Le Nouvel Esprit Public

Philippe Meyer

Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr

Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 21 mars 2025.Avec cette semaine :Pierre Buhler, diplomate et ancien ambassadeur de France en Pologne.Jean-Louis Bourlanges, essayiste.Matthias Fekl, avocat et ancien ministre de l’Intérieur.Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung.POLOGNE, HISTOIRE D’UNE AMBITIONLa Pologne occupe aujourd’hui une position stratégique centrale en Europe, façonnée par une histoire tourmentée et une résilience remarquable. Longtemps soumise à l’influence de puissances étrangères, elle a même disparu en tant qu’État entre 1795 et 1918 avant de renaître, pour être aussitôt confrontée aux épreuves de la Seconde Guerre mondiale et à la domination soviétique. Depuis la chute du communisme en 1989 et son adhésion à l’Union européenne en 2004, elle s’est affirmée comme un acteur incontournable de la sécurité européenne et transatlantique. Pierre Buhler, vous retracez avec finesse cette trajectoire historique dans l’ouvrage que vous publiez aux éditions Tallandier, Pologne, histoire d’une ambition, en montrant comment le pays a su conjuguer aspirations nationales et intégration internationale.L’essor économique amorcé dans les années 1990 sous l’impulsion des réformes de Leszek Balcerowicz a permis à la Pologne de s’intégrer pleinement aux chaînes de valeur européennes, en particulier grâce à son partenariat privilégié avec l’Allemagne. Pourtant, derrière cette réussite économique, des tensions persistent. Le parti conservateur Droit et Justice (PiS) revendique une souveraineté nationale affirmée, parfois en opposition avec Bruxelles, tandis que l’opinion publique reste globalement favorable au projet européen. Ces contradictions internes reflètent un débat plus large sur l’identité nationale et le positionnement du pays face aux institutions supranationales.Sur la scène internationale, la Pologne joue un rôle de premier plan dans la dissuasion face à la Russie. Elle a plaidé pour un renforcement des capacités de l’OTAN en Europe de l’Est et consolidant son alliance stratégique avec les États-Unis, aujourd’hui mise à mal. Son ambition de devenir la première puissance militaire conventionnelle d’Europe atlantique témoigne de cette volonté d’autonomie stratégique. Mais cette posture affirmée ne va pas sans heurts : les tensions mémorielles avec l’Allemagne autour des réparations de guerre, ou encore avec l’Ukraine sur la mémoire des massacres de Volhynie, rappellent combien l’Histoire reste un enjeu diplomatique majeur. À cela s’ajoute la question sensible de la restitution des biens spoliés pendant l’Holocauste, qui continue d’alimenter les débats sur la reconnaissance des injustices passées.La trajectoire polonaise illustre ainsi un équilibre délicat entre héritage historique, quête de souveraineté et ancrage dans les institutions euro-atlantiques. À travers votre analyse, vous mettez en lumière la manière dont la Pologne cherche à concilier ces dynamiques parfois contradictoires pour s’imposer comme un acteur incontournable de la sécurité et de la stabilité en Europe. Toutefois, le contexte actuel est peu favorable à une position d’équilibre et la question se pose de savoir si la Pologne peut - et jusqu’à quel point - prendre acte du retrait américain de l’OTAN.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École alsacienne le 16 mars 2025.Avec cette semaine :Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Jean-Louis Bourlanges, essayiste.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique en ligne Blick.COMMENT RÉARMER ?Après l’intervention télévisée du chef de l’État le 5 mars, la défense nationale est devenue la priorité du gouvernement. Fleurons de l'industrie de l’armement, PME etstart-up innovantes, sous-traitants ... Tout un écosystème est mobilisé pour faire face à la menacerusse amplifiée et au retrait de l'allié américain. Le ministre des Armées Sébastien Lecornu a évoqué une enveloppe de 100 milliards d'euros par an pour la défense à l'horizon 2030, contre 68 milliards inscrits dans la loi de programmation militaire, soit 1,5 point de PIB supplémentaire évoqué par le président de la République, pour passer de 2% à 3%-3,5% chaque année. Le ministre des Armées a esquissé quelques priorités : « Les munitions et la guerre électronique sont les urgences puis la dronisation et la robotisation des armées. » L’accélération des cadences est déjà visible sur certains segments comme les munitions, l’artillerie et les missiles. Il faut également rester performant dans le domaine de l’intelligence artificielle, et du spatial. Du côté des grands programmes, Sébastien Lecornu entend augmenter le nombre d’avions de combat et de frégates de premier rang.Les revues stratégiques successives qui évaluent régulièrement les menaces pesant sur le pays et prévoient les moyens d’y répondre, n’ont jamais écarté le risque d’un retour de la guerre de haute intensité. C’est pourquoi le modèle d’armée complet français a toujours été préservé au nom de la souveraineté nationale, afin de pouvoir agir sur tous les niveaux de conflictualité, même s’il a souvent été qualifié d’échantillonaire. La France s’inscrit également dans un cadre européen avec de nombreux programmes de coopération comme le système de combat aérien du futur avec l’Allemagne et l’Espagne; l’hélicoptère du futur avec notamment l’Italie, l’Espagne, et l’Allemagne ou les missiles avec le Royaume-Uni.Interrogés par Ipsos-Ceci pour La Tribune Dimanche, les Français sont 68% à considérer favorablement une augmentation du budget de la Défense quitte à augmenter encore les déficits pour 66 % d’entre eux et même sacrifier des budgets de l’Éducation ou de la Santé (51 %). La sécurité nationale passant ainsi devant la sécurité sociale. Avant d’en arriver là, le gouvernement veut toutefois explorer d’autres pistes de financement. Le ministre français de l'Économie, Éric Lombard, exclut d'activer la clause de sauvegarde prévue par Bruxelles pour financer les investissements dans la défense par de la dette. Parmi les outils envisagés à Bercy ou à Matignon, figurent notamment le recours au Livret A ou encore un grand emprunt. Vendredi, le président de la République, Emmanuel Macron a reçu les industriels de la défense pour leur fixer une nouvelle feuille de route visant à accélérer les cadences de livraison d’équipements. Face aux difficultés budgétaires et industrielles, Bercy doit organiser le 20 mars prochain une réunion rassemblant les banques et les assurances, mais aussi des acteurs de l'industrie de la défense.TRUMP-MUSK: QUELS CONTREPOIDS?Les décisions et les méthodes de Donald Trump depuis son retour à la Maison Blanche, le 20janvier, soulèvent des interrogations quant aux limites du pouvoir présidentiel aux États-Unis. Le système politique américain repose sur le principe des checks and balances, visant à ce que «le pouvoir arrête le pouvoir», comme l’avait théorisé Montesquieu au XVIIIèmesiècle. Chacune des trois branches du gouvernement – exécutif, législatif, judiciaire - dispose de moyens de contrôle sur les autres (checks) pour viser un certain équilibre (balance). Les Républicains contrôlent la présidence, la Chambre des représentants et le Sénat. Même si leur majorité à la Chambre est très étroite, la passivité des sénateurs conservateurs face aux nominations les plus controversées de Trump n’augure pas d’un rôle de frein à la présidence de la part du Congrès. Bien que les Républicains n'aient pas capturé l'ensemble du pouvoir judiciaire, ils disposent d'une nette majorité à la Cour suprême.Depuis deux mois, les recours en justice se multiplient dans les États fédérés à majorité Démocrate qui cherchent à mettre en place des contentieux stratégiques sur quasiment toutes les mesures : suspension des traitements médicaux pour les personnes transgenres, autorisations pour Elon Musk d’accéder aux informations du fisc et de la Sécurité sociale, licenciements massifs de fonctionnaires publics ou intimidations à leur encontre, suppression du droit du sol pour les personnes nées de parents irrégulièrement ou temporairement immigrés, élimination de plusieurs autorités administratives …Même les Églises se tournent vers la justice pour protéger les lieux de culte du décret y autorisant les raids de la police de l’immigration. Mais une bonne partie des dossiers risquent soit d’être enterrés, soit portés devant une Cour Suprême qui a proclamé, avant l’élection de 2024, que Donald Trump, poursuivi dans de multiples affaires, bénéficiait d’une présomption d’immunité en raison du principe de séparation des pouvoirs. Et, le vice-président, J.D.Vance, diplômé de la faculté de droit Yale, a déclaré que « les juges n’ont pas le droit de contrôler le pouvoir légitime de l’exécutif. » En outre, si l’administration Trump décidait de désobéir à une décision des juges, la Cour ne dispose pas de moyens de coercition.Face à une opposition étonnamment passive et encore sonnée, les contrepouvoirs paraissent bien faibles. Sauf un, que Montesquieu ne connaissait pas : Wall Street. Les entreprises américaines, surtout les grandes entreprises cotées en Bourse, dépendantes du marché mondial et de la chaîne de valeur globale paraissent être les seules à pouvoir refreiner les ardeurs autocratiques du clan au pouvoir à la Maison Blanche. Wall Street, qui avait soutenu l’élection de Donald Trump, semble déjà déchanter.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Épisode 426 - 09/03/2025
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 7 mars 2025.Avec cette semaine :Akram Belkaïd, journaliste au Monde diplomatique.Matthias Fekl, avocat et ancien ministre de l’Intérieur.Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung.LE DÉBAT FRANÇAIS SUR L’UKRAINEAprès l'altercation dans le bureau ovale le 28 février, le président de la République continue de préparer les esprits à l'idée d'un nouvel «effort de guerre» et de changement de doctrine pour les armées françaises. «Depuis trois ans, les Russes dépensent 10% de leur PIB dans la défense. On doit donc préparer la suite», alerte Emmanuel Macron, en fixant un objectif autour de «3% à 3,5% du PIB»contre 5,4%en 1960. La loi de programmation militaire 2024-2030 a prévu une enveloppe de plus de 400 milliards d'euros pour les armées sur sept ans. La défense est le deuxième plus gros budget du pays.Lundi, le Premier ministre a évoqué une « situation historique », « la plus grave, la plus déstabilisée et la plus dangereuse de toutes celles que notre continent ait connue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ». Il s'est ensuite félicité que « pour l'honneur de l'Europe, le président Zelensky n'a pas plié ». Ce qui a suscité les applaudissements des députés, sauf de ceux du Rassemblement national et leurs alliés ciottistes. La présidente du groupe RN, a indiqué que son parti ne pourra «jamais soutenir une chimérique défense européenne», pas plus que « l'envoi de troupes françaises combattantes sur le sol ukrainien » - ce qui, selon le ministre des armées Sébastien Lecornu, n’est pas envisagé. Marine Le Pen s'est aussi dit opposée au « partage » de la dissuasion nucléaire française avec les Européens tandis que ses fidèles moquaient l’alarmisme du président de la République. Le patron des députés macronistes, Gabriel Attal estime qu'il faut «accélérer le processus d'adhésion » de l’Ukraine aux 27, augmenter le soutien militaire et revoir la position française sur les avoirs russes gelés pour aider Kyiv. Le président du groupe socialiste Boris Vallaud et la présidente du groupe écologiste Cyrielle Châtelain ont aussi réclamé la confiscation des avoirs russes ce que le ministre des Affaires étrangères a indiqué ne pas envisager pour le moment. Pour la droite républicaine, la France doit faire évoluer le format de ses armées conventionnelles, « en sécurisant les industriels », « en drainant l'épargne des Français et en créant une finance de guerre qui permette de recapitaliser nos entreprises ». Cette approche n'est pas celle des communistes. Leur orateur Jean-Paul Lecoq, qui a dénoncé la «surenchère guerrière d'Emmanuel Macron et la hausse des dépenses liées à la Défense », a préféré prôner une solution diplomatique. À LFI, on dénonce une manœuvre du président pour faire payer l’effort de défense par lune réduction des dépenses sociales.Avant le discours de Macron mercredi, 77% des Français se disent d’accord pour «davantage» d’investissements dans la défense, selon un sondage Odoxa, mais seuls 49% maintiennent qu'il faut «soutenir l’Ukraine même si cela a des conséquences sur notre économie». C’est 12 points de moins qu’en 2022.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 28 février 2025.Avec cette semaine :Jean-Louis Bourlanges, essayiste.François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit.LA FIN DE L’OTAN ET L’HEURE DE LA DÉFENSE EUROPÉENNE?Le rapprochement russo-américain sur l'Ukraine, les « négociations de paix» amorcées sans Kyiv et le Vieux Continent et la menace de remise en question par Washington de son soutien militaire à l'Europe ont abasourdi ses alliés. Le discours du vice-président des Etats-Unis, J.D.Vance, lors de la Conférence de Munich le 14 février a ébranlé la relation transatlantique: les Européens ont brutalement pris conscience que la sécurité du continent ne dépend que d’eux-mêmes. Après l’annonce par le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, le 12 février à Bruxelles que l'Administration Trump écarterait la possibilité pour l'Ukraine d'intégrer l'Alliance atlantique dans les négociations de paix, la course aux idées pour pallier l'absence de protection américaine a été relancée. Mais, faute d'architecture de défense ou de structure de commandement commune européennes, ces moyens sont limités. Aujourd’hui, les membres européens de l’OTAN ne dépensent que 1,9% de leur PIB dans la défense. Le sommet du 24au 26juin à LaHaye devrait porter la cible de dépenses dedéfense à 3% du PIB.À Bruxelles, en attendant de présenter son Livre blanc sur la défense, le 19mars, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a déjà évoqué une première piste: les États membres pourront demander un traitement budgétaire de faveur pour leurs dépenses de défense, afin de desserrer l’étau des critères de Maastricht d’une dette publique inférieure à 60% du PIB et un déficit public de 3% du PIB maximum. Le recours à cette « clause de sauvegarde nationale» pourrait notamment intéresser les pays sous procédure pour déficit excessif, comme la France, l’Italie, la Belgique, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie, ou Malte. Pour l’heure, le débat sur la bonne utilisation des fonds communautaires se poursuit entre les États qui, comme la France, militent pour une préférence européenne et ceux qui, à l’instar de la Pologne, ne veulent pas exclure des achats aux États-Unis ou en Corée du Sud.En Allemagne, lundi, au lendemain de la victoire de l’Union chrétienne-démocrate aux législatives du 23février, son leader le probable futur chancelier Friedrich Merz juge nécessaire pour l'Europe de se préparer « au pire scénario » en créant une défense autonome en tant qu'alternative à « l'OTAN dans sa forme actuelle». Estimant que le temps presse, il se dit prêt ainsi à s'affranchir de 80 ans de tradition atlantiste allemande en matière de défense, allant jusqu’à déclarer vouloir « discuter avec les Britanniques et les Français pour savoir si leur protection nucléaire pourrait également s’étendre à [l’Allemagne] ».A Londres, mardi, devant la Chambre des communes, Keir Starmer a déclaré que son gouvernement porterait le budget de la défense à 2,5% du PIB en 2027. Du jamais vu « depuis la fin de la guerre froide », a précisé le Premier ministre britannique.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 23 janvier 2025.Avec cette semaine :Jean-Louis Bourlanges, essayiste.Raphaël Doan, essayiste, haut fonctionnaire.Antoine Foucher, spécialiste des questions sociales, auteur de Sortir du travail qui ne paie plus.Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique en ligne Blick.frLE RÉFÉRENDUM, À QUOI ÇA SERT ?Lors de son allocution à l’occasion des vœux de fin d’année, le président de la République a émis l’idée de recourir à un ou des référendums à propos de certains «sujets déterminants». Il s’inscrit ainsi dans la lignée de ses déclarations précédentes, puisqu’il avait déjà proposé de recourir à cet outil au moment de la crise des Gilets Jaunes. L’annonce d’un potentiel recours au peuple par ce biais a suscité de nombreux commentaires, à gauche comme à droite. Le Rassemblement National défend de longue date la tenue d’un référendum sur les questions migratoires, tandis qu’une partie de la gauche souhaite que ce soit la réforme des retraites qui fasse l’objet d’une consultation. Le président (Insoumis) de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, Éric Coquerel, a quant à lui suggéré que soit organisé un «référendum révocatoire» qui remettrait en jeu le mandat du président de la République.Historiquement, la question du référendum est indissociable de la figure du général de Gaulle, dont la pratique régulière des consultations populaires s’est terminée par sa démission après l’échec de son projet de réforme régionale et du Sénat. Cette défaite, combinée au rejet en 2005 du projet de constitution européenne, ont contribué à raréfier la pratique du référendum dont la perception a également été modifiée: instrument permettant de dénouer les conflits pour les uns, il est présenté par les autres comme l’outil populiste par excellence, puisqu’il a pour fonction de faire appel directement au peuple dont la volonté serait supposément mal comprise par les élites. Ses détracteurs attaquent en outre son manichéisme et la personnalisation du pouvoir qu’il entraîne, un référendum sur une question se trouvant bien souvent assimilé à un plébiscite pour ou contre celui l’ayant proposé.Dans le climat politique français actuel, la question du gouvernement par référendum se pose avec d’autant plus d’acuité qu’Emmanuel Macron ne dispose pas de la majorité absolue à l’Assemblée. Proposer des référendums lui permettrait alors de faire passer des textes sans passer par la représentation nationale. De l’autre côté, une défaite l’exposerait à l’intensification des appels à sa démission, approfondissant un peu plus la crise politique ouverte par la dissolution de juin dernier. Cette proposition est donc loin de faire l’unanimité au sein même de la majorité présidentielle. Dans un entretien publié en 2017 dans la revue Esprit, le philosophe Bernard Manin diagnostiquait le passage d’une démocratie de partis à une démocratie du public, dans laquelle «les différents segments de la population ne se reconnaissent plus durablement dans les partis, mais peuvent se regrouper momentanément pour produire le succès ou l’échec de l’un d’entre eux». En creux, le référendum apparaît comme un moyen d’outrepasser ces divisions en forçant une adhésion claire. Subsiste cependant le risque d’une alliance des contraires qui ferait échouer les projets présidentiels.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École alsacienne le 16 février 2025.Avec cette semaine :Jean-Louis Bourlanges, essayiste.François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France.Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit.Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung.LA POLITIQUE INTÉRIEURE DE TRUMPDepuis son investiture, il y a quatre semaines, Donald Trump a lancé par décrets une série de politiques avec pour objectifs en politique intérieurede réduire l'État fédéral, de freiner l'immigration et de mettre fin au «wokisme». Au nom de la lutte contre la dette fédérale qui s’élève à 36.000 milliards de dollars, le patron de Tesla et du réseau X, Elon Musk et une poignée d’ingénieurs, réunis au sein du nouveau départementde l’efficacité gouvernementale (DOGE), crée par décret présidentiel, organisent des coupes claires dans l’État fédéral. Une purge qui a lieu sans audit ni implication du Congrès et provoque la désorganisation de l’administration. L’agence de développement USAid est démantelée et le ministère de l’éduction devrait suivre le même sort. Les syndicats et les organisations de gauche contestent en justice la mise en place d’un plan de départs volontaires – dit « congé administratif», avec salaire assuré jusqu’en octobre – offert à deuxmillions d’employés du secteur public. Pour l’heure, selon la Maison Blanche, 75.000 fonctionnaires fédéraux ont accepté l'offre de départ volontaire soit 3% du total des effectifs. Elon Musk visait 5 à 10%. Tandis que l’ultimatum donné aux fonctionnaires a été repoussé par un juge fédéral, Elon Musk s’est vu interdire l’accès aux données du Trésor. Mais à ce stade, personne ne peut imaginer à quoi ressemblera l’État fédéral dans six mois.Avec l’immigration, les marqueurs identitaires ont été également au cœur des décrets présidentiels. Une cible prioritaire a été désignée : les programmes DEI (diversité, équité, intégration) ont été fermés, les employés placés en congé administratif, tandis que certains grands groupes privés sabordent leurs propres initiatives. Le dernier marqueur identitaire essentiel est la remise en cause du droit du sol, pour les enfants de migrants illégaux. Il s’agit selon les juristes d’une atteinte évidente au14ème amendement de la Constitution. Trois juges fédéraux ont déjà suspendu l’application du décret présidentiel.Alors que Joe Biden a laissé un déficit public de 6,3% du produit intérieur brut, le programme de Donald Trump comporte des mesures très coûteuses qui accentuent les pressions inflationnistes. D’abord les baisses d’impôts, notamment sur les sociétés dont le taux devrait passer de 21% à 15%. Ensuite la multiplication des droits de douanedont Donald Trump rêve qu’ils financent à eux seuls le Trésor. Une politique qualifiée par le Wall Street Journal de «guerre commerciale la plus stupide de l’histoire» qui menace de faire exploser de vastes pans de l’économie, d’éliminer des milliers d’emplois et de mettre en péril la sécurité des États-Unis. Enfin, la perte de la main-d’œuvre bon marché qui fait tourner l’économie des États-Unis contribuera à alimenter l’inflation, le milliardaire ayant promis d’expulser « en masse » des migrants.LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DE TRUMPDès son retour à la Maison Blanche, le 20janvier, Donald Trump a signé un décret exécutif visant à retirer les États-Unis de l’Organisation mondiale de la santé, puis de l’accord de Paris sur le climat. Washington aaussi imposé des sanctions contre les magistrats de la Cour pénale internationale, révisé son engagement au sein de l’Unesco et décidé l’arrêt de sa contributionà l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), qui était déjà gelée. Simple pays observateur, les États-Unis n’assisteront plus aux travaux du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme. En moins de trois semaines, Donald Trump a esquissé une feuille de route sidérante : s'emparer du Groenland et du canal de Panama ; faire du Canada le 51ème État américain, et prendre possession de la bande de Gaza pour la transformer en «Côte d'Azur» du Moyen-Orient.Après avoir imposé des droits de douane de 10% supplémentaires sur les produits chinois, puis de 25% sur l’aluminium et l’acier, le président américaina franchi une étape supplémentaire jeudi en annonçant la mise en place de «droits de douane réciproques » sur toutes les marchandises importées. En décidant de s’affranchir des règles de l’OMC, Donald Trump déclare une guerre commerciale au reste du monde.Mercredi, pour la première fois depuis février 2022, un président américain en fonction a eu un appel téléphonique direct avec Vladimir Poutine. Trump a annoncé qu’il pourrait rencontrer son homologue russe en Arabie saoudite, à une date inconnue. Sur l’Ukraine, la négociation s’annonce entre Moscou et Washington sans l’Ukraine ni les Européens. Le même jour, à Bruxelles, le secrétaire à la Défense américain, Pete Hegseth a énoncé les lignes rouges de l’administration Trump, toutes en défaveur de Kyiv. Poutine obtiendrait tout ce qu’il voulait. Territorialement, les Russes devraient garder les 20% du territoire ukrainien qu’ils ont occupé et auront une continuité territoriale vers la Crimée annexée en 2014. Militairement, l’Ukraine ne rejoindra jamais l’OTAN et n’aura pas d'accès à l'arme nucléaire. Politiquement, des élections devront être organisées, préparant la sortie de Zelensky. En précisant que les troupes européennes seront en charge du maintien de la paix en Ukraine, Hegseth ajoute que cette mission ne sera «pas une mission OTAN» et n’entraînera donc pas sa protection - y compris par les Etats-Unis au titre de article 5 du traité sur la solidarité militaire des membres de l’Organisation.Enfin, vendredi à la conférence de Munich sur la sécurité, le vice-président américain, James David Vance, a lancé une virulente diatribe contre les démocraties européennes, accusées d’étouffer la liberté d’expression et la liberté religieuse.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 7 février 2025.Avec cette semaine :Akram Belkaïd, journaliste au Monde diplomatique.Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova.ÉLECTIONS PARTIELLES: UNE DROITE REVIENT?La droite est ressortie le week-end dernier avec trois bons résultats à des élections partielles. Aux municipales de Villeneuve-Saint-Georges dans le Val-de-Marne, Kristell Niasme la candidate Les Républicains, l’a emporté avec 49% des voix contre 38,75% pour l’insoumis Louis Boyard et 12,25% pour le maire sortant Philippe Gaudin. Un succès auquel s’est ajouté le même jour, celui de la législative partielle à Boulogne-Billancourt dans les Hauts-de-Seine, où la candidate LR Elisabeth de Maistre est arrivée largement en tête au premier tour, éliminant la macroniste Laurianne Rossi de Renaissance, soutenue par Gabriel Attal; sans oublier l'élection de la LR Claire Pouzin comme maire à Francheville dans le Rhône. Des résultats, qui s’additionnent aux deux élections partielles qui se sont tenues dans les Ardennes en décembre et en Isère en janvier, permettent d'observer un léger rebond du parti Les Républicains qui lui permet de retrouver le goût de la victoire, après des années de déboires électoraux et le départ de son ancien président Éric Ciotti, désormais allié du Rassemblement national.Ils sont nombreux à droite à expliquer ce regain de forme électorale des Républicains par leur retour au premier plan et au gouvernement après la dissolution. «Les LR ont retrouvé de l'oxygène » grâce à leur retour aux responsabilités, confiait récemment l'éphémère Premier ministre Michel Barnier, en privé, louant la «crédibilité » des ministres issus de LR. Laurent Wauquiez, lui, estime que «la refondation de la droite avance», et fait tout pour rappeler que la droite n'est « pas soluble » dans le macronisme, vis-à-vis duquel il demeure très offensif, malgré le partage du gouvernement. Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau va plus loin: « la droite est vraiment de retour », se félicite-t-il sur X. Il assure que les premiers mois au gouvernement l'ont «convaincu qu'il y avait un espace » pour la droite, observant que sa cote de popularité mordait tant sur l'électorat macroniste que lepéniste.Toutefois, les ressorts du vote d'une élection nationale sont rarement transposables à un scrutin local, martèlent les politologues. Il est délicat de se baser sur deux municipales pour invoquer un regain de forme électorale national, font-ils valoir, et la droite dirigeait déjà les exécutifs sortants. « Il n'y a pas de décalque mécanique des élections nationales vers les élections locales, et d'autant plus vers les élections municipales », souligne Bruno Cautrès, chercheur à Sciences Po et au CNRS.RWANDA / RDC: DE QUOI S’AGIT-IL?Depuis qu’en novembre2021 la rébellion du Mouvement du 23mars, dit «M23 », soutenue par le Rwanda, a relancé les affrontements contre la République démocratique du Congo (RDC) dans l’est de ce pays, près d’1,5 million de personnes se sont réfugiées aux abords de Goma, où vivent déjà unmillion d’habitants. Le M23est un mouvement armé composé initialement de miliciens de la communauté Banyamulenge (Tutsis Congolais) intégrés dans l’armée congolaise par l’accord du 23 mars 2009. Ils se sont mutinés en 2012 et ont créé ce mouvement rebelle avec le nom de la date de leur incorporation dans l’armée. La prise de Goma, le 27janvier, fait courir le risque d’un désastre humanitaire d’une immense ampleur dans une zone marquée par des décennies de conflits.Ce n’est pas la première fois que la capitale de la province du Nord-Kivu tombe aux mains du groupe armé hostile au gouvernement de la RDC, tandis que le Rwanda reprend son soutien à la rébellion. Son armée « a continué d'apporter un soutien systématique au M23 et de contrôler de facto ses opérations», dénonce un sixième rapport des Nations-Unies publié début janvier 2025. Il lui fournit des armes sophistiquées - missiles sol-air, drones, véhicules blindés, tandis que 4.000soldats rwandais sont actuellement présents dans le Kivu.Paris et Washington ont « condamné» l'offensive du M23 tandis que Londres s'est dit « fortement préoccupé » et a appelé à la «désescalade ». Quant au Conseil de sécurité de l'ONU, s'il a dénoncé le «mépris éhonté » de la souveraineté de la RDC, il s'est contenté de réclamer le retrait « des forces extérieures », sans les nommer explicitement. Car aux yeux des Occidentaux, le Rwanda, le Pays des mille collines est l'incarnation d'une success-story, la vitrine d'une aide au développement qui fonctionne. En face, la République démocratique du Congo, grevée par des conflits depuis plusieurs décennies, gangrenée par la corruption et dotée d'une armée indisciplinée et prédatrice, fait figure de repoussoir pour certains. Quant aux États-Unis, l'Afrique n'est pas actuellement une priorité de l'administration Trump. Le conflit a pour toile de fond le génocide des Tutsis de 1994 que les Occidentaux n'ont à l’époque pas su empêcher et la manne minière de la région. Grande comme quatre fois la France, la RDC abrite 60 à 80 % des réserves mondiales de coltan, un minerai indispensable à la fabrication des smartphones.Le 29 janvier, le président de la RDC Félix Tshisekedi a promis «une riposte vigoureuse et coordonnée contre ces terroristes et leurs parrains», affirmant vouloir «reconquérir chaque parcelle du territoire». Pendant que Kinshasa exige, comme préalable, le retrait du M23 de toutes les positions qu'il occupe, Kigali réclame l'ouverture de négociations directes avec les rebelles. Or, pour le président Tshisekedi, discuter avec des «terroristes», ainsi les considère-t-il, est la «ligne rouge» à ne pas franchir. À l'allure où vont les choses, une régionalisation du conflit est à craindre.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 31 janvier 2025.Avec cette semaine :Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit.Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung.ÉLECTIONS ALLEMANDESÀ quelques semaines des élections législatives allemandes, le 23 février, le dernier baromètre de la chaîne de télévision ARD, indique que 37 % des Allemands considèrent l'immigration ou l'asile comme l'un des deux problèmes politiques auxquels les politiques doivent s'attaquer en priorité, juste devant l'économie (34 %) et très loin devant la guerre et la paix (14 %), l'environnement et le climat (13 %) et l'injustice sociale (11%).La succession des attaques au couteau de la part d’étrangers est de nature à populariser le discours antimigrants du parti d’extrême-droite, Alternative pour l'Allemagne (AfD). Partisan de l'avènement d'une politique européenne plus résolue à Berlin, la tête de liste chrétienne-démocrate (CDU) Friedrich Merz, a fait sauter mercredi, le «cordon sanitaire» avec l’extrême droite en proposant un texte plaidant pour un durcissement de la législation en matière d’immigration, qui aobtenu une courte majorité au Bundestag grâce aux voix de l’AfD. Un vote dénoncé par l’ancienne chancelière CDU Angela Merkel. Sur le volet économique, conformément aux prévisions des experts, le produit intérieur brut allemand s’est contracté de 0,2% en2024, marquant une deuxième année de récession, après une baisse de l’activité économique de 0,3% en2023. Les indicateurs de janvier sont si faibles qu’une troisième année de récession n’est pas exclue. Eclipsée par l’immigration et l’économie, le sujet de la guerre en Ukraine a refait surface à l’approche du scrutin, rappelant la profondeur des clivages qu’il suscite, y compris au sein du gouvernement. Une querelle persistante oppose le chancelier social-démocrate Olaf Scholz (SPD) à ses ministres de la défense, Boris Pistorius, et des affaires étrangères, AnnalenaBaerbock (Verts), au sujet d’une rallonge budgétaire de 3milliards d’euros destinée à l’Ukraine. Réclamée par les deux ministres, cette enveloppe est bloquée par la chancellerie. Le pays est lui-même divisé sur le sujet : les enquêtes d’opinion montrent qu’une majorité d’Allemands soutient l’aide à l’Ukraine, mais pas la livraison de missiles de croisières Taurus, qui permettrait à Kyiv de frapper le territoire russe en profondeur, et à laquelle Olaf Scholz s’est jusqu’ici toujours opposé.Dans les sondages, l’AfD pointe en deuxième position, gagnant du terrain selon une étude parue le 11janvier qui crédite la formation de 22 % des suffrages, derrière les conservateurs du camp CDU/CSU autour de 30% mais devant les sociaux-démocrates du chancelier Olaf Scholz autour de 16 %. La formation à la rhétorique anti-migrants et qui prône un rapprochement avec la Russie a reçu le soutien appuyé d'Elon Musk, allié et appui financier de Donald Trump avec lequel Alice Weidel, investie par l’AfD pour conquérir la chancellerie allemande, a dialogué plus d'une heure lors d'un échange public le 9janvier sur le réseau social X du milliardaire.SOMMET DE L’IA: RÊVES EUROPÉENS, MONOPOLE AMÉRICAINAprès les sommets de Bletchley Park (au Royaume-Uni) en novembre 2023 et de Séoul au printemps dernier, le sommet de Paris sur l'intelligence artificielle réunira les 10 et 11 février le «Sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle», un événement de portée mondiale réunissant chefs d'État et de gouvernement, dirigeants d'entreprise, universitaires, chercheurs, organisations non gouvernementales, artistes et autres membres de la société civile. L'événement a pour ambition de mettre la France et l'Europe sur la carte mondiale de l'IA, mais aussi de rendre compréhensibles pour le grand public les enjeux liés à cette technologie. Les discussions s'orienteront autour de trois objectifs prioritaires,: le développement d'une IA plus durable - cette technologie étant particulièrement énergivore - plus ouverte et au service de l'intérêt général, et la mise en place d'une gouvernance mondiale plus inclusive. Alors que les précédents sommets se concentraient surtout sur les risques, celui de Paris mettra en avant les opportunités qu'offre cette technologie.Deux régulations très différentes s'opposent : alors que les Européens veulent réguler a priori l'IA, les Américains ont opté pour de grands principes certes ambitieux mais non contraignants. La présence d'Elon Musk dans la nouvelle administration américaine, alors que le milliardaire vient de lever 6milliards de dollars pour son entreprise d'IA, « xIA », risque d'accélérer ce découplage entre les Etats-Unis et l'UE. Dans la lignée du rapport Draghi sur la compétitivité de l'Europe, le Sommet de Paris doit surtout renforcer la place de l'innovation dans l'approche européenne de l'IA, approche que soutient Paris au sein des 28. Il s'agit de limiter drastiquement une approche qui serait principalement centrée sur les risques, encadrant les entreprises innovantes, et qui ne permettrait pas au continent européen de prendre le tournant de cette nouvelle révolution technologique.L’IA est devenue un véritable enjeu de souveraineté pour les États. Donald Trump a annoncé mardi le projet « Stargate », comprenant des investissements «d’au moins 500 milliards de dollars » pour construire des centres d’hébergement et de traitement des données, les fameux «datacenters », indispensables pour faire fonctionner les intelligences artificielles. Selon Bloomberg, les grandes entreprises de la tech américaine vont dépenser 274 milliards de dollars en investissements en capital dans l'IA en 2025. C'est presque deux fois plus qu'en 2023. Avec ses 20Mds d’euros d’investissement par an, dont 4 Mds en France, l’Europe reste largement distancée par les États-Unis.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 24 janvier 2025.Avec cette semaine :Jean-Louis Bourlanges, essayiste.Michel Eltchaninoff, rédacteur en chef du mensuel Philosophie Magazine.Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique en ligne Blick.Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung.LA GAUCHE DÉCOMPOSÉE?Les relations se sont tendues entre le Parti socialiste et La France insoumise, après le choix des députés socialistes de ne pas voter le 16 janvier la motion de censure défendue par le reste du Nouveau Front populaire. Selon le PS, les « concessions »programmatiques obtenues durant leurs longues tractations avec le Premier ministre justifiaient de ne pas le sanctionner immédiatement. Les socialistes ont notamment obtenu que les déremboursements prévus sur les médicaments et les consultations soient remis en question et que des crédits supplémentaires soient accordés aux hôpitaux, sans oublier le maintien de tous les postes dans l’Éducation nationale et le renforcement des dispositifs de justice fiscale, notamment pour les plus hauts patrimoines.L’initiative du PS, qui se définit toujours comme un «parti d’opposition», ouvre cependant une brèche à gauche et acte la confrontation avec Jean-Luc Mélenchon. Deux gauches coexistent, comme cela a toujours été. Elles sont de nouveau entrées en compétition. Tenant de la gauche réformiste, François Hollande observe que «les socialistes constituent désormais le pôle central au sein de l’Assemblée nationale puisque rien ne peut se faire sans eux ni contre eux. Ils ont la clef jusqu’en 2027». Il a enfoncé le clou en estimant qu’en2027, il faudrait « deux offres à gauche », l’une réformiste et l’autre radicale. De quoi remettre de facto en cause la stratégie du premier secrétaire du parti, Olivier Faure, qui espère construire avec ses homologues écologistes et communistes une candidature unique alternative à celle de Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier a hurlé à la « trahison », mais s’est toutefois gardé de sceller la rupture définitive avec le PS qui, pour lui, n’est «plus un partenaire», mais un « allié de circonstance ». Rêvant de renverser de nouveau le gouvernement et de provoquer une présidentielle anticipée, l’ancien sénateur a plus que jamais besoin des voix de son ancien parti pour voter la censure, lors du vote sur le budget, le 3février].Dimanche dernier, le second tour de l’élection législative partielle de la première circonscription de l’Isère a été une véritable déroute de LFI et, partant, du NFP. La candidate d’Ensemble, a remporté largement la circonscription détenue par LFI. L’ampleur de cette défaite fait de cette élection partielle un événement de portée nationale au moment où le NFP se décompose au niveau national.QUELLE PAIX POUR L’UKRAINE?Avec le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, les Européens craignent un désengagement des États-Unis dans le conflit en Ukraine, voire des pressions de Washington pour un accord au détriment de Kyiv. Le président américain qui se vantait d'obtenir la fin de la guerre en vingt-quatre heures, parle désormais de cent jours, sans jamais détailler son plan. Les contours d'un accord restent difficiles à imaginer. Le président ukrainien a récemment fait une ouverture en affirmant qu'il était prêt à renoncer à utiliser la force pour récupérer les territoires occupés par la Russie depuis 2014 (20 % de l'Ukraine); il a même envisagé un abandon de souveraineté temporaire sur la Crimée et une partie du Donbass, contrôlés par Moscou, en attendant une solution diplomatique. Cependant, Volodymyr Zelensky insiste pour que l'Ukraine soit invitée à adhérer à l'OTAN. De son côté, Vladimir Poutine s'est dit prêt à discuter d'un accord de cessez-le-feu avec Trump, mais exclut toute concession territoriale majeure et insiste pour que Kyiv abandonne ses ambitions de rejoindre l'OTAN.L'année 2024 aura été difficile pour Kyiv : l'armée russe a avancé en Ukraine de près de 4.000km2 en 2024 face à des Ukrainiens en difficulté, soit sept fois plus qu'en 2023, et l'année à venir s'annonce incertaine notamment du fait d'interrogations sur la pérennité du soutien américain. En mai 2022, 10% des Ukrainiens se déclaraient prêts à céder des territoires pour parvenir à la paix lors que 82 % y étaient opposés. En décembre 2024, l’écart se resserre: 38 % des Ukrainiens se disent désormais disposés aux concessions territoriales, quand 51 % y restent opposés.À Varsovie mi-décembre, Emmanuel Macron et le premier polonais, Donald Tusk, ont évoqué la possibilité du déploiement d'un contingent militaire européen en Ukraine, le long de la ligne de front qui s'étend sur quelque 1.000 km. Cette hypothèse pourrait impliquer les armées de pays membres de l'OTAN, ou encore détenteurs de l'arme nucléaire, comme la France et le Royaume-Uni. Intervenant mardi au Forum économique mondial, le président ukrainien a affirmé qu'il faudrait une force de maintien de la paix européenne d'« au moins 200.000 hommes ». Mercredi, Donald Trump a sommé Moscou de trouver un accord pour clore la guerre en Ukraine, faute de quoi il lui imposerait de nouvelles sanctions. En saluant la volonté de Kyiv de chercher un compromis et en évoquant les « gros ennuis » notamment économiques de Poutine, le président américain semble mettre légèrement plus la pression sur le Kremlin, sans évoquer toutefois pour autant la possibilité d'armer l'Ukraine.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
<b>ISSN 2608-984X</b><br></br>Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École de l’air et de l’espace de Salon-de-Provence le 17 janvier 2025.Avec cette semaine :Jean-Louis Bourlanges, essayiste.Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.DE BARNIER À BAYROU: UN PROBLÈME, DEUX RÉPONSES?Un mois après son arrivée à Matignon, François Bayrou s’est fixé « trois défis»: « Contenir » et « réduire» la dette publique, « mettre en place les conditions de la stabilité, qui impose de se réconcilier», et refondre l’action publique. Parmi les principales mesures annoncées, figure la remise en chantier de la réforme des retraites avec une ouverture majeure de la proposition du Premier ministre par rapport à celle de son prédécesseur Michel Barnier : il a fait sauter le tabou des 64 ans mais à condition de ne pas «dégrader l’équilibre financier» du système. Sur la base d'un « constat » chiffré, confié à la Cour des comptes pour une « mission flash », les partenaires sociaux auront trois mois pour dégager «un accord d'équilibre et de meilleure justice». S’il émerge, il sera soumis au Parlement à l’automne. Sinon «c’est la réforme actuelle qui continuerait à s’appliquer».Un fonds spécial «entièrement dédié à la réforme de l’État », sera créé, financé en cédant une partie des actifs publics, notamment immobiliers. L’effort d’économie demandé aux collectivités territoriales sera réduit à 2,2milliards d’euros au lieu des 5 milliards d’euros prévus par Michel Barnier. Le Premier ministre cherchera à protéger les entreprises de hausses d’impôts. Il est favorable au « principe proportionnel pour la représentation du peuple dans nos assemblées ». Un élément qui ouvre la porte à un « probable » retour du cumul des mandats. « L’étude des cahiers de doléances» présentés par les Gilets jaunes sera reprise. Le Premier ministre a abandonné «la mesure de déremboursement de certains médicaments et de consultations » prévue par son prédécesseur. La progression des dépenses de santé sera donc plus forte que prévu dans la copie Barnier. Elle devrait être relevé de +2,8% à +3,3 %. François Bayrou a également renoncé aux 4.000 suppressions de postes prévues dans l’éducation nationale ainsi qu’au passage d’un à trois jours de carence en cas d’arrêt maladie. Il maintient le projet de taxe sur les hauts revenus. Enfin, il a analysé l’immigration comme « d’abord une question de proportion».Jeudi, ni les lepénistes ni les socialistes n'ont voté la motion de censure déposée par les mélenchonistes, avec des écologistes et des communistes. Elle n’a donc pas été adoptée.LA SÉCURITÉ COLLECTIVE À L’HEURE DU RÉVISIONNISME TRUMPISTEAvec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, les puissances du Vieux Continent redoutent l'érosion, voire la dissolution, de leur principale alliance, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), au moment même où la Russie prend l'avantage en Ukraine. Au cours de sa précédente présidence, Trump avait envisagé de ne pas honorer l'article5 du traité, qui prévoit que les pays signataires se portent au secours d'un allié attaqué. Or, toute la dissuasion de l'Alliance atlantique repose sur cet engagement.Cette menace voilée du président américain marquait sa volonté d’un rééquilibrage des contributions au budget de l’Otan entre les alliés et les États-Unis. Seulement les deux tiers des trente membres européens de l'Otan consacrent plus de 2 % de leur PIB à la défense. Sans les Etats-Unis, ils devront dépenser peut-être deux fois plus. Ce qui voudra dire accroître l'endettement, augmenter les impôts ou tailler dans certaines dépenses essentielles. Les Européens doivent aussi décider s'ils repensent ou non la base de leur défense collective. À l'heure actuelle, les forces armées européennes donnent priorité à l'Otan tout en veillant à élargir leurs capacités de défense et de sécurité au travers d'autres institutions, comme l'Union européenne, et des blocs militaires régionaux comme la Force expéditionnaire conjointe sous direction britannique. La victoire de Trump relance aussi le débat sur le rôle dissuasif des armes nucléaires françaises et britanniques en cas d'éventuelles attaques ailleurs en Europe.Aujourd’hui, l’Europe est bien plus vulnérable qu’elle ne l’était lorsque Trump a été élu pour la première fois en 2016. Elle est aux prises avec une guerre, une crise économique et une montée en puissance des mouvements nationalistes populistes. Actuellement, huit de ces mouvements dirigent des gouvernements ou participent à des coalitions à travers le continent. L’Europe doit se préparer, en filant la métaphore du Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, à voir son « jardin » menacé par une « jungle » peuplée de «carnivores » sans états d'âme. Un récent Eurobaromètre, qui mesure l’opinion publique européenne à l’égard de l’Union, montre que celle-ci n’a jamais été aussi favorable à l’intégration européenne. Bien que beaucoup de citoyens soient insatisfaits de leur gouvernement, plus de six personnes sur dix estiment que l’avenir de l’Europe réside dans l’Union.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École alsacienne le 12 janvier 2025.Avec cette semaine :Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Jean-Louis Bourlanges, essayiste.Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique en ligne Blick.L’HÉRITAGE DE LE PENJean-Marie Le Pen décédé mardi à l’âge de 96 ans, restera celui autour de qui l’extrême droite est sortie de la marginalité électorale où elle était confinée depuis la Seconde Guerre mondiale. En 1984, aux élections européennes, la liste Front national qu’il conduit réalise un score frôlant les 11%. En 2002, il parvient au second tour de l’élection présidentielle. Le succès de sa rhétorique anti-immigrés va croissant tandis que la crise économique s’amplifie. On parle de « lepénisation des esprits». Si aujourd’hui la domination de Marine Le Pen au sein des catégories populaires est avérée, c'est Jean-Marie Le Pen qui a siphonné le premier l'électorat ouvrier. Dès la présidentielle de 1988 l'universitaire Pascal Perrineau a identifié ce qu'il a appelé le «gaucho-lepénisme ». En 2011, Jean-Marie Le Pen transmet à sa fille cadette Marine, la présidence d'un parti encore encombré d'une image raciste et antisémite. De cet ascendant biologique et politique, Marine Le Pen tente de s'affranchir. La «dédiabolisation » sera son grand projet, au vif désappointement du vieux chef quelle finit par exclure en 2015. Le Pen perd alors les tréteaux sur lesquels il joue le rôle de sa vie, la profanation.Au moment de sa disparition, l’héritage politique de Jean-Marie Le Pen est double. D’un côté, il reste toujours présent au Front national – devenu Rassemblement national – à travers le nom de famille Le Pen. Il laisse derrière lui deux héritières. Marine qui préside le groupe Rassemblement national, devenu le premier groupe de l'Assemblée nationale depuis la dissolution avec 121 députés, et Marion Maréchal ex – Le Pen, élue au Parlement européen à la tête de son parti Identités-Libertés. Les thématiques chères à leur père et grand-père, comme les dangers de la mondialisation et de l’immigration, ainsi que la préférence nationale, rebaptisée priorité nationale, restent les clefs de voûte du Rassemblement national. D’un autre côté, ses provocations et son exaltation se prolongent davantage depuis la présidentielle de 2022 à travers Éric Zemmour, nouveau représentant électoral et médiatique de l’extrême droite la plus dure. Nicolas Lebourg, historien spécialiste des mouvements liés à cette idéologie distingue deux legsimportants : «L’un culturel, car le RN reste un parti profondément national-populiste, en gardant un discours autour d’une France menacée de décadence par des élites faillies. L’autre patrimonial, car aucun des députés frontistes ne pourrait être à cette place aujourd’hui si Jean-Marie Le Pen n’avait pas œuvré pendant des décennies pour sortir l’extrême-droite du désert.» Virginie Martin, politologue, enseignante-chercheuse à Kedge Business School observe que si «Jean-Marie Le Pen n'était pas un grand théoricien du politique, pas plus qu'il n'était un grand idéologue politique[…]il a gagné la bataille culturelle sur la question de l'immigration comme sur celle de la sécurité». À moins qu’il n’ait été que le visage et la grande gueule d’une évolution des opinions à l’œuvre dans toute l’Europe.TRUMP + MUSK =?Avant même son investiture le 20janvier prochain Donald Trump déclenche les polémiques, en affirmant que le Canada est un possible «51ème État», en n'excluant pas l'usage de la force pour annexer le Groenland - un territoire semi-autonome qui appartient au Danemark -, en souhaitant renommer le Golfe du Mexique «Golfe de l’Amérique», ou en envisageant que «le canal de Panama soit restitué aux États-Unis ». Tensions en interne également: les États-Unis ont échappé in extremis au risque d’un shutdown – un arrêt temporaire des activités gouvernementales non essentielles -, faute de financement de l’État fédéral, en défiant les souhaits de Donald Trump et d’Elon Musk, nouveau perturbateur de la vie politique américaine. Au lieu de voter des législations séparées comme le préféraient les élus républicains, Trump aurait l'intention de faire voter une « méga-loi » MAGA («Make America Great Again») comprenant ses mesures prioritaires : réforme de la fiscalité, de l'immigration et de la politique énergétique. Le passage de cette loi devrait dominer les premiers mois de son mandat. La question des visas H-1B, destinés aux travailleurs hautement qualifiés a également déclenché des crispations entre les représentants historiques du mouvement MAGA, souvent nativistes et hostiles à l'immigration, y compris légale, et les « néo-MAGA », libéraux et soucieux avant tout d'efficacité. Elon Musk, lui-même né en Afrique du Sud et bénéficiaire de ce visa, a pris fait et cause pour ces visas qui attirent aux États-Unis les ingénieurs les plus talentueux venus du monde entier. Ces tensions se sont calmées après que Trump a choisi son camp en se rangeant auprès de Musk.L’homme le plus riche du monde ne quitte plus Donald Trump depuis la campagne électorale, qu’il a contribué à financer à hauteur d’un quart de milliard de dollars. Son installation à la direction du «DOGE» (Département de l'Efficacité gouvernementale), en tandem avec l'entrepreneur anti-woke, climatosceptique et ultra-conservateur Vivek Ramaswamy promet, elle aussi, d'être fracassante.L'inspiration doctrinale est moins celle des libertariens, réclamant toujours moins d'État pour restaurer la liberté, que celle de la «révolution» néo-conservatrice reaganienne. L'objectif affiché est de privatiser l'État fédéral, de le dépecer etin fine de le transformer en entreprise. Parmi les chantiers du quasi-ministre Musk, des plans de suppression d'emplois massifs, une dérégulation tous azimuts et une coupe dans les dépenses publiques de 2.000 milliards. Ces sabrages concerneraient l'éducation, les retraites, l'audiovisuel, le planning familial,etc. L'implication du milliardaire américain dans la politique européenne se fait toujours plus nette, comme son soutien aux droites radicales. Fin décembre, Elon Musk a ainsi apporté un soutien clair et sans ambiguïté à Alternative für Deutschland (AfD), le parti d'extrême-droite allemand, après avoir traité Olaf Scholz d'« idiot incapable ». Au Royaume-Uni, il réclame de nouvelles élections et offre de financer le parti populiste de Nigel Farage, grand rival des conservateurs.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 13 décembre 2024.Avec cette semaine :Laurent Berger, ancien secrétaire général de la CFDT, directeur de l’Institut mutualiste pour l’environnement et la solidarité, et éditeur.Eric Lombard, banquier, directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations.Michel Winock, historien et écrivain.LA SOCIAL-DÉMOCRATIE ET MICHEL ROCARDLa notion de social-démocratie fait l’objet de plusieurs interprétations contradictoires. Dans son acception large, le concept renvoie à une forme d’organisation politique qui trouve son origine dans les pays scandinaves, et dont l’essence serait d’accepter le cadre de l’économie de marché, tout en mettant l’accent sur la redistribution des richesses. Dans un sens plus étroit et plus polémique, le terme est assimilé au social-libéralisme et utilisé pour anathématiser une vision politique qui, sous couvert de défendre les travailleurs, se préoccuperait surtout de ne pas déranger les plus riches. En France, où il n’existe pas de parti se réclamant de la social-démocratie, cette ambiguïté est accentuée par l’attitude du Parti socialiste au sein duquel l’héritage de la «deuxième gauche» ne cesse de faire débat.Si donc le concept de social-démocratie reste à préciser, l’un des hommes politiques s’en étant réclamé le plus est Michel Rocard. Premier ministre de 1988 à 1991, on lui doit notamment les accords de Matignon sur la Nouvelle-Calédonie, la mise en place du revenu minimum d’insertion, ou encore la contribution sociale généralisée. Son passage à Matignon est marqué par une attention portée à l’économie sociale et solidaire, aux négociations avec les syndicats, et par la mise en place d’un nouveau contrat salarial, reposant sur trois piliers: réorganisation et décentralisation des conditions de travail; hausse maîtrisée des salaires, c’est-à-dire «politique des revenus»; attention portée à la formation continue des salariés. En creux, transparaît ainsi dans son bilan une attention à la négociation et au compromis, ainsi qu’une tentative de décentraliser les relations économiques aussi bien que l’administration de l’État.Dans Le Cœur à l’ouvrage, publié en 1987, il écrit que «dès l’instant qu’une force de gauche a des convictions communes assez fortes pour ne devoir son identité qu’à elle-même, et assez de puissance pour entraîner dans son sillage la mouvance communiste sans en dépendre, elle peut gagner et se révéler efficace et rayonnante». D’emblée sont ainsi posés deux prérequis à toute victoire de la gauche: qu’elle soit unie, mais que cette union soit sous le leadership d’un parti non communiste, c’est-à-dire ouvert au compromis.Nous nous interrogerons donc tout autant sur ce que signifie le concept de social-démocratie, sur sa conception de l’État, que sur son rapport avec sa gauche et sur sa vision des relations sociales. Mais d’abord, pourriez-vous, chacun d’entre vous nous partager quelque chose qui vous concerne particulièrement à propos de Michel Rocard?Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
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Pour l’historien Marc Lazare, nous nous trouvons dans «une crise politique claire et nette, […] mais pas une crise institutionnelle, « de régime», comme nous l'avons vécue en 1958».La chute du gouvernement Barnier début décembre après une motion de censure votée à la fois par le Nouveau Front Populaire et par le Rassemblement National, a abouti à la nomination comme Premier ministre de François Bayrou, qui ne faisait pas mystère de sa conviction que son tour était venu d’occuper l’hôtel Matignon … Le chef de l’État, après avoir d’abord proposé par téléphone au président du MoDem la deuxième place du nouveau gouvernement l’a reçu et a cédé devant la possibilité d’un blocage et d’une rupture avec son principal allié.Le centriste préconise un gouvernement «large et central», avec des «réformistes, de gauche, du centre et de droite, républicains, hors extrêmes». Il pourrait bénéficier, du moins dans un premier temps, de la bienveillance de Marine LePen, qu’il a toujours traitée comme représentante d’un mouvement concourant à l’expression du suffrage, jusqu’à lui donner son parrainage pour la présidentielle de 2022, ou à prendre sa défense lors du procès des assistants du Front National (et du Rassemblement National) au Parlement européen.Si de la gauche au RN, tout le monde loue sa capacité au «compromis», François Bayrou n’a qu’un groupe parlementaire plus restreint que celui de Michel Barnier (36 députés Modem contre 47 Les Républicains), un «socle commun» pas plus large (et même moindre si les LR se retirent), des Français qui ne veulent pas de lui (seuls 4% souhaitaient un Premier ministre issu du camp présidentiel) et un procès en appel prévu courant 2025 dans l’affaire des emplois fictifs au Parlement européen.La France insoumise a promis une nouvelle motion de censure immédiate, le Parti socialiste déclare rester dans l'opposition, le Rassemblement National affirme qu'il n'y aura «pas de censure a priori» et Les Républicains réclament des «garanties» pour rester au gouvernement. Selon le récent sondage Ipsos sur les fractures françaises 86 % des Français n'ont pas confiance dans les partis politiques.Alors que sa cote de popularité a chuté, Emmanuel Macron s’apprête à perdre son parti, Renaissance, auprofit de Gabriel Attal. Si le Premier ministre qu’il vient de nommer tombe à nouveau, c’est lui qui se retrouvera en première ligne, seul. SYRIE: UNE CRISE PARTOUT EXPLIQUÉE, MAIS JAMAIS PRÉVUE.Tous les services de renseignement ont été pris par surprise par la rapidité de l'effondrement, en douze jours seulement, de la dictature syrienne au pouvoir depuis 1970. Bachar el-Assad et sa famille se trouvent désormais à Moscouoù ils ont obtenu l’asile politique auprès des autorités russes. En 2015, c’est l’appui militaire de l’armée russe qui, face aux forces islamistes, avait permis à Damas de reprendre progressivement le contrôle d’une grande partie du pays. Cette année, malgré quelques interventions aériennes pour bombarder des rebelles dans le nord-ouest du pays, l’armée russe n’a presque pas agi pour sauver le régime de Damas.Pour Téhéran, la chute d’Assad marque également un revers majeur : depuis la guerre civile, le pouvoir iranien avait dépêché sans relâche ses conseillers militaires et factions armées pour soutenir le pouvoir syrien, tandis que la Syrie jouait un rôle de relais décisif pour l’approvisionnement en armes du Hezbollah libanais, financé par l’Iran. En quatorze mois, depuis le 7 octobre 2023, l'Iran a perdu son «corridor d'influence » allant de Téhéran à Beyrouth, en passant par l'Irak, la Syrie et le sud d'Israël. Ne lui reste que les Houthis du Yémen.Bien que voisine de la Syrie, la Turquie ne s’attendait pas non plus à la chute aussi rapide du président syrien. Partageant avec la Syrie plus de 900 kilomètres de frontière, la Turquie est devenue en 13 ans une terre d’asile pour 4 millions de réfugiés syriens et une partie de son opposition, comme l’Armée nationale syrienne. Entraînée par des conseillers militaires turcs durant les 10 dernières années, elle s’est jointe au Hayat Tahrir Al-Cham (HTC) pour faire tomber le régime syrien. Une occasion pour le président Erdogan de sécuriser sa frontière, de renvoyer le plus possible de réfugiés syriens chez eux et de neutraliser des factions kurdes syriennes, dominées par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK turc), ainsi que les milices de Daesh présentes dans le désert syrien.Peu après l’annonce de la chute de Bachar Al Assad, le 8 décembre, l’armée israélienne s’est emparée sans résistance du versant syrien du Golan, une montagne située à cheval entre Israël, le sud de la Syrie et le Liban, ainsi que de la zone démilitarisée qui fait tampon avec la Syrie.Au nord du pays, 900 soldats américains se trouvent toujours stationnés depuis la guerre contre l'État Islamique (EI). Ils y protègent notamment les Kurdes. Durant l’été 2024, les Nations-unies et le commandement central des Etats-Unis avaient alerté sur la montée en puissance de l’EI depuis les attaques du 7octobre2023contre Israël, avec un niveau de violence jamais vu depuis la chute du « califat » en2019. Les Etats-Unis et leurs alliés veulent empêcher que la prise de Damas par les rebelles de HTC renforce l’EI. L’ombre du jihadisme plane encore sur la Syrie et le risque existe que les Syriens aient échangé la proie pour l'ombre …Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 6 décembre 2024.Avec cette semaine :Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit.Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick.CENSURE: À QUOI ONT JOUÉ GOUVERNEMENT ET PARTIS?L’Assemblée nationale a adopté mercredi soir une motion de censure par 331 voix, la majorité absolue étant de 289 voix, en réponse au déclenchement de l’article 49.3. Le gouvernement Barnier, le plus éphémère de la Ve République est tombé, moins de trois mois après sa nomination. Une première depuis 1962. «Le Premier ministre a remis jeudi la démission de son gouvernement au président de la République qui en a pris acte», a fait savoir l’Élysée.Au préalable, le Premier ministre avait assumé d’engager une phase de négociation avec les formations qui acceptaient d’entrer dans le jeu. Il était difficile de satisfaire les différents partis compte tenu de leurs différentes lignes rouges: tandis que le Rassemblement national (RN) ne voulait pas que le prochain budget lèse les classes populaires, Les Républicains refusaient d'augmenter les impôts, le Nouveau Front populaire (NFP) réclamait des impôts supplémentaires pour les plus riches et pas de nouvelle loi immigration, les macronistes exigeaient que les allégements de charges accordés aux entreprises ne soient pas remis en cause. Plus Michel Barnier lâchait de concessions pour dissuader les parlementaires de faire tomber son gouvernement, plus ils en rajoutaient. Pour s'acheter la grâce de Marine Le Pen, il s'est résigné à réduire les prix de l'électricité et à raboter l'aide médicale proposée aux sans-papiers. Mais elle a exigé ensuite que les médicaments soient mieux remboursés et que les pensions de retraite soient encore plus revalorisées. Sous la pression, le gouvernement est allé jusqu'à revenir sur la baisse du taux de remboursement des médicaments en 2025, l'une des dernières demandes de Marine Le Pen. Insuffisant, tant les exigences du RN semblaient s'échelonner à mesure que l'exécutif se montrait prêt à des concessions.La cheffe de file des députés RN espère s'être adressée en priorité à son électorat favorable à la chute de l'exécutif, mais elle prend le risque d'abandonner sa posture de parti de gouvernement dans sa conquête de nouveaux électeurs. En censurant, l'extrême droite a pris le risque d'affaiblir sa posture dans une partie de l'opinion, notamment chez les retraités et les catégories supérieures diplômées, inquiets d'une forme d'instabilité.Selon un sondage de l'Ifop publié le 28novembre, 53 % des électeurs souhaitaient que la censure soit votée contre le gouvernement. La France est désormais sans budget, sans gouvernement, sans majorité à l'Assemblée nationale et dirigée par un président impopulaire.Jeudi soir, Emmanuel Macron a annoncé la nomination prochaine d’un nouveau Premier ministre à la tête d’un gouvernement d’intérêt général excluant le RN et LFI, et il a assuré qu’il exercerait son mandat jusqu’à son terme constitutionnel.LA SYRIE SOUS PRESSIONEn quelques jours, les rebelles islamistes syriens se sont emparés de plus de territoire dans le nord-ouest de la Syrie qu'en treize ans de guerre civile. Depuis le 27 novembre, le groupe djihadisteHayat Tahrir al-Cham et lesfactions rebelles alliées, a mis la main sur Alep, la deuxième ville la plus importante de Syrie. Il a ensuite pris Hama avec, en ligne de mire, la capitale, Damas. Même si elles ne sont pas majoritaires, certaines formations de rebelles proches d’Ankara participent à l’offensive d’Alep. Parmi elles, l’Armée nationale syrienne, un groupement d’une dizaine de factions, sans réelle unité idéologique mais partageant des sentiments très antikurdes et réunies par la Turquie depuis 2017. Alors que l’armée syrienne s’est débandée, le président Bachar el-Assad a promis d'utiliser la « force » pour éradiquer le «terrorisme ».Jusqu’à présent, le régime syrien n’a tenu qu’en raison de l’aide de ses trois alliés : l’Iran, le Hezbollah et la Russie. Les djihadistes ont saisi le moment où le camp pro-iranien est affaibli par les coups que lui a portés Israël à Gaza, au Liban, et en Syrie. Israël, inquiet de voir le mouvement armé libanais développer avec l’appui logistique de l’Iran une plate-forme pour faire passer du matériel militaire et des hommes vers ses bastions au Liban, frappe librement ses ennemis en Syrie. Toutefois, le gouvernement israélien ne cherche pas à faire tomber le régime de Bachar : il lui suffit de pouvoir frapper à sa guise les installations du Hezbollah et de ses alliés en Syrie. La Russie, elle, occupée par sa guerre en Ukraine, n’a plus les mêmes ressources financières et humaines qu’au milieu des années 2010 à consacrer au soutien de Bachar el-Assad. Compliquant la donne géopolitique, la rébellion, et ses factions à la solde d’Ankara, s’est emparé de Tall, une localité sous contrôle kurde, près de la frontière turque.La fulgurante offensive rebelle sur Alep met en lumière l’isolement et les faiblesses du régime de Damas avec lequel Recep TayyipErdoganet son gouvernement cherchent depuis deux ans, en vain, à négocier une normalisation diplomatique. Le président syrien a exigé à chaque étape des discussions le retrait des troupes turques dans le nord du pays et l’arrêt de la collaboration avec l’opposition syrienne. Deux termes qui ont toujours été non négociables côté turc. Avec le redéploiement de troupes russes sur le front ukrainien, le pouvoir turc espère lancer, comme il l’a annoncé à plusieurs reprises, une nouvelle offensive militaire dans le nord de la Syrie contre les forces kurdes. L’un des objectifs d’Ankara est également d’organiser le retour des quelque troismillions de réfugiés syriens que le pays accueille sur son territoire. En élargissant la zone contrôlée par les rebelles, Ankara espère augmenter ses chances d’accélérer le mouvement.Dans un communiqué conjoint, les Etats-Unis, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont appelé à la «désescalade » en Syrie.