enfance au Cap-Vert , son parcours professionnel , ses rencontres avec Emmanuel Macron et ses débuts en politique. Elisabeth Moreno, novice en politique, occupe désormais un poste stratégique dans le gouvernement de combat qu'a voulu Jean Castex. Le combat , un mot qui ne fait pas peur à cette self-made-woman qui "s'est battue pour survivre".