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 29 novembre 2024.Avec cette semaine :Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Jean-Louis Bourlanges, essayiste.Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova.LE PS PEUT-IL S’AFFRANCHIR?Le prochain congrès du PS devrait avoir lieu au printemps 2025. Elu depuis 2018, Olivier Faure remettra son mandat de premier secrétaire en jeu. Sa gouvernance est contestée par ceux qui lui reprochent de coller au pas et aux humeurs de Jean-Luc Mélenchon et d’avoir réduit le PS à une annexe de La France insoumise au lieu de profiter de la force acquise lors des européennes et même des législatives pour être en mesure de faire émerger un candidat socialiste présidentiable. Les partisans du député de Seine et Marne plaident pour la survie, à tout prix, de l’union de la gauche, tout en menant à l’Assemblée une bataille larvée contre LFI pour obtenir le leadership de la gauche. Un combat rendu possible par le retour en force des socialistes à l'Assemblée: les troupes du patron du groupe socialiste à l'Assemblée, Boris Vallaud, comptent 66 parlementaires, contre 71 mélenchonistes.Cette crise entre le PS et LFI a éclaté au grand jour après la proposition de pacte de « non-censure » évoqué dimanche dernier sur France Inter par Boris Vallaud qui a proposé à «tous les présidents de groupes du Sénat et de l'Assemblée de l'arc républicain de poser la question des conditions d'une non-censure ». Il a, en outre, dit vouloir «reprendre le fil» de ce que «les groupes du Nouveau Front populaire» à l'Assemblée et au Sénat avaient «commencé à faire à la mi-aoûten disant "nous sommes prêts à des compromis textepar texte, nous sommes prêts à discuter des priorités de politique budgétaire"». « Le PS cherche des alliés. Mais ça sera sans LFI», a assuré Jean-Luc Mélenchon, accusant le PS de «tendre la main» au-delà de la gauche.La mésentente affichée entre LFI et le PS est également apparue à propos d’une proposition de loi déposée le 19 novembre, à l'initiative du député «insoumis» du Nord Ugo Bernalicis, qui vise à « abroger le délit d’apologie du terrorisme du code pénal ». Ce délit, créé par une loi de 2014, consiste à «présenter ou commenter favorablement soit le terrorisme en général, soit des actes terroristes déjà commis». Bernard Cazeneuve avait défendu ce texte comme «nécessaire» face à «la stratégie médiatique» des groupes djihadistes et au fait qu'«Internet offre aux thèses les plus extrêmes une caisse de résonance démultipliée». L'objectif consiste selon la présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale, Mathilde Panot, à cantonner à nouveau l'apologie du terrorisme au droit de la presse afin de garantir «la liberté d'expression». La proposition a suscité une vague de critiques. A gauche le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure a jugé qu'il suffisait en la matière d'affiner «la définition» du délit «pour en éviter les dérives». Plus clairement, le patron des députés PS, Boris Vallaud, a affirmé ne pas soutenir «la proposition de LFI».LA SITUATION EN UKRAINEAprès des mois de refus, le 17novembre, les Etats-Unis ont donné aux Ukrainiens le feu vert pour frapper la Russie en profondeur avec leurs missiles balistiques sol-sol d’une portée allant jusqu’à 300kilomètres. Washington a justifié cette autorisation par le récent déploiement de soldats nord-coréens dans la région frontalière russe de Koursk. Alors que le conflit passait le cap des 1.000 jours, le 19novembre, Kyiv a frappé un poste de commandement russe dans la région de Koursk. En réponse, le président russe a annoncé l’adoption d’une nouvelle doctrine nucléaire qui élargit la possibilité d'un recours à l'arme atomique en cas d'attaque « massive » par un pays non nucléaire mais soutenu par une puissance nucléaire. Une référence claire à l'Ukraine et aux États-Unis. Les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Union européenne ont dénoncé « une rhétorique irresponsable» de la part de la Russie.Alors que la Russie pousse son avantage sur la ligne de front, ens’emparant de territoires, dans l’est du pays, à une rapidité inédite, les Etats-Unis ont annoncé, le 20novembre, que pour aider l’Ukraine à freiner l’avancée des Russes, ils allaient fournir à Kyiv des «mines antipersonnel non-persistantes », c'est-à-dire équipées d'un dispositif d'autodestruction ou d'autodésactivation. Une mesure dénoncée non seulement par la Russie, et jugée «désastreuse» par la Campagne internationale pour interdire les mines, une organisation qui a reçu le prix Nobel de la paix en 1997. L’Ukraine est aujourd’hui le pays le plus miné au monde, avec 23% de son territoire pollué par des mines terrestres et des munitions non explosées, indiquait dans un rapport en octobre, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).Le 21 novembre Vladimir Poutine a déclaré que Moscou «avait lancé un nouveau missile balistique de portée intermédiaire sur l'Ukraine, en réponse à l'utilisation récente par ce pays d'armes américaines et britanniques pour frapper plus en profondeur» le territoire russe. Il a précisé que l'engin était un nouveau type de missile balistique hypersonique baptisé «Orechnik» - «noisetier», en russe -, dans sa «configuration dénucléarisée». Le tir a visé un «site du complexe militaro-industriel ukrainien» dans la ville de Dnipro, a-t-il ajouté. C’est une première dans l’histoire du nucléaire militaire. Il n’était pas chargé – d’où l’absence d’explosion au sol –, mais, avec un tel tir, les Russes ont franchi un pas dans l’escalade avec les Occidentaux. Face aux risques importants de méprise, donc de riposte et d’escalade nucléaire, la Russie aindiqué avoir prévenu les Etats-Unis de son tir. Une annonce confirmée par Washington.Face aux nouvelles menaces du président russe, qui prévient qu'il pourrait désormais les frapper directement, les Occidentaux hésitent, vis-à-vis de l'Ukraine, entre un soutien réitéré mais assorti de limites (Joe Biden), des promesses verbales (Otan, France, Royaume-Uni et Suède), et la « prudence » (Allemagne).Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 31 octobre 2024.Avec cette semaine :Roselyne Bachelot, ancienne ministre de la Culture.Laurent Bayle, fondateur du festival de musique contemporaine Musica, ancien directeur artistique puis directeur de l’IRCAM, premierdirecteur général de la Philharmonie et fondateur des orchestres Demos autrement dit des Dispositifsd’éducation musicale et orchestrale à vocation socialeMarc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.LES DROITS CULTURELSLa question des inégalités d’accès à la culture occupe depuis les années 1960 une place centrale dans l’action culturelle menée par l’État. En témoignent les efforts déployés pour faire venir un public plus varié à la culture, que ce soit au travers du développement des Maisons des jeunes et de la culture, ou des programmes spécifiques destinés aux scolaires.C’est dans ce contexte que la notion de «droits culturels» est apparue avec la déclaration de Fribourg de 2008. Celle-ci a même acquis une force juridique en droit français avec la loi NOTRe, qui dispose que«La responsabilité en matière culturelle est exercée conjointement par les collectivités territoriales et l'État dans le respect des droits culturels énoncés par la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 2005 ». Aux côtés des notions plus traditionnelles de «droit à la culture», ou de «culture pour tous», celle de «droit culturel» peut paraître incongrue, voire dénuée de sens. C’est en effet que sa définition reste floue. Son origine est à chercher dans la défense des minorités ethniques des pays du sud, dont les spécificités culturelles peuvent être soumises à des pressions de la part de la majorité. Son sens a évolué pour intégrer, plus largement, l’idée que tout groupe a le droit de participer à sa vie culturelle, étant entendu qu’«il s’agit d’une ambition plus forte que l’accès à la culturevisé par la démocratisation culturelle». L’ambiguïté de la notion tient à ce que ses promoteurs la présentent à la fois comme une formalisation de droits dispersés dans des textes existants et en même temps comme l’affirmation de la nécessité d’une nouvelle politique de la culture.La notion même de «droits culturels» souffre également de plusieurs ambiguïtés, voire obscurités. D’une part, elle porte son origine dans l’idée que les politiques traditionnelles de démocratisation de la culture auraient échoué face au constat de pratiques culturelles toujours stratifiées, et que cet échec serait lié à une politique culturelle inadaptée car trop verticale.D’autre part, la notion porte en elle le risque d’entrer en conflit avec d’autres normes, dont celle de la liberté de la création culturelle. La revendication de la participation à la culture peut ainsi venir justifier des pressions exercées sur les acteurs culturels au nom de l’émancipation des individus.Dès lors, comment appréhender cette notion floue, porteuse de revendications contradictoires, et surtout quelle peut être sa portée pratiquepour l’élaboration des politiques publiques de la culture?Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 22 novembre 2024.Avec cette semaine :Nicolas Baverez, essayiste et avocat.François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France.Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.LA QUESTION AGRICOLE ET LE MERCOSURL'Union européenne et le Mercosur - le Marché commun du Sud, regroupant l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay - discutent depuis 1999 d'un traité de libre-échange. « La négociation agricole a été finalisée en 2019 », précise-t-on à la Commission européenne. Pour les secteurs les plus sensibles, des quotas tarifaires ont été fixés : chaque année, 99 000 tonnes de bœuf, 180 000 tonnes de sucre de canne et 180 000 tonnes de volaille pourront accoster en Europe sans payer de droits de douane, ou alors minimes. Au-delà, les taxes habituelles s'appliqueront. Le quota de bœuf brésilien représente moins de 1 % de la consommation annuelle européenne et 1,2 % pour celle de sucre. Les discussions entre l'UE et le Mercosur ont repris en mars 2023 et ne portent désormais que sur quelques questions précises, faisant l'objet d'un « protocole additionnel ». En l'absence d'entente rapide, le Mercosur pourrait se rapprocher de la Chine, craint l'exécutif européen. Onze pays ont signé une lettre pour dire leur soutien à l'accord. Parmi eux, l'Allemagne, premier exportateur européen et troisième exportateur mondial, dont l'économie est à la peine. Mais la France qui s’oppose depuis 2019 à l’accord, s'est lancée dans une course contre la montre, en vue de faire pencher les pays indécis.Les agriculteurs français s'inquiètent de la menace d'un débarquement de denrées alimentaires sud-américaines à bas prix, en concurrence déloyale car issues d'un modèle productiviste soumis à des normes sociales, sanitaires et environnementales bien moins exigeantes. Ils se sentent sacrifiés quand l'Allemagne, première puissance industrielle d'Europe, va pouvoir mieux vendre ses voitures alors que la France, première puissance agricole d'Europe, subira les importations de viande sud-américaine. La FNSEA et les Jeunes Agriculteursont ont lancé un mouvement de protestation, lundi, alors que la Coordination rurale aappelé, mardi, à des actions plus radicales, comme le blocage du fret alimentaire. Leur mobilisation intervient alors qu’en janvier se profilent les élections professionnelles pour le contrôle des chambres d'agriculture. Au soutien de la colère paysanne, les décideurs politiques font front uni. L'opposition au Mercosur s'élargit. Après une première tribune signée par 200députés dans Le Figaro le 5novembre, 600 parlementaires en ont signé une autre le 12 dans Le Monde, adressée à la présidente de la Commission européenne. Emmanuel Macron, qui a déjà fait bloquer l'accord en 2019, répète qu'«en l'état, le traité n'est pas acceptable». Michel Barnier a fait l'aller-retour à Bruxelles le 13 novembre pour avertir que « l'impact serait désastreux » et qu'il ne faudrait « pas passer outre la position d'un pays comme la France ». Le gouvernement va proposer un débat au Parlement le 10 décembre suivi d'un vote sur l'accord commercial.BAKOU : NAUFRAGE DES ACCORDS DE PARIS ?La 29e conférence mondiale sur le climat (COP29) s’est déroulée du 11au 22 novembre à Bakou en Azerbaïdjan en l’absence de nombreux membres du G20 (qui représente près de 80 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre): ni les Etats-Unis, ni la Chine, ni l’Inde, ni le Canada, ni le Japon n’ont envoyé de représentants. Les acteurs importants de la diplomatie climatique : le président français, le chancelier allemand et la présidente de l’Union européenne étaient également absents. La COP29 avait pour principal objectif d’augmenter l'aide financière annuelle des pays riches. En ces temps de morosité économique, de guerres en Ukraine, à Gaza et au Liban, alors que le climato-sceptique Trump a été élu aux Etats-Unis et que l’intensification des impacts climatiques se fait sentir comme récemment en Espagne, les fossés entre les différents blocs de pays ne sont pas résorbés. Face aux demandes multiples d’aides financières (le groupe Afrique évoque 1.300milliards de dollars, les ONG du Climate Action Network «au moins»1.000milliards), l’Union européenne refuse de dévoiler son jeu.Les pays de l’Union européenne ne souhaitent pas faire de trop grandes promesses quant au montant des aides à apporter aux pays en développement, tout en redoutant d’apparaître comme la partie responsable du blocage. Mercredi, le commissaire européen à l’action pour le climat Wopke Hoekstra a estimé nécessaire de définir d’abord ce qu’englobe le chiffrage des pays en développement. Une façon de ne pas focaliser les débats sur les chiffres et de continuer à discuter de l’élargissement de la liste des contributeurs ou, au moins, de comptabiliser les aides des pays émergents, de l’intégration des investissements du privé, et du fait que les aides soient orientées vers les pays les plus vulnérables. La Chine refuse d’être incluse dans la liste des pays contributeurs, ce qui remettrait en cause son statut de pays en développement. Jeudi, la présidence de la COP a dévoilé un texte évoquant au moins «1.000milliards de dollars», mais sans préciser de chiffrage. Une proposition jugée inacceptable par M. Hoekstra tandis que les pays en développement ont proposé un compromis à 500milliards par an.Avant l’Accord de Paris de 2015, les émissions de gaz à effet de serre augmentaient de 16 % par an. Selon les estimations de l’ONU, les politiques mises en œuvre depuis 2015 ont permis de diminuer cette augmentation qui s’établirait à 3% en 2030. Loin des 30 à 45 % de diminution nécessaires pour atteindre la neutralité carbone au milieu du siècle. Selon l'Observatoire international climat et opinions publiques, un baromètre annuel publié par Ipsos et EDF, partout dans le monde, la priorité environnementale recule et le changement climatique inquiète de moins en moins. En France, la proportion de personnes très préoccupées par le sujet a baissé de 35 %.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École alsacienne le 17 novembre 2024.Avec cette semaine :Jean-Louis Bourlanges, essayiste.François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France.Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova.ANTISÉMITISME, DROGUE, SÉCURITÉ, IMMIGRATION: M. RETAILLEAU EST-IL CONDAMNÉ AUX IMPRÉCATIONS?Le poste de délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT est inoccupé depuis le 26juin, alors même que, depuis le 7octobre2023, date de l’attaque terroriste du Hamas en Israël, les actes antisémites explosent en France. Déjà, en 2012, on comptait 614actes antisémites, puis entre 800 et 900 en 2015 avec le terrorisme islamiste, jusqu’au seuil inédit de 1.676 actes en 2023. Au premier semestre 2024, selon la Direction nationale du renseignement territorial, les actes antisémites ont augmenté de 192%. Tandis que les Français juifs représentent moins de 1% de la population, ils concentrent 57% des agressions racistes et antireligieuses.Sur l’immigration, Bruno Retailleau multiplie les propositions parfois très clivantes, (durcissement du regroupement familial, restriction des aides, instauration de quotas migratoires, etc.), tandis que le Premier ministre affiche un ton plus prudent et renvoie à plus tard les arbitrages définitifs. Environ 140.000 décisions de retour sont prononcées par an en France et concernent principalement des ressortissants du Maghreb, d'Afrique, d'Afghanistan et de Syrie. Selo, des années, leur taux d'exécution a varié entre 3,9% et 17,1%. Quand la réadmission dans le pays d'origine ne fonctionne pas, le renvoi dans un pays tiers est, aux yeux de Bruno Retailleau, une solution à explorer. Aussi négocie-t-il des accords avec des pays tels que l'Irak, le Kazakhstan ou l'Egypte, afin d’y envoyer des étrangers impossibles à expulser dans leur pays d'origine. Ces pays tiers accepteraient de recevoir ces étrangers sur leur sol, à la condition qu'ils y aient déjà transité ou séjourné. Tout comme la Commission européenne et une majorité d’Etats membres, la France est de plus en plus encline à envisager une externalisation du traitement de l’asile.On attendait une nouvelle loi sur l’immigration au début de l’année 2025. Les parlementaires plancheront finalement, en janvier, sur une proposition de loi sur le narcotrafic, issue des travaux du Sénat. La succession, depuis plusieurs semaines, de règlements de comptes meurtriers liés au trafic de drogue, a poussé le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, et celui de la justice, Didier Migaud, à annoncer leur « plan d’action » contre la criminalité organisée, le 8novembre, à Marseille. Une «cause nationale », selon le couple régalien, qui s’engage à « faire front commun ». L’analogie avec la lutte contre le terrorisme irrigue l’approche du gouvernement face à la montée en puissance des groupes criminels organisés – un phénomène parfois nommé «narcoterrorisme ». En France, la consommation de drogue (5millions de consommateurs, selon l’Office antistupéfiants) ne cesse d’augmenter, ainsi que le nombre de morts liés au trafic (85 en2023). Des chiffres, des discours et des lois.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
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Donald Trump a remporté la totalité des États pivots, tandis que son parti a décroché dans le même temps la majorité au Sénat. C'est la première fois qu'un candidat républicain remporte le vote populaire depuis George W. Bush en 2004, et la seconde fois qu'un président est réélu pour un second mandat non consécutif depuis Grover Cleveland en 1892. L’ampleur de cette victoire «haut la main» provoque la surprise, les sondages ayant longtemps été favorables à Kamala Harris, puis les deux candidats ayant été annoncés «au coude-à-coude» au cours des dernières semaines de la campagne.Élu une première fois en 2016, battu de justesse en 2020 par Joe Biden lors d’un scrutin dont il n’a jamais reconnu les résultats, Donald Trump a revendiqué une «victoire politique jamais vue» dans le pays, et promis un nouvel «âge d’or» aux Américains. Sa victoire, le candidat républicain la doit à une stratégie électorale risquée :miser d'abord sur l’Amérique rurale. Il a rassemblé 55% des voix chez les blancs non diplômés et 60% dans les campagnes. Un socle ultra solide qui s'est aussi élargi : Trump fait mieux qu’en 2020 dans «quasiment tous les groupes démographiques» dont certains piliers de l’électorat démocrate : les femmes (+ 2 points qu’en 2020), les Hispaniques (+6) les Afro-américains (+7) et surtout les jeunes hommes (le "bro vote", +15). A l’inverse, Kamala Harris ne progresse que chez les femmes diplômées et échoue à mobiliser sur l’avortement et la défense de la démocratie: elle réalise 80% des votes chez ceux plaçant ces deux thèmes comme priorité mais cela est compensé intégralement par les 80% de votes contraires chez ceux favorisant l’immigration ou l’économie. Au lendemain du scrutin, Kamala Harris a reconnu sa défaite. Après avoir appelé son adversaire pour le féliciter, la candidate démocrate a appelé ses soutiens à accepter les résultats.Au lendemain de la victoire de Donald Trump, la bourse américaine s’est envolée, le dollar a connu sa plus forte hausse depuis huitans, le bitcoin - soutenu par Trump - a dépassé pour la première fois les 75.000 dollars.CONSÉQUENCES POUR L’EUROPE ET LA FRANCELe triomphe de Donald Trump impactera l'économie mondiale. Le candidat républicain souhaite augmenter les droits de douane de 10ou 20% sur tous les produits importés aux Etats-Unis. Une surtaxe conséquente, au regard des 3,3% de droits de douane moyens pratiqués aujourd'hui. En 2023, l'Union européenne a importé 344 milliards d'euros de biens d'outre-Atlantique et lui en a exporté pour 502 milliards d'euros. Un déficit commercial de 158milliards de dollars insupportable aux yeux de Donald Trump. Il compte aussi surtaxer de 60% ceux qui proviennent de Chine, faisant peser sur l’Union européenne la menace de voir les industriels chinois réorienter leurs exportations vers le Vieux Continent.Parmi les Vingt Sept réunis jeudi et vendredi à Budapest, une petite minorité souhaitait la victoire de Donald Trump. Le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, dont le pays occupe jusqu’à fin décembre la présidence du Conseil de l’UE et qui reçoit ses homologues à ce titre, le Slovaque Robert Fico, tandis que l’Italienne, Giorgia Meloni reste ambiguë. Les Vingt-Sept sont tiraillés par des intérêts divergents. Paris, chantre de l’autonomie stratégique de l’Union, prône l’instauration d’un rapport de force musclé avec Washington, si cela se révélait nécessaire. Mais plusieurs États membres sont pour la prudence, redoutant les mesures de rétorsion. A commencer par l’Allemagne, dont la coalition est secouée par le limogeage du ministre des finances libéral, et qui, en plus de son tropisme transatlantique et de son attachement au parapluie militaire américain, a un besoin impérieux d’exporter ses voitures et ses machines-outils de l’autre côté de l’Atlantique. Comme l’Italie, pour qui le marché américain est également un débouché essentiel. L’impact de cette élection concernera aussi les secteurs secteurs énergétique, technologique, militaire et géopolitique, avec, en ligne de mire, l'avenir de la guerre russo-ukrainienne et le spectre d'une déstabilisation des pays frontaliers en cas d'affaiblissement, de l'OTAN: la Pologne et les pays baltes, notamment, ont pour obsession de conserver les garanties de sécurité américaines offertes par l’OTAN. Que ce soit parce qu’il est vital pour leurs industriels de continuer à exporter outre-Atlantique ou pour s’assurer que Washington continuera à les protéger d’éventuelles agressions extérieures, une majorité des Vingt-Sept ne semble pas spontanément disposée à engager un bras de fer avec l’allié américain.Les rapports de force que Donald Trump devrait engager avec l’Europe porteront également sur la propagation des ressorts idéologiques et stratégiques qui ont « fait » sa victoire et pourraient consolider la doxa des extrêmes droites dans des démocraties déstabilisées et sous tension.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 31 octobre 2024.Avec cette semaine :Antoine Foucher, spécialiste des questions sociales, auteur de Sortir du travail qui ne paie plus.David Djaïz, entrepreneur et essayiste.Matthias Fekl, avocat et ancien ministre de l’Intérieur.Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova. SORTIR DU TRAVAIL QUI NE PAIE PLUS: DIAGNOSTICAntoine Foucher spécialiste des questions sociales, vous publiez, «Sortir du travail qui ne paie plus» le premier ouvrage publié dans une nouvelle collection dirigée par Laurent Berger «La société du compromis» aux éditions de l’Aube. D’abord un diagnostic: Dans une société fondée sur le travail, le travail permet de changer de niveau de vie. La majorité de ce que les gens possèdent provient de leur travail. Ceux qui travaillent vivent mieux que ceux qui ne travaillent pas. Or en ce début de XXIe siècle, plus aucune de ces trois propositions ne se vérifie en France. Depuis une quinzaine d’années, avec une augmentation moyenne du pouvoir d’achat de 0,8% par an, travailler ne permet plus à la majorité des gens de changer de niveau de vie. Dans les années 50/60,pour doubler ce niveau de vie il fallait une quinzaine d'années de travail;désormais il en faut plus de quatre-vingts. Non seulement, le travail ne permet plus de changer de niveau de vie, mais la durée du travail ne diminue plus. Pour la première fois depuis 1945, il va falloir travailler autant, voire davantage que ses parents, et sans avoir l’espérance de vivre beaucoup mieux qu’eux. Chacun s’adapte comme il peut à cette nouvelle réalité, en combinant trois types de réaction : la résistance au travail, sa relativisation, ou, à l’inverse, la recherche dans le travail d’un sens à l’existence.La stagnation générale et durable du pouvoir d’achat provient du ralentissement des gains de productivité (la quantité de biens et services produits par unités de travail) dû d’abord à la désindustrialisation, car c’est dans l’industrie que les gains de productivité sont les plus forts, dû ensuite au remplacement des emplois industriels détruits par des emplois de services, les uns bien ou très bien rémunérés (banque, assurance, conseil, professions juridiques, …), les autres, peu rémunérés et peu susceptibles d’évolution (hôtellerie, restauration, événementiel, sécurité, propreté, aides à domicile…). La troisième raison est que nous ne sommes plus un peuple bien formé. Nous sommes désormais moyennement compétentsavec en outre une inadéquation croissante entre les formations choisies et les compétences attendues par les entreprises.Cette nouvelle donne et les adaptations qu’elle provoque sont le début d’une nouvelle époque: la transition énergétique va peser durablement sur le pouvoir d’achat des travailleurs et le vieillissement démographique - quatretravailleurs pour prendre en charge un retraité dans les années 1960, trois dans les années 1980, deux en 2000, plus que 1,7 aujourd’hui - nécessitera un allongement progressif de la durée de travail pendant la vie.Dernier point, mais non le moindre, ... aujourd’hui, nous taxons le travail 8 fois plus que l’héritage, 2 fois plus que les retraites et 1,5fois plus que l’investissement. La taxation du travail apparait comme un moindre mal, comme celle que nous tolérons collectivement le plus.SORTIR DU TRAVAIL QUI NE PAIE PLUS: PROPOSITIONSNous voulons un travail qui nous permette d’améliorer notre niveau de vie, qui ne nous empêche pas de vivre notre vie familiale et privée, qui ait un sens pour nous, et dont nous soyons fiers. Pour que le travail paie à nouveau, il faut un nouveau compromis entre le travailleur, l’héritier, le retraité et l’investisseur. Renouer avec les gains de productivité, et donc réindustrialiser et innover dans tous les domaines demande du temps. Plusieurs décennies c’est également la durée nécessaire pour remonter le terrain perdu en matière d’éducation, de formation, de compétences. Dans l’immédiat, il est possible de rééquilibrer les différents niveaux de taxation. En moyenne, nous taxons le travail à 46%, le capital à 30%, les pensions de retraite à 14% et l’héritage à 6%.Pour que la grande majorité des travailleurs voient leur pouvoir d’achat augmenter de 2% par an, au moins pendant 5 ans, il faut un big bang populaire en faveur du travail de 100 milliards d’euros. Il n’y a que deux manières d’améliorer la rémunération du travail de 100 milliards d’euros: baisser l’impôt sur les revenus du travail ou baisser les cotisations salariales. La forme la plus juste et la plus efficace serait une baisse de cotisations salariales de 10 points, soit 2points par an pendant 5 ans. Pour compenser la baisse de 100 milliards de recettes pour les finances publiques, un effort serait demandé à tous les rentiers:retraités les plus aisés, héritiers les plus chanceux et consommateurs. En haussant le prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital de 30 à 36%. En doublant de 5à 10% l’impôt sur les héritiers les plus chanceux (plus de 500.000 euros) et jusqu’à 20% au-delà de 13millions d’euros. Les 20% de retraités les plus aisés, touchant une pension nette mensuelle à supérieure à 2.000 euros, se verraient demandé un effort par une stabilisation de leur pension pendant 3 ans. Pour les consommateurs, la TVA passerait en moyenne de 9,7 à 13, 7%. Une telle évolution ne verra le jour que si elle est décidée directement par les Français par voie de référendum.Une société idéale permettrait à chacun de s’épanouir dans son travail. Un travail choisi dans lequel on se réalise. Un conflit existe toutefois en chacun de nous entre nos désirs en tant que travailleur, citoyen et consommateur. Pour résorber cet écart, l’auteur propose de créer les conditions pour chaque travailleur qui le souhaite puisse, au moins une fois dans sa vie, changer de métier et se reconvertir vers une activité qui lui convienne davantage. Le compromis consisterait en ce que chaque individu doit au collectif une quantité minimum de travail pendant sa vie, en contrepartie, chacun peut, individuellement, assumer ce travail durant sa vie selon son rythme et ses projets. Travailler intensément mais moins longtemps, travailler à temps partiel, s’arrêter de travailler une ou deux fois dans sa vie mais travailler plus âgé pour compenser. La liberté d’organiser différemment son travail et son intensité de travail aux différentes phases de sa vie représenterait un progrès social historique, nous rendant chacun davantage maître de notre destin.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 25 octobre 2024.Avec cette semaine :Nicolas Baverez, essayiste et avocat.François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France.Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit.LA SANTÉ MENTALE «GRANDE CAUSE NATIONALE»Le Premier ministre a annoncé fin septembre qu’il souhaitait faire de la santé mentale la grande cause nationale en 2025. Crée en 1977, le label « grande cause nationale » est décerné à un thème de société porté par des organismes à but non lucratif ou des associations. Il permet notamment une visibilité accrue, via des messages sur les radios et télévisions publiques. Affirmant qu’il s’agit pour lui d’une cause presque familiale à l’origine du fait de l’engagement de sa mère sur le sujet, Michel Barnier a évoqué sa volonté de décentraliser la prise en charge des patients. Devant les députés, lors de son discours de politique générale, le 1er octobre, il a rappelé que « les crises successives, dont le Covid, ont eu un effet important et aggravant » sur le bien-être psychique des Français, notamment celui des plus jeunes et précisé qu’«un Français sur cinq connaît des problèmes de santé mentale à un moment donné de sa vie », soit 13millions de personnes. Une récente étude réalisée par Indeed et OpinionWay atteste aussi d’un mal-être grandissant dans le milieu professionnel : près d'un salarié sur deux (48%) craint pour sa santé mentale tandis qu'un tiers a déjà été concerné par un burn-out. Ces troubles représentent le premier poste de dépenses du régime général de l'assurance maladie, avant les cancers et les maladies cardio-vasculaires, pour un montant de 25 milliards d'euros. En intégrant les coûts indirects - liés notamment aux arrêts de travail longs dont elle est la première cause - la dépense annuelle en santé mentale atteindrait les 163 milliards d'euros en 2018 contre 109 milliards d'euros en 2007, soit 4% du PIB.Un coup de projecteur réclamé depuis un an par un collectif de plus de 3.000 organisations. Depuis 2010, 310 postes de psychiatre n'ont pas été pourvus à l'internat, dont 65 % entre 2019 et 2023.En 2023, 67 postes, sur 547 ouverts, sont restés vacants. La capacité d’accueil des hôpitaux est passée de 100.000 lits à 80.000 lits entre 1997 et 2021. La répartition géographique des psychiatres est très inégale. La pédopsychiatrie est un domaine sinistré avec un nombre de praticiens divisé par deux. Une dizaine de départements n’a même plus un seul praticien. le Premier ministre a annoncé un doublement du nombre de maisons des adolescents et la généralisation de la formation aux premiers secours en santé, propositions reprises du rapport du Haut-commissaire au plan François Bayrou. Michel Barnier propose également de consolider la prévention des maladies mentales. Il souhaite que la recherche en la matière soit encouragée. Il insiste aussi sur la nécessité de favoriser les rapprochements entre structures pour améliorer l'efficacité de l'accompagnement. Le tout pour un montant envisagé de 600 millions d’euros.LA CORÉE DU NORD ET L’IRAN AVEC LA RUSSIE CONTRE L’UKRAINEAprès l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, Pyongyang et Moscou n'ont cessé de se rapprocher. La Corée du Nord a fourni des armes et des munitions à l'armée russe, dont au moins 3millions d’obus d’artillerie et des dizaines de missiles balistiques. En retour, selon un rapport du renseignement américain paru en mai, la Russie aide activement Pyongyang à contourner les sanctions et à développer des systèmes d'armement. En juin, les deux pays ont conclu un «partenariat stratégique global », qui comprend une assistance militaire mutuelle. Pour la Corée du Nord les revenus générés par les ventes d'armes qui s’ajoutent au blocage russe de nouvelles sanctions au Conseil de sécurité, contribuent à stabiliser l'économie nationale, qui a souffert de plusieurs années d'isolement. La guerre en Ukraine fournit également de précieux enseignements à Pyongyang sur l'utilisation de ses armes sur le champ de bataille ukrainien. Enfin, la Corée du Nord cherche à réduire sa dépendance vis-à-vis de la Chine, puissance protectrice de longue date, avec laquelle les relations se sont récemment dégradées.Le 18octobre, le service national de renseignement sud-coréen a annoncé que Pyongyang avait décidé d’envoyer des «troupes importantes » pour combattre aux côtés de la Russie en Ukraine. Au total, 12.000 soldats nord-coréens devraient être déployés. Déjà 1.500 soldats seraient arrivés en Russie répartis dans les bases militaires de l’Extrême-Orient, et devraient rejoindre les lignes de front à l’issue de leur formation. Des Nord-Coréens seraient déjà présents dans la partie occupée de l’Ukraine, le Donbass. Selon les médias ukrainiens, six d’entre eux auraient été tués dans une attaque de missiles ukrainiens près de Donetsk, début octobre. L'OTAN et les Etats-Unis disent avoir des «preuves» del'envoi des 12.000 soldats nord-coréens en Russie.Ces derniers mois, Moscou n’a pas seulement renforcé sa coopération avec Pyongyang, mais aussi avec la Chine et l’Iran. Les Occidentaux ont acquis la certitude que l'Iran a livré récemment plus de deux cents missiles balistiques Fath-360 à la Russie. Américains et Britanniques craignent que Moscou, en échange de ces armes d'une portée maximale de 120kilomètres et dotées d'une ogive de 150kilogrammes, ait « partagé des secrets nucléaires avec l'Iran », comme le soulignait le mois dernier le quotidien britannique The Guardian.Le sommet des Brics, qui s’est tenu à Kazan, en Russie centrale, du 22 au 24octobre, intervient alors que Moscou qui gagne militairement du terrain en Ukraine, a forgé des alliances étroites avec les plus grands adversaires des Etats-Unis, notamment, la Chine, l’Iran et la Corée du Nord présentes à ce sommet.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 18 octobre 2024.Avec cette semaine :Jean-Louis Bourlanges, essayiste.Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung.Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova.LOI IMMIGRATION EN FRANCE EN 2025, EN ALLEMAGNE ET EN POLOGNEBien que la précédente loi sur l’immigration ait été promulguée il y a moins d’un an, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a annoncé un texte sur ce sujet pour le début de2025, afin, notamment, de prolonger la durée maximale de rétention des étrangers visés par une mesure d’éloignement. Préférence nationale, quotas, délit de séjour irrégulier, renvoi des étudiants étrangers, restriction du regroupement familial et du droit du sol, la plupart de ces mesures, contenues dans la loi sur l'immigration, adoptée fin 2023 par le Parlement, et censurées, dans la foulée, par le Conseil constitutionnel, devraient servir « de base pour le nouveau projet de loi sur l'immigration». Une «nouvelle loi» sur l’immigration qui s’ajoutera àune longue série de118textes depuis 1945. Soit une loi sur l’immigration tous les deux ans en moyenne – sans compter les ordonnances, arrêtés, circulaires et décrets qui se sont multipliés. Bruno Retailleau, a déclaré son intention de mettre fin au «désordre migratoire », quitte à remettre en cause l’Etat de droit qui, selon lui, «n’est ni intangible ni sacré ». Les macronistes sont divisés sur ce projet: Gabriel Attal, ancien Premier ministre et président du groupe Ensemble pour la République à l'Assemblée, estime qu'une nouvelle loi n'est pas prioritaire, tandis que Gérald Darmanin, ancien ministre de l'Intérieur, s'est, lui, déclaré plutôt d'accord avec le projet du gouvernement Barnier.A Bruxelles, le débat autour de la migration a pris une nouvelle vigueur dans une orientation toujours plus dure, voire radicale. Désormais, ce mouvement touche aussi la gauche au pouvoir en Allemagne, quelques années après le Danemark. Le changement de pied de la coalition réunissant à Berlin sociaux-démocrates, écologistes et libéraux a désinhibé l’ensemble du continent, entraînant un changement de paradigme. A la surprise générale, Berlin a réinstauré, en septembre, les contrôles à ses frontières intérieures pour bloquer l’entrée de clandestins, écornant un peu plus l’espace Schengen de libre circulation. L’attentat de Solingen, survenu le 23 août2024, peu avant des élections régionales à fort enjeu politique dans l’est du pays et lors duquel trois personnes ont été tuées, a poussé le gouvernement à restaurer des contrôles aux frontières et à multiplier les mesures volontaristes comme des restrictions de prestations sociales pour certains réfugiés, examinées ces jours-ci au Bundestag. Le 12octobre, le Premier ministre polonais, Donald Tusk, est allé plus loin en demandant à Bruxelles la possibilité de suspendre partiellement le droit d’asile pour les migrants qui entrent illégalement par la frontière biélorusse, assurant qu’il n’appliquerait pas une obligation européenne qui contreviendrait à «la sécurité» du pays. Cette annonce a provoqué la surprise et la consternation au sein de sa coalition démocrate, et une levée de boucliers des organisations de défense des droits humains.L’UKRAINE À LA PEINE AVANT L’HIVER ET LE 5 NOVEMBRELe président ukrainien Volodymyr Zelensky a entamé le 10 octobre une tournée européenne à Londres, Rome, Paris et Berlin, pour présenter son «plan de la victoire », comme il l’avait fait le 26septembre à Washington. Ce document, qui n’a pas été rendu public, est conçu, d’après les Ukrainiens, comme une nouvelle tentative de mobiliser les soutiens occidentaux sur le plan militaire, économique et diplomatique. L’objectif est d’inverser le rapport de force, à ce jour favorable aux Russes, et de contraindre Vladimir Poutine à entamer, un jour, des négociations. Le président ukrainien espérait obtenir l’autorisation d’utiliser des missiles occidentaux à longue portée sur le territoire russe, et un engagement sur des négociations pour une adhésion à l’OTAN, deux limites pour les Etats-Unis, face au risque d’une escalade avec Moscou.Sur le terrain, les forces armées ukrainiennes espèrent épuiser l'armée russe, mais souffrent elles-mêmes d'un manque d'hommes et de munitions. Après de longs mois de guerre de positions durant lesquels la ligne de front n'a que peu évolué, l'Ukraine perd à nouveau du terrain, submergée par les assauts incessants des troupes russes, qui, villages après villes, ont raison des défenses ukrainiennes, mais au prix de larges pertes. Profitant de sa supériorité numérique, la Russie a multiplié les vagues d'assaut sur ses différents couloirs de progression, sans se soucier des pertes occasionnées. Depuis l'offensive ukrainienne début août dans la région de Koursk, les Russes ont conquis plus de 700 kilomètres carrés en l'espace de deux mois ainsi dans le Donbass, une avancée sans précédent depuis 2022.Alors que le projet de budget de la Russie pour 2025 prévoit une enveloppe de près de 130milliards d’euros pour les dépenses militaires, Kyiv ne disposera que d’un plus de 48milliards d’euros. Une somme largement dépendante du soutien financier et militaire occidental. Or, de ce côté-là, les signaux se font de plus en plus alarmants, alors que l’élection présidentielle américaine de novembre pourrait bouleverser la politique de soutien de son allié le plus puissant. Un vide que les alliés européens de Kyiv ne pourraient pas combler. Le 9 octobre, toutefois, les ambassadeurs des Vingt-Sept auprès de l’Union européenne se sont entendus pour prêter à l’Ukraine jusqu’à 35milliards d’euros en2025. Les intérêts des actifs russes gelés permettront de rembourser ce prêt. Si en 2024, l'aide militaire française à l'Ukraine dépassera deux milliards d'euros, notamment grâce à l'utilisation d'intérêts d'avoirs russes gelés, elle n'atteindra cependant pas le maximum de trois milliards envisagé dans un accord de sécurité conclu avec Kyiv, a précisé lundi le ministre des Armées Sébastien Lecornu. Winter is coming.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École alsacienne le 13 octobre 2024.Avec cette semaine :Jean-Louis Bourlanges, essayiste.David Djaïz, entrepreneur, essayiste.Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.LA GAUCHE FAÇON PUZZLEAprès le bon score de Raphaël Glucksmann aux élections européennes de juin dernier, les socialistes pensaient qu'un espace s'entrouvrait entre le futur successeur d'Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. La dissolution surprise annoncée par le Président de la République est venue tout remettre à plat. Réalisé dans l’urgence, en quatre jours, face à la menace d’un Rassemblement national dont les sondages prédisaient une victoire écrasante, le Nouveau Front Populaire (NFP) a rassemblé La France Insoumise-LFI, le Parti communiste-PCF, Europe écologie les verts-EELV, le Parti socialiste-PS et le Nouveau Parti anticapitaliste-NPA. Sa mobilisation a permis à la gauche d’arriver en tête au second tour des législatives, le 7juillet, avec 178 députés élus.Toutefois, au Parti socialiste comme à la France insoumise, la rentrée s’est déroulée en ordre dispersée avec une éclosion de mouvements et de clubs. Les 5 et 6 octobre, lors de la première université d’été de son mouvement Place publique, Raphaël Glucksmann a officialisé son intention de se porter candidat aux présidentielles de 2027. Il souhaite incarner «une gauche sociale, européenne, humaniste, écologiste et féministe» et dessiné une voie «girondine», ni «succédané du macronisme», ni «populisme de gauche». Le même jour, Olivier Faure s’est invité à Lomme près de Lille, là où les socialistes nordistes tenaient leur rentrée politique. L’occasion pour le premier secrétaire du PS de compter ses soutiens et de marquer à nouveau sa différence avec RaphaëlGlucksmann et les figures de son propre parti, hostiles à une alliance avec le chef de file de LFI, Jean-Luc Mélenchon. La veille, le maire PS de Saint-Ouen, Karim Bouamrane lançait son propre mouvement, La France humaine et forte. Fin septembre, c’était la présidente du conseil régional de la nouvelle région OccitanieCarole Delga, PS, qui accueillait les quatrièmes rencontres de la gauche, avec notamment Bernard Cazeneuve qui a quitté le PS en 2022 pour fonder son club La Convention, ainsi que Benoit Hamon parti du PS dès 2017 pour créer Génération.s, à la gauche du parti. Du côté de LFI, les dissidents Alexis Corbière ou Raquel Garrido, qui se dénomment, «Les Insurgés» ont lancé L’Après, tandis que François Ruffin a créé Picardie debout, et que Gérard Filoche a lancé la Gauche démocratique et sociale.Cependant, malgré les crispations qui rythment le quotidien de la coalition de gauche, socialistes, insoumis, écologistes et communistes feront front commun dans le marathon budgétaire des prochaines semaines. Mercredi à l’Assemblée nationale, le Nouveau Front populaire a présenté dix propositions fiscales, qui prendront la forme «d’amendements communs du NFP » et permettront, selon eux, de dégager 49milliards d’euros de recettes supplémentaires.ISRAËL : SES RESPONSABILITÉS, SES ADVERSAIRES, SES ALLIÉSDes failles béantes sont apparues en Israël avant, pendant et même après la violente attaque menée par le Hamasen Israël le 7octobre2023 : les services de renseignement israéliens ont fait défaut, les réponses dans les premières heures n’ont pas été à la hauteur, mais au-delà, c’est tout un système qui est interrogé. La poursuite de la guerre et son extension, aujourd’hui, à toute la région du Moyen-Orient, permettent au Premier ministre israélien, en se maintenant au pouvoir, de retarder aussi la mise en place d’une commission d’enquête, en Israël, devant établir lesresponsabilités dans les événements du 7 octobre.Depuis le 7 octobre 2023, un réseau de groupes paramilitaires, unis par leur opposition aux États-Unis et à Israël, a accentué ses attaques contre Israël : milices chiites en Irak et en Syrie, Hezbollah au Liban, Hamas et Jihad islamique à Gaza, Houthis au Yémen. Chacun entretenant des liens avec Téhéran. Si l’Iran ne semble pas avoir été prévenu par le Hamas de l'attaque du 7octobre, il voit cependant ses «proxys» détruits les uns après les autres et ses deux frappes de missiles contre Israël - les 13/14 avril et le 1er octobre - guère efficaces, n'ont pas changé la donne. Le guide suprême, Ali Khamenei, a prévenu le 4octobre que ses alliés, principalement le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien, poursuivraient le combat contre Israël. Dimanche dernier, le ministre de la Défense israélien, Yoav Gallant, a menacé l'Iran de frappes similaires à celles menées « à Gaza et Beyrouth ». Un an plus tard, l'Iran se retrouve donc en première ligne face à Israël, soutenu par les Occidentaux et la majorité des pays arabes.Les Etats arabes qui ont signé des accords de paix avec Israël, d’abord l’Egypte en 1978, puis la Jordanie en 1994, comme ceux qui ont signé les accords d’Abraham en 2020 (Émirats arabes unis, Barheïn, Maroc et Soudan), n’ont pas rompu leurs liens avec l’Etat hébreu. Bien au contraire, puisque certains ont participé même, comme la Jordanie, à la défense du ciel israélien contre l'Iran.Allié majeur d’Israël, les Etats-Unis se sont montrés incapables d'obtenir un accord de cessez-le-feu à Gaza en échange de la libération des otages. Pas plus qu'ils ne sont parvenus à imposer une solution au Liban. Protégeant avec ses propres moyens militaires le ciel israélien contre les missiles iraniens, Washington continue de fournir les armes à Tsahal. Elle tente de peser aujourd’hui pour calibrer la réponse israélienne au bombardement du 1eroctobre, afin que Tsahal ne s’en prenne ni au programme nucléaire, ni aux installations pétrolières.Emmanuel Macron a appelé à stopper les livraisons d’armes utilisées par Israël à Gaza.La France «ne tolérera pas» que l'armée israélienne vise à nouveau «délibérément» les Casques bleus.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 4 octobre 2024.Avec cette semaine :Nicolas Baverez, essayiste et avocat.François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit.MICHEL BARNIER: LA STRATÉGIE DE LA TIÉDEURLors de son discours de politique générale sans vote de confiance, le Premier ministre a promis une «double exigence»: la réduction de la dette publique et celle de la dette écologique. Michel Barnier s’est engagé à une méthode faite d’écoute, de respect, et de dialogue et il a dégagé cinqchantiers prioritaires: le pouvoir d'achat, les services publics, la sécurité, l’immigration, et la fraternité. Confirmant son intention de briser le tabou macroniste de la hausse des impôts: le chef de gouvernement a appelé les «grandes et très grandes entreprises qui réalisent des profits importants» et «les Français les plus fortunés» à «un effort ciblé, limité dans le temps», sans livrer davantage de détails. Parmi ses autres annonces, figurent la revalorisation de 2% du smic dès le 1ernovembreen anticipation de la date du 1erjanvier, la correction des «limites» de la réforme des retraites, une réflexion et une action «sans idéologie sur le scrutin proportionnel»,la «limitation des possibilités de réduction de peine», et la maitrise de manière «plus satisfaisante» de la politique migratoire, la reprise « immédiate » des travaux de planification écologique, suspendus depuis la dissolution, sans évoquer toutefois de nouvelles mesures ni de nouveaux moyens. Peu de repères temporels ont été donnés. En 2025 : le retour du déficit public à 5 % (puis à 3% en 2029), la lutte pour la santé mentale, le report des élections en Nouvelle-Calédonie, un comité interministériel des Outre-mer, le développement des soins palliatifs …Le Premier mininstre a assuré qu’il avait ses «propres lignes rouges », à savoir : « Aucune tolérance» à l’égard du racisme et de l’antisémitisme, des violences faites aux femmes, du communautarisme, «aucun accommodement» sur la défense de la laïcité, et encore « aucune remise en cause des libertés conquises au fil des ans », dont la loi Veil sur l’IVG, la loi sur le mariage pour tous et les dispositions législatives sur la PMA.Michel Barnier a pris ses oppositions à contrepied, adoptant le ton et les manières d’un super papy, pas davantage dupe des feintes colères surjouées sur les bancs LFIstes que des rodomontades des élus du RN, sans se priver du plaisir de quelques taquineries à l’égard de ses prédécesseurs et soutiens malgré eux.Parmi les réactions des présidents de groupe à l’Assemblée nationale, Marine Le Pen, pour le Rassemblement national, a dit "entendre des constats, mais bien peu de solutions"; Gabriel Attal pour Ensemble pour la République, a prévenu que son groupe "veillera sur les acquis de ces sept dernières années", quant à Mathilde Panot, pour La France Insoumise, elle a affirmé que le Premier ministre n'a «aucune légitimité démocratique pour gouverner».À QUOI PEUT ENCORE SERVIR L’ONU?Alors que le « machin » comme le qualifiait le général de Gaulle, réunissait pour son Assemblée la quasi-totalité des pays du globe (193 États), beaucoup s’interrogent sur son utilité. L’impuissance du Secrétaire général de l’ONU à faire entendre sa voix, tant dans le conflit russo-ukrainien qu’à Gaza, est là pour témoigner d’une érosion. La crise du multilatéralisme n’est pas nouvelle. Elle s’est installée progressivement et a connu un palier supplémentaire avec le Président Trump, très hostile à l’ONU, qui avait retiré son pays de l'accord sur le climat de Paris et de l'accord sur le nucléaire iranien. Une crédibilité minée également par plusieurs pays qui ont pris la tête d'une confrontation ouverte avec l'Occident, visant à redistribuer la puissance au détriment des États-Unis et de l'Europe : la Chine, la Russie, l'Iran et la Corée du Nord, désireux de «corriger l'histoire », manifestent leur mépris de la charte des Nations unies, des références universelles, des systèmes basés sur les droits de l'homme et la démocratie.Lors de l’Assemblée générale, de nombreux orateurs ont fait part de leur colère face à la flambée de violences au Moyen-Orient, que l’ONU, percluse de divisions sur le conflit israélo-palestinien comme sur la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine, semble être incapable de juguler. Le roi Abdallah II de Jordanie a pointé « la crise de légitimité » des Nations unies dénonçant implicitement le « deux poids, deux mesures» critiqué par tant de pays du Sud, qui réclament que Gaza bénéficie, de la part des Occidentaux, du même soutien que l’Ukraine depuis l’invasion russe. Les différentes agences de l'ONU ne se portent guère mieux. La principale organisation d'aide aux Palestiniens, l'UNRWA, est dans le collimateur d'Israël depuis que plusieurs de ses employés ont été accusés d'implication dans les pogroms perpétrés le 7 octobre par le Hamas. La Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale sont elles aussi considérées comme partiales par les Américains et les Israéliens pour leurs actions menées contre Israël, à la suite des atrocités perpétrées ces derniers mois par des militaires contre des civils à Gaza. Lors de son discours en septembre devant l’Assemblée générale des Nations unies, Benyamin Netanyahou a qualifié l’organisation de «farce méprisante.» Mercredi, le secrétaire général des Nations unies, António Guterres a été déclaré persona non grata en Israël.Au Liban, la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), basée depuis 1978 dans le sud du pays, chargée de surveiller l'application de la résolution 1701 adoptée à l’unanimité par le Conseil de sécurité après la guerre de juillet 2006 entre Israël et le Hezbollah, est également impuissante. La résolution stipule que seuls l'armée libanaise et les Casques bleus doivent être déployés dans le sud du Liban. Elle n’a jamais été appliquée, le sud-Liban demeurant le fief du Hezbollah.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 27 septembre 2024.Avec cette semaine :François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France.David Djaïz, entrepreneur, essayiste et ancien secrétaire général du Conseil National de la Refondation.Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.LE GOUVERNEMENT FACE AU BUDGETLe nouveau Premier ministre a écarté une hausse des impôt et des taxes qui toucherait «l'ensemble des Français», mais non celles qui pourraient mettre à contribution « les plus aisés et les grandes entreprises ». Pour se justifier, Michel Barnier se dit l’héritier d’une situation financière qu’il qualifie de « très grave ». Mercredi, le nouveau ministre du Budget, Laurent Saint-Martin a confirmé que le déficit public devrait dépasser cette année les 6% du PIB. Jusqu'alors, Bercy prévoyait 5,1% de déficit. Dans ces conditions, c'est toute la trajectoire budgétaire française qui se retrouve fragilisée. Alors que la France est actuellement sous le coup d'une procédure pour déficit excessif à Bruxelles, un respect a minima des nouvelles règles budgétaires européennes (3% de déficit) se traduirait par plus de 30 milliards d'euros d'économies en 2025. Signe de l'importance de ce dossier, Michel Barnier a souhaité que le ministre du Budget et des Comptes publics lui soit directement rattaché.Le prochain projet de loi de finances pour 2025 est présenté par Pierre Moscovici, le premier président de la Cour des comptes, comme «le plus compliqué à élaborer depuis le début de la Ve République ». Les pistes explorées porteraient sur la réduction de certaines niches fiscales, le retour d'une taxation sur les patrimoines les plus importants, le gel du barème des plus hautes tranches d'impôts sur le revenu, l’alourdissement de la « flat tax » sur les revenus du capital... Elles ne manquent pas pour récupérer des recettes sur les contribuables aisés. Du côté des entreprises, le premier ministre « envisage une surtaxe sur l'impôt sur les sociétés » - dont le taux a été ramené de 33,3 % à 25 % pendant le premier quinquennat d'Emmanuel Macron -, selon un ancien conseiller gouvernemental.À droite, des voix se sont déjà élevées avec véhémence contre toute hausse d'impôt, de quelque nature qu'elle soit, comme celles de Marine Le Pen ou Éric Ciotti, mais également dans le camp macroniste. En revanche, de fins connaisseurs des comptes publics se montrent bien plus ouverts à cette idée, à l'image du gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau.Le chef du gouvernement, qui fera sa déclaration de politique générale «début octobre», envisage de présenter le projet de loi de finances au Parlement le 9octobre, au lieu du 1er, comme le recommande pourtant la loi organique. L'utilisation du 49-3 pourrait faire partie des armes constitutionnelles brandie par le nouvel exécutif pour faire passer son budget dans un contexte éruptif. Les oppositions ont déjà annoncé qu'elles seraient prêtes à utiliser la censure au Parlement.LE LIBAN FACE À UNE POSSIBLE GUERREAprès les attaques aux bipeurs et aux talkies-walkies piégés les 17 et 18septembre, l'armée israélienne a lancé ses plus importantes frappes contre le Hezbollah au Liban depuis onze mois. Sous la pression de quelques 80 000 Israéliens déplacés du nord du pays depuis octobre par les tirs de roquettes du mouvement chiite, le gouvernement israélien a fini par inscrire, lundi, le retour des populations dans les zones évacuées parmi les buts de guerre. Le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant aindiqué qu’après Gaza, « le centre de gravité se déplace vers le nord ». La campagne prévoit des frappes massives sur les infrastructures du Hezbollah, son arsenal (environ 150.000roquettes, missiles et drones), pouvant être suivies d’une intervention terrestre pour installer une «zone tampon » au Liban sud. La doctrine de l'usage disproportionné de la force par Israël au Liban, théorisée en 2006 par le général Gadi Eisenkot, alors chef des opérations des forces israéliennes, sous le nom de Dahiya, une banlieue sud de Beyrouth qui héberge le fief du Hezbollah, continue visiblement à être appliquée. Les responsables militaires israéliens disent vouloir forcer le Hezbollah à mettre un terme à la guerre d’usure qu’il a déclenchée le 8octobre2023, en ouvrant un «front de soutien » avec le Hamas. Il s’agissait alors pour Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, de soulager son allié de Gaza en fixant des troupes israéliennes au nord et en semant la panique dans cette région.Depuis plus de quatre décennies, avec la création du mouvement chiite, en 1982, Israël et le Hezbollah s'affrontent sans discontinuer. À deux reprises récemment, ce dernier a pris l’avantage sur Tsahal. En 2000, lorsque l’armée israélienne s’est retirée du sud du Liban après 22 ans d’occupation. Et à l’été 2006, en stoppant son offensive terrestre, ses 40.000 militaires, ses blindés et ses armes de pointe, avec seulement 5.000combattants très mobiles et efficacement protégés par un réseau de tunnels. Depuis, le Hezbollah n’a cessé de renforcer son recrutement, son organisation ainsi que son arsenal, principalement d’origine iranienne. Se targuant d’avoir tenu tête à Israël, et en tirant une partie de sa légitimité, le mouvement chiite se revendique, à la place de l’armée libanaise, comme le véritable défenseur du peuple libanais.Alors que le président iranien, Massoud Pezechkian a déclaré, mardi, que son allié le Hezbollah ne pouvait «pas rester seul » face à Israël, les mises en garde se sont multipliées de la part des chefs d’Etat et de gouvernement qui se succèdent cette semaine à la tribune de l’ONU. Son secrétaire général, Antonio Guterres s’est déclaré « inquiet de la possibilité que le Liban se transforme (en) un autre Gaza». Tandis qu’Israël poursuit sa campagne de bombardements contre le Hezbollah, faisant plus de 600morts en trois jours, et malgré l’appel de plusieurs pays à un arrêt des combats de vingt et un jours, Benyamin Nétanyahou a demandé jeudi à son armée de «poursuivre les combats avec toute la force nécessaire» au Liban.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 20 septembre 2024.Avec cette semaine :Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick.Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova.DÉMISSION DE THIERRY BRETON, UN GÂCHIS ET UNE GIFLELundi, Thierry Breton, le commissaire européen français sortant, chargé du Marché intérieur, de la Politique industrielle, du Tourisme, du Numérique, de l'Audiovisuel, de la Défense et de l'Espace, a présenté sa démission avec «effet immédiat» à la présidente de l'exécutif européen, Ursula von der Leyen, lui écrivant « Vous avez demandé à la France de retirer mon nom — pour des raisons personnelles qu’en aucun cas vous n’avez discutées directement avec moi — et avez offert, en guise de compromis politique, un portefeuille prétendument plus influent pour la France dans le futur collège ». Emmanuel Macron l’avait désigné le 25 juillet pour effectuer un nouveau mandat de cinq ans, L'éviction de Thierry Breton avait été demandée à plusieurs reprises par Ursula von der Leyen. Durant son mandat, Thierry Breton s'était mis plusieurs fois en travers de la route de la présidente de l'exécutif européen, en s'opposant avec d’autres commissaires à la nomination d'une cheffe économiste américaine à la concurrence, ou à la nomination d'un proche d'Ursula von der Leyen comme délégué aux PME).Pendant les cinq ans de son mandat, Thierry Breton a notamment défendu de grands textes de régulation numérique, et assumé de contrer les intérêts des géants américains de la tech. Il n’a eu de cesse d'afficher l'ambition de réguler par tous les moyens le «Far West numérique » qui prévalait en Europe, dominé par les grandes plateformes technologiques étrangères, auxquelles il semblait jusque-là bien difficile d'imposer des lois. Sous son impulsion, l'Europe s'est doté d’instruments juridiquesmajeurs comme le Digital Services Act, le Digital Markets Act, ou l’AI Act. Très impliqué dans leur mise en œuvre, il avait rappelé à l'ordre en août dernier Elon Musk, le patron du réseau social X, sur son devoir de respecter les règles européennes en matière de modération des contenus. Son bilan s'étend également de l'industrie - le Chips Act - au spatial, en passant par la défense. Il a permis à l'Europe d'obtenir les vaccins contre le Covid en mettant la pression sur les groupes pharmaceutiques et sur leurs fournisseurs, stimulé les industries de défense, lancé la constellation satellitaire Iris 2, défendu bec et ongles l'énergie nucléaire, etc.Ursula von der Leyen a accepté mardi la candidature présentée par Emmanuel Macron de Stéphane Séjourné et l’a nommé « vice-président exécutif » de la Commission, chargé de la «prospérité et de la compétitivité ». Un portefeuille quasi jivarisé pour le Français, puisque désormais la défense, le numérique, le tourisme, l'audiovisuel et l'espace seront distribués à d'autres commissaires. Par ailleurs, la nouvelle commission de Mme von der Leyen n’est pas une bonne nouvelle pour les tenants du nucléaire et un sujet d’interrogation pour les soutiens de l’Ukraine en guerre.LE «VOYAGE D’ÉTUDE» DE KEIR STARMER EN ITALIE À PROPOS DE L’IMMIGRATIONAu lendemain d'un nouveau naufrage meurtrier de migrants dans la Manche, le Premier ministre britannique Keir Starmer s'est entretenu lundi à Rome avec son homologue italienne Giorgia Meloni de la lutte contre l'immigration illégale, sujet à l'origine de violentes émeutes cet été au Royaume-Uni. Accompagné de son nouveau commandant de la sécurité des frontières du Royaume-Uni, Martin Hewitt chargé de lutter contre les traversées de la Manche et les passeurs, Keir Starmer, qui a rejeté le plan du précédent gouvernement conservateur britannique d'expulser des migrants au Rwanda, se dit « intéressé » par la méthode de Mme Meloni. « Il y a eu ici une réduction assez spectaculaire des entrées de migrants clandestins et je veux comprendre comment cela s'est produit » a expliqué le Premier ministre britannique en visitant le Centre national de coordination sur la migration à Rome.L’agence Frontex indique que l'Italie a réduit de 64 % en un an les traversées irrégulières de bateaux vers les côtes italiennes. Selon les chiffres du ministère italien de l'Intérieur, les arrivées de migrants par la mer ont considérablement baissé depuis le début de l'année : 44.675 entre le 1er janvier et le 13 septembre, contre 125.806 lors de la même période de 2023. Au cours des douze derniers mois, les traversées en provenance de Tunisie ont chuté de 80 % et celles depuis la Libye de 27%. Une baisse due notamment à des accords de plusieurs millions d'euros, passés en novembre 2023 dans le cadre du « processus de Rome», visant à renforcer les patrouilles sur les côtes nord-africaines et à faciliter les retours. L'UE a accordé des fonds à la Tunisie pour renforcer la sécurité des frontières, tandis que l'Italie a fourni des navires de patrouille et finance son gouvernement. Keir Starmer a tenu à préciser qu'il s'intéressait davantage à ces mécanismes qu'à l'accord de Rome avec Tirana sur les migrants pour l'ouverture de deux centres d'enregistrement des demandes d'asile. Ces deux sites, financés et gérés par l'Italie, doivent pouvoir héberger jusqu'à 3.000migrants. On y examinera les demandes d’asile et on y décidera qui est admis et qui est renvoyé. Les dossiers de 36.000migrants pourraient être ainsi traités chaque année. Le premier centre, situé dans le port de Shengjin (au nord de l'Albanie) devait ouvrir prochainement.L'Organisation internationale des migrations et les ONG de secours des migrants en Méditerranée font valoir qu'une partie des candidats à l'entrée dans l'UE ont tout simplement changé d'itinéraire. Sur les huit premiers mois de l'année, les « détections » de migrants clandestins franchissant les frontières de l'UE ont diminué de 39%, selon l'agence Frontex. Mais si les routes migratoiresdes Balkans et de Méditerranée centrale ont vu les flux nettement baisser (-77% et -64%), celle d'Afrique de l'Ouest et la frontière terrestre orientale ont enregistré de fortes hausses (+123% et +193% respectivement).Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 13 septembre 2024.Avec cette semaine :Akram Belkaïd, journaliste au Monde diplomatique.Jean-Louis Bourlanges, essayiste.Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick.Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung.ÉLECTIONS ALGÉRIENNES, RELATIONS FRANCO-ALGÉRIENNES ET FRANCO-MAROCAINESLe président algérien Abdelmadjid Tebboune a été élu le 8 septembre pour un second mandat avec 94,65 % des voix, selon l'Autorité nationale indépendante des élections, tandis qu’Abdelaali Hassani Chérif, le candidat islamiste (MPS) a rassemblé 3,17 % des voix, et Youcef Aouchiche, le candidat du FFS (opposition laïque), de 2,16 % des voix. Le taux de participation officiel serait de 48,03 %, selon une première estimation donnée dans une communication un peu confuse. En réalité, le taux de participation ne serait pas supérieur à 23 %. Certaines évaluations le situent même à 10%.Troisième économie d’Afrique avec un produit intérieur brut attendu à 267milliards de dollars en2024, selon le Fonds monétaire international, l’Algérie s’est reconstitué un matelas de sécurité – elle disposait de 69milliards de dollars de réserves de change à la fin de 2023. Mais le chantier permanent de la diversification de son économie, qui permettrait de sortir de la dépendance au gaz et au pétrole, est incessamment retardé par les intérêts liés à ces deux secteurs dans les milieux dirigeants.Ambassadeur à deux reprises en Algérie, Xavier Driencourt estime qu’«en affichant un score pareil, le régime n'a aucune volonté de changement. Sur le plan économique, les finances publiques tiennent par le pétrole. La granderépression va se poursuivre. Par contre, sur le plan international, le pays est significativement isolé.» Il existe avec le Maroc, le Mali et la Libye, un arc de crises diplomatiques qui devrait être l’un des plus gros dossiers du second mandat. d’Abdelmadjid Tebboune.Cet été, une nouvelle brouille a mis aux prises Alger et Paris après le revirement français pro-marocain sur l’affaire du Sahara occidental. Le 30juillet, EmmanuelMacron adressait au roi du Maroc, MohammedVI, un courrier consacrant le ralliement de la France à la thèse de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Né bien après l'indépendance algérienne, le président français a multiplié, depuis 2017, les gestes de bonne volonté pour bâtir une relation apaisée avec l’Algérie, notamment dans le domaine mémoriel de la guerre d’Algérie. En vain, les crises succédant aux brouilles avec Alger. Aujourd'hui, Emmanuel Macron se tourne vers le Maroc où il devrait se rendre prochainement en visite d’État, tandis que sa visite en Algérie, un temps envisagée, n’est plus évoquée.RAPPORT DRAGHIMandaté par Ursula von der Leyen en septembre 2023, l'ancien président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi a livré lundi un rapport dont les recommandations doivent alimenter les travaux de la nouvelle Commission européenne pour les cinq prochaines années. Selon lui, l’Union européenne est aujourd’hui confrontée à « un défi existentiel » ; si elle ne change pas, elle sera condamnée à « une lente agonie ». C'est donc de «800milliards d'euros d'investissements supplémentaires par an » dont l'UE a besoin si elle veut pouvoir financer les réformes nécessaires afin d'éviter qu'elle ne se laisse distancer définitivement par les États-Unis et la Chine. Un bond significatif qui représenterait 5 % du PIB européen actuel. (Le plan Marshall entre 1948 et 1951 équivalait à 1 à 2% du PIB de l’UE.) Face à la Chine et aux États-Unis, l'Europe décroche. Entre l'UE et les États-Unis, l'écart de niveau de PIB s'est progressivement creusé entre 2002 et 2023, passant d'un peu plus de 15 % à 30 %, tandis qu'en termes de parité de pouvoir d'achat, l'écart s'élève à 12 %. Le rapport Draghi découpe la compétitivité européenne en trois secteurs auxquels une attention particulière doit être apportée : l'innovation, la décarbonation, et la sécurité énergétique et économique. L'Europe doit mieux financer ses industries de pointe, en ciblant et coordonnant ses investissements ; elle doit adapter sa transition énergétique et climatique pour en faire une source de compétitivité et non pas de décroissance ; et elle doit s'assurer de réduire ses dépendances stratégiques, en revoyant sa politique commerciale et la sécurité de ses chaînes d'approvisionnement.Mario Draghi expose 170 propositions. Les Européens doivent se doter d’une main-d’œuvre qualifiée, miser sur la recherche, achever la construction d’un marché intérieur qui reste inaboutie, baisser la facture d’électricité des citoyens comme des entreprises (deux ou trois fois plus élevée qu’aux Etats-Unis) et s’attaquer à la débureaucratisation de leur économie. S’ils veulent réussir, les Vingt-Sept devront aussi revoir leurs règles en matière de concurrence, qui empêchent parfois l’émergence de champions européens, et veiller à une plus grande cohérence entre leurs politiques commerciale, environnementale et climatique. Mais surtout, l’Union européenne doit investir massivement dans les technologies propres et le numérique, tout en réduisant ses dépendances, notamment à la Chine. A l’heure de la guerre en Ukraine, elle doit aussi se donner les moyens de financer une industrie de la défense à même de pallier le désengagement annoncé des Etats-Unis, que Donald Trump revienne à la Maison Blanche après les élections de novembre ou pas.Mario Draghi, n'est pas le premier à s'alarmer du déclin relatif de l'Europe. Au printemps, Enrico Letta, un autre ex-président du Conseil italien, avait établi le même diagnostic.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnementUne émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École alsacienne le 8 septembre 2024.Avec cette semaine :Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Jean-Louis Bourlanges, essayiste.Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.ARRESTATION DU PATRON DE TELEGRAM : MACHINATION, ABUS DE POUVOIR OU DÉBUT DE RÉGULATION?Arrêté le 24 août au Bourget, le patron de la messagerie cryptée Telegram, Pavel Durov, a été mis en examen le 28 et a été remis en liberté sous contrôle judiciaire, avec obligation de remettre une caution de 5 millions d'euros, de pointer au commissariat deux fois par semaine, et interdiction de quitter le territoire français. La section de lutte contre la cybercriminalité du parquet de Paris reproche à la plateforme de ne pas agir contre la diffusion de contenus criminels ou délictueux, ce que l'entreprise réfute. Une loi française adoptée cette année requiert la coopération des plateformes avec les autorités pour éliminer ce type de contenus. De même, le Digital Services Act européen permet de demander des comptes aux «très grandes plateformes» dépassant 45millions d'utilisateurs actifs par mois. L’entreprise assure qu’elle supprime les contenus terroristes et pédocriminels, mais toutes les ONG travaillant sur le sujet de la pédopornographie constatent, depuis des années, que la plate-forme refuse toute forme de collaboration avec elles, comme avec les forces de l’ordre. Son propre site Web explique qu’elle n’applique pas les demandes basées sur des « lois locales» qu’elle considère comme une violation de la liberté d’expression.De façon inédite, le parquet a décidé d'enquêter sur le dirigeant de l'application et non pas seulement sur ses utilisateurs. La peine prévue pour un manquement aux obligations d'une plateforme numérique est d'un an de prison maximum. S'il est reconnu complice d'actes plus graves, il pourrait encourir les mêmes peines que pour des criminels en bande organisée, soit au moins cinq ans de détention. La police française a pu interpeller Pavel Durov sans difficulté, les faits reprochés ayant eu lieu en France et le patron de Telegram s'avérant être Français en plus de ses nationalités russe et émirati. La justice française envoie ainsi le signal que les patrons des plateformes ne sont pas à l'abri de la prison en cas de non-respect des règles quand leur laisser-aller en matière de modération peut faire les affaires de criminels.Avec près de 1milliard d’utilisateurs, Telegram dont le siège social est à Dubaï, est devenu, avec WhatsApp, l’une des plus importantes messageries du monde. L'entrepreneur, qui revendique des idées libertariennes, l’a fondé en 2013 avec l'objectif de protéger l'identité et les données de ses usagers par rapport aux gouvernements. Son arrestation a créé une onde de choc, aussi bien en Russie, où Telegram est très populaire, qu’aux Etats-Unis, où des entrepreneurs comme Elon Musk ont dénoncé une «attaque contre la liberté d’expression ». Emmanuel Macron a assuré, dans un message publié surX, que l’arrestation de Pavel Durov n’était « en rien une décision politique ».UN PREMIER MINISTRE LONGTEMPS ATTENDU ET ATTENDU AU TOURNANTAu soixantième jour après le second tour des législatives, le chef de l'Etat a nommé Michel Barnier au poste de Premier ministre. Âgé de 73ans, il affiche un parcours qui fut longtemps un parcours obligé avant que la carrière politique ne favorise des circuits plus courts: conseiller général de la Savoie en 1973, puis président de l’assemblée départementale, député en 1978. Ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, chargé successivement de l’Environnement, des Affaires européennes, des Affaires étrangères, de l’Agriculture, député puis Commissaire européen, négociateur de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Enfin, candidat malheureux à la primaire de LR pour la présidentielle de 2022.Il succède à Gabriel Attal dont le mandat de huit mois à Matignon aura été le plus court de la Ve République. Une autre étape démarre désormais, qui s'annonce tout aussi laborieuse que la précédente : l'élaboration d'un programme de gouvernement. Une fois bâti, Michel Barnier devra composer son gouvernement. Aux habituels critères de parité, de diversité ou de représentation territoriale, s'ajoute désormais celui des équilibres politiques nécessaires pour refléter le poids du camp présidentiel dans l'hémicycle, se concilier la droite, tenter de décrocher quelques voix à gauche et le tout, sans heurter le Rassemblement national. Restera enfin la dernière épreuve, celle pour laquelle Emmanuel Macron l'a choisi : faire face à la division de l’hémicycle en trois blocs, chacun minoritaire. Michel Barnier doit construire une coalition qui puisse au moins permettre l'adoption du budget 2025d’ici au 13septembre, sur fond de dérapage des comptes publics. Au Palais Bourbon, la situation s'annonce difficile: son groupe, Les Républicains, est le cinquième de l'Assemblée nationale avec seulement 47 députés. Si la gauche a fustigé le choix d'Emmanuel Macron - LFI et des mouvements de la jeunesse ont appelé hier à une marche « contre le coup de force d’Emmanuel Macron» - la droite s'est réjouie de la nomination d'un des siens, quand le Rassemblement national a décidé d'adopter, pour l'heure, une position neutre, tandis que les fidèles d'Emmanuel Macron ont fait part de leurs réticences.Au lendemain de sa nomination le nouveau chef du gouvernement a accordé son premier entretien au JT de «20heures» de TF1, vendredi soir. Interrogé sur la très controversée réforme des retraites adoptée l’an passé par 49.3, sur fond de forte mobilisation dans la rue, le nouveau Premier ministre a déclaré vouloir «ouvrir le débat» pour une «amélioration». Michel Barnier n’a pas exclu d’introduire la proportionnelle, qui permettrait de voter pour des listes et non plus au scrutin uninominal à deux tours. Ses priorités seront l’immigration, le travail, la dette et les services publics.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, originellement diffusée le 25 juin 2023. Avec cette semaine : Alain Aspect, physicien, spécialiste de l’optique quantique et récipiendaire du prix Nobel de physique. Sven Ortoli, journaliste scientifique. Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors. Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova. LA PHYSIQUE QUANTIQUE Alain Aspect, vous êtes physicien, spécialiste de l’optique quantique et membre de l’Académie des Sciences. Vous avez reçu la médaille d’or du CNRS en 2005, la médaille Albert-Einstein en 2012, ainsi que la médaille Niels-Bohr et le prix Balzan en 2013. Le Prix Nobel de physique vous est décerné en 2022, aux côtés de John F.Clauser et d’AntonZeilinger, pour vos expériences pionnières sur l’intrication quantique, qui ont ouvert la voie aux technologies associées. La physique quantique a considérablement bouleversé notre représentation du monde et nos technologies depuis le XXe siècle, au point d’être comparée à la «révolution industrielle» du siècle précédent. Dans votre ouvrage de vulgarisation, publié aux éditions du CNRS en 2019, vous distinguez deux révolutions au sein de la physique quantique. La première remonte au commencement du XXe siècle: elle s’articule autour du principe de dualité onde – particule, formulé par Einstein et de Broglie dans la lignée des travaux de Planck. Selon ce principe, les objets physiques peuvent parfois présenter des propriétés d'ondes et parfois des propriétés de particules, comme vous l’avez-vous-même illustré sur des photons dans une expérience au retentissement considérable, réalisée dans les années 1980 et publiée en 1982 avec un de vos étudiants de thèse, Philippe Grangier qui, depuis, a mis au point une technologie de cryptographie quantique. Ce concept révolutionnaire a nourri l’essentiel de la recherche en physique quantique jusque dans les années soixante. Il a permis d’expliquer des propriétés physiques, fondamentales mais jusque-là incompréhensibles, comme la stabilité de la matière ou les propriétés électriques et thermiques des corps. Il a également rendu possible nombre de nouvelles technologies, aujourd’hui monnaie courante, comme le transistor ou les lasers. Alain Aspect, vos travaux ont principalement contribué à la seconde révolution quantique. Celle-ci naît du concept d’intrication, selon lequel deux particules, dans certaines conditions forment un système lié et présentent des caractéristiques corrélées, dépendantes l’une de l’autre, quelle que soit la distance qui les sépare. Ce concept est introduit dès 1935 dans la littérature scientifique par Einstein, Podolsky et Rosen, mais présente des complications si considérables qu’il faudra attendre de nombreuses années avant d’en pouvoir attester l’existence. Vous jouez dans cette histoire un rôle de premier plan. En 1964, Bell pose les fondements d’une approche expérimentale du problème, fondée sur la mesure du degré de corrélation entre les deux particules sensément intriquées. En 1969, Clauser et ses coauteurs traduisent cette découverte en un cadre expérimental concret, fondé sur l’étude des photons et de leur polarisation. En 1982, c’est vous qui démontrez expérimentalement, pour la première fois et de manière quasiment irréfutable, la validité empirique du principe d’intrication. Cette propriété est au cœur de la deuxième révolution quantique et de ses promesses technologiques. L’ordinateur quantique, par exemple, serait capable de traiter un volume exceptionnel de données pour réaliser en quelques minutes des opérations aujourd’hui insolubles par les ordinateurs classiques. Ces technologies aiguisent les appétits des acteurs privés, comme Google ou IBM, et des décideurs publics comme la France et son plan quantique de 1.8 milliards d’euros.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le22 décembre 2023. Avec cette semaine : - Michel Samson, journaliste spécialiste de Marseille. - Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique. - Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova. MARSEILLE Michel Samson, vous êtes journaliste et avez été correspondant régional du Monde en Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Vous êtes l’auteur de plusieurs livres sur Marseille, ainsi que le réalisateur, avec Jean-Louis Comolli, de deux films documentaires sur la cité phocéenne. En 2020, vous avez publié, avec Michel Peraldi, Marseille en résistances, ouvrage dans lequel vous analysiez les dynamiques politiques et sociales de la métropole méditerranéenne. Vous faisiez le portrait d’une ville complexe, marquée par des défis urbains et économiques, des inégalités sociales et des tensions ; mais une ville également marquée par les luttes de sa jeunesse créative, qui essaye de résister à la décomposition du paysage politique marseillais et des institutions locales. Vous repreniez l’expression de Pierre-Paul Zalio qui désignait Marseille comme une «ville laboratoire», où les défis sociaux et politiques reflètent des problématiques nationales plus larges. Ainsi écriviez-vous: «Le cas marseillais nous semble cristalliser la fracture sociale et politique majeure que la présidence d’Emmanuel Macron a eu le mérite de rendre plus visible que jamais.» Peut-être le Président de la République vous avait-il lu, puisqu’en septembre 2021, il lançait son plan «Marseille en grand»: cinq milliards d’euros d’investissements pour l'éducation, la sécurité, les transports, la santé et le logement. Au mois de juin, dans le cadre de «l’acte 2» de ce plan, Emmanuel Macron a annoncé des moyens supplémentaires, notamment dans les transports, la sécurité et le secteur portuaire. Dans une note publiée en novembre 2023, pour Terra Nova, Alexis Gibellini a fait un premier point d’étape, deux ans après le lancement de ce «plan Marshal». Si des progrès sont observables dans les domaines de l'éducation et, à un moindre titre, de la sécurité, ils sont beaucoup plus lents pour les transports et le logement qui demeure en crise. Quant aux principaux concernés, les Marseillais, 42% se déclarent insatisfaits et 19% n’ont pas connaissance de l’existence de ce plan. Aussi l’auteur plaide-t-il pour une gouvernance forte du plan au niveau national, une contractualisation entre l’ensemble des parties prenantes et une meilleure implication des Marseillais dans son suivi et dans l’élaboration de futures mesures. Malgré les investissements substantiels du plan «Marseille en grand», la ville continue de faire face à des enjeux majeurs. La pauvreté, les tensions politiques et le dysfonctionnement du système métropolitain, la crise du logement et les impacts du changement climatique sont au cœur des préoccupations. De même les quartiers populaires – en proie à des défis sociaux et économiques exacerbés par des trafics de drogue endémiques qui fragilisent la cohésion sociale et la sécurité. Michel Samson, vous qui avez en août dernier publié vos Apprentissages, un retour sur votre parcours personnel, militant et professionnel, quels sont-ils à l’égard de Marseille, en particulier depuis la publication de Marseille en Résistances il y a près de trois ans.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, originellement diffusée le 7 août 2022. Avec cette semaine : Agnès Spiquel, spécialiste d’Albert Camus. Akram Belkaïd, journaliste auMonde diplomatique. Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova. Lucile Schmid, membre du comité de rédaction de la revueEsprit. CAMUS ET L’ALGÉRIE Né le 7 novembre 1913 à Mondovi, dans l’Est de l’Algérie, Albert Camus grandit à Belcourt, quartier populaire de la banlieue d’Alger. Il est élève au lycée Bugeaud puis obtient en 1936 un diplôme d’études supérieures à l’université d’Alger. L’année suivante, il refuse un poste de professeur au collège de Sidi-Bel-Abbès et se tourne vers le journalisme, collaborant au journalAlger républicainà partir de 1938. Adhérent au Parti communiste de 1935 à 1937, Camus est à l’origine du «Manifeste des intellectuels d’Algérie en faveur du projet Viollette» pour une démocratisation de l’Algérie, une assimilation de la population et l’accès à la citoyenneté française pour un certain nombre de musulmans d’Algérie. Sensible à la question sociale, il réalise en 1939 un reportage de onze articles intitulé «Misère de la Kabylie» dans lequel il décrit la grande pauvreté de cette région. Albert Camus dénonce la répression que subissent les nationalistes algériens et l’étouffement des revendications du Parti du peuple algérien. En mai 1945, à la suite des émeutes dans le Constantinois, il publie dansCombatplusieurs articles dans lesquels il prend la défense de nationalistes algériens comme Ferhat Abbas et Messali Hadj. Camus quitte l’Algérie en 1940 ; il revient vivre à Oran quelques mois puis reste en France à partir de la guerre. Avant la Seconde Guerre mondiale, ses amis rapportent qu’il indiquait être de nationalité algérienne lorsqu’il remplissait des fiches d’hôtel à l’étranger. Dans son «Petit guide pour des villes sans passé» publié en 1947, il écrit «J’ai avec l’Algérie une longue liaison qui sans doute n’en finira jamais, et qui m’empêche d’être tout à fait clairvoyant à son égard.» Son absence de prise de parti en faveur de l’indépendance au moment de la Guerre d’Algérie lui est reproché. En janvier 1956, il propose une trêve civile afin de pacifier provisoirement la situation. Il préconise une solution fédérale dans laquelle l’Algérie serait constituée par des peuples fédérés et reliée à la France. Il dénonce aussi les violences perpétrées pendant la guerre, autant les pratiques de torture et de représailles de l’armée française que les actions terroristes du FLN. En juin 1958, il publie sesChroniques algériennes, rassemblant ses articles sur l’Algérie, et une mise au point sur sa position. Il y décrit la politique de la France comme le résultat d’un aveuglement politique ayant conduit à une suite d’échecs. Il meurt deux ans plus tard, en 1960, avant la fin de la guerre et l’exode des pieds noirs. Agnès Spiquel Courdille vous enseignez la littérature, vous avez collaboré à l’édition des œuvres de Camus dans La Pléiade, vous êtes un membre très actif de la société d’études camusiennes qui compte des membres dans 24 pays à travers les cinq continents, vous en étiez la présidente jusqu’en 2020. Dans un entretien au Monde, en 2012, vous déclariez.: «Le Premier Homme. Dans ce roman, pourtant inachevé, complètement nourri de la vie et de l'expérience de Camus lui-même, vous percevrez l'intensité de ses souvenirs d'enfance, son amour pour l'Algérie, son déchirement devant la guerre, sa méditation sur la dignité des pauvres, son questionnement sur le dur chemin à inventer pour devenir un homme ; tout cela dans une écriture somptueuse, tantôt nette et sèche, tantôt frémissante et lyrique, toujours gorgée de vie et de sensation.» Comment caractériseriez-vous la place de l’Algérie dans l’œuvre de Camus?Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 15 décembre 2023. Avec cette semaine : Francis Wolff, philosophe. David Djaïz, entrepreneur, essayiste et ancien secrétaire général du Conseil National de la Refondation. Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors. Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova. L’HUMANISME EN CRISE Francis Wolff, vous êtes philosophe et professeur émérite à l’École normale supérieure. Qu’est-ce que philosopher? «Chanter comme un castrat du 18e siècle, dites-vous, avec une voix d’enfant et une technique d’adulte.» Ainsi votre œuvre s’est-elle construite autour des interrogations de l’enfance – «qu’est-ce que?»; «pourquoi?» – et des réponses rigoureuses de la raison philosophique. En reprenant la métaphore de Descartes, vous comparez votre philosophie à un arbre dont les racines seraient votre ontologie, le tronc votre anthropologie et les branches votre éthique, votre politique et votre esthétique. Filons cette métaphore: nous vous invitons afin d’interroger la branche politique de votre arbre, le Plaidoyer pour l’universel que vous avez publié en 2019 et dans lequel vous cherchiez à refonder une idée en crise aujourd’hui: l’humanisme. Cette branche repose sur votre tronc anthropologique – Qu’est-ce que l’homme? Ou plutôt qu’est-ce qui est propre à l’homme ? Pour vous, ce n’est ni la raison, ni le langage, mais leur union indissociable, ce que vous appelez la « raison dialogique ». Cette définition vous permet de fonder, en raison, une éthique humaniste, universelle, qui repose sur le principe de réciprocité, et dont la traduction politique est l’idéal démocratique avec son accomplissement à l’échelle de l’humanité, l’idéal cosmopolitique. Si ces considérations peuvent sembler abstraites, elles sont en réalité très concrètes, en particulier lorsque vous les utilisez comme critère d’évaluation des valeurs. Vous montrez que sont antihumanistes toutes valeurs fondées sur l’inégalité a priori des humains, comme le racisme ou le nationalisme, ainsi que toute application du principe d’égalité qui trahit le principe de réciprocité, comme l’antispécisme. Pour ce qui est de la guerre au Proche-Orient, fidèle à ce principe de réciprocité, vous espérez que «chaque peuple surmonte un instant sa propre souffrance pour percevoir le peuple ennemi (usurpateur ou assassin) comme susceptible de souffrir lui aussi», et vous défendez la «la seule solution raisonnable et universelle»: deux États dans des frontières sûres et reconnues par la communauté internationale. Ceci n’est pas contradictoire avec votre utopie cosmopolitique. D’abord parce qu’il s’agit moins d’un but – ce que vous appelez une utopie en acte – que d’un idéal régulateur. Ensuite parce que cet idéal cosmopolitique ressemble davantage à une confédération mondiale de fédérations régionales démocratiques. En 2018, dans une recension de votre ouvrage Trois utopies contemporaines qu’il avait faite pour la fondation Jean Jaurès, David Djaïz avait pointé les risques de dépolitisation que comporte un tel projet et défendait plutôt des États-Nations ouverts sur le monde. Comme lui Nicole Gnesotto et Lionel Zinsou ont beaucoup de questions à vous poser. Mais avant de laisser mes camarades vous interroger et user de leur «raison dialogique», pourriez-vous revenir sur ce concept fondamental, puisque c’est à partir de cette définition de l’homme que s’articule toute votre réflexion sur l’humanisme ?Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, originellement diffusée le 19 juillet 2020. Avec : Avec Fabrice Andreani, professeur de Sciences Politiques à l’université de Lyon David Djaïz, entrepreneur, essayiste et ancien secrétaire général du Conseil National de la Refondation. Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut français de géopolitique Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. LE VÉNÉZUÉLA La situation du Venezuela est aujourd’hui celle d’un pays, qui possède les plus grandes réserves de pétrole connues du monde, et qui connait une pénurie d’essence depuis plusieurs mois. D’un pays régulièrement plongé dans le noir par les coupures de courant qui touchent les ménages, les magasins mais aussi les hôpitaux en pleine crise du coronavirus. D’un pays où la violence, déjà très présente à Caracas avant la crise, a explosé (les statistiques criminelles établissent le Venezuela comme le pays le plus violent du monde, d’un pays où le taux de pauvreté, qui était passé de 55,1% à 27,5% entre 2003 et 2007 est aujourd’hui estimé à 80%, d’un pays dont le PIB a été divisé par deux entre 2013 et 2018 tandis que l’inflation atteignait 130.000% en 2018 selon la Banque centrale du Venezuela. Cette crise économique et sociale est également politique: deux légitimités opposées coexistent. Nicolas Maduro, élu président en 2013 avec 50,6 % des voix, est le successeur désigné d’Hugo Chavez qui dirigeait le pays depuis 1999 et dont les partisans vantent la forte augmentation des dépenses sociales financées par le cours élevé du baril aujourd’hui au plus bas. Nicolas Maduro dispose du soutien de l’armée et le chavisme occupe une place importante dans le sous-continent américain à travers un réseau d’alliances et des réseaux d’influence. Le parti chaviste a cependant perdu les élections législatives de 2015, permettant à l’opposition parlementaire de centre-droit d’ouvrir un procès en destitution contre Maduro. Pour contourner le Parlement, celui-ci a fait élire en 2017 une Constituante que l’opposition a boycotté. Depuis, le Parlement a désigné Juan Guaido président de la République par intérim. Cette décision a été immédiatement reconnue par les États-Unis, le Canada et le Brésil puis l’Union Européenne. De son côté, Maduro peut compter sur le soutien de certains pays tels que la Russie, l’Iran et la Chine. La pandémie est donc apparue dans un pays où le blocage s’est installé, tandis qu’au fil des mois Juan Guaido et ses proches font l’objet de nombreuses critiques de la part de la population vénézuélienne.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Épisode 383 - 28/07/2024
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 19 avril 2024. Avec cette semaine : Henri Astier, journaliste. Nicolas Baverez, essayiste et avocat. Lætitia Strauch-Bonart, journaliste et essayiste. AVERTISSEMENT, par Philippe Meyer : L’émission qui suit, consacrée à Jean-François Revel à l’occasion du centenaire de sa naissance, a été enregistrée avant que Libération ne publie six articles mettant en cause plusieurs personnes, dont Jean-François Revel, dans une affaire d’agression sexuelle sur une mineure, Inès Chatin. Au lendemain de la publication, les trois enfants de Jean-François Revel ont publié ce communiqué: « Le récit d’Inès Chatin faisant état de la participation présumée de notre père, Jean-François Revel, à des actes d’agression sexuelle sur mineur constitue pour nous un choc immense. Face à la gravité des accusations portées, nous souhaitons que la justice qui a été saisie puisse établir ce qui s’est réellement passé, quand bien même ces faits remonteraient à plus de quarante ans et impliqueraient de nombreuses personnes pour beaucoup disparues. C’est l’attente de la victime qui a déposé plainte et dont nous ne doutons d’aucune manière de la sincérité et de la douleur. C’est aussi notre attente car ces accusations nous plongent dans une incrédulité d’autant plus profonde, qu’elles concernent un homme, notre père, dont tout ce que nous savons de sa personnalité comme de son comportement tout au long de sa vie, se situe aux antipodes des actes monstrueux qui lui sont prêtés. » Je fais mienne cette déclaration, en ajoutant que, depuis les articles de Libération, une réfutation de leurs accusations rédigée par deux des auteurs de L’Abécédaire de Jean-François Revel, Henri Astier et Pierre Boncenne a été mise en ligne sur la toile et sera publiée à la rentrée par la revue Commentaire. Le lien avec cette réfutation figurera dans le compendium de notre conversation qui sera publié mardi prochain. Je rappelle que, sur notre site, vous pouvez vous abonner gratuitement à ce compendium. JEAN-FRANÇOIS REVEL Le 19 janvier 2024, Jean-François Revel aurait eu 100 ans. C'est à l'occasion de ce centenaire qu'il m'a paru pertinent de réunir, le temps d'une conversation qui est selon Revel «l'un des plus vifs plaisirs de l'esprit», d'autres admirateurs de celui qui fut pour beaucoup un maître et pour certains un ami. Laetitia Strauch-Bonart, vous êtes essayiste et journaliste. Rédactrice en chef du service Idées et débats à L’Express où vous travaillez depuis 2022, vous étiez auparavant journaliste au Point. Henri Astier, vous avez été journaliste pour la BBC pendant 30 ans ainsi que pour d’autres quotidiens tels que The Economist ou Le Point et vous avez publié l’Abécédaire Jean-François Revel chez Allary avec Pierre Boncenne et Jacques Faule. Journaliste, résistant, gastronome, essayiste, écrivain, académicien, souvent éclatant d'intelligence et jamais dépourvu d'intérêt, il est peu de domaines que Revel ait touché sans en extraire la substantifique moelle. Jeune résistant à Lyon puis à Paris, il publie pendant cette période de guerre ses premiers textes dans Confluences. Revel enseigne ensuite la philosophie en Algérie puis au Mexique où il crée le premier ciné-club, mais aussi l'histoire en Italie. Les multiples faces de cette figure gargantuesque nous donnent d'autant plus de raisons de s'intéresser à l'homme ainsi qu’à sa pensée. Revel journaliste bien sûr; celui qui a pris la direction de L'Express en 1978 dont il a fait un succès, notamment grâce aux révélations sur les finances du Parti Communiste. Fondamentalement antitotalitaire, Revel réussit à traduire cet engagement profond dans sa façon d'aborder le journalisme. Revel politique; non seulement en critiquant De Gaulle qui ne le séduit pas, mais aussi avec son essai Ni Marx ni Jésus, dans lequel il présente les États-Unis comme le terreau d’une révolution mondiale. Omnivore, son appétit débordant ne s'arrête pas à la métaphore: nous aimons le Revel gastronome. Non seulement parce qu’il aime lui-même la table mais aussi parce que, comme l’avait dit Michel Rocard après un déjeuner avec Revel, on sort d’une discussion avec lui en ayant l'impression de mieux savoir ce que l’on pense soi-même. Nous pourrions, pour parler de ses écrits, lui retourner un de ses propres mots: «Ce qui fait un grand essai: La coïncidence d'une intuition, d'une démonstration et d'un style.» Comment êtes-vous entré en relation, d'abord intellectuelle puis humaine, avec Jean-François Revel?Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 19 juillet 2024. Avec cette semaine : Nicolas Baverez, essayiste et avocat. David Djaïz, entrepreneur, essayiste et ancien secrétaire général du Conseil National de la Refondation. Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova. QUELS PRINCIPES DE RÉALITÉ VONT S’IMPOSER À L’ACTION GOUVERNEMENTALE? Le président de la République a accepté, mardi, la démission de son Premier ministre, Gabriel Attal. Resté de plein exercice malgré la défaite du camp présidentiel le 7 juillet dernier, le gouvernement est désormais un «gouvernement en affaires courantes. Jusqu’à la nomination d'une nouvelle équipe gouvernementale, l'exécutif se bornera à accomplir le strict nécessaire pour assurer la continuité de l'Etat. Et ce, pendant «quelques semaines», vraisemblablement jusqu'à la fin des Jeux olympiques au moins, ont affirmé des participants au Conseil des ministres mardi. La dissolution et son résultat électoral laissent un paysage politique fragmenté tant sur le plan des groupes politiques que des idées. Les alliances qui vont structurer les prochains mois et les prochaines années sont incertaines, entre coalitions introuvables, gouvernements minoritaires et divergences béantes sur de grands enjeux, des retraites à la politique salariale en passant par la sécurité. L’ancien secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger pointe les grands chantiers urgents susceptibles de faire consensus dans une coalition républicaine responsable: «réduire les fractures qui ont lézardé la société, apaiser et réconcilier; endiguer tout risque de crise de régime totale; définir un cap économique et social à la fois performant et inclusif; définir une stratégie environnementale à même d'entrainer massivement au sein de la population; rendre à la société du «pouvoir d'«agir»». «Je le dis à toutes les forces politiques, à chacun ses remèdes, mais il faut arriver à un consensus pour réduire la dette», enjoint le premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici qui rappelle que «nous avons deux dettes, une dette financière et une dette climatique, auxquelles nous devons faire face simultanément.» Selon lui, «réduire la dette n'est ni de gauche ni de droite, c'est d'intérêt général», car «un pays endetté est un pays paralysé». Pour la France, quelle que soit l'option retenue à l'issue de la phase de décantation qui s'ouvre dans un Parlement divisé, la nécessité d'améliorer la situation de nos finances publiques s'imposera à tous, conclut-il. LES ETATS-UNIS RATTRAPÉS PAR LEURS DÉMONS? Le meeting de Donald Trump à Butler, en Pennsylvanie, le 13 juillet, a frôlé la tragédieavec la tentative d’assassinat contre le candidat républicain, Donald Trump. Bien que l'assaillant présumé, Thomas Matthew Crooks, âgé de 20 ans, ait été identifié par le FBI comme étant un électeur républicain, cela n'a pas empêché les partisans de Donald Trump de se déchaîner contre le camp Biden, l'accusant d'avoir ouvert la voie à l'agression en multipliant, selon eux, les appels à la haine contre leur candidat. Dans l'histoire américaine, quatre présidents en exercice ont été assassinés. Trois républicains - Abraham Lincoln en 1865, James Garfield en 1881, William McKinley en 1901 - et un démocrate, John F. Kennedy tué à Dallas en novembre 1963. Six autres présidents ont été la cible de tentatives d’assassinat : Andrew Jackson en1835, Theodore Roosevelt en1912, Franklin D. Roosevelt en1933, Harry S.Truman en1950, Gerald Ford en1975, et Ronald Reagan en1981. On ne compte plus les attentats ayant eu pour effet de supprimer des leaders politiques, comme le pasteur Martin Luther King, héraut de la lutte pour les droits civiques, ou encore le sénateur démocrate Robert Kennedy, tous deux tués en 1968. Selon un sondage publié le 24juin par l’équipe du professeur Robert Pape, spécialiste de la violence politique à l’université de Chicago, environ 10% des adultes américains, soit l’équivalent de 26 millions de personnes soutiennent l’utilisation de la force pour empêcher Donald Trump de devenir président; tandis que 7% des adultes américains, soit l’équivalent de 18millions de personnes, soutiennent l’utilisation de la force pour rétablir Donald Trump à la présidence.Le camp MAGA (Make America Great Again) de Donald Trump est largement réfractaire à toute forme de contrôle sur les armes semi-automatiques comme le AR-15 — le fusil le plus populaire des États-Unis, celui utilisé par Matthew Crooks. Les menaces contre les membres du Congrès ont été multipliées par cinq à partir de la première année de l’administration Trump, en 2017 par rapport à la période 2001-2016. Un Américain court six fois plus de risque de mourir pararme à feu qu'un Français. Dans certains États, un citoyen peut légalement abattre toute personne qui est perçue comme «menaçante».Les Américains détiennent à eux seuls le quart des armes de petit calibre dans le monde: près de 400 000 millions. Au cours de la convention du parti Républicain qui s’est ouverte lundi à Milwaukee dans le Wisconsin, James David Vance a été choisi comme colistier par Donald Trump. Vance s’est fait le porte-voix de l’Amérique déclassée, notamment dans son ouvrage: «Hillbilly élégie», ou «Elégie pour les ploucs» publié en 2017. Mercredi, Joe Biden, atteint de Covid, déclarait qu’il ne se retirerait de la course à la Maison Blanche que «si un médecin lui déclarait un problème».Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 12 juillet 2024. Avec cette semaine : Akram Belkaïd, journaliste au Monde diplomatique. Jean-Louis Bourlanges, essayiste. Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. EN FRANCE, LA FIN DU PRÉSIDENTIALISME ? Le Président de la République en dissolvant l’Assemblée nationale le 9 juin souhaitait «clarifier» la situation politique, or la dissolution a donné une assemblée sans majorité et divisée en trois blocs. Le Nouveau Front populaire a obtenu 182 sièges avec une majorité d’Insoumis (74), 59 Socialistes, 28 candidats d’EELV, 9 Communistes et 12 divers gauche. Le groupe du centre en totalise 168 avec 102 députés sous l’étiquette Renaissance, 33 MoDem, 25 Horizons et 8 divers droite. Le parti de Jordan Bardella remporte 143 siègesavec 126 RN et 17 LR-RN, alors que les sondages d’entre-deux-tours lui prédisaient une large victoire allant de la majorité relative à la majorité absolue (289 sièges). Bien que les espoirs du parti d’extrême droite se soient envolés à l’annonce desdits résultats, celui-ci réalise son meilleur score à des élections depuis sa création en 1972. En 2022, le RN comptait 89 sièges à l’Assemblée. Reste la droite avec 60 sièges dont 45 Républicains. Les députés sortants reconduits représentent 73 %, soit trois fois plus qu'en 2017. C’est un record depuis 1958. En tout, 155 circonscriptions ont changé de couleur politique. La participation enregistrée à ces élections est aussi haute au premier qu’au second tour: respectivement 66,6% et 66,7% des électeurs se sont rendus aux urnes. Si cela reste inférieur au second tour d’une élection présidentielle, cela représente 20 points de plus qu’aux législatives de 2022.La première séance de la 17e législature de la Ve République ouvrira le 18 juillet, soit « le deuxième jeudi qui suit son élection », comme le veut la Constitution. La nouvelleAssemblée nationaleélira alors son président à bulletin secret. Dans la foulée, les déclarations politiques des groupes et leur composition seront remises au secrétariat général. Le lendemain, ce sera au tour du bureau de l'Assembléed'être désigné : les postes seront répartis et les candidatures aux huit commissions permanentes, déposées. La coalition présidentielle a perdu bon nombre de députés, et ses principaux leaders se sont éloignés du Président. La nouvelle composition parlementaire impose au pouvoir exécutif de collaborer avec une Assemblée fragmentée. Dans une lettre adressée aux Français, publiée par plusieurs journaux régionaux ce mercredi, Emmanuel Macron a appellé les forces politiques républicaines à "un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays". "Ce que les Français ont choisi par les urnes – le front républicain, les forces politiques doivent le concrétiser par leurs actes"précise-t-il."C’est à la lumière de ces principes que je déciderai de la nomination du Premier ministre"indique le Président. "D’ici là, le Gouvernement actuel continuera d’exercer ses responsabilités puis sera en charge des affaires courantes" (...)"Vous avez appelé à l’invention d’une nouvelle culture politique française. En votre nom, j’en serai le garant",conclut Emmanuel Macron. Jamais, sous la Ve République, l’Assemblée nationale n’a été à la fois aussi divisée et aussi puissante. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le5 juillet 2024. Avec cette semaine : Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Matthias Fekl, avocat et ancien ministre de l’Intérieur. Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova. RÉSULTATS DU PREMIER TOUR DES LÉGISLATIVES Au premier tour de législatives anticipées, le Rassemblement national est arrivé dimanche en tête avec 33,15% des voix. Il devance de 5 points l’alliance des partis de gauche, sous l’étiquette de Nouveau front populaire (NFP) qui atteint 27,99% et laisses-en troisième position la majorité présidentielle, à 20,04%. Dans cette bataille, les trois blocs n’abandonnent que 10,23% des voix à la droite des Républicains-UDI et divers droite. Trois semaines après une dissolution surprise et au terme d’une campagne de premier tour hâtive, 66,7%, des électeurs se sont exprimés soit près de 20 points de plus que lors des précédentes éditions de 2017 et 2022. Cette très forte participation semble avoir profité aux trois blocs. Ce premier tour de ces élections législatives dessine un entre-deux-tours inédit avec 76élus dès le premier tour, et avant désistements, seulement 191duels, 5quadrangulaires et surtout 305triangulaires. Un record, alors que seulement sept triangulaires avaient eu lieu en 2022 et une seule en 2017. La conséquence d’une tripartition de la vie politique française à l’œuvre depuis 2017. En nombre de voix, la progression du parti d’extrême droite passe de 4millions d’électeurs au premier tour de 2022 à 12 millions deux ans plus tard, alors que le bloc de gauche, en nombre de voix, se maintient. Le RN aborde le second tour en tête dans 222circonscriptions et les candidats LR soutenus par lui dans 38 autres. Alors que pendant des années, le vote frontiste s’est développé et amplifié dans l’arc méditerranéen et dans les territoires désindustrialisés, la conquête de l’extrême droite touche maintenant quasiment toutes les zones, sauf les grandes métropoles et les villes les plus importantes (un seul candidat qualifié à Paris, dans la quatorzième circonscription, sans aucune chance d’être élu). En miroir de cette diffusion de l’extrême droite, l’affaissement électoral du macronisme est l’autre fait majeur de ce premier tour, avec 20,15% au niveau national. Les représentants du président de la République n’arrivent à se qualifier que dans 321circonscriptions avant les désistements dans certaines triangulaires (contre 419en2022 et 513en2017). Ils ne sont en tête que dans 68circonscriptions (201en2022, 449en 2017). Les zones de forces se situent dans les métropoles, les banlieues et des territoires plus ruraux, comme le Puy-de-Dôme. Arrivé deuxième au niveau national avec 27,99%, le bloc de gauche, hormis ses 31élus du premier tour, aborde le deuxième tour en tête dans 128circonscriptions, alors que191candidats émergeaient à la première position en2022. STRATÉGIES DU SECOND TOUR DES LÉGISLATIVES La domination électorale du Rassemblement national et de ses alliés ciottistes au premier tour des législatives, a conduit l’alliance de la gauche et la coalition présidentielle à dicter un mot d’ordre commun pour la dernière ligne droite de la campagne : faire barrage à l’extrême droite. La gauche a demandé que dans toutes les circonscriptions où le Rassemblement national est arrivé en tête, et où un candidat du Nouveau Front populaire est troisième (ou quatrième), ce dernier se désiste. De même pour le cas où un candidat RN est arrivé en deuxième position mais qu’un maintien du candidat du NFP pourrait conduire à son élection. Du côté du camp présidentiel, quand certains appelaient à un retrait systématique dans les circonscriptions où un candidat de l’alliance de la gauche est en position favorable pour barrer la route du RN, d’autres parlaient plutôt de choix au cas par cas, excluant nombre de circonscriptions où le candidat en question a été investi par La France Insoumise. Résultats, selon des données officielles du ministère de l'Intérieur publiées mercredi, après les 224 désistements de candidats qualifiés, la physionomie du second tour a complètement changé. On assiste à une diminution massive du nombre de triangulaires, passées de 306 à 89. 127candidats investis par le Nouveau Front populaire ou la gauche se sont désistés dans des circonscriptions où le RN aurait été en mesure de s’imposer face à plusieurs adversaires, selon l’AFP. 81 candidats d’Ensemble se sont également retirés, tout comme trois candidats de Les Républicains. Le RN compte encore 386 candidats et 37 députés ont été élus au premier tour ... Le NFP a encore 281 représentants pour 32 élus, soit 313 au total. Ensemble, le parti présidentiel compte 2 élus et 218 candidats en lice. Les LR tendance ciottiste ont encore 55candidats pour 1 déjà élu. Le parti LR canal historique compte lui aussi 1 élu pour 52 encore candidats. Les autres nuances politiques représentent un total de 61 candidats. Selon le baromètre Toluna Harris Interactive pour RTL, M6 et Challenges, publié mercredi, le RN n’obtiendra pas la majorité absolue de 289 sièges à l'issue du second tour, mais, avec ses alliés, une fourchette de 190 à 220sièges. Selon ce sondage, le Nouveau Front populaire pourrait obtenir 159 à 183 députés, Ensemble, 110 à 135 et Les Républicains 30 à 50. Face au risque d'une France ingouvernable, certains responsables du centre droit et de la gauche envisagent une vaste coalition pour échapper à la paralysie. Gabriel Attal a évoqué la possibilité de construire «une Assemblée plurielle» pour éviter un blocage institutionnel, si l’extrême droite n’obtenait pas la majorité absolue. La proposition de Gabriel Attal de former un gouvernement d'unité nationale après le second tour a déjà provoqué des clivages. La France Insoumise a immédiatement réagi, en affirmant qu'ils étaient là pour appliquer le programme du Nouveau Front populaire. Du côté des écologistes et une partie des socialistes, certains seraient prêts à réfléchir à cette proposition de former un front républicain.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Épisode 392 - 02/07/2024
L’appel lancé en avril dernier a été entendu: nous poursuivrons nos conversations hebdomadaires et leurs suppléments culturels au long de notre huitième saison qui débutera le 8 septembre par une enregistrement en public à l’École alsacienne. A l’origine de notre peau de caste, il y a eu pendant presque 20 ans à l’antenne de la radio de service public une émission créée et animée par Philippe Meyer. En juillet 2017, Radio France annonçait que cette émission n’avait plus sa place à l’antenne et licenciait son créateur. De nombreux auditeurs ont alors souhaité que les conversations hebdomadaires dont ils étaient friandsse poursuivent sur la toile. Avec l’accord des participants réguliers à ces conversations, Philippe, plutôt que d’entreprendre le tour du monde qu’il avait organisé, nous a trouvés une place au milieu des podcasts encore au début de leur développement. Sa passion de la radio l’a donc emporté sur son amour des voyages. Cette passion, il la raconte dans un livre paru il y a quelques semaines aux éditons des Arènes : «La Prochaine fois je vous l’écrirai». En mai dernier, Nicolas Baverez a fait cette proposition à notre fondateur: Une idée déraisonnable m’est venue en lisant ton livre que je ne résiste pas à partager avec toi. Que dirais-tu d’une émission spéciale du Nouvel Esprit public dans laquelle tu serais l’invité pour parler de ton livre, de ton chemin de Compostelle et de ceux qui l’ont jalonné ? Jean-Louis te remplacerait aux commandes avec Roselyne et l’un ou l’une d’entre nous comme dernier comparse. Oublie ce message si tu penses que j’ai tenté une nouvelle fois d’habiller d’oripaux libéraux un coup d’État potentiel. Nous avons tous souscrit à cette proposition et c’est sa réalisation que nous vous proposons aujourd’hui, enregistrée avec Roselyne Bachelot, Nicolas Baverez, Jean-Louis Bourlanges et Béatrice Giblin.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 28 juin 2024. Avec cette semaine : Nicolas Baverez, essayiste et avocat. Akram Belkaïd, journaliste au Monde diplomatique. Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef du quotidien La Croix. ENJEUX DES ÉLECTIONS BRITANNIQUES Les Britanniques se rendront aux urnes le 4 juillet pour des élections législatives anticipées, qui pourraient voir les travaillistes revenir à Downing Street après 14 années de Premiers ministres conservateurs. Rishi Sunak, l'actuel chef du gouvernent toryqui a réussi à ramener de la stabilité après les années Boris Johnson, met en avant le recul de l'inflation à 2,3% sur un an en avril, après un pic à 11% en 2022. Mais l'activité du secteur privé a ralenti en juin et la dette publique s'est encore creusée en mai: elle flirte depuis plusieurs mois avec les 100% du PIB (99,8% en mai). Parmi ses priorités listées en début de mandat, Rishi Sunak n'est pas parvenu à réduire les listes d'attente dans le service de santé public NHS, ou à mettre fin aux traversées de migrants entre la France et l'Angleterre: l'immigration nette s'est élevée à 685000 personnes supplémentaires en 2023, soit le deuxième niveau le plus élevé après le record de l'année précédente (764 000 personnes). Sunak veut en envoyer des milliers au Rwanda. Selon une étude YouGov publiée début juin, le Parti travailliste pourrait remporter le 4 juillet la plus grande victoire de son histoire, bien plus large que celle de Tony Blair en 1997. Les socio-démocrates sont crédités d'environ 20 points d'avance. Depuis son arrivée à la tête des travaillistes en 2020, Keir Starmer, 61 ans, a recentré le parti après les années Jeremy Corbyn, beaucoup plus à gauche, et s'est montré ferme face à l'antisémitisme. Avec un slogan tenant en un mot: « Change », « changement » – et une priorité – le retour à la stabilité politique et économique – Keir Starmer déclare vouloir se débarrasser des éléments les plus choquants de l’héritage du gouvernement conservateur, comme la politique d’expulsion des demandeurs d’asile vers le Rwanda. Toutefois, il assure qu’il fera baisser les chiffres de l'immigration, mordant ainsi sur le cheval de bataille des tories. Sur le plan économique, il promet de ne pas augmenter la TVA ou l’impôt sur le revenu, insistant sur la nécessaire discipline budgétaire et limitant ses promesses d’investissement dans les services publics à celles qui peuvent être financées sans augmenter la dette publique. Le triomphe à venir du Labour, observe The Guardian, s'explique au moins en partie par la percée de Reform UK, le parti anti-immigration de Nigel Farage, donné devant les conservateurs dans certains sondages (20 % contre 19 %). Concrètement, le mode de scrutin uninominal à un tour, qui couronne la personne arrivée en tête dans chaque circonscription, punit sévèrement la dispersion des voix. La présence de deux forces politiques concurrentes à droite laisse donc le champ libre aux candidats travaillistes dans des centaines de circonscriptions. La confiance des Britanniques dans leurs politiques est historiquement basse, selon une étude du National Centre for Social Research parue le 12juin. Selon ce sondage, 45% des personnes interrogées ne font «presque jamais» confiance aux gouvernements pour mettre l’intérêt supérieur du pays avant leurs calculs partisans. AU DAGHESTAN POUTINE FACE AU TERRORISME ISLAMIQUE Au Daghestan, république russe du Caucase, le 23 juin, au moins 20personnes ont été tuées et 26autres blessées, dont des policiers et des civils, dans des attaques coordonnées menées contre des édifices religieux, à Makhatchkala et Derbent. Trois mois après l’attaque sanglante contre le Crocus City Hall – 145morts dans une salle de concert moscovite le 22mars –, plusieurs églises et synagogues ont cette fois été visées. La branche russe de l'Etat Islamique au Khorassan a publié un communiqué affirmant que l'attentat avait été perpétré par des membres de l'Etat islamique dans le Caucase. Le Daghestan qui compte environ 3millions d’habitants, à majorité musulmane, a été le théâtre ces derniers mois de campagnes antijuives. Le 29octobre, une foule avait pris d'assaut l'aéroport de Makhatchkala en réponse à des appels antisémites sur les réseaux sociaux encourageant la population à bloquer un avion de passagers en provenance d'Israël. Plus de 20 personnes avaient été blessées. Même si le phénomène n’est guère mis en avant par les autorités russes, le pays est régulièrement la cible du terrorisme islamiste. À chaque fois, on a soupçonné l’État islamique au Caucase, la filiale russe de la nébuleuse. Dans le nord Caucase, des rebelles islamistes armés affrontent régulièrement la police. Si entre 2010 et 2014, les groupes salafistes et wahhabites ont été pourchassés notamment au Daghestan, le pouvoir, pour acheter la paix sociale, a laissé se développer dans la société des tendances fondamentalistes et rigoristes. Dans les milieux politiques et religieux de Russie, dont la grande crainte, conjoncturelle, mais aussi séculaire, dans ce pays multiethnique et pluriconfessionnel, est celle des conflits intercommunautaires, les tensions dans le Caucase du Nord sont un sujet particulièrement sensible. Le Kremlin ne cesse de vanter la solidité de son modèle multiethnique. La Russie compte entre 15 et 20millions de musulmans sur une population de 140 millions. Tout en s’affichant régulièrement au côté du patriarche orthodoxe, Vladimir Poutine s’adresse régulièrement à eux. Il souligne qu’ils sont une composante de la nation, tandis que les terroristes islamistes sont toujours présentés comme des « étrangers ». Quatre religions sont considérées en Russie comme « traditionnelles » : la loi sur la liberté de conscience de 1997 reconnaît en effet « le rôle spécial de l'orthodoxie dans l'histoire de la Russie » mais affirme sans plus de précisions qu'elle respecte « le christianisme, l'islam, le bouddhisme, le judaïsme et d'autres religions qui constituent une partie intégrante des peuples de la Russie ». Les religions «traditionnelles » ont des avantages (en matière d'enseignement religieux à l'école ou encore de soutien juridique et financier), tandis que les autres demeurent suspectes (surtout si elles ont des relations déclarées avec l'étranger). Le Patriarcat de Moscou a toujours veillé à mener un dialogue avec les principales composantes religieuses du pays, et notamment avec l'islam. La ligne officielle consiste à dire que, en Russie, il n'y a aucun problème entre les différentes religions, que tous s'entendent bien.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Épisode 390 - 23/06/2024
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée en Public à l’École alsacienne le 23 juin 2024. Avec cette semaine : Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique. Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. DÉCOMPOSITIONS, RECOMPOSITIONS La dissolution a provoqué diverses ondes de choc. A droite, Les Républicains (LR) se trouvent écartelés entre les partisans d’une alliance avec le Rassemblement national (RN), les tenants de l’indépendance ou les défenseurs du ralliement au camp macroniste. A gauche, les principaux partis ont annoncé, le 13juin, après plusieurs jours d’intenses négociations, un accord sur les candidatures et le programme commun d’un «nouveau front populaire ». Les macronistes tentent de s’accorder avec la droite modérée en nouant des accords localement, pour faire barrage ici au Rassemblement national, là au Nouveau Front populaire. Edouard Philippe, président d’Horizons, essaie d’avancer ses pions et de marquer sa différence en travaillant à la construction d’une «majorité parlementaire » dans la prochaine Assemblée, qui irait « de la droite conservatrice aux sociaux-démocrates». Vendredi, il déclarait «c’est le président de la République qui a tué la majorité présidentielle» en décidant de dissoudre l’Assemblée nationale. Le contraste est très fort entre la condamnation quasi unanime de cette décision par la classe politique et les médias, et ce qu'en disent les Français. Dans un sondage réalisé par Opinionway les 17 et 18 juin, la moitié d'entre eux jugent la décision d'Emmanuel Macron justifiée. La gauche y est la plus opposée, bien qu'une proportion de 40% la juge tout de même justifiée. L’offre électorale proposée a beau avoir été simplifiée, avec la consécration de trois blocs aux visions du monde antagonistes, les nouvelles alliances électorales et les positionnements fluctuants noués lors de cette campagne de12 jours - la plus courte de la VeRépublique– rendent difficile la compréhension du jeu électoral. D’autant que le code électoral permet, pour les élections législatives, des triangulaires ou des quadrangulaires au second tour: tous les candidats dépassant 12,5% des inscrits pouvant se maintenir au second tour. Dans ce paysage, les sondages donnent le RN est en position de force. Selon celui d’Ifop-Fiducial pour Le Figaro, LCI et Sud Radio, publié jeudi, l'alliance entre le RN et la frange de LR partie avec Éric Ciotti récolterait 34 % des voix au premier tour le 30 juin, soit cinq points devant l'alliance de gauche, le Nouveau Front populaire, estimée à 29 %. Le camp macroniste est estimé à 22%, soit une remontée par rapport à la plupart des études d'opinion publiées depuis la dissolution. Enfin, les Républicains - hors alliance avec le RN - stagnent à 6 % des voix, tandis que Reconquête ne récolterait que 2 % des scrutins. Selon cette étude, la participation au premier tour serait par ailleurs estimée à 64%, contre 53,7% en 2022. « Les lignes politiques ont plus bougé en sept jours qu’en sept ans », observe Raphaël Llorca, expert associé à la Fondation Jean Jaurès. Cette dissolution a pour effet principal de fragmenter un peu plus un système partisan dominé, selon l’expression du politiste Rémi Lefebvre, par les « partis personnels » depuis 2017 (Renaissance autour d’Emmanuel Macron, LFI et Jean-Luc Mélenchon, le RN et Marine Le Pen…).Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Auditeurs de Google podcasts : Attention ! Le 23 juin, l’application va fermer, et vous ne pourrez plus nous écouter, ni retrouver nos épisodes précédents. Vous pouvez basculer sur une autre plateforme, toujours gratuite. Le choix est ici : https://audmns.com/uSiUSLT Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 14 juin 2024. Avec cette semaine : Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Michel Eltchaninoff, rédacteur en chef du mensuel Philosophie Magazine. Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors. Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova. L’UNION EUROPÉENNE SORT-ELLE INDEMNE DE L’ÉPREUVE? Un Parlement européen solidement ancré à droite, avec, à l’extrême droite, des rangs plus nourris que dans la précédente législature, même s’ils sont pour l’instant répartis en groupes hétéroclites : tel est le tableau présenté par les élections qui se sont déroulées du 6au 9juin dans les vingt-sept pays de l’Union européenne. Le Parti populaire européen, qui rassemble les élus conservateurs et de centre droit, reste le groupe le plus puissant, tandis que les sociaux-démocrates perdent du terrain et que les partis verts et libéraux accusent un net recul, au profit de la droite radicale. Un examen géographique offre cependant une autre grille de lecture. La montée de l’extrême droite est spectaculaire en Europe de l’Ouest. Elle s’installe comme force politique dans les trois plus grands pays, tous trois membres fondateurs de l’Union : la France est le cas le plus frappant, avec des scores cumulés qui frisent 40% des voix pour le Rassemblement national et les autres formations de droite radicale. Mais en Italie aussi, le parti Fratelli d’Italia est arrivé en tête, confortant la présidente du conseil, Giorgia Meloni. Beaucoup plus radicale, l’AfD fait une percée en Allemagne, en particulier dans les Länder de l’Est (40% des voix en Saxe), même si elle n’arrive que derrière la CDU-CSU au niveau fédéral. En Autriche, le FPÖ est en tête. En Belgique, les nationalistes ont infligé une lourde défaite au gouvernement ; seul contraste, le parti d’extrême droite de Geert Wilders a été battu par la gauche aux Pays-Bas. En revanche, les partis d’extrême droite et leur version illibérale d’Europe centrale postcommuniste ont reculé en Scandinavie: en Suède, au Danemark et en Finlande et dans une zone géographique qui apparaissait comme leur berceau: en Pologne, en Slovaquie ou en Hongrie. Si mathématiquement, la droite radicale ne dispose pas d'une minorité de blocage dans la nouvelle assemblée, elle est en mesure de faire peser ses idées sur le climat, les migrations, l'élargissement de l'UE, le budget et l'État de droit Les contre-performances des écologistes dans les grands pays de l'UE qui envoient le plus grand nombre d'électeurs à Strasbourg - le groupe passerait de 71 à 53 voix - pèseront sur le « pacte vert » et la décarbonation de l'UE. Les prochaines étapes seront du 16 au 19 juillet : l'élection du président du Parlement européen; à partir de septembre : l'élection de la présidence de la Commission européenne; en octobre-novembre : l'élection des commissaires européens; le 1er décembre : élection du président du Conseil européen. L’ASCENSION DU RN EST-ELLE RÉSISTIBLE? Dimanche 9 juin, en France, la liste du Rassemblement national aux élections européennes (RN) a obtenu 31,7% des voix. Le RN engrange deux fois plus de voix (14,6%) que la majorité présidentielle. Jordan Bardella donne à son parti son meilleur score à des élections européennes, supérieur de 8points à celui de 2019. Cette victoire constitue une étape supplémentaire vers la conquête de l'Elysée en 2027, espèrent les stratèges du parti que de nouvelles élections législatives pourraient à nouveau conforter dans les urnes. Depuis plusieurs mois, les dirigeants du RN assuraient se préparer à cette éventualité, auditionnant des candidats dans le cadre d'un « Plan Matignon » destiné à être activé en cas de dissolution. « Le vote Bardella est devenu multi-classes, multi-territoires, multi-générations », indique Vincent Tiberj, sociologue et professeur à Sciences Po Bordeaux. Renforçant ses bases, les votes des ouvriers et des employés, le parti lepéniste est « en progression chez les cadres, les retraités, les catholiques et les électeurs de droite classique », soit « des catégories qui refusaient, moralement, et en termes de compétences, de voter pour ce parti ». Autres progressions notables, selon une analyse de l’institut Ipsos : la liste Bardella gagne neuf points chez les moins de 25 ans, passant de 15 % en 2019 à 26 % des voix en 2024, et dix points dans l’électorat féminin (de 20 % des voix en 2019 à 30 % aujourd’hui). Les scores inhabituellement élevés du RN dans certaines régions, comme la Bretagne, illustrent ces différentes percées. Après s’être implanté, dans les années 2000, dans des territoires historiques de la gauche, au Nord, à l’Est et dans le Sud, le RN écrase désormais l’autre grande famille politique dans des zones fortes que sont le Sud-Est, le Grand-Est ou la Bourgogne. De ce score, le président de la République a déduit la nécessité de dissoudre l'Assemblée nationale. À gauche comme à droite, petites négociations et grandes manœuvres sont lancées pour définir, en urgence, une stratégie de campagne pour les législatives qui se tiendront les 30 juin et 7 juillet. La gauche propose un Front populairedont la constitution et le programme ont jusqu’à présent laissé sur la touche Raphaël Glucksmann bien que sa liste ait fait presque fait jeu égal avec celle de Renaissance. LFI, malgré un score plus faible de moitié, ne semble en pâtir ni dans la distribution des candidatures, ni dans l’élaboration du programme. Le patron de Les Républicains, Éric Ciotti a provoqué une tempête chez les siens en appelant, mardi, à rejoindre Marine Le Pen. La tête de liste LR, François-Xavier Bellamy, après s’être dressé contre Ciotti a déclaré qu’entre le RN et LFI, il choisirait le RN.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Auditeurs de Google podcasts : Attention ! Le 23 juin, l’appli va fermer, et vous ne pourrez plus nous écouter, ni retrouver nos épisodes précédents. Vous pouvez basculer sur une autre plateforme, toujours gratuite. Le choix est ici : https://audmns.com/uSiUSLT Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 12 avril 2024. Avec cette semaine : Tarek Daher, délégué général d’Emmaüs France. Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors. Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. EMMAÜS Tarek Daher, vous êtes délégué général d’Emmaüs France. Diplômé de Sciences Po et des universités Paris I et Dauphine, vous débutez votre carrière dans le domaine du conseil, notamment sur les politiques publiques d’emploi et de formation professionnelle et sur les questions d’aménagement du territoire. Vous dirigez ensuite le Mouvement des Régies sept ans durant : il rassemble 130 associations, 10 000 salariés et 2 500 bénévoles intervenant principalement dans les quartiers populaires et le monde rural. Vous êtes un familier de l’économie sociale et solidaire et c’est en tant que tel qu’en 2023, vous êtes recruté par Emmaüs pour y diriger l'activité française. Le Mouvement Emmaüs, fondé par l’abbé Pierre en 1949, compte aujourd’hui 300 structures indépendantes en France. Les communautés Emmaüs, longtemps des espaces de non droit, sont aujourd’hui très nombreuses et les compagnons au nombre de 5.000. Emmaüs fonctionne en autonomie et ne reçoit pas de subvention : aussi porte-t-elle toujours son projet originel, celui de l’accueil inconditionnel. Dans l’association, une valeur prime, celle du travail. Parmi les activités du mouvement, des fermes pour réinsérer les détenus en leur offrant, pour la dernière année de leur peine, une période de travail salarié et responsable. L’action sociale de la Fondation Abbé Pierre, pour aider au logement des défavorisés, les SOS Familles Emmaüs qui luttent contre le malendettement des ménages en situation de précarité. Enfin, Emmaüs Solidarité coordonne à la fois accueils de jour et hébergements généralistes et spécialisés : centres d’hébergement d’urgence et de stabilisation, maisons relais, pensions de famille, centres d’hébergement et de réinsertion sociale et centre d’accueil pour demandeurs d’asile. Depuis l’Abbé Pierre, Emmaüs n’a pas cessé d’évoluer. Quels sont à vos yeux les points principaux de cette évolution et comment Emmaüs s’inscrit-il dans cette économie sociale et solidaire qui représente 10% du PIB?Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Auditeurs de Google podcasts : Attention ! Le 23 juin, l’appli va fermer, et vous ne pourrez plus nous écouter, ni retrouver nos épisodes précédents. Vous pouvez basculer sur une autre plateforme, toujours gratuite. Le choix est ici : https://audmns.com/uSiUSLT Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 31 mai 2024. Avec cette semaine : Akram Belkaïd, journaliste au Monde diplomatique. Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Matthias Fekl, avocat et ancien ministre de l’Intérieur. Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova. ISRAËL/PALESTINE: QUE DOIT VOULOIR ET QUE PEUT FAIRE LA FRANCE? En 1974, la France, pionnière sur la question israélo-palestinienne, s'est prononcée en faveur de l'admission de l'Organisation de libération de la Palestine à l'ONU en tant que membre observateur. En 1982, François Mitterrand a été le premier président à exprimer devant le parlement israélien, la Knesset, le projet de création d'un État palestinien. La France a par la suite voté en faveur du statut d'État observateur non-membre aux Nations unies en 2012, et en faveur du déploiement du drapeau palestinien à l'ONU en 2015. Comme on le lit sur le site du ministère des Affaires étrangères: Paris s'en remet aux résolutions adoptées au sein de l'ONU, et défend donc «une solution à deux États (résolution 181 de l'Assemblée générale des Nations unies), une solution juste pour les réfugiés (résolution 194 de l'Assemblée générale des Nations unies), la fin de l'occupation israélienne (résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations unies) et la préservation du statut de Jérusalem (résolutions 476 et 478 du Conseil de sécurité des Nations unies) ». La page a été mise à jour pour la dernière fois en 2020. Le18octobre dernier, la France a été un des seuls pays occidentaux du Conseil de sécurité des Nations unies à voter le projet porté par le Brésil, d’une résolution condamnant l'attaque terroriste du Hamas, exigeant la libération des otages, mais aussi l’ouverture urgente d'un accès humanitaire et le rappel de la perspective de la création des deux États. La France a également voté les résolutions présentées par les Émirats arabes unis pour accorder de nouveaux droits à l'État «observateur » de Palestine au sein des Nations unies. Le 21 mai, la France a apporté son soutien à la demande du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) d’un mandat d’arrêt contre le premier ministre de l’État hébreu, Benyamin Nétanyahou, et Yoav Gallant, son ministre de la Défense, ainsi que contre trois dirigeants du Hamas. Cependant, « ces demandes simultanées ne doivent pas créer d'équivalence entre le Hamas et Israël, a expliqué le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné. D'un côté, vous avez un groupe terroriste qui s'est félicité des attaques du 7 octobre. Et de l'autre côté, vous avez un état démocratique qui doit respecter le droit international ». En revanche, à l’Assemblée nationale, l’initiative du député MoDem du Loiret Richard Ramos de transformer le groupe d’études à vocation internationale France-Palestine en groupe d’amitié a été rejeté le 15 mai. Et si, le 22 mai, la Norvège, l'Irlande et l'Espagne ont reconnu l'État palestinien, rejoignant les139pays qui ont déjà reconnu cet État (sur les 193 que compte l’ONU), la France a refusé de se joindre à ce mouvement. Le chef de la diplomatie française a estimé que la décision, quoique « non tabou », devait «intervenir au bon moment» et « permettre une avancée décisive sur le plan politique ». Dans un tweet, il a rappelé « les priorités de la France : libération immédiate des otages, cessez-le-feu, aide humanitaire massive et deux États vivant en paix et en sécurité ». EVOLUTIONS DU TEXTE SUR LA FIN DE VIE Le projet de loi relatif à « l'accompagnement des malades et de la fin de vie» a été présenté le 10 avril 2024 en Conseil des ministres. Il est articulé autour de trois grands axes : l'aide à mourir à proprement parler, les soins palliatifs et l'accompagnement, les droits des patients et de leurs aidants. Le 17 mai, au terme d'une intense semaine de débats, le texte a été approuvé à main levée par une commission spéciale. Débattu dans l'hémicycle depuis lundi, le texte comprend des critères d’accès à l’aide à mourir élargis à la faveur d’amendements portés en commission par la gauche, mais aussi par une partie des députés de la majorité présidentielle. La formulation du critère selon lequel, le patient devra être atteint d'une pathologie incurable qui menace ses jours « à court ou moyen terme » a fait l'objet de critiques de spécialistes de la fin de vie, car jugée trop floue. Elle a été réécrite par les députés de la commission spéciale qui ont préféré la notion d'affection « en phase avancée ou terminale ». Ce changement rend éligibles à l’aide à mourir des personnes atteintes d’affections incurables dont l’espérance de vie peut être de plusieurs années. C’est le cas de certaines maladies neurodégénératives. « Cela peut conduire à inclure de nombreuses pathologies non mortelles qui sortent de la philosophie du projet de loi. Le gouvernement proposera donc d’y revenir », a indiqué le Premier ministre Gabriel Attal, dans La Tribune dimanche. En revanche, les quatre autres critères encadrant le droit à l’aide à mourir demeurent inchangés. Il faut être majeur, résider en France ou être de nationalité française, être capable d'exprimer ses dernières volontés avec discernement et souffrir de douleurs insupportables ou réfractaires au traitement. Sur l’autre volet du projet de loi, qui prévoit le développement des soins palliatifs, le gouvernement s’est voulu rassurant. La ministre de la Santé, Catherine Vautrin a rappelé que 1,1milliard d’euros supplémentaires sur dix ans seront consacrés au secteur financé à hauteur de 1,6milliard d’euros. Plusieurs sondages décrivent des Français majoritairement favorables à la légalisation d'une forme d'aide à mourir. L’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité a salué l’avènement du projet de loi. La gauche également, ainsi que la majorité des députés macronistes. Le monde médical est divisé. Plusieurs associations de soignants se déclarent contre le texte et les opposants au projet les plus virulents demeurent les équipes de soins palliatifs. Les évêques français se sont prononcés contre le projet. Compte-tenu de la sensibilité du sujet, tous les groupes de l’Assemblée nationale laisseront à leurs membres la liberté de vote. Le Parti socialiste, les écologistes et les députés « insoumis » ont annoncé leur volonté de poursuivre l’assouplissement du texte au cours des débats, qui doivent durer quinze jours au Palais-Bourbon. La procédure d’urgence n’ayant pas été demandée, les allers-retours entre députés et sénateurs peuvent durer des mois.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Cette émission est une rediffusion. Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 15 décembre 2021. Avec : Jean-François Merle, conseiller d’Etat honoraire et ancien collaborateur de Michel Rocard. Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique. Lucile Schmid, membre du comité de rédaction de la revue Esprit. Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova. NOUVELLE-CALÉDONIE: UNE PAGE MAL TOURNÉE Le 12 décembre 2021, les habitants de Nouvelle-Calédonie ont été appelés pour la troisième fois à s’exprimer par référendum sur l’indépendance de leur île. Située à 1 400km à l’Est de l’Australie, elle est une collectivité d’Outre-Mer française à statut particulier. Le territoire a conservé des séquelles de sa colonisation, fracturé entre d’un côté au nord et dans les îles Loyauté des populations indigènes kanakes, principale force indépendantiste, et au sud une large majorité de « Caldoches », descendants d’Européens, fournissant le gros des forces loyalistes. L’opposition historique entre ces deux camps a dégénéré et basculé dans le sang au cours des années 80, avant d’aboutir à la négociation, puis aux accords de Matignon-Oudinot en 1988 dont les visées étaient de pacifier les relations en entamant un processus d’émancipation. Dix ans plus tard, l’accord de Nouméa accordait une relative autonomisation à ces îles du Pacifique, en les dotant d’institutions propres et en leur promettant trois referendums sur leur indépendance dans les vingt ans. Si au cours des deux précédentes consultations, en 2018 et 2020, une majorité de Calédoniens a voté en faveur d’un maintien dans la République, l’écart s’est progressivement réduit et le « non » à la question « Voulez- vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » ne l’a emporté l’an dernier qu’à 53,3% des voix. (56,4% en 2018).Le référendum du 12 décembre s’est traduit par un non à l’indépendance à 96,49% des voix et 3,4% de oui. Ses suites sont frappées d’incertitudes diverses en raison d’un appel au boycott d’une majorité des mouvements indépendantistes, qui souhaitaient un report du scrutin en arguant d’une situation sanitaire ne permettant pas le déroulement optimal de la consultation. Cet appel a été largement suivi puisque le taux de participation s’est établi à 43,90% cette année, contre près de 86% lors de la dernière consultation en 2020. Autant d’éléments qui complexifient les négociations nécessaires à la définition d’un nouveau statut pour le Caillou.L’île est placée au cœur de tensions entre la Chine et ses voisins en Asie, à la fois pour ses ressources, dans la mesure où elle concentre 15% des réserves mondiales de nickel, et son emplacement privilégié en Océanie, alors que l’Empire du Milieu tisse progressivement des liens par ses Nouvelles Routes de la Soie vers l’Europe.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 24 mai 2024. Avec cette semaine : Nicolas Baverez, essayiste et avocat. Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova. L’UKRAINE À LA PEINE La Russie a lancé le 10 mai une offensive surprise contre Kharkiv, deuxième ville du pays, emportant de l'aveu de l'état-major ukrainien des « succès tactiques ». L’Ukraine a été prise de court, ses forces étant affaiblies par le manque d'armements et d'hommes, du fait notamment de la lenteur de l'aide européenne et de l'arrêt quasi-total pendant des mois de celle venant des États-Unis. En visite à Kyiv, le 15mai, le secrétaire d’État américain, Antony Blinken a, pour la première fois, laissé entendre que les forces ukrainiennes pourraient frapper le territoire russe avec des armes fournies par les Etats-Unis. Depuis le début du conflit, les alliés de l’Ukraine étaient inflexibles : interdiction d’utiliser leurs missiles, drones ou obus pour bombarder des cibles situées hors du territoire souverain du pays. Seul le sol ukrainien – comprendre la Crimée et la partie du Donbass occupées par les Russes – pouvait être visé. Imposée par peur d’une escalade avec Moscou, cette restriction était respectée par Kyiv, qui dépendait trop des livraisons occidentales pour enfreindre la règle fixée par ses alliés. L’offensive lancée le 10mai par Moscou dans la région de Kharkiv a changé la donne. Antony Blinken a également annoncé une aide militaire de 2 milliards de dollars pour renforcer les capacités de défense de l'Ukraine. Elle provient de l'enveloppe de 60Mds de dollars en faveur de l'Ukraine, récemment approuvée par le Congrès américain après des mois de blocage. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rappelé que la défense aérienne constituait « le plus gros problème » de l'Ukraine, et son «plus grand déficit ». Selon lui, l'Ukraine aurait besoin de deux systèmes Patriot supplémentaires pour défendre Kharkiv. Les États-Unis ne sont pas les seuls à se mobiliser en faveur de l’Ukraine: le 13 mai, le chancelier allemand Olaf Scholz et ses homologues des pays nordiques ont appelé à renforcer d'urgence l'aide à l'Ukraine, alors que la France a annoncé la livraison à venir d'un nouveau lot de missiles Aster sol-air à Kyiv. Mardi, l’Union européenne a validé l'utilisation des revenus issus des avoirs russes gelés, soit 3Mds€ cette année dont 90% devraient aller aux forces armées ukrainiennes. Réunis depuis jeudi à Stresa en Italie, les ministres des finances du G7 discutent d'un plan américain visant à accorder à l'Ukraine jusqu'à 50Mds de dollars de prêt garanti par les futurs bénéfices générés par les actifs russes immobilisés. Selon le commandant suprême des forces alliées en Europe, le général américain Christopher Cavoli, la Russie n'aurait pas les forces suffisantes pour aboutir à une percée majeure dans son offensive en cours en Ukraine. Dimanche, l'état-major ukrainien affirmait que les attaques russes dans la région de Kharkiv avaient été « légèrement ralenties». Toutefois l'Organisation mondiale de la santé a indiqué mardi que plus de 14.000 personnes ont été déplacées en raison des combats. NOUVELLE-CALÉDONIE: LA TOURMENTE Pillages, incendies, échanges de tirs... La Nouvelle-Calédonie est secouée depuis le 13 mai par des émeutes qui ont déjà fait six victimes et de considérables dégâts qui pèsent sur la vie quotidienne des populations. Elles vont avoir de lourdes conséquences pour l'économie locale déjà traversée par une grave crise du nickel, qui représente plus de 25% des emplois du « Caillou», et près de 20% de son PIB et qui a connu en 2023 une baisse de prix de 45%. Afin de rétablir l’ordre, le président de la République a annoncé l'état d'urgence, entré en vigueur le 15mai à Nouméa. Il consiste en un couvre-feu nocturne, l'interdiction des rassemblements, du transport d'armes et de la vente d'alcool ainsi que l'interdiction de l’application TikTok. La Nouvelle-Calédonie est devenue un Territoire d'outre-mer en 1946 et les Kanak ont obtenu la nationalité française, puis le droit de vote. Les violences qui ont opposé indépendantistes kanaks et loyalistes caldoches dans les années 1980, ont trouvé un apaisement en 1988 à travers les accords de Matignon négociés par Michel Rocard, accords qui organisaient un rééquilibrage économique et un partage du pouvoir politique. En 1998 l’accord de Nouméa a doté l'archipel d'un statut unique dans la République française reposant sur une autonomie progressive et sur trois référendums. Le premier, en 2018, voit le non à l'indépendance l'emporter à 56,7%, ce que confirme le deuxième, en 2020 (53,26% de non). En 2021 le non l'emporte à 96,5%, mais les indépendantistes contestent la validité du scrutin, marqué par une forte abstention (56,1 %) en pleine épidémie de Covid-19. Jusqu’à présent seuls les électeurs inscrits sur listes avant 1998 et leurs descendants étaient reconnus par le code électoral de Nouvelle-Calédonie pour les élections régionales. En votant un projet d’élargissement du corps électoral aux résidents depuis au moins dix ans, l’Assemblée nationale et le Sénat ont ouvert la voie à une réforme constitutionnelle qui devrait être approuvée par le Congrès. Les indépendantistes la rejettent, estimant qu'elle lèse le poids électoral du peuple autochtone Kanak. Quelque 271.400 habitants, selon le dernier recensement de 2019, vivent dans l'archipel. Parmi eux, 29% de la population est issue de la communauté européenne, dont les Caldoches, descendants des colons blancs. Les Kanak, premiers habitants du pays, sont progressivement devenus minoritaires sur l’archipel avec 41% de la population aujourd’hui, tandis que l’on compte 30% d’habitants originaires d’îles du Pacifique ou répondant à la catégorie «autres ». Jeudi à Nouméa, le chef de l’État, à défaut de retirer le projet de réforme du corps électoral, s’est engagé à ne pas le «passer en force». En cas d’accord politique global, il souhaite que le projet soit soumis au vote des Néocalédoniens. Conditionnant la fin de l’état d’urgence à la levée des barrages, il a aussi annoncé la mise en place d’une «mission de médiation et de travail» pour remettre tous les acteurs politiques autour de la table, avec la promesse d’un État «impartial».Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 25 avril 2024. Avec cette semaine : Jean-Dominique Merchet, journaliste spécialiste des questions de Défense. Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. Michel Winock, historien et écrivain. LA FRANCE EST-ELLE PRÊTE POUR LA GUERRE? Si l’armée française était, demain, déployée dans un «engagement majeur» de «haute intensité», comme en Ukraine, elle pourrait tenir un front de 80 kilomètres. Pas plus! Le front ukrainien s’étend, lui, sur près de 1000kilomètres… Armée bonzaï, voire échantillonnaire, l’armée française dispose de presque tous les matériels - elle manque toutefois de drones et surtout de munitions – et ne compte pas suffisamment d’hommes. Nous sommes passés de 160.000 hommes en 1991, avant la fin de la conscription en 1996, à 15.000 en 2013. Désormais, on ne donne plus de chiffres d’effectifs. L’armée française ne fait donc pas masse. Parmi les réponses à cette situation, certains préconisent le retour au service militaire, d'autres un modèle de volontaires, d’une réserve à l’instar des Etats-Unis. Révélé à l’occasion de la guerre d’Ukraine, notre manque criant de munitions se résume à deux chiffres: pour la seule armée française, «les contrats actuels permettent de financer 6.000 coups par an, voire 9.000 coups au maximum». C’est ce que les Ukrainiens tirent chaque jour… Toutefois, à l’abri de sa géographie, de sa dissuasion nucléaire et de ses alliés, la France peut faire l’impasse sur la perspective d’une guerre «à l’ukrainienne». Il est impossible de prévoir quelle forme prendrait une future guerre. Aucune guerre ne ressemble à une autre. Il est donc impossible d’être prêt pour la guerre. Nous n’aurions pas de meilleur choix que de nous y adapter le plus vite et le mieux possible. Sur le plan militaire, cela suppose que les armées deviennent des «organisations apprenantes de combat». Ce n’est pas gagné d’avance, à cause de leur structure très hiérarchisée et du poids des traditions en leur sein. L’impulsion doit donc venir du politique et de la société civile. Se pose dès lors la question de la capacité des Français qui passent pour égoïstes et indiscipliné à faire face collectivement aux exigences encore inconnues de la guerre. L’EUROPE EST-ELLE PRÊTE POUR LA GUERRE? La Russie consacrera cette année, croit-on, 6% de son PIB à la défense, tandis que l'Union européenne dépense en moyenne moins que l'objectif fixé par l'OTAN, soit 2% du PIB. Depuis des décennies, l'Europe n'investit pas suffisamment dans sa sécurité et sa défense. Rompant avec la croyance née à la fin de la Guerre froide dans les fameux «dividendes de la paix», confrontée au plus grand défi en matière de sécurité depuis la Seconde Guerre mondiale, l’Europe sait qu’elle doit intensifier l’effort commencé avec la guerre d’Ukraine. L’industrie européenne de la défense a augmenté ses capacités de production de 50%, et elle doublera sa production de munitions pour atteindre plus de 2millions d'obus par an d'ici la fin de l'année prochaine. Lors de la réunion à Bruxelles le 21 mars, des chefs d’États et de gouvernements européens, à l’exception de la Hongrie et de la Slovaquie, tous les pays membres partageaient une obsession: accroître au plus vite l’aide militaire à Kyiv. L’Union européennevit un moment de bascule, qui l’amène à envisager des initiatives encore inimaginables il y a peu. Même si les Vingt-Sept sont encore loin d’un accord sur le sujet, ils n’excluent plus de s’endetter ensemble pour financer leur industrie de défense et livrer des armes à l’Ukraine, comme ils l’ont fait pour contenir les ravages économiques de la pandémie liée au Covid-19. Les Vingt-Sept ont eu un premier échange sur la stratégie de renforcement des industries européennes de défense, présentée début mars par la Commission. Ils ont enfin demandé à la Banque européenne d’investissement, qui, aujourd’hui, ne peut financer que des équipements à double usage, militaire et civil, d’«adapter sa politique de prêts à l’industrie de la défense». Les Vingt-Sept demandent donc à la Commission d’explorer «toutes les options» et de leur remettre un rapport sur le sujet en juin. L’exécutif communautaire a les mains libres pour étudier la possibilité d’un nouvel emprunt des Vingt-Sept. «Les États membres ont dépensé 100milliards de plus pour leur défense», depuis le début de la guerre, rappelle la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. La Première ministre estonienne, Kaja Kallas, a lancé l’idée d’un fonds pour la défense de 100milliards d’euros, financé par une dette commune. L’initiative a fait des émules, notamment à Paris et à Varsovie. Dans une lettre commune envoyée au Vice-président de la Commission européenne, Josep Borrell, le 20mars, le ministre français des affaires étrangères, Stéphane Séjourné, avec ses homologues letton, lituanien, estonien, portugais et roumain, argumentent: «Face à la pandémie de Covid-19, nous avons agi avec solidarité et mis en place des instruments sans précédent. Face à l’agression de la Russie, nous entrons également dans l’histoire.» L’Allemagne n’est pas à ce stade sur cette ligne.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 3 mai 2024. Avec cette semaine : Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova. Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. BARDELLA: DE QUOI S’AGIT-IL? Avec à sa tête Jordan Bardella, la liste du Rassemblement national aux européennes, caracole en tête des sondages. Elle atteint 32% dans la dernière enquête Ipsos, fin avril, pour Le Monde et se situe 15points devant celle de la majorité présidentielle. Les experts électoraux dressent le même constat : à partir d’un socle élevé, le Rassemblement national se renforce dans ses bastions populaires et s’élargit en direction des cadres et des retraités, tandis qu’il confirme son emprise sur les jeunes. Dans un sondage Ifop, publié en mars dans Le Figaro, Jordan Bardella récolte 27 % chez les 18-24 ans et 33 % chez les 25-34 ans. « Déjà, le vote RN est un vote jeune», explique Frédéric Dabi, directeur général de l'Ifop.Il apparaît en rupture avec les stéréotypes classiques des personnels politiques ». Le président du Rassemblement national pèse un million d'abonnés sur TikTok, troisième personnalité la plus suivie sur le réseau social après Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron. À 28 ans, le dauphin de Marine Le Pen n’a pas fait d’études poussées, il a fréquenté à peine quelques semaines la faculté de géographie, mais compte déjà douze ans de terrain. De ses origines: sa naissance dans un quartier peu favorisé de Seine-Saint-Denis, le divorce de ses parents, le HLM dans lequel il est élevé par sa mère, agent territoriale, il fait une force : celle de ne pas être coupé du peuple. Il fait même un clin d’œil aux étrangers en évoquant fréquemment ses « racines italiennes». En 2015, il est élu à 20 ans conseiller régional d’Île-de-France, plus jeune élu régional de France. En 2019, il prend la tête de la liste du RN pour les élections européennes, marquant ainsi son entrée sur la scène politique nationale. Malgré sa jeunesse et son manque d’expérience, il obtient plus de 23 % des voix, ce qui place le RN en tête du scrutin. En novembre2022, face à Louis Aliot, il devient président du parti, avec plus de 85% des voix, et après un demi-siècle de gouvernance des Le Pen. Son discours reprend les thèmes classiques du parti : sécurité, immigration, souveraineté nationale, et identité nationale. Au Parlement européen, la tête de liste du Rassemblement national déclare s'appuyer sur son assiduité lors des votes en sessions plénières. Mais ce n'est qu'une infime partie du travail parlementaire. Pour ce qui est du reste, notamment du travail en commission Jordan Bardella brille par ses absences. Pratiquant l’évitement vis-à-vis des médias, il a refusé par trois fois de débattre avec ses adversaires. Le 25avril, il a quitté une conférence de presse qu’il avait convoquée pour faire pièce à celle d’Emmanuel Macron sans se prêter au jeu des questions-réponses avec les journalistes, au prétexte que le président de la République ne l’avait pas fait. Fort de ses bons sondages depuis l’automne, Jordan Bardella a théorisé la dimension nationale du scrutin européen dans le but d'en faire un marchepied vers l'élection présidentielle. LE RAPPORT ENRICO LETTA SUR L’UNION EUROPÉENNE L’ancien président du Conseil italien Enrico Letta a présenté aux Vingt-Sept, réunis à Bruxelles le 18avril, son rapport sur le marché intérieur. Pendant huit mois, il a sillonné l’Union européenne, rencontré tous les chefs d’État et de gouvernement européen ainsi que des représentants des entreprises, de la société civile ou des intellectuels. Il préconise d'approfondir le marché unique, notamment dans les secteurs de la finance, des télécoms de l'énergie, et de la défense, secteurs que les États membres avaient souhaité exclure, lorsque Jacques Delors a créé le marché unique, il y a bientôt quarante ans, Or «le fossé se creuse entre l'UE et les Etats-Unis. La prochaine législature doit être celle du rattrapage de notre retard», avertit Enrico Letta qui se fait particulièrement sévère sur la finance, un des facteurs clefs du déclassement européen. Il juge urgent de développer un « marché financier européen plus intégré et plus robuste » et propose une « union de l'épargne et des investissements » afin de retenir en Europe les flux de capitaux qui partent aujourd'hui massivement vers les Etats-Unis. En Europe, l'épargne privée est abondante - estimée à 35.000milliards d'euros - et largement inexploitée. Mais cette manne est aussi un tuyau percé: 295milliards d'euros quittent chaque année l'Europe vers les marchés financiers américains, aux fonds d'investissement et de pension plus attractifs... qui rachètent ensuite des entreprises européennes. Comme le résume un haut responsable français, «nous finançons aujourd'hui triplement l'économie américaine: par l'épargne, par les achats de défense et par les importations de gaz». Le marché des télécoms est également en proie à la fragmentation: plus de 100opérateurs coexistent aujourd'hui sur le continent. Un opérateur télécoms européen compte en moyenne seulement 5millions d'abonnés, contre 107 millions aux Etats-Unis et 467millions en Chine. De même, le secteur de l'énergie souffre d'interconnexions insuffisantes au niveau européen. Il est donc nécessaire de renforcer l'intégration des marchés européens dans le domaine de l’énergie pour réduire les divergences de prix de l'électricité entre les États membres, divergences exacerbées depuis la crise provoquée par l'invasion de l'Ukraine et la fermeture des robinets du gaz russe. Dans le secteur de la défense, l'Europe paie là encore «le prix de la fragmentation»: «80% de ce que nous avons dépensé pour soutenir militairement l'Ukraine est allé vers des fournisseurs non européens», alerte Enrico Letta. Non seulement l'Europe est fragmentée, mais elle a, devant elle et de manière urgente, dans les domaines des technologies vertes, du numérique (intelligence artificielle), de la sécurité et de la défense un besoin d'investissements que Mario Draghi a évalué entre 500et 600milliards d'euros. Pour compléter le travail d’Enrico Letta, l’ancien président de la BCE remettra en juin un rapport sur la compétitivité de l'Union européenne. Les décisions sont reportées à l’après élections européennes et alimenteront un «programmestratégiquepour les cinqprochaines années» qui devrait être adopté en juin.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 25 avril 2024. Avec cette semaine : Nicolas Baverez, essayiste et avocat. François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France. Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. LA RELATION DES FRANÇAIS À L’UNION EUROPÉENNE Les sondages effectués par la Commission ou le Parlement européen auprès descitoyens européensmontrent un intérêt réel des Français pour l’Europe conforté par uneparticipation en nette haussedes Français aux dernièresélections européennesde 2019 (50,12%), contre 40,6% en 2009 et 42,4% en 2014. D’après l’Eurobaromètre de la Commission européenne réalisé en février-mars 2021, 57% des Français se déclarent attachés à l’Union européenne, soit une hausse de 4points par rapport à l’été 2020. De plus, selon l’Eurobaromètre du Parlement européen du printemps 2021 la grande majorité des Français estiment que la voix de la France compte dans l’UE (75%). L’étude de la Fondation Jean Jaurès et du Cevipof en partenariat avec Ipsos et Le Monde, baptisée «Fractures françaises», publiée en octobre 2022, montre néanmoins, que le niveau de confiance en l’institution européenne varie en fonction de l’affiliation politique de la personne interrogée et de sa catégorie socioprofessionnelle. Sans surprise, les sympathisants des partis ayant un discours et un programme pro-européens sont les plus enclins à se dire confiants en l’UE: ceux du Parti socialiste (68%), d’Europe Ecologie-Les Verts (73%) et de La République en marche (devenu Renaissance, 87%) figurent en tête. De surcroît, l’étude met en exergue une différence de perception en fonction de la catégorie socioprofessionnelle d’appartenance. Les ouvriers se disent beaucoup moins confiants en l’UE (36%) que les cadres (63%), et les professions intermédiaires, les employés et les retraités se situent à un niveau comparable à celui de la population générale. En mars 2023, 71% des Français se sont déclarés en faveur de l'euro (71% dans l'ensemble de l'Union), 69% en faveur d'une politique de défense et de sécurité commune (77% dans l'ensemble de l'Union), 64% déclarent être satisfaits de la réponse apportée par l'Union européenne en soutien à l'Ukraine (69% dans l'ensemble de l'Union) et 64% pensent que les actions de l'Union européenne ont un impact sur leur vie quotidienne (71% dans l'ensemble de l'Union). En revanche, 54% des Français ne sont pas satisfaits de la manière dont l'Union a géré les enjeux de migration et d'asile (50% dans l'ensemble de l'Union), 50% ne sont pas satisfaits du « Green Deal » de l'Union européenne (43% dans l'ensemble de l'Union). Pour l'instant, l'intérêt déclaré des citoyens pour les élections européennes est faible en France: 40% sont intéressés contre 56% dans l'ensemble de l'Union. Un niveau équivalent à celui de la Bulgarie (41%) très éloigné de celui de l’Allemagne (65%). Selon la dernière enquête Eurobaromètre publiée le 17 avril, 52% des Français interrogés se disent pessimistes sur l’avenir de cette Union que leur pays a œuvré à forger. Jeudi, à un mois et demi des élections européennes, Emmanuel Macron a prononcé à Paris un nouveau discours sur l'Europe. LE DÉBLOCAGE DES MILLIARDS AMÉRICAINS POUR L’UKRAINE Après de longues et difficiles tractations, le 20 avril, la Chambre américaine des représentants dans un vote bipartisan a adopté par 310 voix pour - dont 101républicaines - contre 112, un grand plan d'aide à l' Ukraine, Israël et Taïwan. L’enveloppe de 95milliards de dollars, dont 61 milliards pour l’Ukraine, était réclamée depuis des mois par le président Joe Biden. Quelques minutes après le vote, le président ukrainien a estimé que l'aide américaine «sauvera des milliers et des milliers de vies ». Le président Joe Biden a salué l'« aide cruciale » à Israël et l'Ukraine, comme étant au «rendez-vous de l'Histoire ». Le Kremlin a dénoncé l'aide américaine qui « tuera encore plus d'Ukrainiens à cause du régime de Kyiv ». Le Congrès américain n'avait pas adopté de grande enveloppe pour son allié depuis décembre 2022, principalement en raison de querelles partisanes. Le plan d’aide à l’Ukraine inclut 14 milliards de dollars pour les systèmes de défense américains, 13 milliards de dollars pour reconstituer aux États-Unis les stocks d’armes déjà données à l’Ukraine, 7 milliards de dollars pour les opérations militaires américaines dans la région et 9,5 milliards de dollars d’aide économique. Il autorise le président Biden à confisquer et à vendre des actifs russes, pour qu'ils servent à financer la reconstruction de l'Ukraine - une idée qui fait également son chemin auprès d'autres pays du G7. Après des mois de tergiversations, le chef républicain de la Chambre, Mike Johnson, a fini par apporter son soutien, sous les huées d'élus trumpistes, hostiles à une telle aide. « Pour le dire franchement : je préfère envoyer des munitions à l'Ukraine qu'envoyer nos garçons se battre », a-t-il plaidé. Deux jours avant le vote, le directeur de la CIA, Bill Burns avait déclaré « sans aide supplémentaire, le risque est réel que les Ukrainiens perdent sur le champ de bataille d’ici à la fin de 2024 ». Depuis le début de l'année et le tarissement descrédits américains, l'armée ukrainienne s'est retrouvée de plus en plus en difficulté. Les forces russes grignotaient mois après mois du terrain. L'Europe ne parvenait pas à compenser les obus et les missiles manquant à l'Ukraine. Le 7avril, le président Zelensky a, pour la première fois, affirmé que son pays « perdra[it] la guerre » si l’aide promise par les Etats-Unis restait bloquée au Congrès, expliquant que ses troupes pouvaient tirer un obus quand les Russes en envoyaient dix. Même tardif, le vote américain a été salué en Europe. La ministre des affaires étrangères allemande Annalena Baerbock a évoqué « un jour d’optimisme», son homologue italien parle d’un « tournant décisif ». Le président du Conseil européen, Charles Michel, s’est quant à lui réjoui de ce « message clair envoyé au Kremlin ». « Mieux vaut tard que trop tard », a commenté le premier ministre polonais Donald Tusk. Le retard de Washington pour débloquer cette aide a permis à la Russie de reprendre l’initiative sur le terrain. Mardi, le projet de loi a été adopté par le Sénat américain par 79 voix pour et 18 contre.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 19 avril 2024. Avec cette semaine : Akram Belkaïd, journaliste au Monde diplomatique. Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors. Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. JO, AUBAINE OU PROBLÈME? Entre le 26 juillet et le 11 août, 10 millions de spectateurs sont attendus dans l'Hexagone pour assister aux jeux Olympiques, dont une grande partie en Île-de-France, puis du 28 août au 28 septembre pour les jeux paralympiques. Autant de voyageurs prêts à payer le prix fort pour se loger à Paris, représentant une aubaine pour les bailleurs. Ils « peuvent avoir l'équivalent d'une année de revenus locatifs traditionnels en deux mois de location Airbnb », pointe le président de la Confédération nationale du logement. L’un des défis de ces jeux consiste à desservir 40 sites olympiques, avec une affluence pouvant monter jusqu'à 6.000 spectateurs à la minutecomme au Stade de France. Des alarmistes aux rassuristes, tous le concèdent : circuler en région parisienne pendant la compétition demandera de l'organisation. La région va déployer les grands moyens, avec une offre de transports en commun en augmentation de 15 % en moyenne par rapport à un été traditionnel, « et jusqu'à 70 % sur les lignes les plus sollicitées », précise Ile-de-France Mobilités. Actuellement, la facture provisoire des Jeux est de 8,8 milliards d'euros: 4,4 milliards d'euro pour le comité d'organisation et 4,4milliards d'euros pour les infrastructures (dont 1,7milliard d'euros publics). Toutefois la facture publique est impossible à établir, car tous les coûts ne sont pas connus. Se sont ajoutées récemment notamment les primes de 1.900 euros données aux policiers, qui pourraient représenter 500 millions d'euros. S'il existe un indéniable coup de fouet des jeux sur l'activité, les économistes préviennent que l'impact JO sera limité comparé à la taille de l'économie française. Le cabinet d’études Asterès l'estime à «environ 0,4 % du PIB français». Les Jeux devraient mobiliser au total 180.000 emplois, selon la dernière estimation du Centre de droit et d'économie du sport. Il s’agira avant tout de contrats de courte durée. Autre défi: la sécurité. Selon le politologue Gilles Kepel «les JO peuvent apparaître comme une cible de choix pour les terroristes». Notamment la cérémonie d’ouverture sur la Seine. Le Président de la République a donc annoncé envisager des lieux alternatifs comme le Trocadéro voire le Stade de France. Il a assuré en outre qu’il n’avait «aucun doute » sur le fait que la Russie puisse cibler les Jeux, « y compris en termes informationnels ». Le ministre de la Défense a fait savoir que 18.000 militaires seront mobilisables pour les JO, dont 3.000 aviateurs chargés de la surveillance aérienne. Pour l’heure, les réservations en provenance de l’étranger sont en deçà des prévisions. Selon un sondage réalisé par Harris pour Atout France auprès de 1.000personnes, « 69% desFranciliensprévoient de rester en Ile-de-France»pendant les Jeux olympiques et paralympiques. Parmi eux, « 33% affirment vouloir profiter de l'évènement. POUTINE, VAINQUEUR DU CHAOS ISRAËL-IRAN? Depuis le 7 octobre, Moscou a reçu à deux reprises des dirigeants du Hamas avec leurs parrains iraniens. Dans l'immédiat, Moscou continue d'apporter son soutien à «l'axe de la résistance», l'alliance politico-militaire entre l'Iran, la Syrie et les milices armées pro-Iran. Celle-ci remplit deux objectifs : fragiliser la présence américaine au Moyen-Orient et ouvrir un autre front pour détourner les moyens et l'attention de Washington de la guerre en Ukraine. Elle permet aussi d’affaiblir la domination occidentale sur les affaires du monde. Moscou qui n’a pas condamné l’attaque iranienne sur le territoire israélien, voit dans cette crise l’occasion d’enfoncer un coin entre l’Occident et le reste du monde. Après le lancement de drones et de missiles iraniens sur Israël dans la nuit du 13au 14 avril, le représentant permanent de la Russie auprès des Nations unies a évoqué une «réponse légitime» de la part de l’Iran et préféré insister sur «l’hypocrisie» occidentale dans le dossier. L’Iran est un allié vital de Moscou dans sa guerre contre l’Ukraine et fournit à la Russie drones et missiles. A la mi-mars, la Russie et l’Iran, avec la Chine, conduisaient des manœuvres militaires conjointes en mer d’Oman. C’est aussi au nom du face-à-face avec l’Occident que Moscou a sacrifié ses bonnes relations avec Israël et une politique régionale marquée jusque-là par un souci d’équilibre. Le politologue Gilles Kepelobserve que les relations entre l'Iran et la Russie ont évolué. Autrefois, les Iraniens étaient les alliés obséquieux des Russes. Mais leur position a été renforcée, parce qu'ils ont fourni à Poutine, à un moment crucial, des missiles Shahed qui ont fait des ravages en Ukraine, cassant le moral de la population. «Stratégiquement, Moscou a tout intérêt à l'ouverture de "fronts secondaires", estime Jean-Sylvestre Mongrenier, de l'Institut Thomas More. Ceux-ci conduisent les Etats-Unis et leurs principaux alliés à disperser leur attention et leur énergie politique, mais aussi à réallouer leurs efforts diplomatiques et leurs moyens militaires.» «Grâce à la crise, la Russie a une nouvelle occasion de répandre son narratif anti-occidental, explique, Anna Borshchevskaya, experte au Washington Institute. Pour l'instant, elle est gagnante», juge-telle. La guerre en Ukraine constitue une priorité absolue pour la Russie et les tensions au Proche-Orient sont analysées à l’aune de ce prisme. Des analystes russes cités dans la presse ajoutent la possibilité qu’une escalade provoque une hausse des prix de l’énergie, bénéfique à l’économie russe. Mais avec l'escalade du conflit avec l'Iran, les Américains pourraient juger nécessaire d'allouer en urgence des aides financières à Israël, ce qui impliquerait de verser aussi le paquet d'aide à l'Ukraine. En jeu : 60milliards de dollars pour Kyiv, une somme qui pourrait permettre aux Ukrainiens de tenir leurs lignes de défense.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 12 avril 2024. Avec cette semaine : François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France. Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors. Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. REVOIR LES DÉPENSES PUBLIQUES Le 10 avril, le gouvernement a fait évoluer sa prévision du déficit de 4,4% du PIB à à 5,1% espérés. Selon les prévisions de Bercy, ce déficit doit revenir à 2,9% en 2027. Il avait déjà sévèrement dérapé à 5,5% au lieu des 4,9% prévus en 2023, en raison principalement de recettes moindres que celles attendues. Au quatrième trimestre 2023, la dette de la France atteignait 3.200 milliards d’euros. Depuis 2017, elle s’est alourdie de près de 1.000milliards d’euros. Face au mur de la dette, le gouvernement cherche à faire des économies. Après l’annonce de 10milliards d'euros d’économies en 2024, le ministère des Finances a fixé un objectif de 20milliards supplémentaires à trouver en 2025 sur l’ensemble des trois postes (Etat, Sécurité sociale, collectivités locales). La Cour des comptes évoque, elle, 50milliards d'ici à 2027. Ce chantier des économies à réaliser en2025 est déjà ouvert. Des audits de la dépense ont été pour partie rendus au gouvernement, qui décidera des suites à leur donner d’ici à l’été. Quelques pistes sont déjà dans le débat public, comme notamment la réforme de l’assurance-chômage, les crédits d’impôts, les dispositifs de sortie de crise, les politiques de l’emploi et de la formation professionnelle, la revalorisation automatique des prestations sociales indexées sur les prix, à commencer par les retraites… La piste des affections de longue durée a été écartée. L’économiste Jean Pisani-Ferry estime que, si le péril financier n’a rien d’immédiat, il doit conduire à un réexamen collectif du budget et de son financement, sans exclure ni emprunt, ni impôt, ni réductions. Selon lui, en valeur 2025, ce sont 150milliards qu’il faut trouver dans les années à venir afin d’assainir les finances publiques et financer les priorités nouvelles. Priorités précisées par l’économiste Olivier Blanchard qui distingue trois composantes dans le déficit: celle liée aux dépenses traditionnelles (allocations-chômage, retraites, paiements des fonctionnaires…), celle liée à la défense contre la Russie et à la lutte contre le réchauffement climatique et, enfin, celles liées au soutien de l’activité en cas de ralentissement. Pour lui, le plan doit clairement être de diminuer les premières, d’augmenter les dépenses liées à la défense et au climat, qui sont vitales à court et long terme, et de soutenir l’économie si nécessaire. Le président de la République, jugeant le débat anxiogène souhaite que l'accent soit mis sur les recettes supplémentaires à engranger plutôt que sur les coupes. Il a rejeté l'idée de présenter des mesures d'économies dans le cadre d'un projet de loi de finances rectificatif qui aurait nécessité un examen parlementaire. Des mesures seront présentées en conseil des ministres le 17avril, et débattues au Parlement les 29 et 30 avril. Le verdict des agences de notation, qui doivent actualiser la note de crédit française, tombera dans quelques semaines. L’agence Moody’s a d’ores et déjà estimé « improbable » que le gouvernement atteigne son objectif de déficit de 4,4% du PIB en 2024 et de moins de 3% en 2027. ISRAËL-IRAN, LA PROCHAINE GUERRE? Le 1eravril, des frappes attribuées à l’aviation israélienne ont entièrement rasé le consulat iranien à Damas, la capitale syrienne. Elles ont tué 13personnes, dont plusieurs Gardiens de la révolution et deux commandants de la force Al-Qodsn. Parli eux, le plus haut gradé des gardiens de la révolution Mohammad Reza Zahedi, un général expérimenté de 65 ans en charge des opérations en Syrie et au Liban voisin. Une frappe prenant pour cible une enceinte diplomatique, ou même un bâtiment semi-officiel contigu, représente une escalade qui pourrait avoir des conséquences importantes. Ce faisant, « Israël a franchi une ligne », estime Ali Vaez, analyste de l'International Crisis Group. Le président iranien, Ebrahim Raïssi, a affirmé que ces frappes « ne resteraient pas sans réponse». L’Iran se trouve désormais face à un dilemme. Une riposte pourrait provoquer un conflit ouvert avec Israël et un embrasement régional. Un scénario que Téhéran cherche à éviter depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza, le 7octobre2023, laissant ses alliés au sein de « l’axe de la résistance » – le Hezbollah libanais, les milices irakiennes et les houthistes yéménites – attaquer seuls l’Etat hébreu en soutien du Hamas. Mais ne pas répondre pourrait ternir la réputation du régime au sein de cet axe et réduire à néant son pouvoir de dissuasion face à Israël. Depuis le début de la guerre civile en Syrie en2011, Israël a mené des centaines de frappes dans ce pays contre des positions du pouvoir syrien, des groupes pro-iraniens – comme le Hezbollah libanais – et des cibles militaires iraniennes, tout en prenant soin de ne pas tuer des ressortissants de la République islamique, afin d’éviter une confrontation plus large. Les États-Unis ont tenu à faire savoir à Téhéran qu’ils « n’étaient pas impliqués » dans le raid de Damas. La Russie et la Chine ont toutes deux dénoncé vigoureusement cette frappe, qualifiée d’ « inacceptable » par Moscou, qui soutient le régime de Bachar el-Assad à Damas. De son côté, l’Union européenne s’est contentée d’appeler à « la retenue». Afin de ne pas être surprise par des représailles, l'armée israélienne a annoncé avoir renforcé les unités de défense aérienne, mobilisé des renforts de réservistes, suspendu des permissions dans toutes les unités combattantes, et brouillé des signaux GPS afin de perturber d'éventuels vols de missiles iraniens, ou du Hezbollah. L'Iran dispose de missiles d'une portée de 2.000 km susceptibles d’atteindre des cibles stratégiques comme le ministère de la Défense à Tel-Aviv, le quartier des ministères à Jérusalem, mais aussi des raffineries, des centrales électriques, des hôpitaux …Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École alsacienne le 7 avril 2024. Avec cette semaine : Nicolas Baverez, essayiste et avocat. Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. LE MODÈLE SCOLAIRE DANS TOUS SES ÉTATS En décembre2023, Gabriel Attal, ministre de l'Éducation, défendait son «choc des savoirs» commeréponse aux mauvais résultats du classement Pisa, qui évalue les élèves des pays de l'OCDE. Outre lerenforcement du redoublementou le brevet comme examen d'entrée au lycée, voire le port de l'uniforme, il avaitpromis des groupesà effectifs réduits en français et en mathématiques pour les élèves de sixièmeet de cinquième et la répartition des élèves en trois sections en fonction de leurniveau, et ce, durant toute l'année scolaire. L'actuelle ministre de l'Éducation, Nicole Belloubet préfère l’appellation de «groupes de besoins» et insistedavantagesur les «compétences» à acquérir que sur le «niveau» des élèves. Le ministère assure que 2.330 postes seront débloqués, dont830créations, pour la mise en place de cette réforme. Classes toujours plus surchargées, école inclusive sans moyens, manque de formation et de soutien, rémunérations à la traîne : l'enquête dénommé « J'alerte », menée depuis décembre 2023 auprès des professeurs du premier degré par le syndicat FSU-SNUipp montre une institution « au bord de l'effondrement». Plus de 4.200personnes ont répondu. «L'inclusion sans moyens » est dénoncée par près des trois quarts(71%) des répondants. Les rémunérationset le temps de travail qui déborde préoccupent un sur deux, tandis que 46 % pointent la surcharge constante des classes. Les autres enseignements de l'enquête portent notamment sur la formation, jugée insuffisante et « subie plutôt que choisie». Le 2 avril, après six mois de travail, Paul Vannier, député La France insoumise, et Christopher Weissberg, député Renaissance, ont présenté leur rapport d’information sur le financement de l’enseignement privé sous contrat devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale. Leurs conclusions dressent un constat sévère concernant un système peu transparent, mal contrôlé, et dans lequel les « contreparties exigées des établissements privés sont loin d’être à la hauteur des financements qu’ils perçoivent au titre de leur association au service public de l’éducation ». Quarante ans après l’abandon du projet de création d’un grand service public et laïque d’enseignement par le ministre de l’éducation Alain Savary, en1984, les deux rapporteurs estiment que le cycle de l’évitement du débat par crainte de raviver une « guerre scolaire » touche à sa fin. Les députés déplorent l’opacité des fonds publics alloués chaque année par l’État et les collectivités territoriales aux 7.500établissements privés sous contrat, à 96% catholiques. Aucune administration n’a été en mesure de fournir un montant consolidé de cette dépense de plus de 10milliards d’euros et, selon les corapporteurs, « sous-estimée ». Le rapport remet en cause le modèle français tel qu’il s’est construit depuis la loi Debré de 1959, caractérisé par un financement public important (75% des ressources du privé sous contrat) associé à de faibles contreparties. LA TURQUIE APRÈS LES ÉLECTIONS PERDUES PAR ERDOGAN En Turquie, moins d’un an après sa défaite à la présidentielle de 2023, le parti kémaliste d’opposition, le Parti républicain du peuple (CHP) a remporté les plus grandes villes du pays lors des municipales du 31 mars. A Istanbul, le maire Ekrem Imamoglu, a été réélu avec 51,14% des voix. A 52 ans, il fait désormais figure de solide présidentiable en2028, mais demeure dans le viseur du pouvoir qui l'a fait condamner fin 2022 à deux ans et sept mois de prison pour «insulte» aux membres du Haut comité électoral turc. L'édile a fait appel mais cette peine continue de planer sur son avenir politique. Elle l'avait écarté de la course à la présidence en mai 2023. Ces élections municipales constituent le plus gros revers subi par Recep Tayyip Erdogan 74 ans et son parti l’AKPi (i pour islamiste) depuis son arrivée au pouvoir en 2002. À l’échelle nationale, l’AKPi est tombée à 35,2% des voix contre 37,7% pour le CHP, perdant ainsi son statut de premier parti du pays. Autre percée notable: celle d’un autre parti islamiste Yeniden Refah, qui présentait pour la première fois des candidats. Avec près de 9% des voix et une soixantaine de municipalités, la nouvelle mouvance a attiré les déçus de l’AKP, qui lui reprochent de s’être écarté de l’islam et de maintenir des liens économiques avec Israël. De son côté, le parti pro-kurde DEM se maintient à Diyarbakir et dans le Sud-Est à majorité kurde. Si la personnalisation à outrance du pouvoir et sa posture sur la scène internationale ont fonctionné en faveur d’Erdogan lors de la présidentielle de 2023, elle a montré ses limites aux municipales où les enjeux locaux - services, transports, parcs - priment. La très mauvaise situation économique du pays et l’inflation, qui a atteint 80% fin 2022et se maintenait encore à 67% en février expliquent en bonne partie le verdict des électeurs. L’état des finances publiques et la corruption locale ne permettant plus à l’AKP de distribuer autant ses largesses à ses électeurs, formés par les classes moyennes conservatrices, qui se sont largement détournées de ce scrutin. A cela est venue s’ajouter l’inévitable usure d’un pouvoir omniprésent depuis 22 ans. Ces facteurs ont sans doute incité les électeurs mécontents de l’AKP à rester chez eux, comme le laisse deviner la baisse de la participation: passé de 87% l'an dernier à 76% cette année. Au soir des résultats, Recep Tayyip Erdogan a concédé qu’ils constituaient un «tournant» pour son camp et promis de «respecter la décision de la Nation». Bien qu’affecté par ces élections, il garde la main sur les principaux leviers du pays en vertu d’une Constitution taillée sur mesure et d’un pouvoir qui s’est renforcé depuis le putsch raté, sur fond de purges et de contrôle renforcé des médias. Alors que les Turcs sont allés presque chaque année aux urnes ces derniers temps, aucune élection n’est prévue désormais avant les présidentielles de 2028. Erdogan devrait d’ici là donner la priorité à l’amélioration de la situation économique. Son idée de réforme constitutionnelle, qui aurait pu lui ouvrir la voie à un troisième mandat, semble pour l’heure reportée.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le Avec cette semaine : Michel Winock, historien et écrivain. Nicolas Baverez, essayiste et avocat. Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique. MICHEL WINOCK, EGO-HISTOIRE Michel Winock, vous êtes historien. Spécialiste de l’histoire de la République française ainsi que des mouvements intellectuels et politiques, vous avez publié, entre autres, Siècle des intellectuels en 1997 pour lequel vous avez obtenu le Prix Médicis ou encore, en 2010, Madame de Staël, récompensé par le par le Prix Goncourt de la biographie. Vous avez été membre de la revue «Esprit», directeur littéraire au Seuil et vous avez fondé, avec Michel Chodkievicz, la revue «L’Histoire». Nous vous devons bon nombre d’ouvrages biographiques, de Flaubert à De Gaulle. Vous publiez aujourd’hui aux éditions Bouquins Ego-histoire. Qui s’inscrit dans la lignée du genre théorisé par Pierre Nora en 1987 dans ses Essais d’ego-histoire qu’il présente comme un « exercice (qui) consiste à éclairer sa propre histoire comme on ferait l'histoire d'un autre. (À)expliciter, en historien, le lien entre l'histoire qu'on a faite et l'histoire qui vous a fait. » Cinq livres sont ici rassemblés. Tout d’abord, Jeanne et les siens et Jours anciens, deux livres sur votre enfance. La république se meurt évoque la période de votre adolescence progressivement habitée par l’engagement politique et intellectuel.Chronique des années soixante rassemble les 40 articles que vous aviez écrits pour Le Monde sur ce sujet durant l’été 1986. Enfin, Parlez-moi de la France est, dites-vous, « un ouvrage né d’une question qui me fut posée au début des années 1990 par mes étudiants russes à Moscou et à Saint-Pétersbourg : «Pouvez-vous nous résumer la France ?»Loin de reprendre la formule de Lavisse répondant à l’Impératrice Eugénie qui lui posait la même question « Madame, ça ne s’est jamais très bien passé », vous vous appliquez à décrire ce qu’est et ce que n’est pas notre pays. Pour l’historien Henri Marrou « l’histoire est inséparable de l’historien ». Votre livre en est l’illustration : on ne pourrait séparer le fait du témoin. Ces récits sont d’autant plus précieux que votre plume est autant celle d’un écrivain que celle d’un historien. Dans les deux livres qui ouvrent Ego-histoire, Jeanne et les siens et Jours anciens., nous sommes replongés dans une époque qui parait aujourd’hui plus que lointaine : celle à laquelle, lors de sa communion solennelle, l’école accordait un congé pour faire sa retraite. L’usage voulait que l’on offre des images à ses professeurs ; tout cela dans l’école laïque. Puisqu’un des rôles majeurs de la connaissance historique est d’éclairer le présent et éventuellement le futur, quelles leçons en tirez-vous ?Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 22 mars 2024. Avec cette semaine : Nicolas Baverez, essayiste et avocat. Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Matthias Fekl, avocat et ancien ministre de l’Intérieur. Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique. LA FIN DE VIE Après que la convention citoyenne organisée par le Conseil économique, social et environnemental avait remis ses conclusions le 3avril 2023, le chef de l’État avait promis de bâtir un « modèle français » de la fin de vie, en annonçant un projet de loi plusieurs fois reporté. Dans un entretien à « Libération » et à « la Croix », publié le 10 mars, le Président a annoncé pour avril un texte qui défend une démarche de « fraternité » et de «rassemblement ». Le projet prévoit la possibilité de demander une « aide à mourir » dans des conditions encadrées: cet accompagnement sera réservé aux personnes majeures, comme la Convention citoyenne l'avait recommandé. Les personnes devront être capables d'un discernement plein et entier, excluant les patients atteints de maladies psychiatriques ou de maladies neurodégénératives qui altèrent le discernement, comme Alzheimer. Elles devront présenter une maladie incurable et un pronostic vital engagé à court ou à moyen terme. Le dernier critère est celui de souffrances - physiques ou psychologiques réfractaires, c'est-à-dire que l'on ne peut pas soulager. Le projet de loi indique que l’accord donné à l’« aide à mourir»relève d’un seul professionnel, celui auquel le malade adresse sa demande, qui peut être son médecin traitant, un spécialiste à l’hôpital, un praticien en ville ou en Ehpad. Ce médecin sollicite obligatoirement l’« avis » d’un autre «médecin, qui ne connaît pas la personne, spécialiste de la pathologie » et d’un «professionnel paramédical qui intervient auprès d’elle ». Il peut aussi se tourner vers un infirmier, aide-soignant, ou encore un psychologue, qui a l’habitude d’être au chevet du patient. In fine, c’est le médecin qui mène la procédure qui tranche. Il a quinze jours maximum après la demande pour se prononcer. En cas de refus du praticiend’autoriser l’«aide à mourir », le patient peut saisir le tribunal administratif. En cas de réponse favorable, la prescription est valable trois mois, période durant laquelle le patient pourra se rétracter à tout moment. Le projet de loi vise également à améliorer la qualité de vie des grands malades. Il s’agit, selon l’exposé de motifs, de forger « pour les dix années à venir, un modèle rénové et renforcé de prise en charge de la douleur chronique ou aiguë et de l’accompagnement de la fin de vie ». Le texte de loi devrait être transmis au conseil des ministres le 10 avril. Il sera dans la foulée soumis à une « commission spéciale» qui se réunira à l’Assemblée nationale. La première lecture en séance publique est prévue le 27mai. Selon un sondage Ifop de juin 2023, 90% des Français estiment que la loi française devrait autoriser l'euthanasie. 85% approuvent l'autorisation du suicide assisté. Les représentants religieux, eux, font régulièrement savoir leur ferme opposition. « Rupture anthropologique » d'un côté, « avancée sociétale » de l'autre, le clivage ne s'éteindra pas aux portes de l'Assemblée nationale. LE TRIANGLE DE WEIMAR PEUT-IL RELAYER LE COUPLE FRANCO-ALLEMAND? Régulièrement à la peine avant 2022 (malgré la signature en 2019 du Traité d’Aix-la-Chapelle, dont la mise en œuvre fut perturbée par la pandémie de Covid), le «moteur» franco-allemand semble aujourd’hui grippé. Le chancelierScholz ne voit pas de salut de l’Europe hors de son ancrage avec les Etats-Unis, tandis que le présidentMacron prône la souveraineté européenne. Les deux dirigeants étaient du même côté, celui des sceptiques et de l'apaisement avec la Russie, au début de la guerre. Mais, depuis l'été 2023, la position d'Emmanuel Macron a radicalement changé pour se rapprocher de celle des pays de l'est de l'Europe et du Royaume-Uni. Les désaccords et l'inimitié entre les deux hommes ont augmenté après l’annonce du chef de l’État français de la possibilité d’envoyer des troupes en Ukraine. Afin de débloquer la situation, le chancelier allemand a réactivé à Berlin le 15 mars le Triangle de Weimar, cette entente cordiale entre la Pologne, l'Allemagne et la France créée en 1991 pour soutenir le pays, alors dirigé par Lech Walesa, dans son adhésion à l'Otan. Un canal qui a connu de nombreuses pauses, surtout ces huit dernières années, lorsque le parti souverainiste ultra-conservateur Droit et justice (PiS) se trouvait au pouvoir avec une position très atlantiste et en privilégiant une relation bilatérale avec les Etats-Unis. Depuis décembre 2023 et l'arrivée aux affaires de Donald Tusk, les Européens attendent beaucoup du nouveau gouvernement polonais en termes de réengagement. A l’issue de ce sommet, le chancelier Olaf Scholz, le président Emmanuel Macron, et le Premier ministre Donald Tusk ont promis de livrer davantage d'armes à Kyiv, notamment de l'artillerie de longue portée. Cette coalition « sur les frappes en profondeur » avait déjà été présentée le 26février à l'Élysée lors de la conférence de soutien à l'Ukraine, mais cette fois, l'Allemagne l'endosse ouvertement. L’augmentation des livraisons d'équipements militaires sera effectuée via des achats sur le marché mondial ainsi que par la production d'armes sur le territoire de l'Ukraine, en coopération avec des partenaires. Le chancelier allemand a aussi indiqué que les pays européens allaient se servir des recettes générées par les actifs russes gelés pour financer des achats d'armes. Selon les estimations, l'Europe aurait gelé près de 300 milliards d'euros d'actifs de la banque centrale russe et plusieurs dizaines de milliards d'euros de biens divers appartenant à des personnes sanctionnées. Olaf Scholz s'est également félicité de la nouvelle aide militaire de 5 milliards d'euros annoncée la semaine dernière par l'Europe, à l'issue de plusieurs mois de négociations. Donald Tusk a souligné qu'il était important que Paris, Berlin et Varsovie parlent d'une même voix et a annoncé la tenue d'une réunion du Triangle de Weimar cet été. De retour de Washington, le Premier ministre polonais a rappelé que l’Europe devrait surtout penser à renforcer sa Défense dans la perspective d’une victoire électorale de Trump en novembre.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 2 février 2024. Avec cette semaine : Raphaël Doan, historien, écrivain, auteur de Si Rome n’avait pas chuté. Matthias Fekl, avocat et ancien ministre de l’Intérieur. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung. L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE L’intelligence artificielle « est un outil particulièrement puissant pour inventer des uchronies et les développer jusqu'au moindre détail, car elle est capable d'halluciner des choses qui ne se sont jamais produites tout en s'inspirant de données réelles. Cela lui permet de générer des histoires uniques et fascinantes qui sont ancrées dans la réalité, mais qui explorent aussi des possibilités nouvelles et imaginaires. L'une de ses grandes forces, dans un tel projet, est sa capacité à générer des images immersives et réalistes. » Le texte que je viens de lire, première préface de votre dernier ouvrage, Si Rome n’avait pas chuté, a été généré par l’intelligence artificielle. Pour réaliser ce livre, vous avez dirigé plusieurs IA afin qu’elles écrivent et illustrent une uchronie sur un Empire romain bénéficiant d'une révolution industrielle avant l'heure, avec la découverte d’une machine à vapeur au 1er siècle. Si, comme vous le reconnaissez, les textes manquent de style, ils ne sont ni meilleurs ni pires que la moyenne des productions des étudiants de nos facultés. Les illustrations ont davantage d’allure. Dans un site que vous aviez créé, «AI or Art», vous invitiez les utilisateurs à deviner si une série d'images avait été réalisée par un humain ou par un ordinateur. Résultat: « beaucoup de candidats parvenaient à peine à dépasser le score qu'ils auraient atteint en devinant parfaitement au hasard.» Votre livre repose sur une conviction: l’IA générative n’est pas un simple gadget; la coopération avec elle « recèle de véritables trésors. » Vous êtes convaincu que, bientôt, «la génération de contenu par IA sera omniprésente dans la production intellectuelle, artistique, scientifique, et dans nos vies quotidiennes.» S’il semble difficile de s’y opposer, vous êtes conscient des risques et des menaces qui l’accompagnent. La création artistique ne sera plus le monopole de l’être humain. Les conséquences pour l’industrie culturelle seront profondes. En automatisant et en produisant en masse des compétences intellectuelles, l’IA générative va également provoquer une «série de mutations contraintes» dans beaucoup d’autres secteurs. De nouveaux métiers vont apparaître. Mais contrairement aux précédentes révolutions industrielles, «la rapidité de la transition la rendra probablement plus brutale du point de vue social et économique.» D’autres risques relèvent de l’utilisation malveillante de ces outils ou encore des inégalités de revenu qu’ils pourraient créer. Par ailleurs, avec l’IA générative, l’image ne sera plus synonyme de vérité. Pire, sa capacité à créer des contenus ultra-personnalisés risque de démultiplier un phénomène que nous observons déjà : le repli sur soi. Ainsi pourrait-elle nous condamner à ne jamais sortir de la prison que chacun de nous est pour lui-même. Ce risque est d’autant plus inquiétant que l’IA peut être utilisée pour créer des contenus politiques et idéologiques. Vous êtes agrégé de lettres classiques, vous avez exploré certains aspects de l’histoire de Rome dans trois livres avant celui qui nous réunit. L’intelligence artificielle a-t-elle, et en quoi, modifié, contredit, complété, ébranlé votre connaissance du monde romain?Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École alsacienne le 10 mars 2024. Avec cette semaine : Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France. Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors. Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova. LES PAYS EUROPÉENS, L’UKRAINE, LES PROPOSITIONS DE MACRON À l'issue d'une conférence internationale de soutien à l'Ukraine réunissant une vingtaine d’homologues à l’Élysée, le 26 février, Emmanuel Macron a créé la surprise: interrogé sur la possibilité d'envoyer des troupes occidentales sur le sol ukrainien le Président français n'a pas écarté cette option: « Il n'y a pas de consensus aujourd'hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu'il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre », a affirmé le chef de l'État, disant «assumer » une « ambiguïté stratégique ». Plusieurs pays occidentaux alliés de l'Ukraine ont aussitôt pris leurs distances. Le chancelier allemand Olaf Scholz a assuré que l'Otan ne déploierait pas de combattants au sol en Ukraine, alors qu'un responsable de la Maison Blanche assurait que les Etats-Unis ne prévoyaient pas non plus d'en envoyer. La Pologne, la Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie, la Suède, l’Italie et l’Espagne ont opposé une fin de non-recevoir à la suggestion française. Plus ambigu, le Royaume-Uni a affirmé «ne pas prévoir de déploiement à grande échelle » de troupes en Ukraine en plus du « petit nombre » de personnes déjà sur place « pour soutenir les forces armées ukrainiennes, notamment pour la formation médicale. » Plutôt que d’envoyer des troupes combattre aux côtés des soldats ukrainiens, l’Élysée présente l’idée d’une prise en charge sur le terrain d’activités, comme le déminage, la formation ou la surveillance des frontières. Sur la scène européenne, les rares voix à soutenir la démarche sont venues des Pays baltes, en première ligne face à la Russie. Avant le déclenchement de cette polémique, les chefs d’États et de gouvernement réunis à Paris avaient pourtant affiché leur unité en approuvant cinq actions concernant: la défense cyber, la coproduction d'armements en Ukraine (comme va le faire l'Allemand Rheinmetall dans les obus), la défense des pays tiers menacés, en particulier la Moldavie, le déminage et l'aide à l'Ukraine pour le contrôle de sa frontière avec la Biélorussie avec des forces non-militaires. Emmanuel Macron a reconnu que l'engagement de l'UE à fournir un million d'obus avait été «imprudent», les Européens n'ayant pu fournir que 30% du total, faute de stocks et de capacités industrielles. Deux ans après le début de l'offensive russe en Ukraine et la sérieuse dégradation des relations entre Moscou et le Vieux continent, de nombreux pays européens ont décidé d'augmenter drastiquement leurs budgets accordés à la Défense. Les pays voisins de la Russie consacrent beaucoup plus de moyens à leurs armées proportionnellement à leurs ressources. Ainsi, en 2022, les dépenses militaires de l'Europe ont atteint 314milliards d'euros, une progression record depuis plus de trois décennies, selon les données de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), soit une hausse de 30% par rapport à 2012. Ce chiffre devrait encore grimper en 2023 et 2024 au vu des annonces de chefs d'États européens allant dans ce sens.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre émission ? Soutenez-la ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 19 janvier 2024. Avec cette semaine : Quentin Sannié, entrepreneur et fondateur de l’agence de notation des sols Genesis. David Djaïz, entrepreneur, essayiste et ancien secrétaire général du Conseil National de la Refondation. Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique. AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT Quentin Sannié, vous êtes entrepreneur et chef d’entreprise. Après avoir co-fondé et dirigé le leader mondial du son haut de gamme, Devialet, vous vous êtes lancé dans une nouvelle aventure entrepreneuriale en 2018, avec la création de Genesis – la première agence de notation des terres agricoles. Votre start-up innovante est née du constat suivant : il subsiste une lacune significative dans la mesure de l'impact environnemental des pratiques agricoles et les acteurs du secteur demeurent souvent aveugles aux conséquences sur l’environnement de leurs décisions. D’où votre idée de noter la santé des sols pour mieux corriger les techniques de ceux qui les travaillent. Selon vous, « En collectant des pratiques et en établissant des corrélations scientifiques entre les techniques agricoles, le climat et la santé des sols, on peut voir quels leviers d'action ont un vrai impact positif». Aujourd’hui, 60 à 70 % de nos sols en Europe sont abîmés ou très abîmés, estime l’Union Européenne. Leur bonne santé est pourtant décisive pour la fertilité, la productivité agricole, le stockage du CO2, la rétention et la filtration de l’eau. «Nous devons soulever le capot de nos sols et des pratiques agricoles liées, pour comprendre comment les faire évoluer durablement vers des modes régénératifs», écrivez-vous. Cette absence de mesure risque de mettre en péril notre souveraineté alimentaire. Les pratiques régénératrices doivent, en effet, être déclinées selon les types de cultures, de productions, de sols et de climats. Cette lacune ne concerne pas seulement l’évaluation; le sol est en effet le grand absent de la politique environnementale alors qu’il pour vous le véritable éléphant dans la pièce en matière d'environnement. L’exploitation des sols représente 20 à 25 % des émissions de gaz à effet de serre; ils sont à la source de notre alimentation, renferment 1/4 de la biodiversité mondiale, et, en stockant plus de carbone que les forêts, constituent un enjeu essentiel de la lutte contre le changement climatique. Pourtant le sol demeure le seul milieu naturel à ne pas être couvert par une politique nationale dédiée à sa protection. Les multiples alertes que vous avez lancées avec la communauté scientifique semblent néanmoins être arrivées jusqu’aux oreilles des parlementaires. Menée par le député (Modem) du Loiret Richard Ramos, une proposition de loi visant «à instaurer un diagnostic de la santé des sols, des terrains agricoles, naturels et forestiers» a été déposée à l’Assemblée Nationale le 12 octobre 2023. De même, quelques jours plus tard, une proposition de loi visant à «préserver des sols vivants» a été déposée par la sénatrice PS Nicole Bonnefoy. L’objectif est d’apporter une réponse globale avec la création d'une stratégie nationale pour la protection et la résilience des sols, sous la houlette d'un haut-commissaire dédié. Mais avant de nous pencher sur l’articulation des sols avec l’agriculture et la transition écologique, racontez-nous comment votre projet est né.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 23 février 2024. Avec cette semaine : Nicolas Baverez, essayiste et avocat. Matthias Fekl, avocat et ancien ministre de l’Intérieur. Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef du quotidien La Croix. Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors. DETTE: COMMENT FAIRE DES ÉCONOMIES? Depuis plusieurs mois plus aucun expert ne croyait à l'hypothèse de croissance de la France, fixée à 1,4 % pour 2024. La Commission européenne et la Banque de France n'attendent que 0,9 %, l'OCDE 0,6 %. Finalement, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire a annoncé dimanche qu'il l'abaissait à 1 %, avec à la clef, des recettes fiscales en moins pour l'État et l'obligation d'annoncer un plan d'économies en urgence de 10 milliards d'euros pour tenir l'objectif d'un déficit public ramené de 4,9 % à 4,4 % du PIB. Des économies visant à maîtriser la trajectoire de notre dette, qui atteint désormais 3.088milliards d'euros et 111,9% du PIB. Les 10milliards d’euros seront économisés «exclusivement sur le budget de l’État », a précisé Bruno Le Maire, qui dit emprunter là « la voie du courage » plutôt que celle de la « facilité » consistant à augmenter les impôts. Des économies d’autant plus urgentes selon Bercy que les dépenses se sont multipliées depuis janvier, comme les 400millions d’euros dégagés pour les agriculteurs, les primes pouvant aller jusqu’à 1.900euros pour les policiers et gendarmes à l’occasion des Jeux olympiques, ou les 3milliards d’euros promis à l’Ukraine. Les collectivités locales et la sphère sociale (retraites, chômage, assurance maladie, prestations sociales, etc.) sont à ce stade épargnées. Toutefois un nouveau tour de vis sur l’assurance chômage interviendra dès cette année, et un doublement des franchises médicales sera instauré. La moitié des 10milliards d’euros annoncés proviendront d’annulations de crédits dans les budgets des ministères sur la gestion de leur immobilier, leurs recrutements, leurs dépenses énergétiques ou leurs achats. Sept cents millions d’euros seront gagnés sur les dépenses de personnel et 750millions sur les achats. Les 5autres milliards seront prélevés sur différentes politiques publiques, à commencer par le budget des opérateurs de l’État, ces agences spécialisées dont les crédits seront réduits d’un milliard d’euros. Bruno Le Maire a notamment cité France compétences (chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage), le Centre national d’études spatiales, l’agence nationale de la cohésion des territoires, ou encore Business France, qui aide les entreprises françaises à s’internationaliser. Un milliard d’euros seront retranchés du budget de l’aide à la rénovation énergétique MaPrimeRénov’, qui sera ramenée de 5à 4milliards d’euros cette année, tout en continuant à augmenter par rapport à l’année précédente. Enfin, 800millions d’euros seront ponctionnés dans les crédits de l’aide publique au développement, avec notamment une contribution réduite à l’ONU. Si l’économie se dégradait davantage, un budget rectificatif pourrait s’imposer, a prévenu le ministre. Mais le contexte politique rend l’exercice très périlleux en l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale. Le prochain projet de loi de finances attendu à l'automne doit dégager 12 milliards d'euros supplémentaires. Des revues de dépenses sont engagées et seront l'occasion de regarder du côté de la Sécurité sociale, en particulier les affections longue durée telles que le diabète ou les cancers, actuellement prises en charge à 100 % par l'assurance maladie. A QUOI RESSEMBLE LA RUSSIE DE POUTINE? En dépit des sanctions occidentales, l’économie russe connait une croissance 2,6% meilleure que celle de la zone euro, selon les estimations du Fonds monétaire international publiées fin janvier. L'activité économique du pays est désormais largement tirée par un secteur, devenu prioritaire : la Défense. Moscou a acté une envolée de près de 70% des dépenses militaires en 2024, soit 6% du PIB. Moscou parie aussi sur ses revenus pétroliers et les échanges commerciaux avec son voisin chinois, pour soutenir son économie. Toutefois, la Russie doit faire face à une inflation de 7,4% et un taux de chômage à 3%, qui traduit des pénuries de main d'œuvre persistantes. À long terme, l'exode à l'étranger de 800.000 à un million de Russes, selon les estimations, à la suite du lancement de l'offensive en Ukraine et après la mobilisation partielle de septembre 2022, va continuer à peser sur de nombreux secteurs (banques, énergie, télécommunications...), amputés des travailleurs qualifiés dont ils ont besoin. Récemment, la Douma s'était alarmée du fait qu'en 2046, la Russie aura perdu 7,5% de ses habitants, selon les prévisions officielles. Elle a aussi rappelé que le taux de natalité était évalué à 1,42 enfant par femme fin 2022. Ce chiffre était de 1,5 en 2020, la moyenne dans l'Union européenne. Selon l’agence statistique Rosstat, la Russie comptait, au 1erjanvier dernier, 146.447.424habitants (Crimée annexée comprise). Soit moins qu’en1999. Des jeunes parmi les mieux formés, et donc armés pour travailler à l’étranger, ont quitté le pays pour ne pas être mobilisés. Selon le renseignement américain 120.000 soldats russes auraient été tués depuis le début de la guerre en Ukraine pour un total hors de combat d'environ 320.000 blessés. Soit deux fois plus que les pertes ukrainiennes, mais avec une population quatre fois plus élevée. La conquête le 16 février dernier par les soldats russes de la ville d’Avdiïvka, dans la région de Donetsk et le retrait des forces ukrainiennes, constitue une victoire symbolique pour Moscou. Avdiivka est la première conquête substantielle russe depuis la prise de Bakhmout, en mai 2023. À l'approche de l'élection présidentielle en Russie, Moscou n'a pas manqué d'exprimer son autosatisfaction: Vladimir Poutine a salué une «importante victoire». Elle aurait coûté 47.178 hommes à l'armée russe d'après l'état-major ukrainien. Avdiivka tombée, la Russie devrait mettre à l'épreuve la seconde ligne de fortifications établie par l'armée ukrainienne ces derniers mois. En politique intérieure, la mort en détention de l’opposant Alexeï Navalny, annoncée le 16 février, signale selon Renaud Girard dans le Figaro: «un retour de la Russie aux pratiques staliniennes. Sous Brejnev, on enfermait les dissidents, mais on ne les tuait pas», remarque-t-il. Le scrutin présidentiel des 15-17 mars prochains, où même le plus modéré des opposants, Boris Nadejdine, n'a pas été autorisé à se présenter, ne devrait pas représenter une compétition politique significative.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 9 février 2024. Avec cette semaine : David Djaïz, entrepreneur, essayiste et ancien secrétaire général du Conseil National de la Refondation. Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique. Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors. Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. PREMIÈRE PARTIE: DIAGNOSTIC En 2022, 82 % de l’énergie consommée dans le monde était d’origine fossile. Cette proportion reste inchangée depuis quarante ans. De ce chiffre accablant, David Djaïz et Xavier Desjardins tirent un constat provocateur : «la transformation écologique n’a pas commencé.» Malgré la reconnaissance de la crise climatique et les efforts engagés pour combattre ses effets sur l’environnement, la croissance démographique, la hausse de la consommation énergétique et les hésitations politiques maintiennent notre dépendance aux énergies fossiles. «Pire, les timides mesures écologiques déjà engagées rencontrent souvent de virulentes oppositions partout en Europe». Le défi climatique se caractérise par une double contrainte de temps et d’objectif. Nous devons, en effet, atteindre la neutralité carbone autour de 2050. D’où le titre de votre essai: La Révolution obligée, au double sens du terme, à la fois inévitable et fortement dirigée. « Malheureusement, nous n’avons pas trente ans, pas même dix pour penser et expérimenter le comment agir. Aussi renvoyez-vous à un penseur du gouvernement dans l’urgence, Machiavel, qui nous apprend que «lorsque la tempête approche, une pensée politique valide ne se développe pas in abstracto, mais se forge en situation, sous les contraintes concrètes de l’action.» Ces contraintes sont nombreuses. D’abord, comme la révolution industrielle, la transformation écologique exige un changement de ressources énergétiques, le déploiement d’innovations technologiques et institutionnelles, une forte augmentation de l’investissement dans de nouvelles industries et la relégation de certains équipements. Mais elle doit se produire à une vitesse bien plus rapide et sans les mêmes promesses de gains économiques. C’est pourquoi «tout le monde se renvoie la balle»; chacun estime que les autres doivent porter la majeure partie des efforts. Ainsi la transformation écologique est-elle la source d’une compétition entre les territoires, les secteurs, les classes sociales et les générations. De plus, les problèmes écologiques entrent parfois en contradiction. Par exemple, certaines mesures en faveur de la décarbonation peuvent nuire à la biodiversité ou au cycle de l’eau. Enfin, régler l’urgence climatique ne peut être accompli indépendamment des huit autres processus écologiques qui caractérisent le système Terre. Malgré ces obstacles, «le coût de l’inaction climatique est infiniment supérieur à celui de l’action.» C’est ce qu’ont compris la Chine et les États-Unis, engagés dans des transformations intégrées à leurs stratégies nationales. La Chine, avec son concept de «civilisation écologique», mène une politique d'autoritarisme vert, tandis que les États-Unis, à travers l'Inflation Reduction Act, investissent massivement dans les énergies renouvelables et les technologies vertes. L’Europe a, quant à elle, adopté un ensemble de normes, d’instruments de marché et de soutiens à l’innovation afin de devenir le premier continent «climatiquement neutre» en 2050. Mais son Pacte Vertfait face à des défis de financement et de soutien social. Vous le jugez trop réglementaire et inadapté aux enjeux politiques, économiques et sociaux de la transition écologique. DEUXIÈME PARTIE: NOUVEAU PACTE VERT « Si l’on veut sauver la transition écologique, il faut imaginer un autre Pacte vert, une nouvelle méthode de conduite du changement écologique. Celle-ci doit s’inspirer de l’expérience chinoise ou américaine, non pas pour les imiter, mais pour comprendre combien la « civilisation écologique » chinoise comme l’IRA américain sont articulés à un imaginaire national, à un modèle de gouvernance, à une économie politique ou encore à une pratique des relations internationales. » Le nouveau Pacte vert doit s’appuyer sur les forces de l’Europe : l’État-providence ; la diversité des territoires et des modes de vie ; la vivacité de la société civile dans un cadre démocratique et pluraliste. Seul un modèle conforme au projet politique européen permettra de recueillir l’adhésion de la société. Aussi proposez-vous un nouveau contrat social qui repose sur trois piliers : un nouvel imaginaire de la solidarité ; un nouveau pacte de production et de consommation ; un nouveau mode de gouvernance. L'incertitude quant à la répartition exacte des gains et des pertes nécessite, d’après vous, l'adoption d'une nouvelle solidarité, dans le cadre d'un contrat social refondé à partir du « voile d'ignorance » du philosophe libéral John Rawls et l’acceptation collective des coûts. L'État-providence élargi que vous envisagez transcenderait les frontières nationales et inclurait l'eau, l'air, le sol, les animaux, et les végétaux. Ainsi pourrions-nous «réencastrer» nos sociétés dans les limites planétaires, tout en reconnaissant les droits des éléments non humains. Durkheim avait théorisé le passage d’une solidarité mécanique à une solidarité organique. Une solidarité écologique,pourrait renouveler la confiance dans les institutions et mobiliser les citoyens. Votre nouveau pacte de production et de consommation postule la nécessité d'une politique industrielle européenne, qui lui assure son autonomie tout en soutenant l'innovation, la production d'énergie propre et la consommation durable. Pour accompagner cette transformation, vous proposez la création d'un pass climat qui unifierait les aides existantes en faveur de la transition écologique, offrant une flexibilité et un soutien financier adaptés aux besoins et revenus de chaque citoyen européen. Financé au niveau européen, ce pass climat permettrait d’engager tous les citoyens dans l'action écologique et rendrait tangible la solidarité européenne dans la lutte contre le changement climatique. Vous proposez enfin un nouveau mode de gouvernance fondé sur le contrat. La négociation sectorielle et territoriale adapterait les exigences écologiques aux spécificités locales et permettrait ainsi une transformation plus juste et plus efficace. Vous appelez également à une nouvelle décentralisation et à l'utilisation de nouveaux outils de mesure et de suivi. Cette nouvelle architecture de la transition, fondée sur le consensus régional et la contribution active des collectivités, vise à renforcer la capacité de l'Europe à réaliser une transformation écologique harmonieuse. Vous voyez ce nouveau Pacte Vert comme une opportunité de réenchanter l'Europe et de renforcer la démocratie face aux défis écologiques.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’Ecole alsacienne le 11 février 2024. Avec cette semaine : Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. David Djaïz, entrepreneur, essayiste et ancien secrétaire général du Conseil National de la Refondation. Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique. Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. REMANIEMENT MINISTÉRIEL Attendue depuis plus de trois semaines, l’achèvement de la composition du gouvernement de Gabriel Attal a été retardé par le refus de François Bayrou d'entrer dans l'équipe. Le dirigeant centriste a invoqué mercredi un désaccord de fond avec les deux têtes de l'exécutif, alors que son nom circulait notamment pour le portefeuille de l'Éducation nationale depuis sa relaxe dans l'affaire des assistants parlementaires du MoDem. La liste rendue publique jeudi soir par un simple communiqué de l'Élysée, comprend en plus des 15 ministres de départ, 2 ministres de plein exercice, 13 ministres délégués et 5secrétaires d'État. Le chef de l’État souhaitait une équipe resserrée de 30 ministres, au lieu des 41 de l'équipe Borne. Au terme du plus long remaniement de l'histoire de la Ve République, le gouvernement est composé de 35 ministres et secrétaires d'État. Promue il y a moins d'un mois à la tête d'un ministère cumulant Éducation, Sports et JO dans le gouvernement de Gabriel Attal, Amélie Oudéa-Castéra paye des polémiques à répétition en perdant le ministère de l'Éducation nationale, mais conserve celui des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques. «Emmené » par Gabriel Attal à Matignon, le dossier éducation sera désormais partagé avec l’ancienne garde des Sceaux Nicole Belloubet. En dépit de la crise ouverte par François Bayrou, le Modem conserve quatre postes. Le parti d'Edouard Philippe passe de 3 à 2 portefeuilles. La plupart des entrants sont des revenants. A Bercy, Olivia Grégoire (Entreprises, Tourisme et Consommation), Thomas Cazenave (Comptes publics) et Roland Lescure (Industrie, et désormais Energie) restent auprès de Bruno Le Maire. Quelques périmètres sont fusionnés pour réduire la taille du gouvernement. Aucun ministre du gouvernement Attal 1 ne vivait plus au sud qu'Angers, ville de Christophe Béchu (Transition écologique). Une Nantaise, une Bourguignonne, une Savoyarde une Héraultaise, Une Marseillaise, font leur entrée. La parité, en revanche, est respectée, même si on peut observer que 8 ministres de plein exercice sur 13 sont des hommes, tandis que 4 secrétaires d'État sur 5 sont des femmes. SI LES ÉTATS-UNIS LACHENT L’UKRAINE, QUE FERA L’EUROPE? Depuis le début de l'invasion russe il y a près de deux ans, les États-Unis ont alloué plus de 75 milliards de dollars à l'Ukraine, dont 44 milliards d'aide militaire, selon le Kiel Institute. Mais, il y a plusieurs mois, l'administration Biden a prévenu qu'elle n'était plus en mesure de continuer à soutenir militairement l'Ukraine sans l'aval du Congrès, et donc, sans compromis bipartisan. Le 12 décembre, à la Maison-Blanche, aux côtés de son homologue ukrainien, le président américain qui déclarait que l’appui des États-Unis à l’Ukraine se poursuivrait « aussi longtemps que nécessaire » (« as long as it takes »), a nuancé son propos en déclarant que l’aide militaire à Kyiv continuera « aussi longtemps que possible» (« as long as we can »). Certains élus Républicains ont cherché à utiliser cette question pour atteindre un autre objectif: des mesures plus strictes en matière d'immigration et d'asile. Volodymyr Zelensky s’est vainement rendu à deux reprises à Washington pour tenter de convaincre le Congrès de ne pas abandonner l'Ukraine, en dépit des avancées jugées trop modestes de sa contre-offensive: le 6 décembre, les élus Républicains ont bloqué une enveloppe de 106milliards de dollars comprenant des fonds pour l'Ukraine mais aussi pour Israël, Joe Biden ayant décidé de lier les deux dans un plaidoyer pour la défense de la « démocratie» et de la « sécurité nationale » des États-Unis. Sur les quelque 118 milliards de dollars prévus par ce texte, plus de la moitié est destinée à l'Ukraine, dont 48 milliards de soutien militaire. Mercredi, les sénateurs ont rejeté un texte visant à débloquer de nouveaux fonds pour ces deux pays en guerre, tout en réformant le système migratoire des Etats-Unis. Jeudi, le Sénat a finalement accepté d'examiner un texte sans le volet migratoire. Il pourrait se prononcer prochainement lors d'un vote final puis l'envoyer à la Chambre des représentants, où les Républicains sont majoritaires. A Bruxelles, en revanche, le 1er février, les Européens sont parvenus à contourner l'opposition de Viktor Orbán pour voter un soutien de 50 milliards d'euros à Kyiv. Un nouveau paquet de sanctions contre Moscou est également en préparation. Les États membres ont validé le plan de la Commission pour identifier et mettre sous séquestre les revenus des actifs de la Banque centrale russe immobilisés en Europe (environ 200 milliards d'euros). A terme, les revenus de ces actifs devraient être taxés et les fonds récoltés transférés à Kyiv. Des transferts estimés entre 3 et 5milliards d'euros par an. L'accord est selon le New York Times «particulièrement important, tant pour l'Ukraine que pour l'Union européenne». L'enveloppe d'aide - 33 milliards de prêts et 17milliards de dons sur quatre ans contribuera à maintenir l'économie ukrainienne à flot pour les quatre prochaines années. Le montant total de l’aide des Européens à l’Ukraine dépasse désormais celui de l’aide américaine. L’annonce de ce soutien européen a été immédiatement saluée par Kyiv, comme une « victoire commune » sur la Russie.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 2 février 2024. Avec cette semaine : Julian Jackson, historien britannique, spécialiste de l’histoire de France du XXème siècle. Nicolas Baverez, essayiste et avocat. Michel Winock, historien et écrivain. LE PROCÈS PÉTAIN Julian Jackson vous êtes historien, spécialiste du XXe siècle de l’histoire de France. Après un ouvrage sur l’occupation et une biographie de Charles de Gaulle que nous avions saluée ici même, vous publiez France on Trial : The Case of Marshal Pétain,publié au Seuil fin janvier dans une traduction titrée Le Procès Pétain et sous-titrée Vichy face à ses juges. «On peut revisiter le procès de Pétain sans vouloir le refaire, écrivez-vous dans votre introduction. L’exercice permet d’observer les Français de 1945 en train de débattre à chaud de leur histoire.» Comme le suggère le sous-titre de votre livre, ce n’est pas seulement le Maréchal qui est jugé. «Nous serions des hypocrites, écrit Mauriac, si, avant de mêler nos voix à toutes celles qui l’accusent, chacun de nous ne se demandait : qu’ai-je dit, qu’ai-je écrit ou pensé au moment de Munich ? De quel cœur ai-je accueilli l’armistice ? [...] Ne reculons pas devant cette pensée qu’une part de nous‐même fut peut‐être complice, à certaines heures, du vieillard foudroyé.» C’est, au fond, ce qui rend ce procès unique: les Français jugeaient le héros de la Grande Guerre qu’ils avaient presque accueilli avec soulagement (le «lâche soulagement» qu’éprouvait Blum au moment de Munich?): «Si un référendum s’était tenu en juin 1940 pour confirmer l’arrivée de Pétain à la présidence du Conseil, je pense que 95 % des Français auraient voté en sa faveur», écrivez-vous. Lorsqu’elle se réunit dans une certaine précipitation la Haute Cour de justice, composée de trois magistrats professionnels et de 24 jurés (12 résistants et 12 parlementaires), se réunit pour juger de la conduite du chef de Vichy, elle peine à déterminer de quoi Pétain doit répondre. Pour de Gaulle, le crime était l’armistice ; Raymond Aron ne condamnait Pétain qu’à partir de novembre 1942, lorsqu’il était resté en France alors que les Allemands bafouaient l’armistice et franchissaient laligne de démarcation; Simone Weil, quant à elle, considérait l’armistice comme un acte de lâcheté collective qui ne pouvait être imputé à Pétain seul. Les débats qui se déroulent pendant les trois semaines du procès ne règlent pas cette question. Vous décrivez toutes les étapes du procès, de l'interrogation du prisonnier jusqu'au délibéré qui condamne Pétain à mort, à l'indignité nationale, et à la confiscation de ses biens, condamnation tempérée par une demande de non-exécution pour «tenir compte du grand âge de l'accusé». Le général de Gaulle, exaucera ce vœu. La Haute cour savait qu’il ne pouvait en aller autrement. Au lendemain du procès, Mauriac écrit: «Un procès comme celui‐là n’est jamais clos et ne finira jamais d’être plaidé.» Dans la troisième partie de votre livre intitulée «ce passé qui ne passe vraiment pas», vous montrez qu’il avait raison, et vous concluez: «Si le dossier Pétain est clos, le pétainisme n’est pas mort.» Il me semble que c’est en constatant cette permanence du pétainisme, sa présence dans le débat public en 2022 plus de soixante dis-ans après la mort du Maréchal et plus de quatre-vingts ans après son accession au pouvoir que vous avez en quelque sorte remonté le courant à la recherche des raisons et du contenu de cette permanence jusqu’à en arriver à ce procès ni fait ni à faire. Est-ce bien votre démarche?Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Vous aimez notre peau de caste ? Soutenez-nous ! https://www.lenouvelespritpublic.fr/abonnement Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 26 janvier 2024. Avec cette semaine : Michel Eltchaninoff, rédacteur en chef du mensuel Philosophie Magazine. Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique. Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors. Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET LA LOI IMMIGRATION Le projet de loi sur l’immigration adopté dans un climat de tension par le Parlement le 19décembre, restreignait le regroupement familial, l’accès des non-Européens à certaines prestations sociales et mettait fin à l’automaticité du droit du sol … Fin décembre, la loi a fait l’objet de quatre saisines du Conseil constitutionnel : celle du président de la République, celle de la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet et deux saisines de députés et sénateurs de gauche. De l’aveu même du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui a porté ce texte, plusieurs dispositions étaient «manifestement et clairement contraires à la Constitution» et certains au sein de l’exécutif espéraient une censure partielle. Le 8janvier, Emmanuel Macron, lors de la présentation de ses vœux au Conseil constitutionnel, s’était fait sermonner par Laurent Fabius, qui déclarait que la juridiction qu’il préside n'est «ni une chambre d'écho des tendances de l'opinion, ni une chambre d'appel des choix du Parlement», qui soulignait « une certaine confusion chez certains entre le droit et la politique » avant de rappeler au chef de l’Etat les bases d’un « Etat de droit », et notamment cette règle : on ne peut pas voter une loi dont on sait que certaines dispositions sont contraires à la loi fondamentale. L'occasion de citer son prédécesseur Robert Badinter : « Une loi inconstitutionnelle est nécessairement mauvaise, mais une loi mauvaise n'est pas nécessairement inconstitutionnelle ». Dans sa décision rendue jeudi, le Conseil constitutionnel a censuré plus du tiers du texte, dont le durcissement de l’accès aux prestations sociales. Des 86articles de la loi, 32 ont été censurés en tant que cavalier législatif, en raison de l'absence de lien entre leur objet et celui de la loi. C'est le cas des articles liés au regroupement familial, la mise en place d'une caution pour les étudiants étrangers, la délivrance d'un titre de séjour pour motif de santé ou encore la restriction des prestations sociales (allocations familiales, aide personnalisée au logement…).. Toutes ces mesures avaient été portées par Les Républicains (LR) dans le cadre de l'accord passé avec la majorité pour faire voter la loi. Après la censure du Conseil Constitutionnel, Gérald Darmanin se félicite de la validation de «l’intégralité du texte du gouvernement», LR réclame un «projet de loi immigration 2 » pour y inclure les mesures rejetées, le RN demande un référendum. LES RÉVOLTES PAYSANNES EN EUROPE L'Europe est depuis plusieurs semaines agitée par les révoltes des agriculteurs contre de multiples politiques, bruxelloises et nationales, climatiques ou économiques. Une vague de colère se répand chez les agriculteurs allemands, roumains, espagnols, français ou néerlandais, pour des raisons propres à chaque pays, mais qui se rejoignent dans leur dénonciation unanime de mesures trop contraignantes et trop chères. Souvent revient la question des enjeux climatiques, faisant resurgir un conflit redondant entre le monde agricole et environnemental. La première mèche a été allumée aux Pays-Bas. Les agriculteurs néerlandais se sont engagés dans une révolte nationale contre un plan du gouvernement qui visait à réduire le nombre de vaches de 30 % d'ici 2030, afin de faire baisser les émissions d'azote du pays. Cette colère a résonné en Irlande, où les producteurs laitiers ont manifesté leur mécontentement eux aussi contre des restrictions imposées à l'azote. Même causes, mêmes effets en Belgique. En Allemagne, en revanche, les agriculteurs se mobilisent contre une réforme de la fiscalité qui prévoit en 2026 de supprimer une exonération sur le diesel agricole. Partout, les inquiétudes des agriculteurs se cristallisent autour des répercussions financières de mesures qui mêlent économies budgétaires et décisions écologiques. Mais les politiques climatiques ne sont pas les seules à déstabiliser le monde agricole. En Roumanie et en Pologne, la guerre en Ukraine remet en question les modèles économiques des exploitants locaux. L'ouverture à l'importation des céréales ukrainiennes pour soutenir l'économie de leur voisin en guerre a mis en difficulté leurs producteurs nationaux. Résultat : des centaines de tracteurs et camions de marchandises ont paralysé les routes polonaises et roumaines, et même des voies de passage avec l'Ukraine. Les agriculteurs européens dénoncent tous le Pacte vert européen ou Green Deal qui prône la transition écologique des Etats membres de l'UE, fixe des objectifs de réduction d'usage des pesticides, de développement de l'agriculture biologique et de protection de la biodiversité, mais qui intervient dans un contexte déjà tendu pour les agriculteurs, bousculés par des événements climatiques extrêmes, la flambée de leurs coûts de production et les conséquences commerciales de la guerre en Ukraine. En France, selon un sondage Elabe/BFM 70% des Français pensent que la mobilisation va déclencher «un mouvement social de grande ampleur dans les prochaines semaines». 89% soutiennent le mouvement (plus que pour les Gilets Jaunes) et 70% approuvent le blocage des routes et refusent toute intervention des forces de l’ordre. Le malaise paysan pourrait vite trouver une traduction dans les urnes : selon le dernier sondage Elabe, 51 % des agriculteurs placent la question du pouvoir d'achat et de la lutte contre l'inflation en tête des enjeux des élections européennes, et 29 % se disent prêts à voter pour la liste Bardella. A quelques semaines du lancement du Salon international de l'agriculture, qui se tiendra du 24février au 3 mars à Paris, l'exécutif tente une modération.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 19 janvier 2024. Avec cette semaine : Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova. APRÈS LA CONFÉRENCE DE PRESSE DE MACRON, QUOI DE NEUF? Mardi soir, le président de la République a fixé le cap, pour « rendre la France plus forte et plus juste » et tracé trois lignes directrices : « Audace, action et efficacité». Le chef de l’États'est concentré sur les réformes de l'Éducation nationale: l'uniforme sera testé dès l'an prochain, dans une centaine d'établissements volontaires en primaire, au collège etau lycée, mais pas en maternelle. Les établissements devront organiser des cérémonies de remise des diplômes, notamment du brevet des collèges. La Marseillaise, sera enseignété aux enfants en primaire. C’était déjà une obligation depuis 2005, mais tombée en désuétude. Les heures d’instruction civique seront doublées. Ce «réarmement civique» se couple à un «réarmement démographique», visant à pallier la chute de la natalité. Le congé parental sera transformé en un «congé de naissance», mieux rémunéré, ouvert aux deux parents et limité à six mois. Parmi les mesures annoncées, une commission d'experts doit notamment déterminer d'ici au mois de mars «le bon usage des écrans pour nos enfants dans les familles à la maison», comme à l'école. L'ordre qui doit rendre «la France plus forte», s'applique notamment à la lutte contre l'islamisme et au trafic de drogue, qui vise désormais les petites villes et les villages. Pour y remédier, le rythme des opérations dites «place nette» frappant les narcotrafiquants sera accéléré: «dix opérations de ce type seront conduites chaque semaine». Dans la fonction publique, la rémunération au mérite sera renforcée. Pour les classes moyennes, une baisse de 2milliards d'euros d'impôts, longtemps évoquée est désormais actée pour 2025. Emmanuel Macron a annoncé, pour continuer de lever les blocages et les freins à l'innovation, une loi Macron 2 pour la croissance, pour «lutter contre les rentes », et pour la simplification. Il souhaite lancer un acte II de la réforme du marché du travail lancé en 2017 pour atteindre le plein-emploi en 2027. A la clé, des mesures logement et transports. Enfin, pour lutter contre les déserts médicaux, qui sont l'une des premières préoccupations des Français, le chef de l'État a demandé la régularisation des médecins étrangers. Selon lui, contraindre les médecins à s’installer dans les régions en manque n'est pas la bonne solution. Il privilégie une réorganisation du système de santé. Sur les médicaments, la franchise va doubler. ÉLECTIONS À TAÏWAN Le 13janvier, Lai Ching-te du Parti démocrate progressiste (DPP) d'inspiration indépendantiste a été élu à la présidence de Taïwan avec 40,1% des voix. Il s'agit de la troisième victoire consécutive du DPP à la présidentielle, du jamais vu dans la jeune démocratie taïwanaise. Lai Ching-te a profité d'une forte participation de plus de 70 % et de la division de l'opposition, marquée par l'émergence d'un troisième parti populiste, le Parti du Peuple de Taïwan, qui a récolté 26 % des voix en misant sur les enjeux économiques. Le nouveau président perd toutefois sa majorité parlementaire en n’obtenant que 51sièges à la chambre basse, contre 52pour le Kouomintang favorable à un rapprochement avec la Chine et 8sièges pour le Parti du Peuple de Taïwan. Cela risque de compliquer le vote de certaines lois sur la défense, le budget et les échanges avec le continent chinois. Selon le suivi de l’Université Chengchi, si plus de 90% des habitants de l’île sont des descendants de Chinois, plus de 62% s’identifient uniquement comme taïwanais, contre 17% en1992 ; et 30,5% se voient comme taïwanais et chinois, contre 46% il y a trois décennies. Lai Ching-te ne prendra ses fonctions qu’en mai, mais Pékin a répété, dès l'annonce des résultats que sa détermination à réaliser la réunification restait intacte. Les États-Unis ont félicité Lai pour sa victoire, mais en pesant leurs mots à l'heure d'une timide relance diplomatique avec la Chine, depuis le sommet de San Francisco, entre Joe Biden et Xi Jinping en novembre. « Nous ne soutenons pas l'indépendance », a déclaré le président américain tandis qu’une délégation de hauts diplomates américains s’est rendue dimanche à Taipei pour réaffirmer l'appui à l'île. Ces précautions n'ont pas suffi à rassurer Pékin, qui a « déploré fortement » ces félicitations, car elles envoient un «message erroné » aux forces «séparatistes ». Le statut de Taïwan est le sujet le plus explosif dans les relations entre la Chine et les États-Unis. Si Washington reconnaît Pékin au détriment de Taipei depuis 1979, le Congrès américain impose parallèlement de fournir des armes à Taïwan, dans le but affiché de dissuader la Chine de toute volonté expansionniste. Le Quai d’Orsay, comme l’UE, ont félicité « les électeurs» et « les élus », sans spécifier le nom du vainqueur du scrutin. Au lendemain du scrutin, Taïwan a perdu un de ses rares alliés diplomatiques avec l'annonce par Nauru, un micro-Etat du Pacifique, de la rupture des liens avec Taipei. Taïwan n'est désormais plus reconnu officiellement que par 12 pays dans le monde. Promettant d'être «du côté de la démocratie», le président élu prévoit de «poursuivre les échanges et la coopération avec la Chine», premier partenaire commercial de Taïwan, territoire de 23millions d'habitants situé à 180km des côtes chinoises. Un conflit dans le détroit les séparant serait désastreux pour l'économie mondiale: plus de 50% des conteneurs transportés dans le monde y transitent et l'île produit 70% des semi-conducteurs de la planète.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 12 janvier 2024. Avec cette semaine : Akram Belkaïd, journaliste au Monde diplomatique. François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung. UN REMANIEMENT, POUR QUOI FAIRE? Mardi, le président de la République a fait le choix de Gabriel Attal pour remplacer Elisabeth Borne à Matignon. Comme elle, issu du Parti socialiste, ce macroniste de la première heure a effectué une trajectoire gouvernementale fulgurante et, en moins de six mois Rue de Grenelle, une impressionnante ascension dans l'opinion. Sa nomination est un pari pour tenter de retrouver, avant les européennes, «l'audace » et le «mouvement » du début du premier quinquennat. Sur X (anciennement Twitter), Emmanuel Macron a défendu « la fidélité à l'esprit de 2017 : dépassement et audace ». Cette nomination s’inscrit dans la ligne de ses vœux aux Français, dans lesquels il insistait sur la nécessité d'un « réarmement » dans un certain nombre de domaines, « civique » notamment. L'Élysée précise qu’il s’agit d’« un choix de fond pour une nouvelle phase du quinquennat ». Gabriel Attal est attendu l'arme au pied par les oppositions qui n'ont vu en lui qu'un fac-similé du Président. Éric Ciotti (LR) dénonce « la communication permanente », Jean-Luc Mélenchon (LFI) moque un simple « porte-parole », le communiste Ian Brossat «un clone » et Olivier Faure (PS) juge qu'« Emmanuel Macron se succède à lui-même. » Dans la majorité, nombre de députés ont salué « l'élan » espéré via cette nomination. D'autres, tout en lui reconnaissant un grand sens politique et un « art consommé de la communication», estiment qu'il incarne le « désidéologisation de la politique». Dans son discours d’arrivée à Matignon, Gabriel Attal a tenu à reprendre son thème fétiche des classes moyennes, de ceux « qui travaillent et qui financent nos services publics et notre modèle social » et qui « ne s'y retrouvent plus». Le quotidien L’Opinionliste les douze travaux du tout nouveau chef du gouvernement: Vaincre le chômage; Rembourser la dette; Restaurer l’autorité; Sauver la planète; Réussir les Jeux Olympiques; Assurer la survie du macronisme; Vaincre le Rassemblement national; Convaincre la droite; Calmer l’aile gauche; Relever le niveau à l’école; Faire face aux urgences; Apprivoiser les poids lourds. Le défi le plus proche est celui des élections européennes de juin prochain qui s'annoncent difficiles pour la majorité face au Rassemblement national et qui seront une étape majeure avant la présidentielle de 2027 et la succession d'Emmanuel Macron. *** ISRAËL, TOUJOURS PLUS LA GUERRE? Trois mois après l'attaque terroriste du Hamas le 7 octobre, Israël est toujours plongé dans la guerre et rien ne semble indiquer une prochaine sortie de crise. Le conflit pourrait même entrer dans une nouvelle phase. L'assassinat ciblé le 2 janvier, à Beyrouth, de Saleh al-Arouri, numéro deux de la branche politique du Hamas, réveille la crainte qu'il ne prenne une dimension régionale avec l'ouverture d'un nouveau front au nord d'Israël. « Le crime que constitue l’assassinat de Saleh Al-Arouri au cœur de la banlieue sud de Beyrouth est une grave agression contre le Liban (…) et ne restera pas sans riposte ou impuni », a promis le Hezbollah. Le ministère iranien des affaires étrangères a déclaré que l’assassinat de Saleh Al-Arouri allait donner encore plus de motivation à l’« axe de résistance » contre Israël. Un porte-parole de l'armée israélienne a affirmé que « Tsahal est prête à faire face à tous les scénarios », autrement dit à une guerre sur plusieurs fronts au sud à Gaza, au nord au Liban et en Syrie, sans compter de possibles tirs de missiles des Houthis yéménites alliés de Téhéran ou de milices pro-iraniennes depuis l'Irak. Le ministre de la Défense, Yoav Gallant a rappelé les objectifs des forces de défense israéliennes : le retour des otages israéliens, le démantèlement militaire et opérationnel du Hamas, la suppression de la menace sécuritaire dans la bande de Gaza. Cependant, l’armée a besoin de clarifications, afin de réduire le nombre de ses troupes au sol. Un redéploiement attendu en janvier est déjà signalé. Tsahal souhaite préserver ses réservistes pour une guerre longue, qui coûte quelque 100millions d’euros par jour, et préparer une éventuelle poursuite de la guerre au nord du pays, contre le Hezbollah libanais. D'importants renforts militaires ont été déployés en Cisjordanie ainsi qu'à la frontière avec le Liban. Le 6 janvier, l'armée israélienne annonçait avoir « achevé le démantèlement de la structure militaire du Hamas dans le nord de la bande de Gaza » : seules des bandes de miliciens isolés y agiraient encore. Plus de 80% de la population dans la bande de Gaza a dû abandonner ses foyers, plus de 22.000personnes, civils et combattants, ont été tuées et 7.000sont portées disparues, selon le ministère de la santé de Gaza. L'armée israélienne reconnaît implicitement que les deux tiers d'entre eux sont des civils, et non des combattants ennemis. De son côté, elle a perdu 175soldats depuis le début de son offensive terrestre, le 27 octobre. En amont de la visite du secrétaire d’État américain Anthony Blinken dans la région, le ministre israélien de la Défense a présenté pour la première fois depuis le 7 octobre des pistes pour l'après-guerre. Dans son scénario, pas de retour des colons israéliens dans la bande de Gaza mais une administration locale validée par Israël, qui garderait le contrôle militaire du territoire. Ce plan est contesté au sein même du gouvernement israélien, dont les ministres ultra-nationalistes sont favorables à l'implantation de colonies. Benyamin Netanyahou, qui a besoin de leur soutien pour garder la majorité à la Knesset, ne s'est pas encore prononcé clairement.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’Ecole alsacienne le 7 janvier 2024. Avec cette semaine : Nicolas Baverez, essayiste et avocat. Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique. Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. L’HÉRITAGE EUROPÉEN DE JACQUES DELORS À L’HEURE DE L’IMPÉRIALISME RUSSE Jacques Delors l'ancien président de la Commission européenne s'est éteint, le 27 décembre, à 98 ans. Entré en fonction à Bruxelles en janvier 1985, l'ancien ministre des Finances français prévient « L’Europe n’a d’autre choix qu’entre la survie et le déclin. Il occupera son bureau bruxellois durant dix années consécutives, et marquera la construction européenne de son empreinte, au point que la presse américaine le baptise le « tsar de Bruxelles ». Son impulsion est décisive dans l’adoption de l’Acte unique, qui donne naissance au marché unique européen. Dans ses Mémoires, Jacques Delors donne à ce marché une triple fonction: organiser « la compétition qui stimule, la coopération qui renforce et la solidarité qui unit.» Suivront le traité de Maastricht, la monnaie commune, la création des fonds de cohésion pour soutenir l’élargissement de l’Union à des entrants moins bien lotis économiquement que les membres fondateurs, ou encore le programme d’échanges universitaires Erasmus. Jacques Delors était devenu le partenaire de nombreux chefs d'État et de gouvernement engagés comme lui en faveur de la construction européenne : le Chancelier allemand Helmut Kohl, le Premier ministre belge Jean-Claude Dehaene, le chef du gouvernement espagnol Felipe Gonzalez et François Mitterrand. En 2015, il a été nommé « citoyen d'honneur de l'Europe»troisième personnalité à être ainsi distingué, après Jean Monnet en 1976 et Helmut Kohl en 1998. Si Jacques Delors quitte Bruxelles, en janvier 1995, avec la satisfaction d'avoir rempli sa mission, il s'en va aussi avec le regret de constater, comme bien d'autres mais en l'ayant vécu de l'intérieur, à quel point l'Europe reste un nain politique. Il reste donc un long chemin à parcourir. Il va s'y employer, dans la mesure de ses moyens, avec sa fondation, Notre Europe. En 2021, il finira par porter sur l’Union européenne un regard critique, dans son interview testamentaire au Point constatant qu’« À vingt-sept, on s'éloigne des projets qui étaient ceux de Jean Monnet ou Robert Schuman. Du moins, on les rend beaucoup plus difficiles. Rien que le fonctionnement d'une Commission européenne à vingt-sept, déjà... » Pascal Lamy, son ancien directeur de cabinet, confie que Jacques Delors avait conscience de la difficulté de la situation actuelle, dans laquelle un seul des 27 peut jouer contre les 26 autres, voire, comme l’a fait récemment Viktor Orban monnayer son vote sur l’adhésion de l’Ukraine. Au moment où Jacques Delors disparait, deux questions se posent: face aux régimes illibéraux « la compétition qui stimule, la coopération qui renforce et la solidarité qui unit» va-t-elle passer du marché aux marchandages? Face à l’impérialisme russe l’Europe est-elle toujours un nain politique? *** LE NAUFRAGE DU BREXIT Le 1er janvier 2021 la Grande Bretagne est sortie de l'Union européenne. Sept ans après le référendum qui a vu les partisans du divorce l'emporter, un sondage de l'institut Opinium publié par «The Guardian» note que les Britanniques ne sont désormais plus que 22 % à juger que la séparation a été une bonne chose pour le Royaume-Uni. L'institut a demandé à 2.000 électeurs de juger si la sortie de l'UE avait eu un effet positif ou négatif dans différents domaines. Résultat : les avis positifs ne l'emportent pour aucune question. Seul un sondé sur dix estime que la sortie de l'UE a amélioré sa situation financière personnelle ou optimisé les salaires, quand 63 % la rendent responsable d'une partie de l'inflation. «Une nette majorité de l'opinion publique estime désormais que le Brexit a été néfaste pour l'économie britannique, a fait monter les prix dans les magasins et a entravé les tentatives du gouvernement de contrôler l'immigration », résume le quotidien. En 2023, 29.437 migrants ont fait la traversée, contre 45.774 en 2022 qui avait été une année record, selon des chiffres du ministère de l'Intérieur publiés le 1erjanvier. Une autre enquête, menée auprès des entreprises, montre que les sociétés travaillant avec l'UE se plaignent des nouvelles règles douanières. Christopher Hayward, le président du conseil d'administration de la City of London Corporation, l'organisation qui gère le quartier financier de Londres, estime que «Le Brexit a été un long et douloureux divorce. La confiance a été anéantie.» Selon un sondage de la British Chambers of Commerce de décembre, 2023, 60 % des exportateurs vers l'UE estiment que les échanges commerciaux sont plus difficiles qu'il y a un an. Or, toutes les obligations liées au Brexit ne sont pas encore en place. Les contrôles sanitaires sur les importations n’entreront en vigueur que cette année. Pour le gouvernement de Rishi Sunak, 2024s’ouvre dans l’appréhension d’une défaite électorale, sur fond de prédictions économiques moroses et d’un retournement d’opinion sur le Brexit Quelques sondages mesurent même un «Bregret», le regret du Brexit… Après quatorze ans au pouvoir, cinq premiers ministres, un Brexit et divers scandales, les tories sont devancés d’au moins quinze points par le Labour dans toutes les enquêtes d’opinion. Toutefois, contrairement aux précédentes le Brexit ne devrait pas s'imposer comme un thème central des élections législatives qui auront lieu cette année.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 8 décembre 2023. Avec cette semaine : François Carlier, écrivain, auteur de L’assassinat de Kennedy expliqué, bilan définitif après 60 ans. François Dufour, journaliste, auteur de L’assassinat de JFK. Matthias Fekl, avocat et ancien ministre de l’Intérieur. L’ASSASSINAT DE JFK ET LE COMPLOTISME Le 22 novembre 1963, le 35e président des États-Unis, John Fitzgerald Kennedy, était assassiné alors qu'il traversait la ville de Dallas, au Texas. À l’occasion du soixantième anniversaire de cette tragédie,les médias nous ont replongé dans ses méandres, avec une couverture presque aussi opulente qu'en 2013. L’évènement est rapidement devenu une énigme criminelle alimentant fantasmes, spéculations et supputations. Sait-on enfin ce qui s’est passé ce 22 novembre ? Oui, sans aucun doute pour mes deux invités, chacun auteur d’un livre sur l’assassinat de JFK. François Dufour, vous êtes journaliste, cofondateur de Play Bac en 1985, et rédacteur en chef du Petit Quotidien, de Mon Quotidien, de L’ACTU et de L’ÉCO. Votre petit livre publié en 2018 est limpide: Lee Harvey Oswald tire trois balles. La deuxième blesse JFK. La troisième le tue. Observé et entendu pendant son acte, en fuite, son profil est signalé. Le policier Tippit essaye de l’interpeller mais Oswald le tue de quatre balles, avant de se cacher dans un cinéma où il est finalement repéré. Le reste est du cinéma, dites-vous. Notamment le film complotiste d’Oliver Stone: «JFK» (1991), dans lequel vous relevez 24 fake news. François Carlier, vous êtes quant à vous l’auteur d’une somme monumentale – 944 pages – publiée pour la première fois en 2008, et rééditée en septembre 2023 avec pour titre: «L’assassinat de Kennedy expliqué, bilan définitif après 60 ans ». Le résultat de cette entreprise, qui a mobilisé une grande partie de votre vie, est clair: Lee Harvey Oswald, et lui seul, a tué Kennedy, sans complot d’aucune sorte. «Les histoires incroyables mais vraies, cela existe», écrivez-vous. Dans sa préface à votre ouvragePhilippe Labro écrit : «J’ai balancé et parfois hésité - parfois tenté d'accepter la version du complot. Mais, avec le temps, avec la réflexion, avec mes propres travaux, je persiste et signe : il existe une vérité, solide. Il existe ce que de grands historiens américains ont appelé « la tragédie sans raison ». Cependant, cette clarté des faits ne se reflète pas dans le traitement de l'affaire par de nombreux médias et journalistes français, qui oscillent entre scepticisme et théories du complot. Des figures médiatiques comme Laurent Delahousse, Thomas Sotto ou Pascal Praud expriment des doutes, tandis que d'autres comme Franck Ferrand, Marc Dugain ou Jean-Alphonse Richard penchent vers le complotisme. Avant de laisser vous interroger sur vos travaux, dites-nous d’abord comment vous êtes, chacun, devenus des experts du «Meurtre du siècle», pour reprendre l’expression d’un autre complotiste, feu Alexandre Adler, toujours rediffusé sur France Culture.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le18 février 2022. Avec cette semaine : Jacques Semelin, historien, politologue, directeur de recherche émérite au CNRS, spécialiste des processus de résistance civile au sein des dictatures ainsi que de l'analyse des massacres et génocides. Nicolas Baverez, essayiste et avocat. Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef du quotidienLa Croix. Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova. «Comment se fait-il que tant de Juifs ont pu survivre en France malgré le gouvernement de Vichy et les nazis ?», demandait Simone Veil en 2008 à l’historien spécialiste des crimes de masse et de la Shoah, Jacques Semelin. Dans «Une énigme française, Pourquoi les trois quarts des Juifs en France n’ont pas été déportés», l’historien explique cette exception française. Si Serge Klarsfeld a établi que trois quarts des Juifs en France ont échappé à la mort (chiffre exceptionnel en Europe), ce n'est pas l'action des quelque 4 000 Justes français qui pouvait à elle seule l'expliquer. Pas davantage une imaginaire mansuétude de Vichy: vous démontrez que ce n’est pas grâce, mais en dépit de Vichy que la très grande majorité des Juifs en France ont pu survivre. Transformant cette abstraction des 75% en nombre, vous rapportez qu’au moins 200 000 juifs sont toujours en vie en France à la fin de l’occupation, à l’automne 1944. Beaucoup se sont dispersés à la campagne, tandis qu’au moins 40 000 sont restés à Paris. Des filières de sauvetage (juives et non juives) ont contribué à sauver environ 10 000 vies, notamment celles d’enfants. Mais l’engagement de ces organisations de résistance ne peut rendre compte de la survie d’au moins 200 000 personnes, soit 65% des Juifs étrangers et 90% des Juifs français. D’autres explications doivent donc être trouvées.Sans jamais minimiser l’horreur du crime, vous écrivez votre enquête dans la mémoire des Juifs non déportés, votre analyse des circonstances de l’époque. Vous dégagez plusieurs facteurs d’explication: la chronologie de la persécution, les statuts politiques et militaires des territoires, les géographies et cultures des régions, de l’évolution de la guerre et de la situation internationale. L’histoire culturelle et politique de la société française: l’intégration des Israélites à la nation, le rôle de l’école et de la culture républicaine, l’ouverture ou le rejet des étrangers en lien avec les besoins économiques et démographiques du pays, la propagation des idées xénophobes et antisémites, l’influence du christianisme (antijudaïsme, charité). La structure des rapports occupants-occupés, les capacités de réactivité à la persécution des individus stigmatisés comme Juifs en fonction de leur nationalité (française ou non), leur âge et situation familiale, leurs ressources linguistiques, financières et sociales. La réactivité sociale des populations non juives vis-à-vis des Juifs sur les bases de l’intérêt (économique et financier) ou des ressorts de la compassion. La formation d’une opinion hostile aux opérations les plus brutales de la persécution (arrestations et déportations des juifs apatrides), ayant provoqué une dissension publique au sein des élites catholiques, par ailleurs favorables à l’Etat collaborateur. L’influence de cette prise de parole publique sur la politique de collaboration des dirigeants français. La capacité des Juifs et non Juifs à s’organiser collectivement pour créer des réseaux clandestins de résistance civile visant au sauvetage des victimes désignées, en premier lieu des enfants. Le développement d’une «société parallèle» qui, imbriquée à la «société officielle», contribue à la protection des pourchassés et persécutés du régime. De toute cette période et sur toutes ces questions, quelle vous semble être la réalité la plus difficile à faire reconnaître par l’opinion ?Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 15 décembre 2023. Avec cette semaine : Akram Belkaïd, journaliste au Monde diplomatique. Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors. Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova. LE CONSEIL EUROPÉEN DEVANT LES TRIBULATIONS DE L’UKRAINE Le Conseil européen a réuni jeudi et vendredi les chefs d’Etat et de gouvernement des 27 à Bruxelles, Ils ont pris la décision d’entamer les négociations d’adhésion avec l’Ukraine et la Moldavie. Il devait aussi avaliser un soutien de 50  milliards d’euros pour la période 2024-2027, afin de démontrer à Vladimir Poutine que les Européens sont prêts à soutenir ce pays dans la durée. Le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán a tenté de bloquer ces deux décisions pour lesquelles l’unanimité est requise. Pour fléchir le dirigeant magyar, Bruxelles a cette fois mis sur la table le déblocage de 10 milliards d’euros de fonds européens gelés. En Europe comme aux Etats-Unis, le soutien financier à l'Ukraine ne va plus de soi. Quand, en juin2022, les27décidèrent d'accorder à l'Ukraine le statut de candidat, il était convenu que Kyiv remplisse sept conditions avant l'ouverture des négociations. Parmi celles-ci, le respect des droits des minorités, qui ont été mises à mal en Ukraine par une législation contestée. Viktor Orbán est particulièrement sensible à ce que l'Ukraine rétablisse les droits de la minorité hongroise de Transcarpathie. L'Ukraine doit faire face à des tensions avec d’autres pays, notamment avec la Pologne, pourtant soutien de la première heure. Varsovie accuse Kyiv de concurrence déloyale dans les secteurs céréaliers et routiers. Si bien qu'elle n'assure plus que les livraisons d'armes « convenues antérieurement ». Le gouvernement pro-européen qui doit entrer en fonction la semaine prochaine, pourrait changer la donne. En Slovaquie, le nouveau Premier ministre Robert Fico a bloqué début novembre, une importante livraison d'armes programmée par l'exécutif précédent. Aux Pays-Bas, la formation d'extrême droite de Geert Wilders a remporté les élections législatives fin novembre. Parmi les mesures prévues dans son programme : l'interruption des livraisons d'armes à l'Ukraine. Selon un sondage du Conseil européen pour les Relations internationales dans six Etats membres de l'UE (Allemagne, France, Danemark, Pologne, Roumanie et Autriche), un grand nombre de citoyens pense que l'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne nuirait à la sécurité de l'Europe (45% en moyenne) plus qu'elle ne la renforcerait (25%). Interrogés sur l'impact dans leur propre pays, seuls 15% des Français et 20% des Allemands s'attendent à ce que la sécurité de leur pays soit renforcée par une telle adhésion (39 et 47%, respectivement, pensent que le résultat sera négatif). Il n'y a qu'en Pologne que les opinions positives l'emportent nettement (41% contre 30%). Si au Danemark et en Pologne, près de la moitié de la population soutient l'adhésion de l'Ukraine, à l'inverse, en Autriche, seuls 28% des citoyens sont favorables à l'adhésion, tandis que 52% y sont opposés. Mais dans la plupart des pays, 20 à 40% des personnes interrogées n'ont pas d'opinion ou sont indifférentes à la perspective de l'adhésion de l'Ukraine et de l'élargissement en général.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 8 décembre 2023. Avec cette semaine : Matthias Fekl, avocat et ancien ministre de l’Intérieur. Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef du quotidien La Croix. Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique. Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. QUELLE POLITIQUE POUR COMBATTRE LA MENACE ISLAMISTE EN FRANCE? L'attaque mortelle perpétrée le 2 décembre contre un touriste germano-philippin par un jeune Français fiché S, près de la tour Eiffel, confirme la persistance de la menace islamiste. Quelques semaines après Arras, en plein conflit Hamas-Israël et à huit mois des JO, les inquiétudes grandissent. Selon les différents services antiterroristes français, cette menace serait pour beaucoup le fait d'adolescents de 13 à 18 ans fascinés par la violence et enfermés dans une sorte de bulle numérique. Les prisons françaises accueillent aujourd'hui 391détenus terroristes islamistes et 462détenus de droit commun susceptibles de radicalisation. Déjà emprisonné pour terrorisme, et ayant fait l’objet d’un suivi psychiatrique, le profil de l’assaillant relance la polémique entre responsabilité psychiatrique et idéologie radicale. «Entre 25 % et 40 % des personnes suivies pour radicalisation sont concernées par des maladies mentales», assure Gérald Darmanin, favorable à ce que les pouvoirs publics puissent exiger une «injonction de soins pour une personne radicalisée suivie pour troubles psychiatriques». Un préfet, et non un médecin, pourrait ainsi forcer un radicalisé souffrant de problèmes psychiatriques à continuer son traitement. «L’analyse psy, elle est fondamentale. Mais il faut la combiner avec une solide connaissance de la dimension idéologique, parce que si on prend de l’idéologie pour de la folie, on fait des erreurs d’évaluation », souligne le chercheur Hugo Micheron, spécialiste du djihadisme. Autre mesure envisagée par le ministre de l’Intérieur, et par le président du Rassemblement national, celle de durcir la « rétention de sûreté », c'est-à-dire le maintien dans une forme de détention des cas jugés toujours menaçants à l'issue de leur peine. Le ministre de l’Économie et des Finances a déploré, pour sa part, que la publication d’images, faisant l’apologie du terrorisme, ne fasse l’objet d’«aucune sanction » pénale, contrairement au partage de contenus pédopornographiques. L'attentat confirme les craintes d'une importation de la guerre au Proche-Orient, l’auteur ayant évoqué la mort de Palestiniens à Gaza pour expliquer son geste. Depuis le 7octobre et les attaques du Hamas contre Israël, l'ensemble des pays européens ont accru leur niveau de vigilance. Tout comme la France, l'Espagne et la Belgique ont notamment renforcé la protection des synagogues. Au-delà des interrogations autour du suivi psychiatrique défaillant et des services de renseignement débordés, il y a la problématique des « sortants »: ces personnes condamnées pour terrorisme, qui ont purgé leur peine, et qui restent suivies de près. Le ministre de l'Intérieur a déclaré que, depuis qu'il y a des condamnations pour terrorisme, 340 personnes radicalisées qui ont purgé leur peine sont sorties de prison. « L'année prochaine, ce sera entre 30 et 35 personnes», a-t-il ajouté. *** LA PREMIÈRE COP VRAIMENT GÉOPOLITIQUE « Critique », « cruciale », « charnière » : du 30 novembre au 12décembre la Conférence des Nations unies sur le changement climatique, la COP28 rassemble à Dubaï, l'un des Émirats arabes unis - septième producteur mondial de pétrole- plus de 70.000 personnes (dirigeants, lobbies, ONG ou journalistes...). L'année 2023 devrait être la plus chaude jamais enregistrée dans le monde. Les effets de ce réchauffement climatique s'aggravent : fonte des glaciers, sécheresses à répétition, pénurie d'eau, perte de la biodiversité … D’après une étude de l’agence ONU Climat, publiée mi-novembre, les engagements climatiques actuels des pays mènent à 2% de baisse des émissions mondiales en 2030 comparé à l'année 2019, loin de la réduction de 43% recommandée par le GIEC. Hypothétique sortie du pétrole, fonds pour aider les pays les plus vulnérables au changement climatique, mobilisation de la finance mondiale pour l'adaptation, bilan des efforts consentis par les États pour réduire leurs émissions ... Le programme est chargé et cristallise déjà des débats entre pays du Nord, et du Sud. Lors de l’ouverture de la conférence, le président émirati de la COP28, le sultan al-Jaber a évoqué «le rôle des combustibles fossiles ». Il avait estimé auparavant que la réduction des énergies fossiles est « inévitable et essentielle », se gardant toutefois de fixer un calendrier. Seule une vingtaine de pays, dont la France, plaident franchement pour la fin de l'ensemble des énergies fossiles. Dès le premier jour de la COP, la création d'un fonds «pertes et dommages » climatiques pour les pays les plus vulnérables a été également actée. Historique, cette décision a été saluée par une ovation debout des délégués des 196 pays participants. A ce stade, 720millions de dollars ont été récoltés. En outre, les Émirats ont promis la création d'un fonds de 30milliards de dollars pour aider ces pays à conduire leur transition énergétique. Pour la première fois depuis huit ans, les 196États et l'Union européenne doivent évaluer les progrès réalisés par les pays depuis la signature de l'Accord de Paris de 2015. Ses signataires s'étaient engagés à maintenir l'augmentation de la température «bien en dessous » de 2,0 °C, et de préférence de 1,5 °C, par rapport aux niveaux préindustriels. Les débats les plus difficiles portent sur l'engagement des pays à réduire l'utilisation du charbon, du pétrole et du gaz, gros émetteurs de CO2. La COP28 se déroule dans un contexte géopolitique tendu lié à la guerre en Ukraine, et le conflit qui fait rage dans la bande de Gaza au Proche-Orient. Certains dirigeants présents à Dubaï, notamment les présidents israélien et français ont mené des négociations, en marge de la conférence, pour aboutir à la libération des otages détenus par le Hamas.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École alsacienne le 3 décembre 2023. Avec cette semaine : Nicolas Baverez, essayiste et avocat. Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors. Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova. LE HAMAS, MORT CERTAINE OU VICTOIRE HISTORIQUE? Après les massacres du 7 octobre et la débâcle sécuritaire pour le pays, la feuille de route que s’est fixée le gouvernement israélien est «de parvenir à la destruction des capacités militaires et administratives du Hamas et du Jihad islamique de manière à les empêcher de menacer et d’attaquer les citoyens d’Israël pendant de nombreuses années». Un objectif très proche de celui déjà formulé en2008, au lendemain de la prise de contrôle par le Hamas de la bande de Gaza. Ce qui interroge sur sa faisabilité. Car le Hamas n’est pas seulement une organisation, elle est aussi une idéologie qui, elle, ne va pas mourir. Pour le chroniqueur du Monde, Alain Frachon «on peut même parier que le pilonnage aérien systématique, les destructions d’habitations, l’exil intérieur et les privations imposées à une population gazaouie martyrisée vont susciter la prochaine génération de djihadistes.» En poursuivant cette offensive coûteuse en vies humaines palestiniennes, l’armée israélienne se retrouve de fait sur le terrain choisi par le Hamas. Comme lors des incursions précédentes, nul doute que ses infrastructures et ses miliciens sont déjà durement touchés et le seront plus encore, mais l’éradication promise par les autorités israéliennes supposerait une campagne de plusieurs mois, étendue à la totalité de Gaza. Or, l’armée israélienne ne dispose pas d’une maîtrise totale du temps et la mondialisation du conflit ainsi que la sensibilité des opinions, que l’on peut déjà constater, jouent contre elle. Sa stratégie offensive pèse lourdement sur l'image d'Israël. Le décompte quotidien des pertes civiles à Gaza donné par le Hamas ne peut pas être vérifié, mais les images et les témoignages qui parviennent de l'enclave attestent qu'il y a de très nombreuses victimes, parmi lesquelles 60journalistes, et de très nombreux enfants. Wassim Nasr journaliste à France 24 et membre du Soufan Center, créé par l’une des figures incontournables de l’anti-terrorisme, estime dans La Vie qu’«en libérant des femmes, des enfants et des personnes âgées, le Hamas renforce son image vis-à-vis d'un public déjà acquis à sa cause dans le monde». Ainsi, la scénarisation des remises d'otages, pour faire un récit «positif» adapté aux réseaux sociaux, a été immédiate. Le Hamas est donc, pour l'instant, gagnant dans cette grande bataille des perceptions: il dure face à une puissance militaire non négligeable, tandis ajoute le journaliste qu’«une éventuelle victoire militaire d'Israël sera toujours relativisée à cause des milliers de civils tués pour l'obtenir». *** LES POPULISMES AURONT-ILS L’EUROPE À L’USURE? Partout en Europe, les partis nationalistes ou d'extrême droite ont le vent en poupe. En Allemagne, Alternative für Deutschland (AfD) a progressé jusqu’à devenir le deuxième parti le plus populaire du pays. Son succès polarise la politique locale, et il pourrait remporter les élections en Thuringe l'an prochain. Le 22 novembre, aux Pays-Bas, le leader du Parti pour la liberté Geert Wilders a enlevé 37 des 150 sièges de la Chambre basse. Une avancée qui renforce le camp des pays menés par l'extrême droite, après celle de Roberto Fico en Slovaquie le 1er octobre. L'année prochaine, l'extrême droite pourrait encore accroître son influence à l'occasion des élections européennes de juin. Les sondages d’opinons n’excluent pas que Marine Le Pen remporte l’élection présidentielle en 2027. Si la plupart de ces partis sont toujours hostiles aux étrangers, l'expérience britannique a tempéré l’hostilité de certains envers l'UE et ils sont moins nombreux à vouloir abandonner la monnaie unique. Tous expriment de nouvelles inquiétudes, rejetant ostensiblement les politiques de lutte contre le changement climatique, qui, affirment-ils, serait une invention des élites. Ensuite, le soutien dont ils bénéficient a évolué. Selon les calculs de The Economist dans 15 des 27 États membres de l'UE existent aujourd'hui des partis d'extrême droite qui obtiennent 20 % ou plus dans les sondages, y compris dans tous les grands pays, sauf l'Espagne, où les nationalistes de Vox ont essuyé une défaite aux élections de juillet. Près des quatre cinquièmes de la population de l'UE vivent désormais dans des pays où l'extrême droite séduit au moins un cinquième de l'électorat. Toutefois, ces partis ont tendance à modérer leurs opinions quand ils sont endossent des responsabilités gouvernementales, comme le prouve Georgia Meloni, la première chef de gouvernement d'extrême droite dans un pays d'Europe occidentale depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui n’a pas cherché querelle à l'Europe. Dans les pays nordiques, on constate une tendance similaire. Le Parti des Finlandais et les Démocrates de Suède, deux formations nationalistes, se montrent plus pragmatiques depuis qu'ils ont soit intégré, soit accepté d'épauler une coalition au pouvoir.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le24 novembre 2023. Avec cette semaine : Matthias Fekl, avocat et ancien ministre de l’Intérieur. Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique. Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova. Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung. L’OBSESSION ALLEMANDE DU FREIN À L’ENDETTEMENT VA-T-ELLE PLOMBER L’EUROPE? Depuis la pandémie de Covid, la guerre en Ukraine, la crise énergétique et la flambée inflationniste, les règles de la discipline budgétaire régissant la zone euro ont été mises en suspens. Elles seront appliquées à nouveau le 1er janvier prochain. Ces critères de Maastricht, jugés unanimement obsolètes, fixent des seuils de 3 % du PIB maximum pour le déficit et de 60 % pour la dette. Ils resteront d’actualité. Le débat porte sur la façon de revenir à ces critères pour les États qui ne les respectent pas, une majorité parmi les vingt membres de la zone euro. Si Paris soutient la proposition de la Commission européenne en faveur de trajectoires de désendettement à la carte, négociées de gré à gré entre chaque pays et l'exécutif européen, Berlin refuse cette approche trop souple et réclame un ratio commun de désendettement, de 1 % par an pour les États dépassant les 3 % de déficit. La Commission a tenté un compromis en proposant 0,5 %. La dette des pays de l'UE culmine aujourd'hui à près de 150% du PIB en Italie et 110% en France. Si les règles sont rétablies au début de l'an prochain, la France ferait partie des sept pays qui « devraient en théorie se retrouver placés par la Commission sous la procédure de déficit excessif », avec l'Italie, la Belgique, la Slovénie, la Slovaquie ou Malte. En Allemagne, le projet de loi budgétaire adopté le 5 juillet marque le retour de la rigueur. Le ministre libéral des Finances, Christian Lindner, souhaite diminuer de 30 milliards les dépenses publiques et propose de baisser les budgets de tous les ministères, à l'exception de celui de la Défense. L'objectif est de faire passer le déficit budgétaire de l'Allemagne de 4,25 % du PIB à 1,75 %, et le niveau d'endettement du pays de 67,75 % à 66,5 %. Il s’agit de remettre le pays sur la voie du «frein à l'endettement», un concept inscrit dans la Constitution pour limiter le déficit budgétaire. Cette année, le gouvernement allemand tout comme le FMI ou les principaux instituts économiques allemands prévoient une récession de -0,4%. Selon la Commission, dix pays européens devraient être en récession cette année. Outre l’Allemagne, c'est le cas de la Suède, de l'Autriche, de l'Irlande, du Luxembourg, de la République tchèque, de la Hongrie et des trois pays Baltes. Le 15 novembre, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a annulé la deuxième loi de finances rectificative qui comportait 60Mds d'euros en faveur du climat. Une décision qui prive le gouvernement allemand de toute marge de manœuvre au moment où les27doivent débattre, lors du prochain Conseil européen des14et 15décembre, d'une révision, à mi-mandat, du cadre budgétaire européen. La Commission européenne avance que les caisses sont désormais vides. Selon elle, il est impératif desoutenir l'Ukraine de 50Mds supplémentaires jusqu'en 2027, d'affecter15nouveaux Mds aux partenariats extérieurs pour gérer lesmigrations, de créer un fonds de soutien de 10Mds aux technologies critiques, de couvrir la hausse des taux du grand emprunt européen et rehausser les traitements des fonctionnaires pour tenir compte de l'inflation. *** LA SOCIÉTÉ IDÉALE AUX YEUX DES FRANÇAIS Ipsos pour la Fondation Jean-Jaurès en partenariat avec la CFDT, a mené en mars 2023, une enquête d’opinion sur « la société idéale de demain aux yeux des Français», publiée ce mois-ci. Société, lieux de vie et mobilités, relations familiales, travail et temps libre, réussite et argent, rythmes de vie, modes de consommation, sont les principaux items. Une majorité écrasante de Français (95 %) exprime un désir de changement de la société actuelle, avec 59 % favorables à une réforme en profondeur ou à une transformation radicale. Ce sentiment transcende les clivages d’âge et de catégorie sociale, bien que les sympathisants de la droite extrémiste soient particulièrement enclins à souhaiter des changements radicaux. Les principaux pôles d’appartenance aux yeux des Français sont la famille (61%), le pays (10%) et les groupes d’amis (4%). Les célébrations traditionnelles jouent un rôle clef dans le renforcement de l’identité nationale. Parallèlement, une courte majorité (53%) valorise la reconnaissance des identités multiples en termes de genre, de religion, d’origine et de sexualité. Si le travail continue de représenter un élément important de la vie des Français, ils souhaitent pouvoir donner leur avis sur son organisation, en particulier afin de pouvoir le concilier plus facilement avec leurs autres activités. Environ 58 % des répondants préfèrent travailler dans une ou deux entreprises tout au long de leur vie professionnelle, indiquant une prédilection pour une carrière stable avec peu de changements. Ils aspirent également à plus d’horizontalité dans la gestion des entreprises. Ils sont 32% à souhaiter alterner télétravail et présentiel, et 12% seulement souhaitent ne faire que du télétravail à l'avenir. Six Français sur dix (60%) estiment que l’écart de salaire mensuel entre la personne la plus pauvre et la plus riche dans une société idéale devrait être au maximum dans un rapport de 1 à 10. Si la démocratie reste le modèle de gouvernance privilégié, ses modalités posent débat: 45% privilégient la démocratie représentative et 40% la démocratie directe ou participative. Le rejet de la démocratie reste marginal, avec 7 % préférant un «dirigeant fort» sans contre-pouvoirs. A l’encontre des idées reçues, dans la société idéale, l’information passe par les journaux ou la radio et non par les réseaux sociaux sur lesquels l’invective est facile et l’information jugée pas toujours fiable. Le mode d'achat idéal pour 52%, c'est l'achat dans des petits commerces spécialisés, puis les grandes surfaces et enfin les plateformes Internet. Les Français privilégient le modèle de «ville nature» et une préférence marquée pour la proximité de services publics essentiels. 56% des répondants privilégient le calme et la tranquillité. 37 % mettent en avant la possibilité d’avoir un espace privé important (comme une surface habitable avec jardin). 36% apprécient la proximité de la campagne ou des forêts. 32 % valorisent des relations sociales faciles et apaisées entre les habitants. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 17 novembre 2023. Avec cette semaine : Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. David Djaïz, essayiste, entrepreneur et ancien secrétaire général du Conseil National de la Refondation. Michel Eltchaninoff, rédacteur en chef du mensuel Philosophie Magazine. Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef du quotidien La Croix. MÉLENCHON, LA GAUCHE ET LA RÉPUBLIQUE Après l'attaque du Hamas contre Israël, le refus de Jean-Luc Mélenchon de qualifier le Hamas d'organisation terroriste a creusé un peu plus le fossé avec les autres composantes de la Nupes et fracturé son propre parti. Les «frondeurs» du mouvement s’opposent désormais ouvertement à lui tandis qu’un collectif de 420militants réclame une «refondation du mouvement », en plaidant pour « une VIeRépublique à La France Insoumise». Les communistes ont tourné la page de la Nupes, suivis par le mouvement Génération Écologie et les socialistes ont déclaré un « moratoire » en attente d'une «clarification ». En matière de politique internationale, tout ou presque oppose LFI aux autres partis de gauche: la Russie et l’Otan, l’Ukraine, la Palestine et Israël, la Chine, le Tibet, Taïwan aussi bien que le soutien mélenchoniste aux dictatures «socialistes» latino-américaines. Alors que LFI est une force eurosceptique, les autres formations sont europhiles (le Parti communiste français est dans une position intermédiaire). Lors de la séquence des retraites, en choisissant une stratégie de l'obstruction à tout débat, Jean-Luc Mélenchon a brusqué le reste de la gauche et une partie du front syndical uni. En septembre 2022, son soutien à son lieutenant Adrien Quatennens, condamné pour violences envers son épouse, avait fait s'interroger de nombreuses personnes, y compris dans son propre camp. La semaine dernière ladéputée de Seine-Saint-Denis, Raquel Garrido, qui avait accusé Jean-Luc Mélenchon de nuire à LFI, aété suspendue pour quatre mois de son rôle d’oratrice à l’Assemblée nationale. Intransigeant « laïcard » à ses débuts, Jean-Luc Mélenchon, s'est mué en pourfendeur de «l'islamophobie ». Une partie de la classe politique juge qu'il serait sorti du «champ républicain», et trouve des traces d’antisémitisme dans ses innombrables tweets. Pour le politologue Jérôme Fourquet, «comme La France insoumise a fait des quartiers populaires peuplés de descendants de l'immigration son socle électoral, il y a une tentation d'axer sur le civilisationnel, voire le religieux ». Selon un sondage Cevipof-OpinionWay après le premier tour de la présidentielle de 2022, 68% des Français musulmans ont voté pour Jean-Luc Mélenchon. Au sortir de la présidentielle de 2017, il était la personnalité préférée des Français avec 61% de bonnes opinions selon l'Ifop. Désormais, selon un sondage CSA pour CNews, 71 % des Français voient en lui un « danger pour la démocratie ». L'institut Odoxa qui interroge les Français sur la personnalité qui leur inspire le plus de « rejet », le place aujourd’hui, avec 62 %, comme la personnalité la plus rejetée de France, devant Éric Zemmour. *** ROYAUME-UNI: OÙ VONT LES CONSERVATEURS? Le parti Conservateur au pouvoir au Royaume-Uni a subi, le 20octobre, une sévère défaite lors de deux élections partielles face au parti travailliste. Ces deux scrutins se tenaient au moment où la cote du Premier ministre, Rishi Sunak, qui s'efforce de se présenter comme une incarnation du changement bien que son parti soit au pouvoir depuis 13ans, est au plus bas depuis son arrivée à Downing Street il y a près d'un an. Les sondages récents donnent une avance de 17à 20points au Labour. À l’actif du Premier ministre: le rapprochement avec le continent, symbolisé par la signature d’un accord augmenté sur l’Irlande du Nord en février, le ralentissement de l’inflation observé ces derniers mois et la baisse d’un tiers du nombre de traversées de la Manche, en partie grâce à la signature d’un accord de renvoi des Albanais déboutés de l’asile vers leur pays d’origine. La volonté politique de limiter l’immigration se heurte toutefois à la réalité des besoins économiques. En l'occurrence, ceux d'un pays qui connaîtde gravespénuries de main-d’œuvre dans des secteurs comme l'agriculture, l'hôtellerie-restauration, le bâtiment, le transport routier, les hôpitaux ou l'aide à domicile. Des métiers boudés parles «White British», occupés par les Polonais, les Roumainset les Bulgaresavant que le Brexit les en chassesans ménagement. L’économie demeure morose et The Guardian dénonce une nouvelle forme de pauvreté, créée par les Tories: l’an passé 3,8 millions de personnes étaient dans la misère au Royaume-Uni, l’équivalent de la moitié de la population de Londres incapable de se nourrir, se vêtir, et se chauffer. Un chiffre qui a doublé au cours de ces cinq dernières années. Le 7 novembre, le gouvernement britannique a dévoilé ses projets pour combattre la criminalité et relancer la croissance économique. Le Premier ministre Rishi Sunak s'est employé à se démarquer du parti travailliste, en misant sur le durcissement des peines pour les auteurs d'infractions violentes et en révisant à la baisse les objectifs du pays en matière de climat, présentés comme un fardeau pour les ménages. Le 13 novembre, le Premier ministre a créé la surprise, en rappelant au gouvernement son prédécesseur David Cameron, l'homme du référendum du Brexit, comme chef de la diplomatie. Attendu depuis des mois, un changement du gouvernement conservateur semblait inéluctable pour renvoyer la très à droite ministre de l'Intérieur Suella Braverman, dont les critiques formulées à l'encontre de la police la semaine dernière ont constitué la provocation de trop. Au Home Office, elle est remplacée par l'ex-chef de la diplomatie James Cleverly, qui devra assumer une politique très restrictive sur le droit d'asile. Mercredi, la Cour suprême britannique a confirmé l'illégalité du projet controversé d'expulser vers le Rwanda les demandeurs d'asile, d'où qu'ils viennent, arrivés illégalement sur le sol britannique.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 10 novembre 2023. Avec cette semaine : Matthias Fekl, avocat et ancien ministre de l’Intérieur. Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique. Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors. Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova. PROJET DE LOI SUR L’IMMIGRATION Promis par Emmanuel Macron durant sa campagne de 2022, présenté le 1erfévrier 2023 en Conseil des ministres, le projet de loi immigration a commencé son parcours au Parlement au Sénat à la mi-mars 2023. Les sénateurs de la commission des Lois avaient alors considérablement durci cette première mouture. Sur fond de grogne sociale sur la réforme des retraites et face à ce détricotage du Sénat, après plusieurs mois d'hésitations, le texte, toujours décrié à gauche comme à droite et contesté par les associations de défense des exilés, a finalement repris lundi au Sénat son parcours parlementaire. En présentant les contours de la loi, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, en a résumé ainsi l'esprit : «Être méchant avec les méchants, et gentil avec les gentils ». Depuis la Seconde Guerre mondiale, le pays a connu en moyenne une réforme migratoire tous les deux ans. L’actuel projet de loi devrait être le 30èmetexte sur l'immigration adopté depuis 1980.La multiplication par trois des flux migratoires en Méditerranée l'an passé,commele récent attentat terroriste d'Arrasont poussél'exécutif à légiférer, une fois de plus, cinq ans seulement après la précédente réforme, celle de Gérard Collomb. Le projet de loi visant à «contrôler l'immigration» et à «améliorer l'intégration» vise notamment à: expulser en priorité les étrangers « délinquants », réformer le système d'asile, donner un tour de vis aux dispositifs de santé et de regroupement familial, mais aussi régulariser certains travailleurs sans-papiers… Dans une chambre contrôlée majoritairement par la droite, les sénateurs ont adopté l’instauration de «quotas», avec le principe d’un débat annuel au Parlement pour fixer des plafonds d’immigration pour certains fluxainsi qu’un durcissement des conditions du regroupement familial. Mardi, les centristes et les Républicains se sont accordés, sur la suppression de l'article 3 qui visait à régulariser les sans-papiers dans les métiers en tension. Il s’agissait d’une ligne rouge pour la droite sénatoriale. La suppression de l'article 3 se ferait toutefois en échange de quelques concessions de la part de la droite: si Républicains et centristes se sont accordés sur un nouvel article qui durcit les conditions de régularisation par le travail, ils laissent le pouvoir décisionnaire aux préfets. Les sénateurs LR ont également voté le rétablissement du délit de séjour irrégulier et supprimé l’aide médicale d’Etat (l’AME) remplacée par une aide médicale d’urgence (AMU) plus étroite. Mercredi, ils ont supprimé l’automaticité de l’accès à la nationalité à leur majorité pour les jeunes nés en France de parents étrangers, en exigeant des jeunes qu’ils demandent désormais explicitement à devenir Français pour être naturalisés. Selon une étude Opinionway pour le quotidien Le Parisien, 87% des sondés estiment, qu'il faut changer les règles relatives à l'immigration et le sondage Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro indique que 78 % à se disent « favorables » au texte porté par le ministre de l'Intérieur. Les débats doivent durer jusqu’au 14novembre, jour du vote solennel. L’Assemblée nationale devrait ensuite examiner le texte en décembre, si le calendrier est maintenu. *** LES ÉLECTIONS POLONAISES En Pologne, l'opposition centriste pro-européenne a remporté la majorité parlementaire aux législatives du 15 octobre, battant les populistes nationalistes, le parti Droit et Justice (PiS), au pouvoir depuis 2015 et l'extrême droite. Les trois partis démocrates, disposent à la Diète d’une majorité de 248sièges sur 460, et de 66 sur 100 au Sénat. Le chef de la Coalition civique (KO), Donald Tusk, est pressenti pour redevenir Premier ministre, fonction qu’il a déjà occupée entre 2007 et 2014. Il devra faire face à une opposition résolue du parti PiS, fort de 194 élus, ainsi qu’à une cohabitation houleuse avec le président Andrzej Duda (issu du PiS), au moins jusqu’à l’élection présidentielle de 2025. La participation électorale record de 73,9%, a été permise grâce à une mobilisation des femmes et des jeunes. Leur participation a atteint 68,8% selon l'institut de sondage Ipsos. La question de l’interdiction de l’avortement par le PiS, et sa politique sociétale très conservatrice, ont été déterminantes pour cet électorat. L'un des premiers défis auquel le nouveau gouvernement sera confronté sera de maintenir ou non le même niveau de dépenses sociales pour les Polonais, pierre angulaire de la politique menée par le PiS. Sur ce plan, la pression du marché, déjà nerveux, mais aussi celle des agences de notation, montent. Si la Bourse de Varsovie et le zloty ont bondi après la victoire de l'opposition, l'UE prévoit un taux d'inflation de 11,4% en 2023, ainsi qu’une croissance faible, de +0,5% du PIB. Toutefois, les marchés comptent sur une détente vis-à-vis de Bruxelles où 36milliards d'euros destinés à la Pologne sont aujourd'hui gelés, tant que Varsovie ne respecte pas l'indépendance des juges. La Pologne a d’autant plus besoin de cet argent qu'elle a accueilli plus d'un million de réfugiés ukrainiens et qu'elle est en train de moderniser son armée.Dès le 25 octobre, Donald Tusk s’est donc rendu à Bruxelles. La Pologne qui a envoyé des quantités d'armes et d'aide à Kyiv, joue un rôle clé dans le transit pour les approvisionnements occidentaux. Mais la décision de Varsovie d'arrêter les importations de céréales ukrainiennes pour protéger ses propres agriculteurs a irrité l’Ukraine. Varsovie a menacé de restreindre ses livraisons d'armes. Les tensions devraient persister également sur la question migratoire : Tusk a promis à son électorat de ne pas céder sur la relocalisation des migrants européens, l'électorat polonais y restant opposé à 80 %. Le PiS, qui reste numériquement le premier parti du pays, va tout faire pour conserver les postes et l’ossature administrative qu’il a bâtie en huit ans, tandis que le président, Andrzej Duda peut bloquer certaines législations par son veto. La future coalition majoritaire devra concilier de nombreux courants politiques, allant de la droite démocrate-chrétienne à la gauche progressiste et laïque. Elle se heurtera à «l'État profond » installé par le PiS, notamment dans la justice et au Tribunal constitutionnel.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École alsacienne le 5 novembre 2023. Avec cette semaine : Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France. Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. NOUVELLE SITUATION SUR LE FRONT UKRAINIEN Le 30 octobre, le magazine américain Time a décrit une atmosphère défaitiste à la présidence ukrainienne, entre colère et désillusion face à la baisse de soutien des pays alliés. Time relève les obstacles auxquels fait face Kyiv: front enlisé, difficultés à mobiliser dans l’armée, corruption profonde… Le texte, massivement repris et traduit dans les médias ukrainiens, a été salué pour sa lucidité par une partie de l’opinion du pays, et critiqué par d’autres. Un passage a suscité l'attention : la promesse, évoquée par des conseillers du président Zelinsky, d'un imminent « changement majeur de stratégie militaire» ainsi que d'un remaniement de grande ampleur de l'entourage du président. Deux jours plus tard, l’hebdomadaire britannique The Economist, a publié un entretien particulièrement alarmiste avec le commandant en chef des forces armées, Valeri Zaloujny. A propos de la contre-offensive ukrainienne lancée au début du mois de juin pour récupérer les territoires occupés par la Russie, le général reconnaît un «échec» et la dépeint bloquée dans une «impasse». Le haut gradé évoque la transformation du front en une guerre de positions, très défavorable à l’Ukraine, qui ne pourra pas tenir en matière de ressources humaines face à la Russie. Le général va jusqu’à évoquer une «défaite» en cas de retard dans les livraisons d’armement, des méthodes et un matériel «dépassés». Selon lui, aucun des deux camps ne peut avancer car ils sont chacun sur un plan d'égalité technologique. Mais ce bourbier profite à la Russie, qui a augmenté ses capacités de production malgré les fortes sanctions et accru son budget militaire. Pour gagner la guerre, prévient Zaloujny, l'Ukraine doit impérativement jouir de la supériorité dans les airs. Cela implique de bénéficier de F-16 et de drones plus sophistiqués. L'armée doit aussi améliorer ses capacités de guerre électronique et son artillerie de précision avec l'aide de ses alliés. Elle a besoin enfin de moyens de déminage. Surtout, Kyiv doit mobiliser davantage. L'Ukraine, qui dépend des livraisons d'armes occidentales pour son effort de guerre, a dit craindre cet hiver une nouvelle campagne de bombardements russes massifs visant ses infrastructures énergétiques, pour plonger la population dans le noir et le froid. Face à la crainte d'une baisse du soutien occidental, l’Ukraine s'efforce désormais d'attirer les industriels de la défense pour fabriquer armes et munitions sur son sol. Mais depuis la fin de l'été, Kyiv voit se fragiliser la coalition des pays qui la soutiennent. La Slovaquie a déjà stoppé ses livraisons d'armes après l'arrivée au pouvoir du dirigeant populiste prorusse Robert Fico. La Pologne aussi, à la suite d'un différend sur l'exportation des céréales ukrainiennes. La France a averti fin septembre, que ses armes ne seront plus livrées gratuitement à l'Ukraine, sauf exception. Aux États-Unis, le Congrès américain se montre de plus en plus réticent à voter les budgets d'aide militaire à l'Ukraine. De son côté, la Russie a acté fin septembre une hausse considérable de son budget militaire et elle a revendiqué avoir enrôlé 385.000 nouveaux soldats dans son armée depuis le début de l'année, après avoir mobilisé 300.000 réservistes en septembre 2022. *** LE GOUVERNEMENT NETANYAHOU A-T-IL UNE STRATÉGIE AU-DELÀ DES DESTRUCTIONS CIVILES ET MILITAIRES? A Gaza, les intentions politiques israéliennes restent, pour le moment, confuses: «éliminer» le Hamas pour le ministre de la Défense, Yoav Gallant, ou transformer ses zones d’opération «en ruines» pour le Premier ministre Benyamin Netanyahou. Sur le statut politique à venir de la bande de Gaza, les positions avancées par les dirigeants de Tel-Aviv sont diverses. «Nous n’avons aucun intérêt à occuper Gaza ou à rester à Gaza», a déclaré l’ambassadeur israélien auprès des Nations unies. Benny Gantz et Gadi Eisenkot, deux leaders de l’opposition, ont rejoint le gouvernement d’unité nationale à la condition que soit formulé un plan opérationnel de sortie de Gaza. Ces derniers jours, des députés du Likoud souhaitaient publiquement une «Nakba 2» en référence à l’exil forcé de 600 000 à 800000 Palestiniens en 1948. Le ministre des Affaires étrangères Eli Cohen a annoncé une «diminution du territoire de Gaza» après la guerre. De manière générale, le gouvernement de Benyamin Nétanyahou revendique sans s’en cacher une poursuite accrue de la colonisation, voire tout simplement l’annexion de pans des territoires palestiniens. En mars, la ministre des Implantations et des Missions nationales Orit Strock appelait à une recolonisation de Gaza. La Direction de la planification des forces de défense israéliennes a été officiellement chargée de coordonner la stratégie post-guerre. Différentes options sont étudiées: transférer la gestion des Palestiniens de Gaza à l’Égypte ou à des organisations internationales; réinstaurer à Gaza le pouvoir de l’Autorité palestinienne (très décriée en Cisjordanie); déplacer la population vers certaines zones de Gaza, vers le Sinaï ou la Jordanie (ce que refusent en chœur l’Égypte et la Jordanie); annexer et contrôler militairement des pans de la bande… A ce jour, titre le Financial Times : “Il n’y a pas de plan pour le jour d’après». L’historien Yuval Noah Harari estime que «le processus de paix semble désormais enterré pour de bon, à moins que des forces extérieures n'interviennent pour désamorcer la guerre». Henry Laurens, professeur au Collège de France, en charge de la chaire d'histoire contemporaine du monde arabe en doute : «je ne crois malheureusement pas qu’une intervention extérieure puisse véritablement accélérer le processus de paix: la paix est impossible — au sens où Raymond Aron l’entendait lorsqu’il disait «paix impossible, guerre improbable». Aujourd’hui on pourrait dire: «paix impossible et guerre certaine».Nous sommes dans une impasse qui semble devoir perdurer pour une durée indéterminée».Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le Avec cette semaine : Nicolas Baverez, essayiste et avocat. Akram Belkaïd, journaliste au Monde diplomatique. Michel Eltchaninoff, rédacteur en chef du mensuel Philosophie Magazine. Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. L’ARGENTINE ENTRE DEUX POPULISMES En Argentine, alors que tous les sondages donnaient le libertarien Javier Milei vainqueur il a obtenu 30, 2% des voix au premier tour de la présidentielle contre 36,3% à son rival, Sergio Massa, ministre de l’Économie et candidat de la coalition péroniste de gauche sortante Unión por la patria. Alors que voter est obligatoire en Argentine, le scrutin a été marqué par une abstention record: 74 % de participation, en recul de 9 points par rapport à 2019. Pour le deuxième tour, le 19 novembre, les deux hommes se disputeront notamment les voix de la droite traditionnelle, éliminée avec Patricia Bullrich et ses 23,8%,. L’actuel ministre de l’Économie a pourtant été incapable de juguler une inflation de 140%, dans un pays où 40% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, où le dollar atteint 1.000pesos au marché noir et où le PIB perd 3,3% par an. Pour effectuer sa «remontada» par rapport aux élections primaires d'août qui le donnait deuxième, ( il est passé de 5,3millions à 9,6millions de voix), Sergio Massa a annoncé une série de mesures destinées à protéger le pouvoir d'achat des électeurs. Il a mis en place un remboursementde la TVA sur les produits de première nécessité pour les salaires inférieurs à 700.000 pesos par mois (soit six fois le salaire minimum). Il a supprimé l'impôtsur le revenu pour l'immense majorité des travailleurs. Il veut «reconstruire la patrie » grâce à un large programme pour faciliter l'accès à la terre et au logement. Il veut renforcer les entreprises publiques, prône une politique d'adaptation volontariste au réchauffement climatique, et promet une « révolution éducative » dont le contenu reste vague. Sergio Massa se fixe quatre objectifs macroéconomiques : l'ordre fiscal, l'augmentation de l'excédent de la balance commerciale, qui devrait permettre de renflouer la Banque centrale, le développement dans l'inclusion sociale. Enfin, il veut rembourser au plus vite la dette que le pays a contractée auprès du F. M.I. Javier Milei, quant à lui, est un polémiste surgi en 2021 des plateaux TV sur la scène politique, souvent comparé à Donald Trump. Il a depuis suivi un fil rouge « dégagiste » contre la « caste parasite», visant les péronistes (centre-gauche) et les libéraux qui alternent au pouvoir depuis vingt ans. Anti-étatiste, son «plan tronçonneuse» vise à diminuer les dépenses publiques en supprimant plusieurs ministères (Éducation, Santé, Travaux publics et Développement social, Femmes), à libéraliser le port d'armes pour les civils et le commerce d'organes Il entend remplacer la monnaie nationale par le dollar, comme l'ont déjà fait le Panama ou l'Équateur. Mais dans un texte publié début septembre, 170économistes qualifiaient cette dollarisation de « mirage », en raison du manque de dollars en circulation dans le pays et dans les coffres de la banque centrale. Il est opposé à l'avortement, doute de l'origine humaine du changement climatique, considère l'homosexualité comme un handicap et célèbre Viktor Orbán, Giorgia Meloni et Marine Le Pen. Lundi matin à l'ouverture des marchés, le risque pays, tel que mesuré par JP Morgan, a augmenté de plus de 10 %. *** L’EUROPE ET LA SÉCURITÉ Deux citoyens suédois ont été tués et un autre grièvement blessé à Bruxelles, le 16octobre, par un homme qui s’est présenté ensuite, dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, comme un membre de l’organisation Etat Islamique. L’auteur des faits, Abdesalem Lassoued, un Tunisien de 45ans sans papiers, a été tué par la police. Le royaume, qui a connu deux attentats meurtriers faisant trente-cinqmorts en2016, compterait aujourd’hui quelque 600 « fichés S » dont la surveillance serait difficilement assurée. L’auteur de l’attentat ne figurait toutefois pas sur les listes de l’Office central d’analyse de la menace, a assuré le ministre de la Justice qui a démissionné. La Sûreté de l’Etat – le service de renseignement intérieur – a appelé récemment à un renforcement de ses moyens dans la lutte contre le terrorisme. Après l’assassinat dans un lycée à Arras du professeur Dominique Bernard et le meurtre des deux touristes suédois à Bruxelles, des aéroports ont été évacués en catastrophe en France, des frontières intérieures se sont fermées... L'Europe fait face à un risque terroriste bien plus important depuis l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier. Le 19octobre, à Luxembourg, les ministres de l'Intérieur de l'Union européenne ont discuté de l'importation du conflit israélo-palestinien et de leurs corollaires, qu'il s'agisse d'antisémitisme ou d'islamophobie. Plusieurs ministres ont appelé à des politiques migratoires plus strictes consistant à mieux filtrer les entrées dans l'Union européenne et à pouvoir renvoyer plus rapidement les demandeurs d'asile qui présentent un risque pour la sécurité. Gérald Darmanin a dénoncé «un peu de naïveté dans les institutions de certains pays ou de l'Union européenne» face à ce qu'il appelle le «djihadisme d'atmosphère ». L'UE dispose désormais d'outils bien plus coercitifs que lorsque la France et la Belgique avaient été frappées en 2015 et en 2016. D’abord le règlement de l'UE adopté en 2021 et mis en œuvre depuis juin 2022 qui oblige les plateformes à supprimer en une heure les contenus terroristes, sur injonction des autorités compétentes des États membres. Mais également, le Digital Service Act, cette loi récente portée par le commissaire français Thierry Breton et qui vise à la modération des contenus diffusés sur internet. La guerre entre le Hamas et Israël, la polarisation croissante observée dans nombre d'États membres et le risque terroriste, conjugués aux importantes arrivées irrégulières dans l'UE, font monter la pression autour du pacte migration et asile, cet ensemble de textes présentés en septembre 2020 et toujours en discussion. Réunis en conseil à Bruxelles, jeudi et vendredi, les Vingt-Sept ont fait le point sur la sécurisation des frontières extérieures de l’UE. Certains États membres ont d'ores et déjà choisi de ne pas attendre davantage. Comme l'Autriche, l'Italie a décidé de réintroduire des contrôles à la frontière avec la Slovénie. Les gouvernements européens craignent une poussée des tensions communautaires à mesure qu’augmentera le nombre de victimes civiles dans la guerre d’Israël contre le Hamas. Dans plusieurs pays, dont la France, les actes antisémites, et, dans une moindre mesure, islamophobes, ont augmenté.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à la Fondation Jan Michalski le 12 octobre 2023. Avec cette semaine : David Djaïz, ancien secrétaire général du Conseil National de la Refondation. Françoise Fressoz, éditorialiste au journal Le Monde. Jean-Jacques Roth, ancien directeur du quotidien Le Temps. Notre temps semble caractérisé par une crise de la politique nationale qui se manifeste pour ainsi par le haut, avec la dilution du pouvoir des États-nations dans la mondialisation, et par le bas, avec la perte de confiance dans le personnel politique et les institutions. À mesure que la mondialisation progresse, les marges de manœuvre des États-nations, par définition localisées, semblent de plus en plus limitées. Contraints de répondre à des enjeux globaux comme le réchauffement climatique, les flux migratoires ou la régulation financière internationale, leurs leviers d’action nationaux paraissent impuissants. Le pouvoir des États-nations est concurrencé par des firmes qui ignorent les frontières ou par des entités supra-étatiques comme la Commission européenne. David Djaïz, vous avez ainsi écrit dans la Revue Esprit que l’État «ressemble de plus en plus à un « sujet passif », partiellement dépossédé de sa souveraineté.» De plus, la dette publique, les taux d'intérêt croissants et les déficits publics élevés limitent les politiques budgétaires. Ainsi cette impuissance manifeste se traduit-elle par un désenchantement, voire un rejet de la politique nationale, auquel s’ajoute une crise de confiance dans les institutions. Cette crise s’illustre par plusieurs types de comportements: l'abstention aux élections, la progression des partis politiques anti-systèmes, la demande de mécanismes de démocratie directe ou la participation à des mouvements de protestation non institutionnalisés. La dernière vague du baromètre de la confiance politique du Cevipof, réalisée entre le 27 janvier et le 17 février 2023, indique qu’en France, la confiance dans les institutions est à son plus bas niveau depuis la crise des Gilets jaunes. Près des deux tiers considèrent que la démocratie ne fonctionne pas bien – 10 points de plus qu’il y a deux ans –, 68 % d’entre eux demandent une plus grande implication de la société civile dans la vie politique et 70 % estiment que les hommes politiques sont principalement préoccupés par leurs intérêts personnels. Face à cette crise multidimensionnelle, diverses propositions émergent pour rééquilibrer la mondialisation et renouveler la confiance dans la politique nationale. L’économiste Dani Rodrik plaide depuis plusieurs années pour que les accords internationaux visent à améliorer le fonctionnement de l'État-nation plutôt qu'à l'affaiblir. Quant à l’adhésion des citoyens, plusieurs réformes institutionnelles sont envisagées en France: revenir au septennat, introduire une dose de proportionnelle aux élections législatives, supprimer l’article 49.3 et donner plus de pouvoir au Parlement, mettre en place des référendums d’initiative citoyenne ou encore une véritable démocratie participative en faisant entrer les citoyens au parlement, comme le proposent une note de Terra Nova. En contrepoint, beaucoup d’observateurs soulignent l'efficacité de la Constitution suisse. Ainsi Giuliano Da Empoli a-t-il loué dans le quotidien Le Temps les vertus d’un système permettant de désamorcer toute déstabilisation forte. Enfin, Dominique Schnapper a fait dans la revue Telos un éloge de la culture du compromis qu’elle nomme également conversation.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École alsacienne le 15 octobre 2023. Avec cette semaine : Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. David Djaïz, essayiste et ancien secrétaire général du Conseil National de la Refondation. Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique. Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors. HAMAS-ISRAËL, UN CAUCHEMAR À DEUX FACES Pearl Harbour, octobre 1973, 11 septembre israélien, pogrom, razzia… les médias peinent à qualifier les attaques conduites par le Hamas en Israël, le 7octobre. Les hostilités ont commencé à l’aube par un déluge de roquettes tirées depuis la bande de Gaza, vers les localités israéliennes voisines mais aussi plus en profondeur jusque vers Tel-Aviv et Jérusalem. Profitant de l'effet de surprise, des combattants du Hamas se sont joués de l'imposante barrière de sécurité érigée par Israël autour de la bande de Gaza, attaquant des positions militaires ou des civils en pleine rue. Des actes de sauvagerie ont été commis et filmés. Selon les derniers décomptes quelques 1.300Israéliens ont été tués et environ 150 binationaux et étrangers, hommes, femmes et enfants, en majorité des civils, sont retenus en otage par le mouvement islamiste. En trente ans, l’État d’Israël a libéré près de 7.000 prisonniers palestiniens pour obtenir en échange la libération de 19Israéliens et récupérer les corps de huit autres. Les enlèvements actuels placent l’État hébreu dans une position inédite et complexe. Quarante-huit heures après le choc de l’attaque du 7 octobre, Israël a déclenché une offensive militaire de très grande ampleur contre la bande de Gaza, visant à en éradiquer le Hamas. Ses autorités comptaient hier plus de 2200 morts palestiniens et neuf otages tués dans les bombardements israéliens. Elles ont menacé d’exécuter un otage à chaque fois qu’un civil gazaoui serait tué par une frappe israélienne.L’armée israélienne a demandé aux habitants du nord de la bande de Gaza d’évacuer vers le sud. Comme l'Ukraine, la question palestinienne provoque une vive opposition entre le bloc occidental qui condamne sans réserve les massacres du Hamas et le bloc des pays du Sud, qui oscille, à quelques exceptions près, entre ambiguïté quant aux responsabilités et appel à la désescalade comme le font la Chine, la Russie et l'Afrique du Sud et soutien clair aux terroristes du Hamas comme l'Iran, l'Algérie, la Tunisie ou le Soudan. Seul dirigeant de l'Otan à ne pas avoir condamné l'attaque menée par le mouvement terroriste, le président turc Erdogan a dénoncé les «méthodes honteuses » d'Israël. Au Liban, des scènes de liesse ont accueilli les attaques du Hamas. Les États-Unis, qui ont déployé en Méditerranée orientale le porte-avions USS Gerald Ford, le plus gros navire de guerre du monde, ont mis en garde lundi le Hezbollah de ne pas ouvrir un “deuxième front” contre Israël. L'Arabie saoudite a suspendu le14 octobre les discussions sur une possible normalisation avec Israël. *** LE 7 OCTOBRE ET LA FRANCE Le chef de l'Etat, Emmanuel Macron, a condamné le 7 octobre sur X, anciennement Twitter, « les attaques terroristes qui frappent Israël ». Parmi les partis d'opposition, la plupart ont manifesté leur soutien à l’État juif. Toutefois, La France insoumise a renvoyé dos à dos le Hamas et Israël, bien que, dès le 7 octobre, quelques voix se soient démarquées comme celles de François Ruffin et d’Alexis Corbière qui ont condamné, sans ambiguïté, l’acte terroriste du Hamas. A gauche de l’extrême gauche, le Nouveau Parti Anticapitaliste NPA a pris parti pour le Hamas. L’attitude des «insoumis» inquiète l’exécutif qui redoute que le conflit ne s’importe en France. Le ministère de l’intérieur rappelle que 10% de la population se déclare musulmane. Gérald Darmanin avait annoncé, dès le 8 octobre, un renforcement de la sécurité des lieux de culte et établissements scolaires juifs dans plusieurs villes de France. Parlant d’un «djihad d’atmosphère», il a alerté sur l’existence de «relais politiques du Hamas en France». Depuis samedi, plus de deux cents actes antisémites ont été recensés. Vendredi dernier, Dominique Bernard, professeur de français au lycée Gambetta Carnot d’Arras a été poignardé à mort par un jeune homme fiché S, membre radicalisé de la communauté tchétchène. Trois autres personnes ont été blessées. Dans son allocution télévisée, jeudi soir, Emmanuel Macron avait appelé les Français à rester «unis comme nation et comme République» assurant que «c’est ce bouclier de l’unité qui nous protégera de tous les débordements, de toutes les dérives et de toutes les haines». Selon un sondage Elabe/BFM 68% des Français pensent que le conflit au Proche-Orient «présente un risque de tensions en France». Le président de l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), Samuel Lejoyeux, estime que « les élus Insoumis comme ceux du RN sont tous deux dangereux pour les juifs de France ». Celui-ci s'appuie sur le baromètre Ifop pour l'UEJF paru en septembre, qui indique que 83% des étudiants de confession juive estiment qu'il existe une montée de violences d'extrême gauche au sein des universités, et 53% concernant les violences d'extrême droite. La France compte à la fois la plus grande communauté juive d'Europe et la plus forte communauté musulmane. Après l’attaque à caractère terroriste qui s’est produite vendredi à Arras la Première ministre, Élisabeth Borne, a décidé d’élever la posture du plan Vigipirate sur l’ensemble du territoire national au niveau « Urgence attentat ».Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 6 octobre 2023. Avec cette semaine : Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors. Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. L’IMPOSSIBLE SÉRIEUX BUDGÉTAIRE Le 27 septembre, le gouvernement a présenté à l’Assemblée nationale le projet de loi de finances pour 2024, dont l’adoption permettra à la France de toucher les subsides du plan de relance européen lancé juste après le pic de la pandémie à l'été 2020. Le déficit devrait être réduit de 4,9à 4,4%, et la dette dégonfler de 111,8à 109,7%... si une croissance de 1,4% est bien au rendez-vous. Une trajectoire « peu ambitieuse », basée sur des hypothèses de croissance «optimistes », «alors que le consensus des économistes l'estime à 0,8 % et la Banque de France à 0,9%» a estimé le président du Haut conseil des finances publiques, Pierre Moscovici. Avant le marathon budgétaire de l'automne, l'exécutif a promis de fermer le robinet des aides. Le budget 2024 devait être celui du retour au sérieux budgétaire. Avec des économies de 16milliards d'euros, le gouvernement annonce une diminution des dépenses de l'État de 5milliards. Plutôt que des coupes dans les dépenses, la majorité des économies du budget 2024 (14,4milliards sur 16) proviendra de la non-reconduction des dispositifs de crise : bouclier tarifaire sur le gaz, supprimé au mois de juin, réduction du bouclier sur l’électricité, fin des dispositifs d’aides aux entreprises énergivores. Le reste est obtenu grâce à une diminution de 800millions des politiques de l’emploi (coûts des contrats des apprentis, emplois aidés…) et à la réforme de l’assurance-chômage, (700millions). Malgré les promesses de sobriété budgétaire, les dépenses publiques hors mesures exceptionnelles de soutien vont augmenter de 2,2 % l'an prochain. Le retour au sérieux budgétaire maintes fois promis, a été maintes fois reporté. La persistance de l’inflation et la remontée des prix du carburant sont venues percuter les ambitions de Bercy. L’annonce du président de la République de mettre en place une aide de 100euros pour les automobilistes complique l'équation budgétaire de l'exécutif. Les 25 milliards consacrés à l'indexation des prestations sociales sur la hausse des prix sont désormais mises en avant par le ministre de l’Economie et des Finances. Pour redresser les services publics, Bercy a concédé une hausse de plus de 8.000 fonctionnaires, après une augmentation de 10.790 en 2023. Le budget prévoit également de nombreuses hausses de crédits pour servir les priorités d'Emmanuel Macron : 7milliards pour la transition climatique, 3,1 milliards pour l'Éducation nationale, et 5milliards aux ministères régaliens (Justice, Défense, Intérieur). Il faut également amortir le choc de la hausse des taux d'intérêt, avec une charge de la dette grimpant de 10 milliards à 48milliards. C’est désormais à partir de 2025que l’exécutif compte s’attaquer aux dépenses «pérennes ». Bruno LeMaire présentera mi-octobre devant l’Assemblée nationale le 49ème budget en déficit du pays. *** ELECTIONS EN SLOVAQUIE ET EXTRÊME DROITE EUROPÉENNE En Slovaquie, l'ancien communiste Robert Fico est arrivé en tête des législativesdu 30 septembre. Son parti, le Smer a réuni 23,3% des suffrages sur une ligne prorusse et eurocritique. Pour former une majorité, il va devoir obtenir le soutien des 27élus du parti social-démocrate HLAS, arrivé troisième avec 14,7% des voix, et des dix du parti d'extrême droite prorusse SNS, qui a obtenu 5,6%. Ces législatives ponctuent un cycle de crises gouvernementales depuis2020où trois gouvernements se sont succédé. Ce pays d'Europe centrale de 5,5millions d'habitants, devenu indépendant en 1993, à la suite d'une séparation pacifique avec la République tchèque, est rongé par les affaires politiques et judiciaires, la corruption, d'importantes inégalités sociales, des services publics exsangues, le chômage, l'inflation ou encore l'exode des jeunes. Déjà deux fois premier ministre (en 2006-2010 puis en 2012-2018) Robert Fico a profité du chaos politique pour revenir sur le devant de la scène au terme d'une campagne fortement influencée par la désinformation en ligne. National-populiste venu de la gauche, Robert Fico, 59 ans, mêle rhétorique anti-Otan, anti-migrants et anti-LGBTQ. La victoire de Fico pourrait signifier la fin de la politique pro-occidentale d'un pays membre de la zone euro et frontalier d'une Ukraine avec laquelle Bratislava s'est toujours montrée très solidaire depuis le début de la guerre. La Slovaquie fait partie des pays qui ont le plus aidé l'Ukraine. Robert Fico a déclaré vouloir arrêter cette aide et s’opposer aux sanctions contre Moscou. Jacques Rupnik, professeur émérite au Ceri-Sciences Po observe qu’«au début du conflit, il y a dix-neuf mois, les pays de l'Est étaient, à l'exception de la Hongrie, les plus mobilisés face au danger russe alors que ceux de l'Ouest semblaient un peu hésitants […] La situation s'est désormais renversée : l'Ouest tient bon, mais des failles apparaissent à l'Est dans chacun des pays, même si les raisons d'un pays l'autre sont différentes». Tandis qu’en Hongrie, Viktor Orbán, qui a salué «la victoire incontestable» d'un «patriote avec lequel il est toujours bon de travailler», affiche toujours plus ouvertement ses sympathies pro-Poutine, en Bulgarie, une grande partie de l'opinion continue à pencher du côté du grand frère russe, alors qu’en Pologne, une certaine lassitude face à la guerre d'Ukraine monte aussi. Partout dans cette partie de l’Europe, les leaders populistes au pouvoir et ceux qui cherchent à le conquérir usent d'un même narratif expliquant qu'il faut au plus vite arrêter la guerre et que livrer des armes à Kyiv ne ferait que prolonger inutilement le bain de sang. «La guerre pour la Slovaquie est toujours venue de l'Ouest et la paix de l'Est» a déclaré Robert Fico durant sa campagne. Ce narratif plaît aux Slovaques qui, en majorité, estiment que la responsabilité de la guerre revient à l'Occident ou à l'Ukraine. Ils sont à peine 40% à accuser la Russie. Le soutien à l'Otan, en outre, s'érode, passant en un an de 72 % à 58 %. A peine 31 % des Slovaques gardent une opinion favorable à Zelensky.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 29 septembre 2023. Avec cette semaine : Nicolas Baverez, essayiste et avocat. François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France. Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique. PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE : LE CHEMIN DES POSSIBLES ? Le Président de la République a présenté lundi les grands axes de sa «planification» pour une écologie «souveraine», «compétitive» et «juste», promettant d'annoncer en octobre une reprise du «contrôle sur notre prix de l'électricité ». Après avoir vanté dimanche soir à la télévision une «écologie à la française», censée répondre à un triple défi, « celui du dérèglement climatique et de ses conséquences, celui d’un effondrement de notre biodiversité et celui (…) de la rareté de nos ressources », le chef de l'État a peaufiné sa vision au terme d'une réunion ministérielle à l'Élysée. Une doctrine où toute idée de contraintes ou de changements sociétaux est repoussée. Concocté depuis quatorze mois à Matignon par le Secrétariat général à la planification écologique, le plan validé lundi comporte une cinquantaine de «leviers », visant à réduire de 55% les émissions de gaz à effet de serre de la France d'ici à 2030, mais aussi à lutter contre l'effondrement de la biodiversité. Beaucoup sont déjà connus et certains déjà activés. Emmanuel Macron a fait quelques annonces nouvelles, comme une enveloppe immédiate de 700millions d'euros de l'État pour bâtir13RER métropolitains, soit plus que les dix chantiers envisagés initialement, précisant que ces projets coûteraient au total 10milliards d'euros. Concernant la voiture électrique, le Président a répété son objectif d'un million de véhicules produits sur le sol français en 2027. A cette date, le pays devrait être exportateur net de batteries grâce aux quatre gigafactories (en français usine géantes) créées dans les Hauts-de-France. Le leasing permettant l’accès à une voiture électrique pour 100euros par mois sera lancé en novembre et réservé aux véhicules « produits en Europe ». Dans le logement, les chaudières à gaz ne seront pas interdites, on incitera plutôt à leur remplacement en développant une filière industrielle de pompes à chaleur. Dont on espère tripler la production d'ici à la fin du quinquennat. L’idée est d'arriver à un équipement qui soit de 75 à 85% français, contre 50% au mieux aujourd'hui. Sortir du charbon en2027et réduire la dépendance aux énergies fossiles de 60% à 40% en2030offrirait, aux yeux du président ‘opportunité pour la France, «de développer une écologie qui crée de la valeur » dans un pays plus souverain. Dans le même esprit, il veut « lancer un grand inventaire des ressources minières » de notre sous-sol, pour sécuriser notre accès aux matières premières de la transition énergétique comme le cobalt, le lithium ou l'hydrogène naturel. Emmanuel Macronl a réitéré l'idée de convertir en centrales biomasses les deux centrales à charbon qui fonctionnent encore sur le territoire. Il a précisé le calendrier à venir: stratégie biodiversité en octobre, plan d'adaptation en décembre, notamment. Le plan de cette « écologie à la française » doit désormais être décliné dans les collectivités locales. *** GIORGIA MELONI, EUROPÉENNE À L’EXTÉRIEUR, RÉACTIONNAIRE À L’INTÉRIEUR, DESSINE-T-ELLE L’AVENIR DES DROITES EUROPÉENNES ? Le 25 septembre 2022, la leader du parti d'extrême droite, Fratelli d'Italia, Giorgia Meloni remportait les élections législatives. S’inscrivant dans les pas de son prédécesseur, Mario Draghi, la première femme présidente du Conseil italien a surpris à l’extérieur, rassuré les capitales et lissé son image. Elle a tenu les finances publiques, permettant à l'Italie d'emprunter sans mal sur les marchés. Malgré les sympathies pro-Poutine chez ses alliés européens, elle s'est rangée dans le camp atlantiste et derrière l'Ukraine. Tenant son rang dans les organisations internationales, celle qui avait durement bataillé contre l'Europe a su établir des rapports de confiance avec Ursula von der Leyen. La leader romaine renvoie ainsi une image de politicienne pragmatique et mesurée, loin des récits la décrivant comme « post-fasciste » voire «fasciste ». Cette posture lui permet par exemple de mieux négocier les termes du plan de relance européenne qui promet à Rome près de 200 milliards d'euros. En décidant de voter en faveur du compromis sur le nouveau pacte sur la migration et l’asile, Meloni a passé un autre test d’eurocompatibilité. En se concentrant comme elle l’a fait sur des campagnes sur l’identité en Italie, sans les exporter en Europe, la patronne de Fratelli d’Italia a pour l’instant évité de commettre des erreurs et de franchir les lignes rouges de l’UE. Si elle est un exemple pour les droites radicales espagnoles et finlandaises, le RN, notamment, tient à s'en distinguer. Conciliante et alignée sur les positions européennes et occidentales en politique étrangère, la dirigeante d'extrême droite se montre en revanche radicale et identitaire en Italie: son gouvernement a doublé le nombre de centres de permanence pour les expulsions, facilité les procédures de renvoi, entravé le travail des organisations humanitaires en mer Méditerranée. En échec sur la promesse d'enrayer l'arrivée des migrants (il en est arrivé 130.000 cette année en Italie contre 70000 à la même époque en 2022), elle donne des gages aux plus radicaux en durcissant la législation contre la communauté LGBT: les couples de même sexe n'ont pas accès au mariage, ni à l'adoption, ni à la procréation médicalement assistée. Cet été les parlementaires italiens ont également voté un projet de loi faisant de la gestation pour autrui - interdite en Italie - un « crime universel ». Si elle est approuvée par le Sénat, cette mesure permettrait de punir ceux y ayant recours, d'une peine allant jusqu'à deux ans de prison et 1 million d'euros d'amende. Pour l'heure, si l'économie ralentit et près de 60 % des Italiens critiquent l'action gouvernementale sur la question migratoire, Giorgia Meloni résiste dans les sondages: avec 28 % d'intentions de vote, Fratelli d'Italia demeure largement le premier parti du pays.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 22 septembre 2023. Avec cette semaine : Nicolas Baverez, essayiste et avocat. Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Michel Eltchaninoff, rédacteur en chef du mensuel Philosophie Magazine. Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova. L’AGRESSION CONTRE LE HAUT-KARABAKH L'Azerbaïdjan a lancé le 19 septembre une opération militaire qualifiée par elle «d'antiterroriste » dans le Haut-Karabakh, territoire à majorité arménienne où la souveraineté de l’Azerbaïdjan est aujourd’hui reconnue et où les quelques 120.000Arméniens qui y vivent jouissent d’une forme d’autonomie. Depuis la dislocation de l’Union soviétique, fin 1991, le Haut-Karabakh est un point de tension quasi constant Deux guerres meurtrières y ont déjà eu lieu, la première en1988-1994et la seconde en2020, à l’issue de laquelle la Russie a déployé des forces chargées de garantir la libre circulation dans le corridor de Latchine, seul axe routier reliant le Haut-Karabakh à l'Arménie. Après une courte période d'accalmie, les tensions ont repris, Bakou menant une guerre d'usure à force de coupures de gaz, d'électricité, de tirs sur les paysans et de kidnappings. Fin 2022, les Azéris ont bloqué la circulation dans le corridor de Latchine. Ce blocus, renforcé en juillet, isole la population arménienne de l’enclave. Il a provoqué ces dernières semaines un début de famine. La Croix-Rouge n’est parvenue que le 18septembre à faire passer une cargaison de vingt tonnes de farines et de produits médicaux. Les 2.000soldats russes déployés dans l’enclave après le cessez-le-feu de 2020et censés assurer la sécurité des Arméniens n’ont pas cherché à empêcher le blocus. Aucun pays ne reconnaît les autorités séparatistes arméniennes du Haut-Karabakh, pas même Erevan, qui les soutient. La première réaction publique du premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a été d'écarter fermement l'option d'une intervention militaire de la République d'Arménie. Il a réaffirmé l'absence de soldats de son pays dans le Haut-Karabakh. Ces déclarations ont provoqué la colère de milliers d'Arméniens, qui sont venus manifester mardi devant le siège du gouvernement, à Erevan, pour affirmer leur solidarité avec les Arméniens du Haut-Karabakh et réclamer la démission de M. Pachinian. Mercredi, après 24 heures sous les frappes, les autorités arméniennes du Haut-Karabakh ont annoncé leur intention de déposer les armes, selon les conditions imposées par l’Azerbaïdjan pour toute négociation de cessez-le-feu. Le ministère azerbaïdjanais de la Défense a confirmé le désarmement des forces du Karabakh ainsi que l'ouverture de négociations en Azerbaïdjan. Les discussions porteront sur la réintégration de la région à population arménienne à l'Azerbaïdjan. L’opération militaire azerbaïdjanaise a fait au moins 200morts et 400blessés, d’après le dernier bilan des séparatistes arméniens, alors que 7.000 habitants auraient été évacués. *** LA FRANCE A-T-ELLE PERDU PIED EN AFRIQUE? Les présidents de l'ex-pré-carré français en Afrique sont renversés les uns après les autres : le malien Ibrahim Boubacar Keita en août 2020, le guinéen Alpha Condé en septembre 2021, le burkinabé Roch Kaboré en janvier 2022, le nigérien Mohamed Bazoum au mois de juillet et fin août, le gabonais Ali Bongo. Dans la foulée de ces coups d’état, la France a dû évacuer ses militaires du Mali (août2022), puis de Centrafrique (décembre2022), du Burkina Faso (février2023) et peut-être bientôt du Niger où elle déploie encore 1.500 militaires. Au Niger, le président français a choisi la fermeté : refus de reconnaître les autorités putschistes, exigence d'un retour au pouvoir du président Bazoum et rejet des injonctions de la junte, qui exige le départ de l'ambassadeur à Niamey et réclame le retrait des militaires français. Un mois après le coup d'État au Niger, la position de la France reste assez isolée. Joe Biden, qui veut sauver sa base militaire au Niger, ne voit pas d'inconvénients à dialoguer avec la junte. Les Allemands se désolidarisent de la position française au Niger, de même que les Italiens en Libye, tandis que les Espagnols reconnaissent le Sahara occidental pour se rapprocher du Maroc. Les pays d'Afrique de l'Ouest renâclent à intervenir militairement. La France est devenue indésirable dans ce qu’elle considérait jadis comme son « pré carré », décriée comme prédatrice économique par toute une génération et comme porteuse de valeurs honnies par des groupes islamistes orthodoxes et radicaux. Marquée du sceau colonial, la France vit d’autant plus mal son éviction de la région, qu’elle a le sentiment de s’être acquittée, à la demande des autorités locales, d’une tâche que les armées africaines ne parvenaient pas à remplir seules : la lutte antiterroriste contre le djihad. Le lent déclin de la présence française sur le continent se constate aussi sur le plan économique. La France n'est plus le premier fournisseur ni le premier investisseur du continent. Si, en valeur, les exportations françaises vers l'Afrique ont fortement augmenté, leur poids relatif a été toutefois divisé par deux, passant de 12% de part de marché à 5 % entre 2000 et 2021. Pour Antoine Glaser, journaliste spécialiste de l’Afrique, et auteur de l’ouvrage «Le piège africain de Macron» «la France n’a pas vu l’Afrique se mondialiser, ni su solder sa présence post-coloniale, terreau du sentiment anti-français. Depuis la fin de l’opération Barkhane, le leadership français en Afrique est terminé.» Cependant, la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna souligne que l’Afrique n’est pas que le Sahel. Elle assure que nos relations se développent avec des États dans lesquels nous étions moins présents, comme le Kenya, l’Afrique du Sud ou l’Éthiopie.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
n° 315 / 17 septembre 2023. Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le19 avril 2023. Avec cette semaine : Jean-Pierre Blanc, Directeur général de Malongo. Akram Belkaïd, journaliste auMonde diplomatique. Matthias Fekl, avocat et ancien ministre de l’Intérieur. Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revueEsprit. Jean-Pierre Blanc, vous êtes le Directeur général de Malongo, la PME française spécialisée dans l'importation, la torréfaction et la distribution de cafés biologiques et équitables. Vous avez effectué l’intégralité de votre carrière dans cette entreprise, où vous occupez le poste de Directeur général depuis 1980 après avoir été Responsable des ventes pendant 5 ans. Votre dernier ouvrage, «Voyages aux pays du café» a été publié aux éditions Erick Bonnier en novembre 2022. Vous y faites le récit de vos séjours à Cuba, au Laos ou encore au Congo, où vous avez engagé Malongo dans une démarche de commerce équitable afin de soutenir le développement local et la préservation de la biodiversité. Vous y racontez comment vous avez fait, au Mexique, en 1992, la rencontre du Padre Francisco van der Hoff, le cofondateur du premier label de commerce équitable «Max Havelaar». C’est lui qui vous a convaincu du bien-fondé de ce modèle, fondé sur des partenariats pluriannuels avec des coopératives de petits producteurs qui garantissent des prix rémunérateurs pour les producteurs et valorisent des modes de production respectueux de l’environnement. Malongo est aujourd’hui le premier intervenant des cafés issus du commerce équitable et de l’agriculture biologique. Cette entreprise de torréfaction, fondée à Nice en 1934, emploie près de 400 collaborateurs et génère plus de 110M€ de chiffre d’affaires, selon les chiffres de 2019. 66% de son volume de café importé est certifié «Max Havelaar» et 26% est certifié «agriculture biologique». L’entreprise travaille avec 16 pays producteurs de café équitable et reverse chaque année aux coopératives plusieurs millions d’euros de primes bio et développement. Plus récemment, Malongo s’est illustré sur un autre segment de l’économie responsable, en relocalisant intégralement la fabrication de sa machine à café à La Roche-sur-Yon, en Vendée. Le marché de l’alimentation «responsable» subit aujourd’hui les contrecoups de l’envolée des prix à la consommation. Dans sa dernière note de conjoncture en date du 14 avril, l’INSEE relève ainsi que les prix à la consommation ont augmenté, au mois de mars 2023, de 5.7% sur un an. Selon le quatrième baromètre de la transition alimentaire, réalisé par OpinionWay, le prix est devenu le critère prioritaire lors du passage en caisse pour sept Français sur dix. Cela représente une hausse de 7 points en un an et de 10 points en deux ans. Cette tendance concerne cependant moins certains groupes de la population, comme les 18-24 ans qui restent particulièrement sensibles à l’empreinte écologique de leur alimentation. Le modèle du commerce équitable doit également répondre aux critiques sur la multiplication des labels, qui entretient selon ses détracteurs l’opacité sur les cahiers des charges et sur le respect effectif de celui-ci par les producteurs. Certains labels ont été accusés de faciliter le «socialwashing» des entreprises, dans un contexte où le commerce équitable gagne des parts de marché et a franchi la barre des 2 milliards d’euro de vente en France en 2021. Des voix s’élèvent également pour dénoncer l’impact écologique de ce système et privilégient les circuits courts, la production locale et la consommation de saison. Face à ces difficultés, le chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) Frédéric Amiel pense que le commerce équitable doit «se repenser» pour «aller plus loin» et propose à cette fin le développement de clauses de «garantie d’achat» améliorant la visibilité à moyen-terme des producteurs et l’assouplissement de la réglementation fiscale sur les produits équitables importés.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°314 / 10 septembre 2023 Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École alsacienne le 10 septembre 2023. Avec cette semaine : Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors. Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. Le chef de l’État, «Homme-orchestre de la République» Avec la rentrée, le Président de la République se montre sur tous les fronts. Diplomatique, d’abord, avec, du 28 au 30 août, au Quai d’Orsay, la traditionnelle Conférence des ambassadeurs. Dans le quotidien L’Opinion, Jean-Dominique Merchetestime que «loin de se contenter de fixer les grandes lignes de la politique étrangère, le chef de l'État mettra les mains dans le cambouis de tous les détails de l'action extérieure de la France». Si dans la Ve République, la diplomatie fait partie du domaine réservé du chef de l’État, l'ancien ambassadeur Michel Duclos estime toutefois que « la centralité de la fonction présidentielle dans notre dispositif diplomatique peut devenir une faiblesse, car il n'est pas sain dans le monde complexe actuel que tout repose à ce point sur les épaules d'une seule personnalité. » Dans la foulée, Emmanuel Macron a reçu, le 30 août au soir, avec Élisabeth Borne, les chefs des partis politiques représentés au Parlement, ainsi que les présidents des trois chambres Yaël Braun-Pivet (Assemblée nationale), Gérard Larcher (Sénat) et Thierry Beaudet (Conseil économique, social et environnemental), à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis. Objectif affiché du Président: trouver des « voies » pour faire « avancer » le pays, en l'absence de majorité absolue à l'Assemblée. Au menu: « la situation internationale et ses conséquences sur la France», mais aussi « les nuits d’émeutes que nous avons vécues, avec pour objectif de prendre des décisions pour renforcer l’indépendance de notre pays et rebâtir notre nation et tout ce qui la tient : la famille, l’école, le service national universel, la transmission de notre culture, notre langue, la régulation des écrans», ou encore « notre organisation et nos institutions dans tous les territoires ». Après le grand débat, les conventions citoyennes, le Conseil national de la refondation, le Président recourt maintenant à une nouvelle « innovation démocratique ». « C’est le président qui prend le volant, c’est clair et net », note le président de l’Union des démocrates et indépendants (UDI), Hervé Marseille. Le 4septembre, à l’occasion de la rentrée scolaire, Emmanuel Macron a répondu sur YouTube, aux questions du vidéaste Web Hugo Travers, dit Hugo Décrypte. Troubles dépressifs, urgence climatique, réduction des vacances d’été, harcèlement à l’école, pacte enseignant, coût de la vie, RSA, Restos du cœur… Pendant près de deux heures, le chef de l’État a abordé plusieurs sujets censés préoccuper les moins de 26ans, en insistant sur ceux qui concernent l’éducation nationale. Le Président assume cette omniprésence. «Compte tenu des enjeux, l’éducation fait partie du domaine réservé du président », justifiait-il dans les colonnes du Point, le 23août. L’école, « c’est le cœur de la bataille que l’on doit mener, parce que c’est à partir de là que nous rebâtirons la France », insistait-il. Pour autant, son entourage réfute le terme de « super ministre de l’Éducation ». Mais, les médias observent qu’en mettant l'école « au cœur » de son projet, Emmanuel Macron prend directement le dossier en main et se désigne comme le véritable responsable. *** G20 versus BRICS, le jeu de l’Inde Le sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) du 22au 24août à Johannesburg, en Afrique du Sud, a été l'occasion d'affirmer une fois de plus leur force de contrepoids à l'influence occidentale. Ce bloc représente plus de 42% de la population mondiale, 30 % de son territoire, 23 % du PIB mondial et 18 % du commerce mondial. Cependant, seuls 6 % du commerce total s'opèrent entre eux. Créé au départ avec quatre membres en 2009, les BRICS ont été rejoint par l'Afrique du Sud en 2010. Six nouveaux membres ont adhéré cette année: l’Arabie saoudite, l’Argentine, l’Egypte, les Emirats arabes unis, l’Ethiopie et l’Iran. Avec six des dix premiers producteurs de pétrole, les BRICS contrôlent désormais le marché mondial. L'arrivée de ces nouveaux «coffres-forts» qui disposent d'importantes réserves de change s'accompagne de l'entrée en force du monde arabo-musulman, avec l'Egypte et l'Iran. Ces pays ont peu en commun, si ce n'est un objectif prioritaire: le rééquilibrage de l'ordre économique mondial en leur faveur, grâce notamment à la «dédollarisation». Comme le souligne la déclaration finale du sommet, les BRICS veulent basculer vers plus de paiements en monnaies locales: l'Inde paie déjà le pétrole russe en roupies, la Chine commence à payer le pétrole saoudien en yuans. En présidant cette année le G20, qui rassemble depuis hier à New Delhi les dirigeants des 19 économies les plus développées plus l’Union européenne, l'Inde entend préserver la pertinence du forum, le seul où les pays occidentaux côtoient les pays émergents du Sud. Les sujets ne manquent pas: guerre en Ukraine, lutte contre les effets du changement climatique, sécurité alimentaire, conflits commerciaux, solidarité avec les pays en développement, rivalité technologique avec la montée en puissance des cryptoactifs… L’absence de deux hôtes de marque - le président russe, Vladimir Poutine pour cause de sanctions, et son homologue chinois, Xi Jinping, illustre les tensions entre leurs membres. Après dix-huit mois de guerre, le forum reste profondément divisé au sujet de l’invasion russe. Plusieurs dirigeants des pays émergents sont soucieux, à l’instar de Narendra Modi, le Premier ministre indien, de ne pas choisir leur camp entre Moscou et Kyiv. Tensions également entre la Chine et l'Inde après la publication par Pékin d'une carte revendiquant des terres que l'Inde affirme posséder dans l’Himalaya où des combats ont opposé les deux armées en 2020. Défi de la montée en puissance des BRICS qui comprennent désormais l’Arabie saoudite et l'Argentine. Tout en gardant un œil inquiet sur la Chine, l’Inde navigue entre les Etats-Unis, dont elle s’est rapprochée, la Russie, qui lui est encore très utile, et quelques puissances moyennes. Au non-alignement a succédé à New Delhi le «pluri-alignement» ou «plurilatéralisme». Celui-ci consiste à préserver la liberté de choix et d’action de l’Inde sur la scène internationale, et donc à démultiplier les relations avec un maximum d’États ou groupes d’États dans le monde, en ne se rendant dépendant d’aucun en particulier et en ignorant autant que possible les rivalités entre eux.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N° 313 / 3 septembre 2023. Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le16 juin 2023. Avec cette semaine : Dominique Reynié, enseignant à Sciences Po agrégé de sciences politiques. Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova. LES DROITES EN EUROPE Dominique Reynié, vous êtes Professeur des Universités à Sciences Po et agrégé de sciences politiques. Vous dirigez, depuis 2008, la Fondation pour l’innovation politique, un think tank indépendant et reconnu d’utilité publique qui s’inscrit dans «une perspectivelibérale, progressiste et européenne». Vos travaux portent sur les transformations du pouvoir politique, l'opinion publique, les mouvements électoraux, la droite et le populisme. Vous avez dirigé l’ouvrage de la Fondapol intitulé Les droites en Europe. Il retrace la montée en puissance des partis de droite au sein de l’Union européenne dès le milieu des années 1980, dans le contexte de l’effondrement du communisme et de l’épuisement de la social-démocratie. Il montre comment, sous l’effet du vieillissement démographique et de la pression migratoire, les Européens sont devenus de plus en plus soucieux de préserver leur niveau de vie et leur identité, un patrimoine à la fois matériel et culturel. Les mouvements populistes ont très tôt orienté leurs discours et leurs programmes autour de cet «enjeu patrimonial». Ils ont ainsi opéré une large poussée en Europe dès les années 1990, au point de figurer parmi les principaux adversaires de la droite de gouvernement. Le basculement électoral à droite qui s’opère aujourd’hui en Europe rappelle l’actualité de ces analyses. En mai, en Espagne, les scrutins locaux se sont traduits par un échec sévère pour la gauche, au pouvoir depuis 2018. La droite de gouvernement est sortie gagnante du vote en totalisant plus de 7 millions de suffrages. La formation d’extrême droite Vox a doublé son score en quatre ans et a effectué une poussée spectaculaire dans plusieurs parlements régionaux. En Grèce, le parti conservateur du Premier ministre sortant Kyriakos Mitsotakis a remporté une nette victoire en mai dernier. Le nationalisme turc a été renforcé par la réélection récente de Recep Tayyip Erdogan, et une semblable percée électorale de la droite et de l’extrême droite a été observée ces derniers mois en Finlande, en Suède, et en Italie. A partir des résultat des élections européennes de 2019, la Fondapol a calculé que les électeurs de listes de droite représentent en Europe 43.4% des suffrages, soit presque le double des suffrages alloués aux listes de gauche. Dans une autre étude, en 2021, vous montrez la conversion profonde des Européens aux valeurs de droite. Elle est nourrie par trois thèmes particulièrement mobilisateurs: le libéralisme économique, le nationalisme, via la question identitaire, et le libéralisme politique, indexé à l’individualisme. La recomposition politique bat son plein en Europe et interroge la droite sur sa doctrine, son programme de gouvernement et son système d'alliance. Dans divers pays d’Europe, la frontière entre droite et extrême-droite s’efface progressivement. L’Europe hérite de la stratégie «d’union des droites» mise en place par Sylvio Berlusconi dès 1994 avec l’alliance, jusque-là inconcevable, de son parti libéral «Forza Italia», du parti conservateur «Lega Nord» et du parti néofasciste «MSI». Depuis, la droite radicale a modéré son discours, notamment sur l’Union européenne, et est devenue l’alliée de la droite de gouvernement dans plusieurs pays du Nord de l’Europe, comme la Finlande ou la Suède. En France, seul Éric Zemmour appelle pour l’instant à cette «union des droites». Mais l’offensive des LR sur l’immigration, qui proposent de modifier la Constitution pour y inscrire «la possibilité de déroger à la primauté du droit européenquandles intérêts fondamentaux de la nation sont en jeu», pourrait accélérer le rapprochement idéologique avec l’extrême-droite.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°312 / 27 août 2023. Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, originellement diffusée le 26 juillet 2020. Avec : Raphaël Gaillard, professeur de psychiatrie à l’Université Paris Descartes et chef de pôle à l’hôpital Sainte-Anne à Paris. Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique. Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova. Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. LA PSYCHIATRIE DANS LA CITÉ Merci de nous avoir rejoint pour cette discussion en compagnie de Raphaël Gaillard, professeur de psychiatrie à l’Université Paris Descartes et chef de pôle à l’hôpital Sainte-Anne à Paris. Dans une tribune publiée par Le Monde du 1er juillet, l’économiste Jean de Kervasdoué et le psychiatre Daniel Zagury écrivent: «Les partis politiques n’abordent les questions de santé que sous leur aspect économique et financier. Il y a fort à parier que, après le choc de l’épidémie de Covid-19, il ne sera pas dit grand-chose de la santé mentale qui, à notre connaissance, n’est pasà l’agenda du Ségur de la santé lancé le 25 mai.Pourtant, depuis une décennie, la situation est passée de grave à catastrophique. Certes, de tout temps, la folie – terme aujourd’hui refoulé – a dérangé, mais le rejet collectif du différent, de l’anormal dans une société du bien-être n’explique pas à lui seul la persistance du massacre. Certes, la reconnaissance publique par Agnès Buzynde l’abandon de la psychiatrie a dégagé l’Etat d’une posture perverse de déni, mais, sur le fond, rien n’a changé.» L’institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) a publié en juin une étude consacrée aux effets du confinement sur la santé mentale des Français : un tiers des répondants déclare avoir été en situation de détresse psychologique durant le confinement. La psychiatrie a un rôle important à jouer dans la gestion de l’après-coronavirus mais les décideurs publics se sont, depuis de nombreuses années, détournés du soin des troubles mentaux. Cette spécialité est pourtant un observatoire pertinent de notre société: les troubles qu’elle cherche à soulager sont en effet les conséquences de notre organisation sociale et de ses dysfonctionnements. De plus, elle témoigne de la manière dont la déviance est appréciée dans notre pays. Raphaël Gaillard, en tant que président du Congrès de l’encéphale, , vous êtes auteur de nombreux articles qui permettent de découvrir la gestion de la crise sanitaire de l’intérieur. On peut y lire que la psychiatrie a, une fois encore, été le parent pauvre des politiques menées avec un oubli du GHU Psychiatrie dans la distribution de masques. Celui-ci accueille 70.000 patients par an. Vous livrez également votre vécu de la crise en tant que chef d’un pôle qui compte 600 soignants qui ont dû parfois recourir au système D pour continuer à prodiguer des soins. Par ailleurs, l’observation clinique que vous faite du champ politique dans le cadre de cette vous conduit à remarquer une recherche de coupables qui témoigne de l’impossibilité pour de nombreux citoyens de vivre avec la contingence d’un virus que nous découvrons chaque jour. Cet effritement de la contingence constitue «l’être au monde du paranoïaque», ce qui doit nous interroger.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°311 / 20 août 2023. Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, originellement diffusée le 30 août 2020. Avec : Loup Wolff, qui a dirigé l’étude du ministère de la Culture sur les pratiques culturelles des Français. David Djaïz, essayiste et enseignant à Sciences Po. Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova. POLITIQUE CULTURELLE, PRATIQUES CULTURELLES Loup Wolff, vous avez dirigé pour le ministère de la Culture avec Philippe Lombardo la dernière en date des enquêtes sur les pratiques culturelles des Français. La première remonte à 1973, ce qui donne la possibilité de distinguer les dynamiques à l’œuvre. Votre étude a été réalisée auprès de 9.200 personnes âgées de 15 ans et plus, entre février 2018 et mars 2019. Vous constatez que notre société est de plus en plus culturelle. De nouvelles manières de créer, d'apprécier et de «consommer» la culture s’y développent. Les domaines autrefois réservés aux milieux aisés et diplômés comme la musique ou le cinéma se sont démocratisés pour attirer au quotidien des publics larges, de milieux sociaux, de lieux et d'âges divers. Toutefois, bien davantage que les politiques publiques, c’est l’essor du numérique qui a fait l’essentiel de cette démocratisation, comme il a fait l’essentiel de la réduction des inégalités territoriales. C’est aussi l’essor du numérique qui a fait se développer de nouveaux produits culturels comme le jeu vidéo et c’est lui qui a permis à certains artistes – les rappeurs, par exemple, ou lesstandupeurs- de contourner les réseaux de diffusion et de distribution et de trouver leur public, le plus souvent un public jeune et de tous les milieux sociaux, tant urbains que ruraux. Ce fort appétit culturel se satisfait pourtant aux dépends de la culture patrimoniale, marginalisée par ces mêmes jeunes. Sa consommation ne participe plus de leur statut social, ils lisent moins, écoutent moins de musique classique, vont moins au théâtre et se détournent des formes de productions moins accessibles et plus exigeantes. Dans les années 1970, un effet de bascule générationnelle à partir duquel les usages classiques desbaby boomersne sont plus repris par les générations suivantes, participe de cette conversion à la culture numérique. L’intérêt constant et croissant des jeunes pour le «tout numérique», pose la question de l’avenir de la culture patrimoniale. Son public, plus aisé et diplômé, plus féminin que masculin, est vieillissant. Ces pratiques nouvelles semblent également se substituer à l'écoute de la radio, à l'usage de la télévision et aux pratiques de sortie. Enfin, les pratiques en amateur s'essoufflent. Pour ne prendre que l’exemple du théâtre, seuls 1% des sondés déclare pratiquer le théâtre en amateurs. Quant aux sorties au théâtre, les trois quarts des 25-39 ans ne s’y sont adonnés que pour aller voir unone-man-show, un spectacle d’improvisation ou de café-théâtre. Si les politiques culturelles ont longtemps pris ces changements à contre-courant pour réorienter les publics vers la culture classique, elles constatent aujourd'hui leurs limites, voire leur échec. Depuis mars, la fermeture des lieux de culture en extérieur a accéléré ce mouvement de transition vers une consommation culturelle de plus en plus numérique. Elle a forcé la production de contenus comme les concerts et les expositions à être compatibles à une diffusion sur la toile, et les normes sanitaires restreignent les formes de créations collectives. S'il est urgent de répondre à la crise économique immédiate du secteur de la culture traditionnelle, la mise en danger de la diversité des expressions par l'omniprésence des acteurs privés multinationaux doit également préoccuper. Leur recherche de profit les amène à avoir une approche uniquement numérique de la qualité des productions, qui contredit la légitimation institutionnelledes arts et appelle à la redéfinition de ses critères. Enfin, ces deux univers culturels du numérique et du patrimonial s'ignorent et lorsque les institutions culturelles traditionnelles se lancent dans le numérique, elles attirent le même public que celui qui les fréquentes déjà. L’État doit-il continuer à concentrer ses efforts vers la culture patrimoniale ou bien épouser la dynamique de numérisation de la culture chez les publics jeunes? Quels objectifs alors que l’appréciation des œuvres correspond à leur degré de popularité dans le monde numérique tandis que la qualité prime dans l’univers classique? Comment travailler avec ou concurrencer le secteur privé qui occupe une place de plus en plus grande dans le milieu culturel?Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°310 / 13 août 2023. Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, originellement diffusée le 11 avril 2021. Avec : Caroline Fourest, journaliste, documentariste, autrice de Génération offensée. David Djaïz, essayiste et enseignant à Sciences Po. Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung. GÉNÉRATION OFFENSÉE : DE LA POLICE DE LA CULTURE À LA POLICE DE LA PENSÉE CarolineFourest, vous êtes journaliste, essayiste et éditorialiste à Marianne. Depuis de nombreuses années, vous militez en faveur de l'égalité et de la liberté, contre le racisme, le sexisme et l'homophobie. Vous êtes rédactrice en chef de la revueProChoixque vous avez cofondée en 1997 et qui a pour objet «la défense des liberté individuelles contre toute idéologie dogmatique, liberticide, essentialiste, raciste ou intégriste».En 2018, après de nombreux documentaires, vous avez réalisé votre premier film de fiction intituléSoeursd'Armes. En février 2020, vous avez publié chez Grasset «Génération offensée: de la police de la culture à la police de la pensée». Vous y alertez contre la montée en France d'une gauche moraliste identitaire déjà très répandue auxEtats-Unis. Sa vision confuse de l'anti-racismela pousse non pas à réclamer l'éradication des préjugés mais un traitement particulier au nom de l'identité. Reprenant à l'extrême droite les thématiques identitaires, elle la fait se placer en défenseure de la mémoire et de la liberté d'expression. Loin de contester les catégoriesethnicisantesde la droitesuprémaciste, la gauche identitaire s'y enferme. Au lieu de rechercher la mixité et le métissage, elle fractionne nos vies et nos débats entre «racisés» et «non-racisés», monte les identités les unes contre les autres jusqu'à mettre les minorités en compétition. Vous dites qu'il ne faut pas laisser la critique de cette gauche identitaire à la droite conservatrice mais que seul un antiracisme sincère est à-même de lutter contre ses contradictions. Vous vous revendiquez ainsi d'un antiracisme universaliste et d'une approche par le «droit à l'indifférence», qui permet selon vous d'éviter l'essentialisation des identités et à chacun de s'autodéterminer. Dans cet esprit, vous niez le bien-fondé des usages de plus en plus abusifs du concept d'appropriation culturelle et rappelez que la culture, autant que la politique, nesauraitêtre quelque chose d'exclusif. C'est au contraire le mélange, la source même de la créativité, qui permet de composer un monde commun. Lieu de liberté, vous dites qu'internet est aussi celui de tous les procès, et dénoncez les tentatives d'intimidations de cette gauche identitaire dans le cadre de phénomènes de meutes 2.0 sur les réseaux sociaux. Surtout, vous alertez contre la démarche de plus en plus victimaire de la jeunesse hyper-sensible d'une société qui ne flatte plus le courage ou l'honneur mais le statut de victime et dont l'université n'éduque plus à l'esprit critique. Cette jeunesse se veut «woke» et éveillée à l'injustice, mais les réseaux sociaux la poussent à décontextualiser ses luttes.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°309 / 6 août 2023 Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, originellement diffusée le 29 mai 2022. Avec cette semaine : Georges Forestier, homme de lettres, spécialiste du XVIIème siècle et biographe de Molière. Béatrice Giblin, directrice de la revueHérodoteet fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique. Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors. Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova. MOLIÈRE Georges Forestier, vous êtes agrégé de lettres classiques et docteur d'état, vous avez enseigné au Portugal à Rouen à Reims, à la Sorbonne nouvelle puis à Sorbonne université et vous avez dirigé le centre d'étude de la langue et des littératures françaises. Vous êtes l'inventeur de la génétique théâtrale, sur laquelle vous vous êtes appuyé pour étudier Pierre Corneille puis Jean racine puis Molière. Votre livre sur Molière paru chez Gallimard a reçu un excellent accueil, il a été précédé d’un Molière à Paris, il y a une trentaine d’années et, il y a une dizaine d’années, c’est sous votre direction associée à Claude Bourqui que La Pléiade a publié les œuvres complètes de l’auteur du Tartuffe. De ce Tartuffe, vous avez établi ce que vos recherches vous ont amené à considérer comme la version interdite, une version en trois actes, qui se termine par la victoire de Tartuffe et qui a été représentée cet hiver et ce printemps par la Comédie française dans une mise en scène d’Ivo van Hove donnée pour la première fois le 15 janvier dernier, date anniversaire de la naissance de Molière. Nous en parlerons assurément. Dans le très précieux journal de la littérature en ligne «En attendant Nadeau», Dominique Guy-Blanquet introduit son élogieuse analyse par ce chapô: « Si vous pensez tout savoir de Molière, l'auteur le plus joué en France avant d'être devancé depuis quelques décennies par Shakespeare, détrompez-vous. Georges Forestier rectifie des faits qu'on croyait établis, déplace les projecteurs, tel un éclairagiste judicieux et nous fait découvrir un nouveau Molière au sein du paysage théâtral qu'il a animé : les gazetiers se bousculent pour exploiter son succès, le grand Corneille s'en inquiète, les princes le font jouer à domicile, Boileau l'encourage contre les esprits chagrins, le jeune Racine le salut au lever du roi.» Sans aucun doute, la lecture de votre Molière fait voler en éclats quantité de représentations répandues dans le public depuis sa mort. Sa mort qui n’est pas le sujet de la moindre de ces légendes d’autant plus tenaces qu’elles se nourrissent de clichés sur les artistes maudits, ou en tout cas réprouvés et qu’elles s’en nourrissent en retour. Mais votre livre est aussi un portrait de Paris et de ceux, petits et grands dont Molière reproduira les travers et les qualités, les ridicules et les délicatesses. À une époque où il est fréquent que des comédiens écrivent eux-mêmes les pièces qu’ils jouent, Donneau de Visée remarque que Molière se distingue en faisant «des farces qui réussirent un peu plus que des farces et qui furent un peu plus estimées dans toutes les villes que celles que les autres comédiens jouaient». Molière fut aussi parmi les premiers à ne pas se contenter d’écrire des farces, de petites pièces comiques en un acte dont les scènes sont à peine ébauchées. Georges Forestier, vous avez, en quelque sorte, dépouillé Molière des différentes couches d’oripeaux dont on l’avait revêtu au fil des 349 ans qui nous séparent de sa mort. Pour introduire notre conversation, j’aimerais savoir ce qui vous a le plus surpris dans vos découvertes.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°308 / 30 juillet 2023. Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 23 juin 2023. Avec cette semaine : David Djaïz, rapporteur général du Conseil National de la Refondation. Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. LE CONSEIL NATIONAL DE LA REFONDATION David Djaïz, vous êtes haut-fonctionnaire, essayiste, diplômé de l’Ecole Normale Supérieure et de l’ENA. Vous rejoignez en 2017 l’Inspection Générale des Finances avant d’être nommé, en 2021, Directeur de la stratégie et de la formation de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Depuis près d’un an, vous êtes le rapporteur général du Conseil National de la Refondation (CNR) auprès du haut-commissaire au plan, François Bayrou. Le CNR a été créé le 8 septembre 2022 par le Président de la République Emmanuel Macron. C’est une instance de concertation au sein de laquelle citoyens, associations, professionnels et élus sont amenés à échanger et à proposer des solutions sur les grands enjeux de demain. Vous travaillez dans ce cadre sur les 9 thématiques identifiées par le Gouvernement, relatives au plein-emploi, à l'école, à la santé, au logement et aux transitions écologique et démographique. Le CNR se présente d’abord comme «une méthode nouvelle» pour construire les politiques publiques. Il s’agit de répondre au sentiment de mal-être démocratique partagé, selon un sondage de l’IFOP récemment publié, par 64% Français, dont une majorité se déclare favorable à davantage d’inclusion et de participation des citoyens. Ainsi, 76% souhaitent élargir l’usage du référendum, et 66% sont partisans du développement de conventions citoyennes. La «méthode CNR», quant à elle, consiste à associer citoyens, corps intermédiaires et représentants élus à la prise de décisions. Elle souhaite redonner du pouvoir aux acteurs de terrain dans le cadre de concertations locales, les «CNR territoriaux», qui aboutissent à des projets concrets et de petite échelle. L’instance faciliterait les compromis et permettrait de « bâtir du consensus sur la situation de la France et son avenir », selon les mots du Président de la République. A son démarrage, le CNR a cependant été boudé par l’opposition politique et syndicale. Après le RN et LFI, le Président du Sénat Gérard Larcher a décliné l’invitation, craignant que le Parlement ne se fasse «court-circuiter» par cette nouvelle instance. Face à la méfiance des députés et sénateurs, le porte-parole du Gouvernement a dû affirmer que le CNR ne sera « ni un préalable ni un substitut au Parlement », tandis que le haut-commissaire au plan exhortait les députés de la majorité à s’emparer de ce nouvel outil. Depuis son lancement, le CNR a recueilli plus de 100.000 contributions citoyennes dans le cadre de sa consultation nationale en ligne. Plus de 17.000 établissements scolaires sont engagés dans une démarche de concertation locale. 250 CNR ont été tenus dans les établissements de santé et bénéficieront à terme d’un budget de 30 millions d’euros. Enfin, des CNR sur le climat et la biodiversité se déroulent actuellement dans plus de 60 territoires afin d’adapter la transition écologique aux particularités locales. Au niveau national, les conclusions du CNR jeunesse ont été rendues publiques le 21 juin. Elles ont nourri le «plan jeunesse» du Gouvernement, comportant notamment l’abaissement de l’âge légal de conduite à 17 ans, la rénovation de certaines résidences universitaires ou l’évaluation des «savoirs verts» en fin de collège. Quelques mois auparavant, les conclusions du CNR avaient abouti au «plan logement» d’Elisabeth Borne et à la proposition de loi pour le bien vieillir en France, dont l’examen sera bientôt repris par l’Assemblée nationale.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N° 307 / 23 juillet 2023. Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 23 juin 2023. Avec cette semaine : Jean-Robert Pitte, géographe specialiste des paysages et de la gastronomie. François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France. Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique. Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova. LA GASTRONOMIE Jean-Robert Pitte, vous êtes géographe, professeur émérite et ancien président de l’Université de Paris IV – Sorbonne. Depuis 2008, vous faites partie de l’Académie des sciences morales et politiques, dont vous avez été six ans le secrétaire perpétuel. Spécialiste du paysage et de la gastronomie, vous figurez également parmi les membres de l’Académie du Vin de France. Vous présidez depuis 2008 la Mission pour le Patrimoine alimentaire français. Celle-ci a permis l’inscription, en 2010, du «Repas gastronomique des Français» sur la liste du Patrimoine immatériel de l’UNESCO. La France a en effet cultivé l’art de bien manger et de bien boire tout au long de son histoire, au point d’en faire un élément essentiel de son «art de vivre». Notre histoire gastronomique remonte aux Gaulois et à leur « art du banquet», alors que les repas offraient l’occasion d'affirmer son rang, sa richesse et son prestige. Le règne personnel de Louis XIV marque un tournant décisif dans la gastronomie française. Elle se démarque du modèle hérité de Rome pour affirmer le pouvoir du Roi sur la haute noblesse et l’éclat de la France en Europe. Les premiers restaurants naissent en France, à Paris, au tournant de la Révolution, ainsi que le terme de «gastronomie» en 1801, sous la plume du poète Joseph Berchoux. Les recettes de terroir intègrent le patrimoine culinaire au cours du XXe siècle et la gastronomie devient un rouage essentiel de l’identification à la nation, à forte dimension politique et géopolitique. Encore aujourd’hui, l’attachement des Français à leur patrimoine culinaire est important. Selon un sondage de l’IFOP en date de 2016, trois quarts d’entre eux déclarent « bien cuisiner » et plus de la moitié des sondés s’essayent au moins une fois par semaine à la préparation de plats qui «sortent de l’ordinaire». La réputation internationale de la gastronomie française n’est pourtant pas assurée. En 2015, le classement des «50 meilleurs restaurants» de la revue britannique «Restaurant» ne compte aucun chef français dans le top 10, et seulement 4 parmi les 50. Les critères de ce classement sont vivement critiqués et une liste alternative, créé la même année et fondé sur la compilation de 200 guides nationaux, place la France au deuxième rang mondial, derrière le Japon, un pays que vous connaissez particulièrement bien. En parallèle, de nouvelles cuisines s’affirment sur la scène internationale, parfois soutenues par leur gouvernement dans le cadre d’une politique de «gastro-diplomatie». Ainsi, le programme «Global Thaï» lancé en 2002 par la Thaïlande a permis de multiplier par trois le nombre de restaurants thaï dans le monde en moins de 20 ans et d’attirer plus de 30 millions de visiteurs dans le pays en 2016. Ces dernières années, les contours du paysage gastronomique mondial ont rapidement évolué sous l’effet de nouveaux enjeux. Avec la mondialisation, les nouvelles tendances culinaires se créent et se diffusent à une vitesse sans précédent mais ne s’intègrent pas toujours avec succès aux cuisines nationales. La montée en puissance de la consommation engagée interroge nos modèles alimentaires tandis que de nouveaux préceptes de santé publique remettent en cause certaines de nos traditions culinaires, comme la consommation de vin.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°306 / 16 juillet 2023. Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 30 juin 2023. Avec cette semaine : Julien Damon, sociologue, enseignant à Sciences Po et à HEC. Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova. LES COMMODITES URBAINES Julien Damon, vous êtes sociologue, enseignant à Sciences Po et à HEC. Vous venez de publier, aux Presses de SciencesPo, un essai intitulé «Toilettes publiques» où vous réhabilitez dans le débat public, avec science et humour, ces lieux auxquels nous consacrons en moyenne 6 mois de notre vie. Alors que les toilettes publiques se raréfient dans les villes et qu’une partie d’entre elles sont devenus payantes, vous défendez l’idée d’un «droit aux toilettes» qui garantisse à tous l’accès à des commodités gratuites, propres et sécurisées. Cette question est essentielle pour les sans-abris, mais elle concerne plus largement chacun des usagers de la ville, habitué ou de passage, lors ses mobilités quotidiennes. Pour relever ce défi, vous proposez notamment de rémunérer les bars, cafés, restaurants et fast-foods mettant à disposition leurs toilettes gratuitement et de façon indifférenciée, sur le modèle de l’Allemagne ou du Royaume-Uni. Le «droit aux toilettes» suppose par ailleurs de garantir un accès égal aux commodités pour les hommes et pour les femmes, qui y passent en moyenne une minute de plus. Il implique également de considérer l’offre sanitaire de l’ensemble des espaces collectifs, comme les entreprises ou les écoles, alors qu’un sondage de l’IFOP en date d’avril 2022 indique que 55% des employés jugent les toilettes de leurs entreprises sales et que 45% d’entre eux les trouvent trop peu éloignées du reste des locaux. A l’échelle internationale, le sujet est porté par l’ONU qui a fait de l’accès à l’eau et à l’assainissement un droit de l’homme en 2010. Des progrès notables en matière d’installations sanitaires ont été observés depuis 20 ans, tirés notamment par les «plans toilette» de la Chine et de l’Inde. Ainsi, si environ un tiers de l’humanité ne disposait d’aucun assainissement basique en 2015, la proportion est descendue à un humain sur cinq en 2020. Ces investissements sont particulièrement rentables car ils diminuent les frais de santé, limitent les hospitalisations, réduisent le nombre de jours non travaillés, améliorent les capacités des enfants à l’école et la productivité des travailleurs. Mais d’importantes lacunespersistent dans certaines régions et plombent les perspectives de développement économique et social. A titre d’exemple, plus de la moitié des établissements en Afrique subsaharienne ne disposent d’aucune installation sanitaire. Cette carence pénalise particulièrement les filles et compte parmi les raisons de leur sous-scolarisation persistante. Il ne s’agit pourtant pas seulement d’augmenter l’offre de toilettes publiques, mais aussi de repenser son modèle: au XXIème siècle, la croissance mondiale des toilettes doit être «durable». Le modèle occidental, fondé sur les toilettes à chasses connectés à des réseaux centralisés d’assainissement, est très gourmand en eau. L’ensemble des Français destinentà cet usage l’équivalent de 500.000 piscines olympiques chaque année. De nombreux modèles plus écologiques ont été proposés, le plus souvent décentralisés, fondés sur le recyclage des eaux plutôt que sur leur évacuation. Des urinoirs secs, les «uritrottoirs», ont même été installés à Paris à l’été 2018; mais l’expérience s’est rapidement soldée par un échec, qui montre la force des habitudes en la matière et l’ampleur des travaux à accomplir. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°305 / 9 juillet 2023. Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le9 juin 2023. Avec cette semaine : - Yves Plasseraud, juriste et spécialiste des États baltes. - Nicolas Baverez, essayiste et avocat. - François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France. - Michel Eltchaninoff, rédacteur en chef du mensuel Philosophie Magazine. LES PAYS BALTES Yves Plasseraud, vous êtes juriste et présidez depuis 1996 le Groupement pour le droit des minorités, ONG qui bénéficie d’un statut consultatif auprès des Nations unies, de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe. Vous êtes un spécialiste des pays baltes et avez récemment publié deux ouvrages sur cette région du monde, qui regroupe l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie. Dans Les pays baltiques - Le pluriculturalisme en héritage, paru en 2020, vous montrez comment l’histoire de ces pays est marquée par la menace constante de puissances impériales comme l’Allemagne ou la Russie, ainsi que par la diversité de leurs peuples et de leurs cultures. Vous avez également consacré, en 2022, un ouvrage aux peuples Germano-Baltes, nés au XIII° siècle des migrations de colons allemands à Riga, l’actuelle capitale de la Lettonie. Les pays baltes regroupent aujourd’hui plus de 6 millions d’habitants et représentent un PIB d’approximativement 120 Mds€. Bordés par la mer Baltique à l'ouest, ils s’étendent sur 175 000 km2 et partagent leurs frontières avec la Russie, la Biélorussie et la Pologne. A mi-chemin entre la Russie et l’Europe de l’Ouest, ils constituent une interface stratégique entre l’Orient et l’Occident, au cœur des enjeux géopolitiques et militaires contemporains. L’héritage soviétique pèse lourd dans ces anciennes Républiques socialistes soviétiques, territoire convoité par la Russie depuis Pierre le Grand pour son ouverture sur la mer Baltique. Avant l’invasion de l’Ukraine, la Fédération de Russie était l’un des principaux partenaires commerciaux de la région. Il lui fournissait également l’essentiel de son approvisionnement en gaz naturel, à hauteur de 42% en Lituanie, de 93% en Estonie et 100% en Lettonie. Les russophones constituent une importante minorité au sein des Pays Baltes et représentent jusqu’à 30% de la population en Lettonie. La mémoire de l’annexion russe, enfin, reste problématique, comme l’illustre la récente loi sur la destruction des monuments soviétiques promulguées par l’Estonie en début d’année. Pour se prémunir des menaces russes, les pays baltes ont choisi l’ancrage à l’Ouest. Ils ont adhéré à l’Union européenne en 2004, marquant la réussite de la transition démocratique et économique accomplie depuis 1991. La même année, les États baltes rejoignent l’OTAN. L’Alliance implante dès 2008 son centre de cyberdéfense à Tallin, à la suite de la cyberattaque de l’Estonie dirigée par le Kremlin une année auparavant. A la suite du sommet de 2016, à Varsovie, des troupes permanentes sont déployées par l’OTAN dans les Pays baltes dès 2017, ainsi que des forces navales et aériennes en mer Baltique. L’invasion de l’Ukraine par la Russie projette les Pays Baltes au cœur des enjeux de défense du monde occidental. Ces États, qui ont mis en garde l’UE contre la menace russe dès 2004, s’inquiètent d’être les prochaines cibles de Vladimir Poutine. Le corridor de Suwalki, qui permet aux Russes de desservir leur enclave européenne de Kaliningrad par la Biélorussie et comporte depuis 2016 des batteries de missile à capacité nucléaire, est au centre des tensions. Une crise avait même éclaté en juin 2022, à la suite de la décision de la Lituanie de restreindre le transit de marchandises par voie ferrée vers l’enclave russe, en accord avec les sanctions européennes. Dans ce contexte explosif, le prochain sommet de l’OTAN se tiendra en juillet à Vilnius, capitale de la Lituanie. Il y sera notamment question de la mise en place de nouveaux plans de défense pour la région baltique, mais aussi de l’adhésion de la Suède, candidate fortement soutenue par les Etats baltes.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°304 / 2 juillet 2023. Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 30 juin 2023. Avec cette semaine : Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors. Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova. LA RUSSIE APRÈS LA MARCHE DE WAGNER La prise de la grande base arrière russe de l'opération militaire en Ukraine, à Rostov-sur-le-Don, par les 5.000mercenaires du groupe paramilitaire privé Wagner d’Evgueni Prigojine, a été réalisée sans le moindre coup de feu. Le lancement d’un raid armé vers Moscou ne s'est arrêté qu'à 200 kilomètres de la capitale et n'a été entravé par aucune force militaire substantielle. Juste avant de se lancer dans sa marche forcée Prigojine a brisé le tabou du mensonge, révélant que les généraux russes (et donc Poutine) avaient menti sur la guerre, sur les pertes humaines, les territoires reconquis par les Ukrainiens et même sur les buts de guerre, qu’il a déclarés «infondés ». Construisant son empire médiatique et industriel à visage couvert, niant le moindre lien avec la milice Wagner spécialisée dans la guerre hybride, déployée là où la Russie défend ses intérêts sans vouloir apparaître - Ukraine, Syrie, Libye, République centrafricaine, Mali - Progojine n’a reconnu en être le créateur qu’en septembre 2022. Après l’avoir utilisé, puis l'avoir laissé recruter des prisonniers de droit commun ayant commis des crimes de sang, sans la moindre base légale, l'armée russe a interdit ces pratiques pour les reprendre à son compte. Une compétition avec Wagner s'est ensuite engagée, alors même que les deux forces faisaient face à la contre-offensive ukrainienne. Tandis que Prigojine insultait le commandement militaire russe pour son incompétence et appelait à sa démission, ses troupes ont été privées de vivres et de munitions. L’armée russe a demandé à intégrer la milice. L’incursion des groupes armés en provenance d’Ukraine dans la région de Belgorod, l’attaque de drones à Moscou puis l’avancée de Wagner vers la capitale ont posé la question de la capacité de l’Etat russe à défendre son territoire. Cependant, l’élite politique a fait corps : toute la journée du samedi, députés, gouverneurs ou élus locaux ont diffusé des messages de soutien au président. Lundi, sans le nommer, Vladimir Poutine a qualifié Evgueni Prigojine de «traître » − une désignation qui vaut en théorie condamnation à mort. Au lieu de cela, dans la soirée le chef du Kremlin a offert à Prigojine des garanties de sécurité. Il a réaffirmé que ces combattants - ayant joué un rôle essentiel dans la guerre en Ukraine - ne feraient l'objet d'aucune poursuite. Ils pourront, au choix, signer un contrat avec le ministère de la Défense pour intégrer l'armée régulière russe, rentrer chez eux, ou rejoindre la Biélorussie, où doit s'exiler Prigojine. Lundi, l’homme d’affaires a réaffirmé que le but de sa «marche » n’était pas « la prise du pouvoir », mais seulement « d’empêcherle démantèlement» de Wagner. Certes, il « regrette » la mort de militaires russes. Mais M. Prigojine continue de se présenter en chef du groupe et assure qu’Alexandre Loukachenko, le président de la Biélorussie, lui aurait proposé une solution permettant « la poursuite du travail dans un cadre légal ». Lundi, le ministre des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a assuré que la société allait « poursuivre » son travail en Afrique et ailleurs. *** MAYOTTE A Mayotte, 101e département français, marqué par de récurrents épisodes de violences et de tensions sociales, l'opération Wuambushu ("reprise en main") a été lancée le 24avril. Il s’agit selon le ministre de l’Intérieur et des outre-mer de lutter contre la délinquance et l’insécurité, en détruisant certains bidonvilles et en expulsant des étrangers en situation irrégulière, principalement des Comoriens. Les autorités ont l'intention d'expulser entre 10.000 et 20.000 sans-papiers: Mayotte compte 310.000 habitants, dont on estime que la moitié sont étrangers. L’opération s’est rapidement heurtée à deux obstacles majeurs : le refus des Comores voisines d'accueillir leurs ressortissants expulsés, et les multiples recours judiciaires déposés par des familles de clandestins. Dès le deuxième jour, l'opération était suspendue par le tribunal judiciairequi considérait la démolition des bidonvilles « illégale », avant que le tribunal administratif de Mayotte ne tranche finalement en faveur de l'État. Plus de 400policiers et gendarmes supplémentaires sont sur l'île, portant à 1.800les effectifs des forces de l'ordre présents sur place. Malgré la multiplication des «plans» pour Mayotte, les services publics dans l’île sont en déshérence: pas assez d’écoles pour scolariser tous les enfants (6.000à 7.000enfants sont déscolarisés); peu d’accès à la santé, et un manque flagrant de personnels soignants; l’accès à l’eau potable est une problématique majeure marquée par des coupures d’eau quatre fois par semaine. La situation de mal-logement est massive: 57% des ménages vivent en surpeuplement, 40% des logements sont en tôle, 30% des logements ne sont pas raccordés à l’eau, 10% n’ont pas l’électricité. « Musulmane à 95% », Mayotte a voté à 59,10% pour Marine Le Pen au second tour de la présidentielle de 2022. Les24 et 25juin, deux mois après le début de l’opération, le ministre de l’intérieur a effectué un déplacement pour défendre un premier bilan de l’opération soutenue localement, mais dénoncéepar plusieurs associations, dont la Cimade et Médecins du monde, comme « tout sécuritaire ». Gérald Darmanin a précisé que l'intervention sera rallongée de «plus d'un mois» puis qu'un «deuxième type d'opération» débuterait en septembre, ciblant, par des procédures judiciaires, l'agriculture et la pêche illégales, ainsi que les marchands de sommeil. Il a affirmé qu'en deux mois, «les violences contre les personnes ont été réduites de 22%» et les cambriolages, vols et atteintes aux biens, «de 28%», revendiquant aussi avoir «divisé par trois le flux entrant de clandestins». Le dernier objectif de «Wuambushu», la lutte contre la criminalité, pose des problèmes de surpopulation carcérale: dans l'unique prison de l'île le taux d'occupation est passé à 230%. La construction d’une nouvelle prison et d’un nouveau centre de rétention est envisagée, mais aucun terrain n’a encore été identifié pour les bâtir. Le ministre a promis de « revenir en septembre prochain». Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°302 / 18 juin 2023. Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 16 juin 2023. Avec cette semaine : Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef du quotidien La Croix. Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique. Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung. LES DÉSERTS MÉDICAUX Un Français sur dix, plus de six millions de personnes n'a pas de généraliste à proximité de chez lui, alors que la population vieillit. En 10 ans, le nombre de généralistes a baissé de 3%. Ils sont 53.000 en exercice, un sur quatre est en âge de partir à la retraite. Pour deux médecins sur le départ, un seul peut prendre le relais. Selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) publiée le 25 mai, les deux tiers des médecins généralistes déclarent désormais refuser des patients comme médecin traitant, contre 53 % en 2019. Huit médecins sur dix jugent que les médecins ne sont pas assez nombreux sur leurs zones géographiques respectives, soit 11 points de plus qu'en 2019. Durant les « trente glorieuses», le nombre de médecins explosait. Avec le choc pétrolier et le ralentissement de l’activité économique, les dépenses de santé sont alors jugées dispendieuses et les pouvoirs publics mettent en place la contrainte du numerus clausus. Mécaniquement, au début des années 2000, le nombre de médecins n’augmente qu’à la marge, diminuant même dans les rangs des généralistes, tandis qu’en parallèleles besoins ne cessent d’augmenter, avec une population qui vieillit et une demande de soins en hausse. Depuis les années 2000, chaque ministre a fait son plan : des aides, des bourses, des incitations, des soutiens… la panoplie des outils incitatifs n'a pas marché. Aucun n’a mis en place de régulation ou de coercition. Face à ce problème, l'Assemblée nationale a lancé lundi l'examen d'un texte de la majorité sur l'accès aux soins. Dans son préambule, il est indiqué que « 87 % du territoire est un désert médical, résultat d'une longue fragilisation du système de santé et d'aspirations professionnelles des nouvelles générations jusqu'à présent mal anticipées ». La loi devrait notamment permettre de simplifier l'exercice des «praticiens diplômés hors de l'UE» et de s'opposer à l'intérim médical dans certains établissements en début de carrière, ou encore élargir le nombre d'étudiants pouvant signer des «Contrats d'engagement de service public» avec une allocation mensuelle versée en contrepartie d'un engagement dans un désert médical. Sous la pression de l'exécutif, une mesure a été supprimée: la régulation de l'installation des médecins censée lutter contre les déserts médicaux. Le ministre de la Santé, François Braun «reste opposé à la coercition à l’installation.» Considérant la mesure comme un «levier» indispensable, le député socialiste Guillaume Garot a décidé de déposer un amendement pour la réintégrer, soulignant qu’«il y a aujourd'hui trois fois plus de généralistes par habitant dans les Hautes-Alpes que dans l'Eure, 18 fois plus d'ophtalmos par habitant à Paris que dans la Creuse, et 23 fois plus de dermatos dans la capitale que dans la Nièvre». Après l’Assemblée nationale, le texte partira ensuite au Sénat, où la majorité Les Républicains, opposée à cet amendement comme d'ailleurs à l'ensemble du texte, pourra apporter des modifications. Déjà, trois syndicats de médecins hospitaliers appellent à une «journée de grève et d'action le 4 juillet ». *** LE SOMMET DU TRIANGLE DE WEIMAR Dans une intervention le 31 mai devant le think tank Globsec à Bratislava, en Slovaquie, le président français a assuré que la France apportait clairement son soutien à l'option d'une Ukraine ayant à terme sa place dans l'Alliance atlantique et devant bénéficier « de garanties de sécurité crédibles et tangibles ». Il a également plaidé pour élargir « le plus vite possible » l’édifice bâti par les Vingt-Sept. Une façon d’envoyer un signal fort aux Etats d’Europe centrale les plus pressés d’accueillir Kyiv et Chișinău. Après quelques hésitations, Paris propose désormais d’ouvrir les négociations avec les deux pays candidats, dès la fin de l’année. En rejetant toute idée de cessez-le-feu ou de conflit gelé, le président contribue à clarifier le débat, rejoignant la position des Européens de l'Est. « Nous avons perdu une occasion de vous écouter», leur a-t-il dit à Bratislava. Le lendemain, les représentants des 47 pays composant la Communauté politique européenne (CPE) se sont réunis à Chișinău, en Moldavie. Née de la guerre en Ukraine pour donner une perspective à Kyiv, la CPE rassemble des États souverains qui, parce qu’ils habitent le même continent, font face à des problématiques communes, en matière sécuritaire ou énergétique, notamment. Emmanuel Macron, avait, le 9mai2022, lancé l’idée de cette Communauté politique européenne, arguant que « l’UE ne peut pas être le seul moyen de structurer le continent ». Au sein de ce nouveau club, tous les Etats sont sur un pied d’égalité. Sur la questioneuropéenne, Emmanuel Macron a réitéré sa position d’ouverture à l’élargissement, appelant l'UE à repenser sa gouvernance et à «inventer plusieurs formats» pour répondre aux aspirations d'adhésion de pays d'Europe de l'Est et des Balkans. L'élargissement de l'UE a été de nouveau au menu d'un dîner de travail entre le président et Olaf Scholz, le 6 juin, à Potsdam, destiné à préparer la visite d'État d’Emmanuel Macron en Allemagne, début juillet. Le chancelier se montre très prudent. « Les conditions pour l'adhésion sont les mêmes pour tous » répond Olaf Scholz, qui refuse d'évoquer le moindre passe-droit susceptible de favoriser l'Ukraine par rapport aux autres pays candidats. Lors d'un dîner de travail lundi à l'Elysée dans le cadre du Triangle de Weimar, les présidents français et polonais et le chancelier allemand ont discuté de l'aide militaire et des garanties de sécurité à apporter à l'Ukraine. Le format dit de Weimar est une plateforme d'échanges réguliers entre Paris, Berlin et Varsovie, fondée en 1991, deux ans après la chute du mur de Berlin. Emmanuel Macron a confirmé que la contre-offensive de l'armée ukrainienne contre les forces russes avait commencé, estimant qu'elle allait durer «plusieurs semaines, voire mois», il a ajouté «nous avons intensifié les livraisons d'armes et de munitions, de véhicules blindés, de soutien aussi logistique». La réunion visait à coordonner les positions des trois pays en amont du sommet de l'Otan à Vilnius, les 11 et 12juillet, et du Conseil européen des 29 et 30 juin.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°301 / 11 juin 2023Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 9 juin 2023.Avec cette semaine :Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova.RAPPORT PISANI-FERRY« Il va nous falloir faire en dix ans ce que nous avons eu de la peine à faire en trente ans. L’accélération est brutale », affirme Jean Pisani-Ferry, dans un rapport intitulé « Les incidences économiques de l’action pour le climat », rendu public le 22 mai et réalisé avec l’inspectrice générale des finances, Selma Mahfouz, et avec France Stratégie, l’organisme d’évaluation et de prospective rattaché à Matignon. Dans ce travail M. Pisani-Ferry, Professeur à Sciences Po et membre des think tanks Bruegel et Peterson Institute, et qui fut un pilier de la campagne d’Emmanuel Macron en 2017, chiffre le coût de l’adaptation aux objectifs environnementaux entre 250 et 300 milliards d’euros de dette en plus, en cumulé, en 2030.Missionné, en septembre 2022, par la Première ministre, Elisabeth Borne, M. Pisani-Ferry avait remis, en novembre, une première note d’étape à Matignon, alertant déjà, sur le « changement profond de modèle de développement » du pays qu’allait nécessiter l’objectif de neutralité carbone fixé par la Commission européenne à l’horizon 2050 – et les 55 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Pour atteindre ces objectifs, il faut, selon lui, mettre sur la table « 66 milliards d'euros » d'investissements supplémentaires publics et privés par an, chaque secteur en prenant en charge la moitié. La transition va entraîner une perte prononcée de recettes pour l'Etat. Pour le financement des 33 milliards d'euros d'investissements publics, les auteurs proposent notamment de recourir à l'endettement et la fiscalité. Ils plaident pour « un prélèvement forfaitaire exceptionnel de 5 %, dans une fenêtre de trente ans », qui serait payé par les «10 % les mieux dotés » et qui rapporterait, selon eux, 150 milliards d'euros sur trente ans, soit 5 milliards par an. « Il s'agit de convaincre les Français que la charge est équitablement répartie », a expliqué Jean Pisani-Ferry.Deux pistes, que le ministre de l’Economie et des Fiances, Bruno Le Maire a exclues, arguant que « Les 10 % des Français les plus riches paient déjà 75 % de l'impôt sur le revenu ». Pour financer la transition écologique, le locataire de Bercy a rappelé les pistes déjà évoquées pour financer la loi sur l'industrie verte : le verdissement de la fiscalité (suppression des niches fiscales sur les énergies fossiles, alourdissement des taxes et autres malus sur les véhicules thermiques) ; la mobilisation de l'épargne des Français avec notamment la création d'un nouveau plan d'épargne avenir climat ; le financement par les entreprises et enfin la mobilisation des banques, comme la Banque européenne d'investissement (BEI) qui « doit devenir la banque du climat ». Le rapport Pisani-Ferry pourrait connaître le sort du rapport Borloo sur les banlieues, en 2018. Début juillet, le gouvernement expliquera quel est son plan précis pour financer la transition, lors du conseil de la planification écologique censé trancher la feuille de route élyséenne et le financement qui lui correspond.***ESPAGNE : « À DROITE TOUTE »Le 29 mai, au lendemain d'une lourde défaite électorale, le Premier ministre socialiste espagnol, Pedro Sanchez, au pouvoir depuis 2018, a annoncé la convocation d'élections législatives anticipées le 23 juillet prochain, initialement prévues fin 2023. Les conservateurs ont remporté une large victoire  face à la gauche lors d'un double scrutin, municipal et régional. Le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) a recueilli moins de 6,3 millions des voix (28,1 %) aux municipales, contre plus de 7 millions (31,5 %) pour son rival conservateur, le Parti populaire (PP). Une progression de deux millions de voix pour la droite en quatre ans, et un recul massif de la gauche, qui perd six des dix régions qu'elle dirigeait jusque-là. L'extrême droite, représentée par le parti Vox, sort gagnante du scrutin : avec plus de 1,5 million de voix aux municipales, le parti a doublé son score en quatre ans et assoit encore davantage sa place de troisième force politique du pays. La droite ne pourra gouverner dans les régions récupérées que si elle s'allie avec Vox, placé ainsi en position décisive pour négocier des gouvernements régionaux de soutien ou de coalition.Les crises répétées secouant la coalition gouvernementale formée par les socialistes et le parti de gauche radicale Podemos, les accords parlementaires scellés avec les indépendantistes catalans de la Gauche républicaine de Catalogne et les héritiers de la vitrine politique du groupe séparatiste et terroriste basque ETA, sont considérés par les analystes comme les principales raisons de la débâcle socialiste. S’y ajoutent des mesures et textes législatifs controversés, de la loi sur le consentement sexuel, qui a abouti à la mise en liberté anticipée de plus d’un millier d’agresseurs, à la loi d’autodétermination de genre, qui a divisé le mouvement féministe, en passant par les grâces et la réforme du délit de sédition décidées pour complaire aux indépendantistes catalans.Le PSOE a été sanctionné dans les urnes alors que le bilan de Pedro Sanchez est plutôt jugé satisfaisant par les Espagnols. Ils notent positivement la hausse du salaire minimum d’environ 47 % durant la législature et la réforme du marché du travail limitant les emplois précaires. Ils saluent les bons résultats économiques : l’inflation (4 % en avril) est très inférieure au reste de l’Europe ; le plafond du prix du gaz, négocié à Bruxelles ; le taux de chômage en baisse (à 13 %). Le pays affiche l'une des croissances les plus dynamiques d'Europe, avec un PIB en hausse de 5,5% l'an dernier, et 1,9% attendu cette année. On voit par la que l’aphorisme adressé par James Carville à Bill Clinton doit ici être inversé : It’s not the economy, stupid !Avant l'Espagne, la droite a déjà enregistré des succès ces derniers mois en Grèce, Finlande, Suède et Italie. En Turquie, le nationalisme sort renforcé des récentes élections. A l'automne, les Polonais auront à choisir entre deux droites, l'une conservatrice (au pouvoir), l'autre libérale. En Allemagne, l'extrême droite (AfD) dépasse les Verts (au pouvoir) de deux points dans les intentions de vote. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°300 / 4 juin 2023Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 2 juin 2023.Avec cette semaine :Akram Belkaïd, journaliste au Monde diplomatique.Michel Eltchaninoff, rédacteur en chef du mensuel Philosophie Magazine.Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. TURQUIE : TROISIÈME MANDAT POUR ERDOGAN Le 28 mai, Recep Tayyip Erdogan, 69 ans, a été déclaré vainqueur du second tour de l'élection présidentielle turque, réunissant 52,16 % des suffrages, contre 47,84 % pour son adversaire, Kemal Kiliçdaroglu. Pendant la campagne, la télévision publique TRT a accordé « soixante fois plus de temps d’antenne » au président sortant qu’à son rival, a observé l’organisation Reporters sans frontières. Perçue comme faible, sans accès aux ressources, l’alliance de six partis d’opposition n’est pas parvenue à convaincre l’électorat qu’elle pouvait mieux faire.De Joe Biden à Vladimir Poutine, en passant par Emmanuel Macron ou Volodymyr Zelensky, chefs d’Etat et de gouvernement se sont succédé pour saluer la victoire du dirigeant turc, au pouvoir depuis vingt ans. Le chef de file de l’opposition avait pourtant les discrètes faveurs des dirigeants occidentaux, dont les relations avec Erdogan se sont fortement détériorées au fil de ses mandats successifs, surtout depuis le coup d’Etat manqué de 2016. Ces félicitations ont été assorties d'une invitation à entrer dans une relation constructive avec l'Union européenne, du moins plus apaisée qu'elle ne l'a été au cours des dix dernières années avec un président turc exploitant chacune des failles du bloc, de la migration à la relation avec la Russie. Depuis un an, Ankara bloque l'entrée de la Suède dans l'Alliance atlantique, prétendant que Stockholm héberge des « terroristes » kurdes sur son territoire. Cette question sera abordée notamment lors du sommet de l'Otan, les 11 et 12 juillet à Vilnius, en Lituanie.Au Moyen-Orient, ces derniers mois, Recep Tayyip Erdogan a tenté de se rapprocher de son voisin, le président syrien Bachar al-Assad. Malgré une médiation russe ses tentatives n'ont pas abouti. Le président syrien a exigé en préalable à toute rencontre avec son homologue le retrait des forces turques stationnées dans le nord de la Syrie sous contrôle rebelle et la fin du soutien d'Ankara aux groupes rebelles opposés à Damas. La Turquie, accueille sur son sol 3,4 millions de réfugiés syriens ayant fui la guerre. Le chiffre réel est sans doute supérieur. Il a fait l'objet d'une surenchère électoraliste de la part de l'opposition qui parle de 10, voire de 13 millions de migrants en Turquie. La campagne électorale a été marquée par une poussée de xénophobie.La réélection du président turc s’inscrit dans un contexte économique très dégradé : en deux ans, la livre turque a perdu 80 % de sa valeur et l'inflation s'établit à 105 %. En plus de l’inflation, le tremblement de terre du 6 février qui a dévasté des zones entières du sud-est de la Turquie, faisant au moins 50.000 morts, a laissé le pays exsangue. Le président Erdogan a promis de reconstruire au plus vite 650.000 logements dans les provinces affectées. Il a jusqu’en 2028 pour édifier une « IIe République », qu’il souhaite plus religieuse, plus autocratique, plus nationaliste, davantage tournée vers le Golfe, la Russie et la Chine que la première, fondée il y a cent ans, le 29 octobre 1923, par Mustapha Kemal Atatürk, sur les décombres de l’empire ottoman.***L’ONU ET LA POLLUTION PAR LE PLASTIQUESept ans après la COP21, un millier de délégués de 175 pays et plus de 1 500 scientifiques et représentants de la société civile et de l’industrie se sont réunis du 29 mai au 2 juin à l’Unesco, à Paris, avec pour mission de « mettre fin à la pollution plastique » à travers l’élaboration d’un traité international juridiquement contraignant d’ici à 2024. En 2019, le monde a produit 460 millions de tonnes de matières plastiques. Le double de sa production de 2000. Ce chiffre pourrait tripler d'ici à 2060 en l'absence de nouvelle politique, selon l'Organisation de coopération et de développement économique. Si les pays participant aux discussions à Paris s'accordent sur la nécessité d'une réponse globale, ils sont divisés sur les mesures à entreprendre. Une « coalition pour la haute ambition », portée par le Rwanda et la Norvège et composée d'une cinquantaine de pays dont ceux de l'Union européenne, mais aussi le Canada, ou le Japon, demande une réduction de la production globale du plastique. D'autres pays comme l'Arabie saoudite ou les Etats-Unis entendent défendre leur secteur pétrochimique et mettent donc l'accent sur la collecte des déchets et le recyclage.Dans un rapport publié le 16 mai en amont de la conférence de Paris, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) estime que la principale solution est d’appliquer la règle des « 4 R » (réduire, réutiliser, réparer et recycler), dans cet ordre. Ainsi, la pollution plastique pourrait être réduite de 80 % à l’horizon 2040 : très persistants dans l'environnement, les polymères se dégradent en micro et nanoparticules qui polluent l'air, le sol et l'eau jusqu'au sommet de l'Everest et ils intègrent la chaîne alimentaire. Le plastique pose aussi problème pour son rôle dans le réchauffement climatique. Il représentait 1,8 milliard de tonnes de gaz à effet de serre en 2019, 3,4% des émissions mondiales. L'idée consiste à passer d'une économie et d'un mode de production linéaire (extraire, transformer puis jeter) à une économie circulaire, où rien ne se perd ou presque. In fine, la transition vers une économie circulaire pourrait permettre au monde d'économiser 1,27 trillion de dollars, estime le PNUE. Et 3,25 trillions de dollars supplémentaires pourraient l'être grâce à l'élimination d'externalités négatives dues à la pollution plastique telles que les coûts liés aux problèmes de santé, de climat, de pollution de l'air, de dégradation des écosystèmes marins, etc. Enfin, cette transition pourrait permettre de créer 700.000 emplois dans le monde, principalement dans les pays en voie de développement. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
n°299 / 28 Mai 2023.Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le12 mai 2023.Avec cette semaine :Pierre Buhler, diplomate et ancien ambassadeur de France en Pologne.Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.Michaela Wiegel, correspondante à Paris de laFrankfurter Allgemeine Zeitung.LA POLOGNEPierre Buhler, vous êtes diplomate, ambassadeur de France en Pologne entre 2012 et 2016. Ancien élève de l’ENA, vous rejoignez le ministère des affaires étrangères dès 1982 où vous occupez différents postes à Varsovie, à Moscou, à Singapour ainsi qu’à Washington et à New-York. Après avoir été Secrétaire général de la délégation française de la 71ème Assemblée générale des Nations Unies, vous présidez de 2017 à 2020 l’Institut français, chargé de promouvoir l’action culturelle extérieure de la France.En parallèle de votre activité diplomatique, vous enseignez les relations internationales à Sciences Po et à la Hertie School de Berlin. Votre dernier ouvrage, publié en 2012, s’intituleLa puissance au XXI° siècleet a été distingué par le prix Anteios du meilleur livre géopolitique. Vous y interrogez les évolutions de la notion de puissance de l’Antiquité à nos jours, marqués par la révolution numérique et la technologie nucléaire. Vous avez également consacré un essai,Histoire de la Pologne communiste, autopsie d’une imposture, à la région polonaise dont vous êtes un spécialiste reconnu.Depuis la chute du régime communiste en 1989, la Pologne a connu une transition vers une économie de marché et une démocratie pluraliste. Le pays est devenu membre de l'Union européenne en 2004 et de l'OTAN en 1999. La Pologne a également renforcé ses liens avec les États-Unis, considéré comme un allié clé du pays.La politique intérieure de la Pologne est dominée par le parti conservateur nationaliste au pouvoir, le Parti Droit et Justice (PiS). Le PiS a remporté les élections législatives en 2015 et il a connu une victoire encore plus importante lors des élections de 2019, obtenant la majorité absolue au parlement. Depuis leur arrivée au pouvoir, les membres du PiS ont pris des mesures pour consolider leur contrôle sur les institutions gouvernementales et affaiblir les contre-pouvoirs. Le Tribunal constitutionnel et la Cour suprême ont été réformés afin de limiter l’indépendance de la justice. Le contrôle des médias publics a été renforcé. Le 22 octobre 2020, un arrêt du Conseil constitutionnel a drastiquement limité le droit à l’avortement, illustrant les menaces qui pèsent sur les droits des femmes et des personnes LGBT.Ces mesures ont donné lieu à de larges mouvements de protestation en Pologne et à l’étranger. La réforme des institutions judiciaires est également au centre du bras de fer juridique et financier qui oppose le gouvernement polonais à la Commission européenne depuis 2017. Parti eurosceptique, populiste et nationaliste, le PiS refuse d’obéir à la Commission, avec l’appui du Tribunal constitutionnel polonais qui a déclaré le 7 octobre 2021 partiellement inconstitutionnel le principe de primauté du droit européen. Un récent sondage Ipsos souligne cependant que les Polonais sont largement attachés à leur appartenance à l’Union, seuls 5% d’entre eux se prononçant en faveur d’un Polexit. Dans ce conteste, le PiS promeut une vision de l’Union européenne fondée sur le respect absolu de la souveraineté des Etats et le refus de toute ingérence supranationale, telle que l’a illustrée le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki dans son discours sur l’avenir de l’Europe, le 20 mars dernier.La guerre d’Ukraine a rebattu les cartes géopolitiques de la région et paradoxalement pacifié les rapports entre Varsovie et Bruxelles. Occupant une position clé en Europe centrale en raison de sa proximité avec la Russie, la Pologne est considérée comme un pays stratégique pour la sécurité de l'Europe orientale. Depuis l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014, la Pologne a renforcé sa coopération avec les autres pays d'Europe centrale et de l'Est pour faire face à la menace russe. Elle accueille le sommet de l'OTAN en 2016, à l’issue duquel plusieurs mesures visant à accroître la présence militaire de l'OTAN en Europe de l'Est sont décidées. L’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, a donné un brusque coup d’accélérateur à cette dynamique de défense. La Pologne est l’un des plus généreux soutiens de l’effort de guerre ukrainien. Elle affirme ses liens avec les États-Unis, qu’elle considère comme un «fondement absolu» de la défense européenne, et a massivement intensifié ses efforts de réarmement. En 2023, la Défense représente 4% du budget polonais, contre 2,4 % pour l'année2022. La Pologne veut devenir la première puissance militaire européenne, forte d’une armée de 300000 hommes à la pointe des technologies militaires.Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Bada # 190 : Si c’est pour la Culture, on a déjà donné (95) / 24 mai 2023.Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne conversation entre Fabrice Fries et Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 14 avril 2023.Parvenu en 2018 à la tête de l’Agence France Presse (AFP) à la suite d’une élection rocambolesque, Fabrice Fries vient d’être reconduit dans ses fonctions pour un nouveau mandat de 5 ans. Ces responsabilités couronnent une riche carrière dans les médias, la tech et la communication, débutée en 1997 au sein du groupe Havas, et dans la haute fonction publique française et européenne.Trajectoire atypique et fulgurante, sur la ligne de crête des secteurs public et privé : saura-t-elle répondre aux exigences d’une entreprise partagée entre sa mission d’intérêt général et son indépendance ? Saura-t-elle relever les nouveaux défis de l’écosystème de l’information et de la communication, sous l’effet de la concentration des médias et de la transformation numérique ?Dans cette série d’épisodes du Nouvel Esprit Public, Philippe Meyer reçoit Fabrice Fries pour éclairer l’itinéraire de l’actuel « patron » de l’AFP et décrypter les nouveaux enjeux de l'entreprise. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
n°298 / 21 Mai 2023Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 7 avril 2023.Avec cette semaine :Cyrille Coutansais, directeur de recherche au Centre d’Etudes Stratégiques de la Marine (CESM), rédacteur en chef de la revue Etudes Marines et enseignant à Sciences Po en économie maritime.Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova.Cyrille Coutansais, vous êtes directeur de recherche au Centre d’Etudes Stratégiques de la Marine (CESM), rédacteur en chef de la revue Etudes Marines et enseignant à Sciences Po en économie maritime.Vous avez récemment publié l’Empire des Mers aux Editions CNRS, ouvrage dans lequel vous retracez l’histoire maritime de la France depuis le 12ème siècle. Vous y peignez une relation complexe et contrariée, marquée par le sous-investissement maritime de la France qui l’empêche d’embrasser le destin que lui promettait sa large façade maritime, ouverte sur trois mers et un océan. Vous analysez également la transformation contemporaine des enjeux de la maîtrise des mers, qui placent selon vous notre pays à un nouveau carrefour de son destin maritime.Le premier enjeu est celui de la défense, dans le contexte d’un réarmement naval particulièrement frappant dans la région Asie Pacifique et la Méditerranée depuis les années 2000. Au cours des 20 dernières années, les marines de la région Indopacifique ont augmenté de 140 %, dans le sillage de la montée en puissance spectaculaire de la marine chinoise. Ces évolutions traduisent le remodèlement des équilibres géopolitiques, la marine chinoise étant désormais comparable à celle des Etats Unis tant en termes de quantité que dans le développement de nouvelles armes comme les drones, les missiles hypervéloces ou les armes lasers. En France, la discussion de la Loi de Programmation Militaire traduit une volonté de réaffirmer l’appartenance de notre pays au club restreint des grandes puissances navales, 10 pays (dont la France) totalisant à ce jour 84% des forces navales mondiales. Au-delà des défis de la puissance, la marine est un acteur clé dans le maintien de la sécurité aux frontières maritimes, notamment en matière de flux migratoires et commerciaux.La maîtrise des mers est également un levier fondamental de la puissance économique. Les routes maritimes concentrent 90% du commerce mondial de marchandise (en volume) et le secteur de la pêche, pilier de la sécurité alimentaire, est un vecteur central d’emploi local et non délocalisable. Les pêcheurs français ont récemment manifesté leur colère contre le plan de protection de la biodiversité marine de la Commission européenne, qui interdit le chalutage de fond dans les aires marines protégées et qui se serait traduit, selon les représentants du secteur, par la destruction d’un tiers de la flotte française. Au grand dam des militants du climat, ils ont réussi à faire plier Bruxelles qui s’est engagé à ne pas imposer cette interdiction avant 2030.La protection de l’environnement occupe pourtant une place de plus en plus centrale dans la gestion des ressources marines. L’Océan absorbe le quart du CO2 émis par les activités humaines et joue un rôle majeur dans l’atténuation du changement climatique. Les fonds marins sont le refuge d’une biodiversité riche, menacée par la pollution des eaux et les pratiques prédatrices de pêche. Le traité sur la Haute-Mer, adopté le 4 mars dernier au siège des Nations unies, se veut le reflet de ces préoccupations. Fréquemment décrit comme une étape « historique » dans la protection des océans, il instaure pour la première fois des aires marines protégées dans les eaux internationales, qui ne relèvent pas des juridictions nationales. Il devrait ainsi permettre de respecter l’objectif « 30 pour 30 » de la COP 15, qui vise à protéger au moins 30% des océans de la planète d’ici à 2030. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Bada # 189 : Si c’est pour la Culture, on a déjà donné (94) / 17 mai 2023.Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne conversation entre Fabrice Fries et Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 14 avril 2023.Parvenu en 2018 à la tête de l’Agence France Presse (AFP) à la suite d’une élection rocambolesque, Fabrice Fries vient d’être reconduit dans ses fonctions pour un nouveau mandat de 5 ans. Ces responsabilités couronnent une riche carrière dans les médias, la tech et la communication, débutée en 1997 au sein du groupe Havas, et dans la haute fonction publique française et européenne.Trajectoire atypique et fulgurante, sur la ligne de crête des secteurs public et privé : saura-t-elle répondre aux exigences d’une entreprise partagée entre sa mission d’intérêt général et son indépendance ? Saura-t-elle relever les nouveaux défis de l’écosystème de l’information et de la communication, sous l’effet de la concentration des médias et de la transformation numérique ?Dans cette série d’épisodes du Nouvel Esprit Public, Philippe Meyer reçoit Fabrice Fries pour éclairer l’itinéraire de l’actuel « patron » de l’AFP et décrypter les nouveaux enjeux de l'entreprise. A écouter de toute urgence ! Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°297 / 14 Mai 2023.Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 11 mai 2023.Avec cette semaine :François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France.Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung.COMMENT LA DETTE A DISPARU DU DÉBAT PUBLICSelon les données de l’Insee publiées le 28 mars, la dette publique française a atteint 2.950 milliards d’euros fin 2022, soit 111,6 % du produit intérieur brut (PIB). Au rythme auquel l’État multiplie les dépenses, l’endettement des administrations publiques devrait franchir le seuil symbolique des 3.000 milliards dans le courant de l’année 2023. L’État n’a plus présenté un seul budget à l’équilibre depuis 1974 et le déficit public poursuit une ascension constante, avec une forte accélération à partir de la décennie 2000. Les administrations publiques françaises se sont endettées de 635 milliards sous Nicolas Sarkozy, un quinquennat marqué par la crise financière. La dette s’est ensuite creusée de 396 milliards avec François Hollande. La situation s’est détériorée de 700 milliards sous Emmanuel Macron, pour beaucoup en raison de la crise sanitaire du Covid-19. Un sondage de l’Ifop pour Acteurs publics, EY et l’Observatoire des politiques publiques révélait en novembre 2021 que 81 % des Français jugeaient le niveau d’endettement « inquiétant ». Pour autant, la maîtrise des dépenses publiques a totalement été éclipsée du débat politique lors de l’élection présidentielle qui s’est tenue au printemps 2022 et ne fait pas depuis l’objet de vifs débats.Le gouvernement compte aujourd’hui accélérer le désendettement de l'économie française en ramenant le ratio de la dette rapportée au PIB de 111,6 % du PIB à la fin de 2022 à 108,3 % en 2027, en dopant l'activité et en créant plus d'emplois. Pour réduire la dépense, Bercy compte également sur l'extinction du bouclier tarifaire et la fin des chèques énergie pour les ménages. Enfin, la Première ministre Elisabeth Borne a envoyé une lettre de cadrage à chaque ministère qui devront réduire de 5% leurs dépenses sans toucher à la masse salariale.Le 28 avril, Fitch, l’une des quatre principales agences chargées d’évaluer la solvabilité des États, a abaissé d’un cran la note de la France, à AA – avec perspective stable. En cause, non seulement la trajectoire de dette et de déficit du gouvernement, jugée sujette à caution, mais aussi « l’impasse politique et les mouvements sociaux (parfois violents) » que connaît le pays, a indiqué l’agence. Dans son avis, Fitch précise s’attendre à une amélioration « modeste » du ratio français de dette rapporté au PIB, en raison de « déficits relativement importants et de progrès modestes dans la consolidation budgétaire ». L’agence craint une croissance plus faible et des dépenses gonflées par l’inflation. Ce faisant, elle enfonce un coin dans le programme de stabilité, ce document présenté le 26 avril en conseil des ministres et qui doit être envoyé à Bruxelles, afin de détailler le chemin que la France compte suivre pour revenir aux 3 % de déficit public à l’horizon 2027. La décision d’une autre agence de notation, Standard & Poor's est attendue début juin. L'agence avait prévenu, fin 2022, que la France serait sanctionnée si la dette ne diminuait pas d'ici 2025.***TENSIONS FRANCO-ITALIENNES ET NOUVEAU PACTE ASILE ET MIGRATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNELe ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin a estimé, le 4 mai, que la Première ministre italienne d'extrême droite Giorgia Meloni était « incapable de régler les problèmes migratoires sur lesquels elle a été élue ». Des propos qui ont suscité une nouvelle poussée de fièvre sur ce sujet qui empoisonne les relations diplomatiques entre les deux alliés, et provoqué l'annulation le même jour de la première visite à Paris du ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani. Celui-ci, jugeant ces propos « irresponsables », a exigé des excuses. Lors du conseil européen de mars Emmanuel Macron avait pourtant déclaré que les deux pays devaient agir ensemble par rapport à la nouvelle pression migratoire que subissaient l'Italie et l'Union Européenne. Une visite de Giorgia Meloni à l'Elysée était même envisagée pour la fin du mois de juin.En novembre, les deux pays avaient connu de fortes tensions lorsque le gouvernement Meloni, à peine au pouvoir, avait refusé de laisser accoster un navire humanitaire « Ocean Viking » de l'ONG SOS Méditerranée qui avait fini par être accueilli par la France à Toulon avec plus de 200 migrants à bord. L'épisode avait suscité la colère de Paris qui avait convoqué une réunion européenne pour que ce scénario inédit ne se reproduise pas. Selon le ministère italien de l'Intérieur, plus de 42.000 personnes sont arrivées par la Méditerranée en Italie cette année contre environ 11.000 sur la même période en 2022. Près de la moitié d'entre eux proviennent de pays francophones (Côte d'Ivoire, Guinée, Tunisie, Cameroun, Burkina Faso, Mali), selon le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l’intégration, Didier Leschi.Les Européens sont d’accord sur le fait que les règles actuelles, datant de 2013 - le fameux « Règlement Dublin » - ne fonctionnent pas. La gestion des frontières extérieures, engorgée, repose sur une poignée de pays, les procédures d'asile ont des dizaines de milliers de dossiers en retard et il y a très peu de retours. Il y a deux ans, la Commission européenne avait présenté un « Pacte sur la migration et l'Asile », proposant notamment un plan de répartition entre les États membres proportionnellement à leur taille et leur économie, mais l'UE peine toujours à s'entendre pour l'adopter. Avec pour mot d'ordre : « l'équilibre entre solidarité et responsabilité », ce pacte asile et migration, que les Vingt-Sept veulent voir aboutir au plus tard début 2024, avant les européennes, pourrait aller de l'avant dans les prochaines semaines. Les eurodéputés ont, en effet, formellement donné leur feu vert le 20 avril au début des négociations avec les États membres. Et ce, avant même qu'un accord n’ait été trouvé sur tous les textes au Conseil.Pour l'heure, ce sont toujours les pays qui sont situés au sud de l'Europe qui doivent accueillir les embarcations de migrants et enregistrer les demandes d'asile de ces derniers. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Bada # 188 : Si c’est pour la Culture, on a déjà donné (93) / 10 mai 2023.Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne conversation entre Fabrice Fries et Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 14 avril 2023.Parvenu en 2018 à la tête de l’Agence France Presse (AFP) à la suite d’une élection rocambolesque, Fabrice Fries vient d’être reconduit dans ses fonctions pour un nouveau mandat de 5 ans. Ces responsabilités couronnent une riche carrière dans les médias, la tech et la communication, débutée en 1997 au sein du groupe Havas, et dans la haute fonction publique française et européenne.Trajectoire atypique et fulgurante, sur la ligne de crête des secteurs public et privé : saura-t-elle répondre aux exigences d’une entreprise partagée entre sa mission d’intérêt général et son indépendance ? Saura-t-elle relever les nouveaux défis de l’écosystème de l’information et de la communication, sous l’effet de la concentration des médias et de la transformation numérique ?Dans cette série d’épisodes du Nouvel Esprit Public, Philippe Meyer reçoit Fabrice Fries pour éclairer l’itinéraire de l’actuel « patron » de l’AFP et décrypter les nouveaux enjeux de l'entreprise. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
n°296 / 7 mai 2023.Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 14 avril 2023.Avec cette semaine :Patrick Chastenet, professeur en sciences politiques et spécialiste de l’écologie politique.Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef du quotidien La Croix.Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit.ÉCOLOGIE ET POLITIQUEPatrick Chastenet, vous êtes professeur émérite en sciences politiques à l’Université de Bordeaux et membre du Centre Montesquieu de recherches Politiques. Spécialiste des idées politiques, vous vous êtes notamment intéressé aux thèmes ressortissants de l’écologie politique, de la pensée personnaliste, de la communication politique et de la propagande, ainsi que des mouvements libertaires. Vous collaborez à divers périodiques et présidez l’Association internationale Jacques Ellul, intellectuel que vous avez connu personnellement, qui est devenu votre ami et dont vous êtes devenu l’un des principaux spécialistes dans le monde.En février 2023, vous publiez aux éditions « L’échappée » votre dernier ouvrage, Les racines libertaires de l’écologie politique, dans lequel vous analysez la pensée de grandes figures de l’écologie politique : Élisée Reclus, Jacques Ellul, Bernard Charbonneau, Ivan Illich et Murray Bookchin. Il s’agit, selon vous, des véritables fondateurs de l’écologie politique, qui ont en commun de penser l’écologie tout en préservant la liberté. A l’issue de cette investigation historique, il apparaît que la doctrine écologiste a tissé des liens étroits avec les pensées anarchiste et catholique, plusieurs des auteurs évoqués étant liés au christianisme.Votre ouvrage soulève des questions d’une grande actualité, alors que les formes que doit prendre la lutte écologique sont au cœur des préoccupations nationales. Après le rassemblement organisé par les opposants aux bassines agricoles à Sainte-Soline, la polémique reste vive sur l’usage de la violence par les forces de l’ordre, comme sur les actions radicales des militants écologistes, ou encore la dissolution du mouvement écologiste « Soulèvement de la terre » engagée par le ministre de l’Intérieur. Périodiquement, la nécessité urgente d’une action contre le changement climatique est rappelée à l’opinion publique. Le 20 mars, le GIEC publiait la synthèse de son sixième rapport d’évaluation. Elle fait état d’une intensification « sans précédent » de ce changement climatique et appelle les politiques à une action rapide et coordonnée. La loi Climat et résilience d’août 2021 a déçu beaucoup des militants car elle n’a repris que 15 des 149 propositions de la Convention citoyenne sur le climat. Une partie des activistes y a vu une confirmation de l’impuissance de l’État.Marie Tondelier, récemment élue à la tête du parti Europe Écologie – Les Verts (EELV), a lancé au début du mois de février les « états généraux de l’écologie ». Ce processus de démocratie participative, qui, en 150 jours, ambitionne de repenser les bases du parti afin de lui permettre de rassembler un million de sympathisants d’ici 2027, contre 11.000 adhérents à ce jour. La nouvelle secrétaire nationale du parti EELV défend pour sa part l’idée d’une « écologie populaire », source d’émancipation pour tous et en particulier pour les plus précaires. Plus généralement, les préoccupations environnementales ont été reprises par l’ensemble du spectre politique et opposent de multiples courants de pensée divisés entre un environnementalisme réformiste, confiant dans le progrès technique, et une écologie plus radicale et décroissante. De son côté, l'extrême droite tente de conjuguer la préservation de la biodiversité avec la défense de l'identité. Au-delà de ces mouvements ou de ces partis, de votre point de vue, de quoi devrait-on parler quand on parle d’écologie ? Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
n°295 / 30 avril 2023Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à la Fondation Jan Michalski, à Montricher, en Suisse, le 28 avril 2023.Avec cette semaine :Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. QUE SE PASSE-T-IL AU SOUDAN ? Depuis le 15 avril, les forces armées soudanaises (FAS), menées par le général Abdel Fattah Al-Bourhane, et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), dirigées par le général Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », s’affrontent à Khartoum. Les pertes civiles s’aggravent chaque jour, dépassant jeudi les 500 morts et plusieurs milliers de blessés, selon le ministère de la santé soudanais. Le conflit déclenché par le refus de Hemetti d’accepter l’intégration à l’armée de ses troupes, véritable force autonome, ruine l’espoir de l’instauration d’un régime civil, quatre ans après le soulèvement populaire qui a mis fin au règne du dictateur islamiste Omar Al-Bachir.Al Bourhane, militaire de carrière formé en Egypte, fait partie de ces élites du nord et de la vallée du Nil qui ont appuyé Omar al Bachir. Hemetti vient d'une petite tribu d'éleveurs de chameaux du Darfour, vivant de part et d'autre de la frontière avec le Tchad. Sa milice, force puissante, bien armée et très motivée lui a permis de devenir l'homme le plus riche du pays en contrôlant notamment des mines d'or. Le général Al Bourhane peut compter sur le soutien de l'Égypte, tandis qu’Hemetti espère avoir l'appui des Émirats et des Saoudiens : ses hommes ont participé à leurs côtés à la guerre du Yémen puis aux affrontements en Libye avec les troupes du général Haftar, le chef de l'est libyen longtemps protégé de Riyad et de Moscou. Hemetti entretient aujourd’hui des relations d’affaires avec Evgueni Prigojine, le patron du groupe de miliciens russes Wagner, qui contrôle des mines d’or au Soudan. On évalue à quelque 140.000 hommes les forces de l'armée régulière et à plus ou moins 100.000 hommes celles des FSR. Au Soudan, l'appareil de sécurité accapare les 4/5ème du budget de l'État. Troisième pays le plus vaste d’Afrique, peuplé de 45 millions d‘habitants, le Soudan est frontalier de sept pays. Il influence et subit les dynamiques de la Corne de l’Afrique, de la mer Rouge et du Sahel. Sa déstabilisation pourrait s’étendre à toute la région. La revue Oil and Gas Journal estime les réserves soudanaises de pétrole situées à la fois au Soudan et au Soudan du sud à 1,5 milliards de barils.Un rapport des Nations unies craint que les « pénuries de nourriture, d'eau, de médicaments et de carburant ne deviennent extrêmement graves, en particulier à Khartoum et dans les régions avoisinantes » tandis que l'Organisation mondiale de la santé s'inquiète d'un risque biologique « énorme » après la prise « par l'une des parties combattantes » d'un « laboratoire public de santé » de Khartoum, qui renferme des agents pathogènes de la rougeole, du choléra et de la poliomyélite. Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a annoncé, lundi, que les généraux rivaux dans le conflit au Soudan avaient accepté un cessez-le-feu de trois jours dans tout le pays pour tenter de mettre fin aux violences. Plus de 1.000 ressortissants de l'Union européenne ont été évacués. ***LA SUISSE PEUT-ELLE RESTER NEUTRE ? En 1815, le traité de Vienne a fait officiellement de la Suisse un état neutre. Mais c'est en 1899 et 1907, lors des conventions de La Haye, que le droit et les obligations des états neutres ont été formellement codifiés. Ce droit stipule qu’un État neutre ne participe pas activement aux conflits et ne met pas son territoire à la disposition d'un belligérant. L'industrie d'armement peut vendre des armes, mais l'Etat doit veiller à l'équilibre. En 1920, le juriste Max Huber, va théoriser cette neutralité qu'il qualifie de « différentielle », en indiquant qu’elle permet de participer à des sanctions économiques, mais pas à des sanctions militaires. Pour la première fois, en 1990, Le Conseil fédéral a pris la décision d'appliquer les sanctions économiques de l'ONU, à la suite de l'invasion du Koweït par l'Irak. La Suisse, qui n'appartient ni à l'Union européenne ni à l'OTAN, a rejoint les Nations unies en 2002. Le 9 juin dernier, elle a été élue membre non permanent du Conseil de sécurité pour deux ans à compter du 1er janvier 2023.Dès l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 28 février 2022, la Suisse a suivi les sanctions européennes contre Moscou - poussant les Russes à désavouer le pays, qu'ils ne considéreraient plus totalement comme un État neutre. Mais depuis, Berne hésite à aller plus loin, tiraillée entre les tenants d'une « neutralité traditionnelle » interdisant de s'impliquer davantage dans le conflit, et les défenseurs du droit international « prônant la solidarité avec l'Ukraine ». Dans ce contexte, Ignazio Cassis, président libéral-radical de la Confédération helvétique, a fait rédiger pendant l'été un rapport proposant la mise en œuvre d'une « neutralité coopérative ». Cette nouvelle doctrine permettrait, selon la Radiotélévision Suisse de « faciliter les exportations d'armes » ou de « renforcer la collaboration militaire avec l'OTAN, par exemple en participant à des exercices communs » sans entrer en guerre en cas d'attaque contre un membre de l'Alliance atlantique. Mais la droite populiste de l'Union démocratique du centre et les socialistes se sont opposés à une telle mesure, et le Conseil fédéral - l'exécutif suisse - a refusé d'aller plus loin.Ainsi, les blessés ukrainiens ne seront pas soignés en Suisse, le gouvernement n'ayant pas donné suite à une demande de l'OTAN pour éviter de se mettre en porte-à-faux avec le principe de neutralité, a confirmé le 18 juillet le Département fédéral des Affaires Étrangères. En mars, la Confédération helvétique a, pour la troisième fois, interdit à l'Allemagne d'envoyer en Ukraine les munitions de fabrication suisse destinées aux blindés de défense antiaérienne allemands Gepard, cruciaux pour Kyiv. Sans nommer explicitement la Suisse, la ministre allemande des Affaires étrangères a déclaré que « la neutralité n'est plus une option. Être neutre, c'est prendre le parti de l'agresseur. » Selon l'institut de recherche Sotomo, les Suisses âgés de 18 à 35 ans se montrent plus critiques que leurs aînés face à l'engagement de la Confédération en faveur de l'Ukraine : 35% des Suisses de 18-35 ans estiment que la reprise par la Suisse des sanctions de l'UE contre la Russie viole le principe de neutralité, contre 22% chez les 55 ans et plus. Avant la guerre en Ukraine, 97% des Suisses étaient en faveur de la neutralité. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
n°294 / 23 avril 2023Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 21 avril 2023.Avec cette semaine :Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung.APRÈS LA DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL, FIN DE PARTIE, MAIS POUR QUI ?La loi réformant les retraites et portant l'âge légal de départ à 64 ans a été promulguée au « Journal Officiel » dans la foulée de son approbation par le Conseil constitutionnel. Cette approbation n’a pas calmé la colère de l’intersyndicale, qui a décliné l’invitation d’Emmanuel Macron à le rencontrer, le 18 avril. Le secrétaire national de la CFDT, Laurent Berger, a réclamé un « délai de décence », ajoutant que l'intersyndicale s'était donnée comme horizon pour entamer les discussions l'« après 1er mai », date d'une nouvelle journée de mobilisation des opposants à la réforme des retraites. Les treize organisations de salariés et de défense de la jeunesse, réunies en intersyndicale, ont diffusé, dès la décision du Conseil constitutionnel connue, une déclaration commune titrée : « Ce n’est pas fini ! ». L'intersyndicale promet un 1er mai « unitaire et populaire ». Un 1er mai unitaire serait une première depuis 2002, quelques jours après le fameux 21 avril qui avait vu Jean-Marie Le Pen accéder au second tour de l'élection présidentielle.Lors de son allocution télévisée, lundi, le président de la République a listé trois chantiers prioritaires : le travail, la « justice et l’ordre républicain et démocratique » et « le progrès pour mieux vivre ». Il a donné rendez-vous dans « cent jours », au 14 juillet, pour « faire un premier bilan ». Elisabeth Borne, confortée à son poste, détaillera sa feuille de route la semaine prochaine. Pour Laurent Berger, il n’en ressort « rien de concret », il s'est agi d'un « énième discours de la méthode » qui « ne nous a rien appris et ne met pas fin au ressentiment des gens ».D'après une enquête pour Libération, réalisée par l'institut Viavoice, 76 % des personnes interrogées estiment que la démocratie française est actuellement « en mauvaise santé », tandis que 39 % sont encore plus critiques, la jugeant même « en très mauvaise santé ». 74 % pensent que la mauvaise santé de la démocratie est due au moins en partie au fait que les élus sont « déconnectés des réalités des Français ». Selon un sondage de l'institut Elabe réalisé les 15 et 16 avril, l’image du président de la République s’est fortement dégradée, en France comme à l'étranger. Avec seulement 25 % d'opinions positives, Emmanuel Macron est proche du taux d'impopularité où l'avait plongé la crise des Gilets jaunes (23% en novembre/décembre 2018) observe Bernard Sananès, président d'Elabe. Loin du Président « protecteur » des années Covid, ou du Président « chef de guerre » du premier semestre 2022, c'est aujourd'hui l'image d'un chef d'État autoritaire, voire brutal qui domine dans l'opinion.Figure de la lutte contre la réforme des retraites, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, dont l’organisation a gagné 31.000 adhérents dans les dernières semaines, a annoncé mercredi qu’il quittait ses fonctions en juin au profit de Marylise Léon, actuellement numéro deux du syndicat. Elle se décrit elle-même comme « pas facile, surtout dans les négociations » et veut, elle aussi, un 1er mai « historique » face à la « surdité de l’exécutif ».***LULA EN CHINE, LE SUD GLOBAL CONTRE L’OCCIDENT ? Le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, a effectué du 13 au 14 avril une visite officielle en Chine. Il a rencontré le président Xi Jinping. Objectif affiché : permettre à la première puissance d'Amérique latine de revenir au centre de la géopolitique mondiale, consolider son rôle au sein des pays émergents et sécuriser ses exportations, alors que la situation économique du pays est précaire. Avant de rejoindre Pékin, Lula s’est arrêté à Shangaï où il a assisté à la cérémonie d’investiture de Dilma Rousseff, en tant que présidente de la Nouvelle Banque de développement, la banque des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), appelé le « G7 des émergents ». Cette banque vise à « aider à financer les économies en développement, en particulier dans les infrastructures et la transition énergétique durable ». Le dirigeant brésilien en a profité pour fustiger le Fonds monétaire international, qu'il a accusé d’« asphyxier les économies de pays comme l'Argentine » et estimé que la banque des Brics « a un grand potentiel de transformation », car elle « libère les pays émergents de la soumission aux institutions financières traditionnelles ».Les échanges entre le Brésil et la Chine ont atteint en 2022 un record de 152 milliards de dollars, loin devant les États-Unis (89 milliards). Un chiffre multiplié par vingt depuis la première visite de Lula, en 2004, avec un excédent de 28 milliards en faveur du Brésil. Le géant sud-américain vend des matières premières et achète des produits manufacturés à haute valeur ajoutée. La Chine est le premier partenaire commercial du Brésil, qui est également le premier récipiendaire des investissements chinois dans la région, avec 6 milliards de dollars en 2021, dans des secteurs stratégiques, comme les routes, les usines hydroélectriques et les télécommunications, en particulier en déployant le réseau 5G de Huawei malgré l'hostilité de Washington. Au terme de sa visite à Pékin, le président brésilien a signé quinze accords économiques couvrant des domaines tels que la technologie des satellites, l'économie numérique, les énergies renouvelables, l'industrie automobile et l'agro-industrie.Tant sur le plan diplomatique qu’économique, les deux pays ont décidé de développer leurs relations pour « se débarrasser de règles injustes et réaliser un développement plus juste et plus équilibré », selon les termes de Lula. Comme la Chine et la plupart des pays émergents, le Brésil n'a pas imposé de sanctions à l'encontre de la Russie. Le président Brésilien qui se refuse toujours à envoyer des munitions à l’Ukraine « au nom de la paix » a affirmé à Pékin que « les Etats-Unis doivent cesser d’encourager la guerre et parler de paix, l’Union européenne doit commencer à parler de paix ». Le porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain a observé que « dans ce cas précis, le Brésil se fait l'écho de la propagande russe et chinoise sans prendre en compte les faits ». En revanche, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, avant sa rencontre lundi avec le président Lula à Brasilia a déclaré : « Nous sommes reconnaissants envers nos amis brésiliens pour l'excellente compréhension de la genèse de cette situation » en Ukraine. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°293 / 16 avril 2023.Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 7 avril 2023.Avec cette semaine :Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova.PROJET DE LA CONVENTION CITOYENNE SUR LA FIN DE VIE Les 184 membres de la convention citoyenne sur la fin de vie ont publié le 2 avril un rapport comprenant 146 propositions. Adopté au terme d’un vote solennel à 92 %, le rapport se veut « un nuancier d’opinions » et ne prétend pas apporter une vision univoque. Voulue par Emmanuel Macron, la convention citoyenne devait répondre à une question posée par la Première ministre : « Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? »A l’issue de vingt-sept jours de travaux étalés sur quatre mois, au terme d’une soixantaine d’auditions d’experts, de représentants des cultes, de philosophes, de médecins et de soignants et après une succession de votes, les citoyens tirés au sort pour être représentatifs de la population française ont répondu à 97 % que le « cadre d’accompagnement » actuel devrait « évoluer ». D’abord, du fait de l’« inégalité d’accès à l’accompagnement de la fin de vie » en France. Vingt-six départements ne disposent pas d’unités de soins palliatifs. Ensuite, en raison de l’« absence de réponses satisfaisantes dans le cadre actuel pour certaines situations de fin de vie ». Ce double constat les a conduit à proposer, en priorité, d’améliorer le « cadre existant », mais aussi d’ouvrir la porte à un changement de la législation française. A 76 %, les membres de la convention sont favorables à l’accès au suicide assisté et à l’euthanasie, « selon certaines conditions et au terme d’un parcours balisé ».La ministre déléguée aux professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo a créé un groupe de réflexion sur les « mots de la fin de vie » autour de l’académicien Erik Orsenna, qui rendra ses travaux en juin. L’idée étant notamment de trouver des synonymes d’« euthanasie ». En attendant, son cabinet rode une subtile distinction entre l’«assistance au suicide » – procédé dans lequel le médecin se contente de prescrire la substance létale – et le « le suicide assisté » qui renvoie au cas d’un malade qui souhaite se donner la mort, mais qui, n’en ayant pas les capacités physiques, demande à un tiers d’accomplir le geste terminal. Le « suicide assisté », assimilable à un suicide par procuration, diffère de l’euthanasie car l’intention de donner la mort est celle du malade et non d’autrui.Le chef de l’Etat a annoncé qu’il lancerait un plan décennal pour la prise en charge de la douleur et les soins palliatifs. Sur la légalisation de l’aide active à mourir, Emmanuel Macron a souhaité qu’un projet de loi soit bâti d’ici à la fin de l’été. Il demandera au gouvernement de conduire ce chantier législatif en lien avec des parlementaires désignés par le président du Sénat et la présidente de l’Assemblée nationale. Il pourrait s’agir alors de concevoir un « modèle français de la fin de vie », selon l’expression de la convention citoyenne, qui s’efforce d’en définir les contours dans son rapport.***LA TURQUIE DANS LA PERSPECTIVE DES ÉLECTIONS Arrivé au pouvoir, il y a vingt ans, sur les ruines d’un tremblement de terre meurtrier, le dirigeant turc, Recep Tayyip Erdogan remettra sa fonction en jeu lors des élections présidentielle et législatives du 14 mai dans des circonstances similaires. Le tremblement de terre de 1999, intervenu non loin d’Istanbul et qui avait fait 18 000 victimes, avait mis en lumière l’incurie des services de l’État et discrédité les partis politiques alors au pouvoir et le système des coalitions parlementaires représentées au gouvernement. En 2002, ce séisme avait ouvert la route du pouvoir à Erdogan. Malgré les critiques identiques sur sa gestion des catastrophes de février qui ont tué quelque 50.000 personnes et malgré les difficultés d’organisation du scrutin dans les dix provinces affectées par les séismes le dirigeant turc en a maintenu la date,.Entre 2013 et 2022, le PIB par tête a chuté de 12 600 dollars à 7 500 dollars, tandis que l’aggravation du déficit de la balance commerciale a atteint 110 milliards de dollars sur l’année. Si selon les chiffres officiels, l’inflation est évaluée à 84 % sur un an, l’Enag, un groupe d’économistes indépendants, l’évalue plutôt à 170 %. Malgré la crise économique, Erdogan a revalorisé salaires et pensions, augmentant le salaire minimum de 50 % et permettant des départs anticipés en retraite.Membre de l’Otan, Ankara vend des drones à Kyiv et refuse de reconnaître les zones annexées par la Russie, tout en ménageant Moscou sur le plan diplomatique et en refusant de rejoindre le train des sanctions internationales. Cette “politique d’équilibre”revendiquée par Erdogan s’inscrit dans sa défiance de plus en plus ouverte vis-à-vis de l’Europe et des États-Unis, comme dans sa volonté, qu’il partage avec Moscou, de redessiner l’ordre international à son profit.Alors qu’à l’approche des élections, les différents partis d’opposition multiplient les déclarations et les mises en scène hostiles aux réfugiés le gouvernement durcit sa politique à leur égard. Actuellement, environ 3,5 millions de réfugiés syriens sont installés en Turquie et empêchés de partir pour l’Europe. Or ils font face à un rejet croissant de la société turque et sont devenus un point central des manœuvres électorales. Soucieux d’apparaître auprès de son électorat comme capable de renvoyer les réfugiés à moyen terme, le président Erdogan s’est rapproché, il y a plusieurs mois, du régime de Damas et se dit même désormais favorable à une rencontre avec Bachar El-Assad.Début mars, l’alliance de l’opposition a désigné Kemal Kiliçdaroglu pour affronter Erdogan à la présidentielle. Résolue à mettre en œuvre un « changement total », l’alliance des six partis d’opposition– dans un spectre allant de la gauche à la droite – veut, en cas de victoire le 14 mai, revenir à un système parlementaire, après le passage au système présidentiel dans lequel Erdogan concentre la totalité du pouvoir exécutif. Une enquête d’opinion de l’institut Aksoy le place à 55,6 % des voix, soit 11,2 points de plus qu’Erdogan en cas de duel au second tour. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N° 292 / 9 avril 2023Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 20 janvier 2023.Avec cette semaine :Christophe Jaffrelot, politologue et directeur de recherches au CNRS.Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.L’INDE, AVEC CHRISTOPHE JAFFRELOTChristophe Jaffrelot, vous êtes politologue, directeur de recherche au CNRS. Diplômé de Science Po et de l’INALCO, vous parlez hindi et vous êtes spécialiste du sous-continent indien auquel vous avez consacré plusieurs ouvrages, dont L’Inde de Modi, entre National-populisme et démocratie ethnique (ed. Fayard, 2019).Les élections d’avril 2022 ont confirmé la mainmise du BJP sur de nombreux États. Le parti du Premier Ministre Narendra Modi, au pouvoir depuis 8 ans, s’est notamment imposé dans l’Uttar Pradesh, État stratégique et symbolique, dont la démographie dépasse les 220 millions d’habitants. Le Parti du Congrès des Nehru-Gandhi est en crise et aucune autre force politique émergente ne parvient à s’imposer comme une véritable opposition. Le BJP apparaît donc de nouveau en position de force pour les élections législatives de 2024 malgré un bilan marqué par un recul face à la mobilisation historique de la paysannerie indienne et à une gestion critiquée de la pandémie. L’OMS estime à 4,7 millions le nombre d’Indiens morts du Covid alors que les confinements brutaux ont révélé la situation précaire des travailleurs saisonniers du secteur informel. Aujourd’hui cependant, l’Inde impressionne par la vigueur de son rebond économique, plutôt inédit dans un monde en proie aux difficultés économiques.Les indicateurs de la cinquième économie mondiale sont au vert et la banque JP Morgan voit dans le pays « le marché de croissance le plus dynamique d'Asie pour la décennie à venir ». Le gouvernement indien cherche à soutenir et moderniser l’industrie, notamment dans les secteurs stratégiques à haute valeur technologique comme les semi-conducteurs. Apple a ainsi choisi de produire une large partie de ses IPhones 14 en Inde, délaissant une Chine toujours aux prises avec le virus. L’Inde va d’ailleurs dépasser courant 2023, son voisin chinois pour devenir le pays le plus peuplé au monde. Il s’agit d’un immense défi de développement pour une société qui semble sur le point d’accomplir sa transition démographique mais dont les inégalités se creusent toujours. D’après une étude d’Oxfam, en 2021, 84% des ménages indiens avaient subi une perte de revenus alors que le nombre de milliardaires était passé de 102 à 142.Les discriminations ethniques demeurent très vives en Inde. La politique ethno-nationaliste et autoritariste menée par les gouvernements Modi depuis 2014, mets en avant « l’hindouité » de l’Inde, en dépit de la laïcité inscrite dans la Constitution. Fin 2019, une loi facilitant l’accès à la citoyenneté des réfugiés hindous avait levé une vague de protestation dans le pays. Celle-ci fut matée par une répression qui coûta la vie à 27 personnes. La minorité musulmane, qui compte pour près de 20% de la population est particulièrement prise pour cible. Les discriminations liées au genre ou à la caste sont aussi un grand enjeu, notamment dans les villages. Entre 2018 et 2020, le Parlement indien a recensé 139.000 crimes perpétrés envers les Dalits, une des castes inférieures dans la hiérarchie hindoue, soit un toutes les 18 minutes.Pour sa présidence du G20 en 2023, l’Inde demeure fidèle à sa doctrine d’équidistance et compte se faire le porte-voix du Sud global. Malgré́ la polarisation généralisée provoquée par la guerre en Ukraine, New Delhi maintient pour l’instant son partenariat stratégique avec la Russie, tout en dénonçant à demi-mot l’invasion, comme le fît Narendra Modi lors du sommet de Samarcande en septembre dernier. Les Américains ne cessent pourtant de draguer « la plus grande démocratie du monde », pour en faire une pièce centrale de leur présence dans l’Indo-Pacifique. Les Indiens parviennent-ils donc à garder la distance nécessaire avec Washington pour rester crédibles aux yeux du Sud ? Quelle relation peuvent-ils également envisager avec leur rival chinois qui est désormais leur premier partenaire commercial ? Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°291 / 2 avril 2023Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École alsacienne le 2 avril 2023.Avec cette semaine :Farhad Khosrokhavar, directeur d’études de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales.Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova.THÉMATIQUE : L’IRAN, AVEC FAHRAD KHOSROKHAVARFarhad Khosrokhavar, vous êtes Directeur d’études de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) où vous présidez la chaire de sociologie de l’Iran contemporain. Vos recherches portent notamment sur les problèmes sociaux et anthropologiques de l’islam en France ainsi que sur la philosophie des sciences sociales.Vous avez récemment publié, aux éditions Fauves, un essai intitulé « Iran. La jeunesse démocratique contre l’Etat prédateur ». Dans cet ouvrage, vous analysez le mouvement de contestation qui secoue le régime en place depuis la mort, le 16 septembre 2022, de Mahsa Amini, 22 ans, après une garde à vue à Téhéran pour un voile mal ajusté. A ce jour, la répression des manifestants a causé la mort d’au moins 500 civils et quelque 20.000 personnes ont été placées en détention.Les étudiantes et les jeunes actives sont particulièrement mobilisées dans les manifestations et contestent notamment les normes vestimentaires du régime. Ce mouvement traduit l’émergence d’une nouvelle subjectivité féminine en Iran, sensible aux thèses féministes portées par l’Occident et marquée par une exigence nouvelle d’appropriation de son corps, dans le cadre de la diffusion de réseaux sociaux comme Snapchat ou Instagram.Face à ces jeunes femmes, un régime théocratique qui ressemble de plus en plus, selon vos analyses, à un « totalitarisme mou » faisant un usage massif et généralisé de la violence et de la répression. Malgré la propagande du régime, les revendications des manifestants sont largement soutenues par la population et, selon un récent sondage de l’institut Gamaan, 72% des Iraniens sont aujourd’hui opposés au port obligatoire du voile. C’est l’échec de l’Etat théocratique à enrayer le mouvement de sécularisation de la société iranienne, sous l’influence croisée d’Internet, des évolutions du modèle familial, de la diaspora iranienne et de l’extension de l’Université.Dans le sillage de cette « révolte du voile » l’affaire des intoxications dans les écoles de filles, débutée fin novembre entrainant nausée, maux de tête, engourdissements, difficultés respiratoires et palpitations a affecté, selon les autorités, « plus de 5.000 élèves » dans « quelque 230 établissements scolaires ». Ces tensions se déroulent dans un pays qui connaît une inflation atteignant 40 %, voire 60 % à 70 % pour des produits de première nécessité, tandis que l'effondrement de la devise nationale est hors contrôle.Autre source de préoccupation : le nucléaire. En janvier, à la suite de la collecte d'échantillons dans l'usine souterraine de Fordo en Iran, l'Agence internationale de l'énergie atomique a détecté des particules d'uranium enrichi à 83,7%, soit juste en deçà des 90% nécessaires pour produire une bombe atomique, sans pouvoir dire à ce stade si ce seuil a été atteint accidentellement ou volontairement. Depuis que Donald Trump s’est retiré en 2018 de l’accord sur le nucléaire conclu en 2015, l’Iran s’affranchit de ses obligations sur le nucléaire militaire. Tandis que la guerre en Ukraine a permis à l'Iran de se rapprocher de la Russie, à laquelle il livre des drones et autres armes par la mer Caspienne, en contrepartie, Moscou ne s'oppose plus à la vente de chasseurs Su-35 pour moderniser l'aviation iranienne. L'Iran vient en outre de procéder à de nouvelles manœuvres navales conjointes avec la Chine et la Russie dans l'océan Indien. Sous l'égide de la Chine, Téhéran a annoncé le 10 mars vouloir rétablir ses relations diplomatiques avec Ryad, rompues depuis 2016. L’Iran et l’Arabie saoudite promettent de ne pas s'immiscer dans leurs affaires intérieures ni de financer de guerre par procuration contre l'autre. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°290 / 26 mars 2023Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 24 mars 2023.Avec cette semaine :Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef du quotidien La Croix. Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. COMMENT LA RÉFORME DES RETRAITES A ACCÉLÉRÉ LA DÉCOMPOSITION POLITIQUE Par les tensions qu’elle suscite, la réforme des retraites a accéléré le processus de décomposition du paysage politique. Elle a suscité des critiques au sein du MoDem tandis que le recours au 49.3 a « choqué ». Certains élus sont « furieux » à l'instar du président de groupe à l'Assemblée, Jean-Paul Mattei. Aux tiraillements qui se sont fait sentir au sein de la Macronie entre les trois groupes de la majorité relative – Renaissance, MoDem et Horizons –, s’en étaient ajoutés d’autres le 2 mars autour de l’examen de la proposition de loi portée par la vice-présidente (Horizons) de l’Assemblée nationale, visant à instaurer une peine minimale pour les auteurs « de délits de violences, commis en récidive, contre les agents publics ». Leurs alliés du camp présidentiel ont rejeté le texte.La réforme des retraites n'est pas qu'une épreuve pour la majorité présidentielle. Elle l'est également pour l'opposition de droite : au Sénat comme à l'Assemblée nationale, les parlementaires Les Républicains se divisent entre partisans et adversaires du report de 62 à 64 ans de l'âge légal de départ à la retraite. Lundi soir, un tiers du groupe de droite à l’Assemblée nationale (19 sur 61) a voté la motion de censure transpartisane contre le gouvernement.Au rang des acteurs évaporés figure la gauche réformiste. Les élus socialistes se disent aussi gênés que leurs pairs écologistes et communistes par la politique d’obstruction imposée par Jean-Luc Mélenchon. Pas au point cependant de rompre l’union derrière l’« insoumis » ni de se désolidariser d’une opposition radicale à la réforme. Mais au point toutefois de se diviser comme en témoigne la tribune sur les retraites publiée dans Le Monde le 21 février par le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, intitulée « Une vraie réforme de gauche est possible ». Ce texte, signé par les principales figures de son courant, Refondations, la maire de Paris, Anne Hidalgo, et la présidente de la région Occitanie, Carole Delga, est également une critique en règle de la direction du PS, qui a décidé de ne pas proposer de contre-projet à la réforme des retraites du gouvernement pour ne pas souligner les divergences de vues au sein des partis de gauche sur le sujet. Dans le camp d’Olivier Faure, l’initiative a été mal perçue.Opposante sans conviction à la réforme des retraites, la présidente du Rassemblement national profite de la crise politique et institutionnelle. Dans la presse internationale, Marine le Pen est même présentée comme la future gagnante à l’issue de ce chaos.La réforme des retraites a mis en exergue une nouvelle donne au Parlement : celle d’une fracture entre une gauche qui se radicalise, un groupe LR qui aura étalé ses divisions pendant des semaines, une majorité présidentielle elle-même sous tension et un RN peu audible, mais qui cherche à empocher la mise.***CHINE/RUSSIE, QUEL PARTENARIAT ET CONTRE QUI ? Tout juste investi d'un troisième mandat à la tête de la Chine, Xi Jinping s’est rendu en Russie lundi pour trois jours, afin de rencontrer son homologue russe. Il s’agit de sa première visite officielle en Russie depuis l'invasion de l'Ukraine. Vladimir Poutine et Xi Jinping, qui se posent tous deux en contrepoids de l’influence occidentale, se sont déjà rencontrés à une quarantaine de reprises. En février 2022, trois semaines avant l’invasion russe de l’Ukraine, Poutine s’était rendu à Pékin pour signer un communiqué conjoint et déclarer « une amitié sans limite ». Depuis, Pékin et Moscou dénoncent l'« hégémonisme américain », multiplient les exercices militaires communs et accélèrent les échanges commerciaux. Le commerce bilatéral a atteint, l'an dernier, 190 milliards de dollars, en hausse de 30 %.L’axe sino-russe répond, selon Xi Jinping, à un triple critère : « pas d’alliance, pas de confrontation, et ne viser aucune tierce partie ». Cherchant à renforcer le rôle de la Chine sur la scène mondiale, Xi Jinping se présente en médiateur de paix, fort du rapprochement historique qu'il vient d'orchestrer au Moyen-Orient entre les rivaux iranien et saoudien. Alternative à une Europe désormais hostile, la Chine est, pour la Russie, bien plus qu'un soutien de circonstance. Ce partenariat est largement cimenté par la contestation de l'Occident sur la scène internationale. Loin de se distendre avec la guerre en Ukraine, les relations entre Pékin et Moscou sont marquées par un rapprochement diplomatique, mais aussi énergétique, commercial et militaire. Xi a invité cette semaine son homologue russe à participer à un sommet célébrant à Pékin, sans doute à l’automne, le dixième anniversaire des « nouvelles routes de la soie ». Malgré le mandat d’arrêt lancé contre lui par la Cour pénale internationale qui lui interdit, de jure, de voyager dans les 123 pays reconnaissant cette institution, Vladimir Poutine devrait donc pouvoir rencontrer, à cette occasion, des dizaines de chefs d’État et de gouvernement.Cependant, la relation sino-russe est aussi traversée de méfiances réciproques, de rivalités ouvertes et même de compétitions féroces : en Asie centrale, dans l’Arctique et en Afrique notamment. La Russie redoute, en outre, depuis longtemps le poids économique, démographique et militaire de la Chine, en particulier dans son propre Extrême-Orient dépeuplé et sous-développé. En matière de population et de PIB, le rapport est de 1 à 10 en faveur de la Chine. A deux reprises au moins durant cette visite, Vladimir Poutine a reconnu la prééminence de la Chine. Lundi, lorsqu’il a confié être « un peu envieux » de l’efficacité du « bond en avant » de son allié, et surtout, mardi, quand il a préconisé « l’utilisation du yuan chinois dans les règlements entre la Russie et l’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine ».A l’issue de leurs entretiens, les deux dirigeants ont signé deux textes : une « déclaration conjointe sur l’approfondissement du partenariat de coordination stratégique globale de l’ère nouvelle » et une « déclaration sur le plan du développement des priorités de la coopération sino-russe d’ici à 2030 ». Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°289 / 19 mars 2023Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le Avec cette semaine :Louis Gautier, haut fonctionnaire, magistrat à la Cour des comptes, ancien Secrétaire général de La Défense et de la Sécurité nationale.Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. LA DÉFENSE FRANÇAISE, AVEC LOUIS GAUTIERL'invasion de l'Ukraine par la Russie a rebattu les cartes stratégiques de l'Europe, pointe l'Institut international pour les études stratégiques dans son rapport annuel qui observe que le « centre de gravité stratégique s'est déplacé vers l'est et le nord ». « Pour une décennie au moins, la Russie sera le souci numéro un » des Européens, souligne l'institut, qui ajoute qu'une vingtaine de pays se sont d'ores et déjà engagés à augmenter leurs dépenses de défense.Tirant les premières leçons du conflit en Ukraine, la nouvelle Revue nationale stratégique a été présentée en novembre par le Président Emmanuel Macron. Désormais, la lutte anti-terroriste n'est plus la priorité numéro un, mais c'est le durcissement des armées en vue d'une possible participation à un conflit majeur qui dictera la prochaine loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 qui doit être votée à l’été. Dans ce cadre, la France prévoit de consacrer 413 milliards d’euros à ses armées d’ici à 2030, soit un effort annuel moyen de 59 milliards, contre 39,5 milliards pour la LPM en cours, adoptée en 2017.Engagées dans des combats expéditionnaires depuis la première guerre du Golfe, en 1991, les armées occidentales avaient perdu l’habitude du conflit interétatique de haute intensité. L'armée de la guerre froide n'est pas celle des opérations extérieures (OPEX). Aussi, en Afrique, la France veut changer de modèle pour n'agir qu'à la demande des autorités africaines et seulement en appui de leurs armées. Il s’agit de basculer les forces françaises vers l'est, avec la volonté d'inscrire la France comme un partenaire de premier plan de l'OTAN et de l'Europe.Depuis des décennies, l'industrie de défense européenne est dimensionnée pour produire le minimum nécessaire en temps de paix. Ainsi, à la veille d’une réunion des ministres de la défense de l’OTAN, les 14 et 15 février, le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Jens Stoltenberg, a déclaré que l’Europe est à court de munitions. L’armée ukrainienne tire 5 à 6.000 obus d’artillerie par jour, les forces russes quatre fois plus. Aussi, dès juin dernier, le président Emmanuel Macron a réclamé aux industriels de la défense de passer en mode « économie de guerre ». Mais celle-ci tarde à prendre corps, indique un rapport sur les enseignements de la guerre en Ukraine, adopté le 8 février par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.Avec notre invité Louis Gautier, haut fonctionnaire, magistrat à la Cour des comptes, ancien Secrétaire général de la Défense et de la Sécurité nationale de 2014 à 2018, professeur associé à l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris I) en 2012, où il a créé, l’année suivante, la Chaire « Grands enjeux stratégiques contemporains », nous allons explorer le contexte dans lequel s’inscrit la défense française. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°288 / 12 mars 2023Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 10 mars 2023.Avec cette semaine :Akram Belkaïd, journaliste au Monde diplomatique.François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France.Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.APRÈS LA GRÈVE1,28 million de personnes ont défilé, le 7 mars, selon le ministère de l’intérieur, un record dans les décomptes officiels pour des manifestations ayant une dimension sociale, tandis que la CGT a avancé le chiffre de 3,5 millions. Jamais depuis trente ans les syndicats de salariés n'ont été aussi unis pour combattre un projet de loi du gouvernement. « Les organisations ont redoré leur image en ayant su capter la colère des Français, analyse Frédéric Dabi de l'lfop. Ils échappent à la défiance touchant les partis politiques qui ont offert un piètre spectacle à l'Assemblée nationale lors des débats sur le projet de loi des retraites. » Ayant le vent en poupe toutes les centrales ont enregistré, depuis janvier, une hausse importante des adhésions. La CFDT a ainsi délivré 13.000 nouvelles cartes, une augmentation de 40 % par rapport à l'an dernier, sur la même période, tandis qu’à la CGT en a enregistré 12.500.Si l’opposition à la réforme des retraites reste stable et dominante (à 72%), elle est devenue également majoritaire chez les sympathisants LR (53% approuvent la mobilisation, +4 points en un mois) et même au cœur de l’électorat macroniste, celui des 55-64 ans. A cette désaffection dans les rangs des siens, le président devra ajouter un ressentiment contre sa personne que les sondages enregistrent sans désemparer. Avec lui, le gouvernement est confronté à une rare unité syndicale et à des centrales qui ont réussi à ne pas se mettre à dos l'opinion publique avec des actions coup de poing tout en espérant mettre suffisamment la pression sur le gouvernement pour l’amener à bouger. Dans les cortèges, les débordements des blackblocks ont été contenus...Dans les jours et les semaines qui viennent, l’intersyndicale veut durcir le mouvement contre le projet de réforme, sans perdre le soutien des Français. A l’issue de leur sixième journée nationale d’action contre la réforme des retraites, les syndicats ont demandé à être reçus « en urgence » par Emmanuel Macron, afin qu’il « retire » son projet, actuellement débattu au Sénat. Réponse de l'Élysée : « la porte de l'exécutif est toujours restée ouverte » mais, à Rungis, le 21 février, puis, quatre jours après, au Salon de l’agriculture, le Président de la République a indiqué qu’il ne cédera pas s’agissant du report à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite voté par le Sénat le 9 mars. D'après l'Ifop, seulement 34 % des Français pensent que sous l'effet du mouvement social la réforme sera retirée. « Il y a une mémoire de l'opinion publique qui a intégré que le gouvernement ne recule plus face à la rue », rappelle Frédéric Dabi. Au-delà des retraites, sociologues et philosophes relèvent que le problème de fond est moins le projet de réforme que l’évolution du rapport au travail lui-même et la quête de sens qui l’accompagne, comme en témoigne notamment les pénuries de main-d’œuvre qui sévissent actuellement dans le privé comme dans les administrations.DEUXIÈME SUJET LA POLITIQUE FRANÇAISE AU MAGHREB ET LA SITUATION EN TUNISIEDans un Maghreb gangrené par les crises internes (effondrement économique de la Tunisie, déchirement de la Libye...), un conflit régional (l’Algérie et le Maroc ont rompu leurs relations diplomatiques en 2021) et des tentations étrangères (de la Russie et de la Chine), une des terres de prédilection de la France s'est transformée en zone de crispations pour Paris. Entre un pari algérien tourmenté et la préservation d’une relation avec le Maroc jadis privilégiée, mais aujourd’hui rétrogradée, l’approche présidentielle du Maghreb suit une ligne de crête assumée entre les deux frères ennemis du Maghreb, dont l’antagonisme s’est exacerbé depuis deux ans avec le retour du contentieux autour du Sahara occidental. Un jeu d’équilibre qui place la diplomatie française sous tension.Depuis deux ans, avec le Maroc, les crispations sont allées crescendo : refus français de qualifier de « base sérieuse et crédible » à une future solution politique le plan d’autonomie marocain de 2007 pour le Sahara occidental ; affaire du logiciel espion Pegasus ; Qatargate devenu au Parlement européen Marocgate ; soupçons de complaisance avec le Maroc pesant sur un présentateur de BFMTV et enfin, condamnation des violations des droits de l'homme au Maroc par le Parlement européen le 19 janvier. Les responsables politiques et les médias marocains s’insurgent contre ce vote. L’ambassadeur marocain à Paris a été rappelé par Rabat.Avec Alger, depuis plusieurs années, Emmanuel Macron s'est montré déterminé à réchauffer les relations. Plusieurs rapprochements ont été ébauchés dans le contexte de la crise sécuritaire du Sahel ou bien de la crise énergétique provoquée par la guerre d’Ukraine tout en entretenant des relations empreintes de méfiance. Des liens qui demeurent fragile, comme le montre l'affaire de la militante franco-algérienne Amira Bouraoui, rapatriée récemment en France alors qu'elle était en situation irrégulière en Tunisie. Alger a fustigé une « exfiltration illégale » et rappelé son ambassadeur. Une énième crise, qui intervient au moment où la relation se réchauffait entre Paris et Alger, après le voyage du président français en août dernier chez son homologue algérien. Une visite d'État en France du président algérien, était prévue en mai prochain.En Tunisie, alors que le pays traverse une grave crise économique marquée par des pénuries récurrentes de produits de base, sur fond de tensions politiques le président Kaïs Saïed, - qui concentre tous les pouvoirs après avoir suspendu en juillet 2021 le Parlement et limogé le gouvernement - s’est référé le 21 février dernier aux Subsahariens présents en Tunisie en évoquant des « hordes de migrants clandestins », source à ses yeux « de violence, de crimes et d’actes inacceptables ». La Tunisie compte entre 30.000 et 50.000 migrants subsahariens, selon les ONG locales. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°287 / 5 mars 2023.Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École alsacienne le 5 mars 2023.Avec cette semaine :François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France.Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova.LA CHINE ET LA GUERRE EN UKRAINE Dès mars 2022, les autorités chinoises ont repris les théories complotistes russes sur la présence en Ukraine de laboratoires américains de fabrication d'armes biochimiques. Pékin a repris à son compte les éléments de langage russes sur les provocations de l'Otan qui légitimeraient les « opérations spéciales ». Les autorités chinoises n’ont jamais critiqué l'annexion de certaines régions ukrainiennes, ni l'occupation du Donbass depuis 2014, pas plus qu'elles n’ont mentionné la responsabilité de la Russie dans le déclenchement du conflit. Depuis le début de l’agression russe, Pékin ne condamne jamais Moscou et refuse de parler de « guerre » ou d’« invasion », préférant évoquer la « crise ukrainienne ». Bien que la Chine continue d’affirmer que « l'Ukraine est bien sûr un pays souverain », elle nuance en parlant du « contexte historique spécial » de la question ukrainienne et des « préoccupations de sécurité légitimes de la Russie ». La diplomatie chinoise accuse Washington d'être à l'origine d'une escalade du conflit en Ukraine en fournissant des armes à Kyiv. Elle prétend être neutre et met la Russie et l’Ukraine sur le même plan, comme l'illustre son abstention lors de toutes les résolutions votées contre la Russie en Assemblée générale de l'ONU, à une majorité généralement de 140 pays sur 193. Signe de son ambiguïté assumée, la Chine s'est encore abstenue de soutenir une résolution appelant les troupes russes à se « retirer » d'Ukraine, adoptée massivement, le 23 février dernier, par l'Assemblée générale de l'ONU.Lorsque le 19 février, le secrétaire d'État américain Antony Blinken a affirmé que la Chine envisagerait de fournir des « armes » à la Russie pour l'appuyer dans son conflit en Ukraine, Pékin a énergiquement démenti, répliquant le 21 février, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Qin Gang : « Nous demandons instamment aux pays concernés de cesser immédiatement de jeter de l'huile sur le feu, de cesser de rejeter la responsabilité sur la Chine et de faire croire que la situation en Ukraine aujourd'hui sera celle de Taïwan demain ».Le 24 février, le ministère des Affaires étrangères chinois a publié « la position chinoise sur une résolution politique de la crise ukrainienne » en douze points qui exige notamment le respect de la souveraineté de tous selon le droit international, critique une « mentalité de guerre froide », veut préserver la paix sur « le continent eurasiatique », réaffirme la « neutralité » de la Chine et souligne que « toutes les parties doivent soutenir la Russie et l'Ukraine pour reprendre le dialogue direct aussi vite que possible pour assurer une désescalade qui pourra conduire à un cessez-le-feu ».Si les réactions à ce texte dans les capitales européennes ont été mitigées, le président Volodymyr Zelensky a déclaré : « j'ai l'intention de rencontrer Xi Jinping. Ce sera important pour la sécurité mondiale. La Chine respecte l'intégrité territoriale et doit tout faire pour que la Russie quitte le territoire de l'Ukraine ». Par ailleurs, Emmanuel Macron a annoncé qu’il se rendra en Chine « début avril ».***LES DÉFIS DE L’AGRICULTURE FRANÇAISE Lors de sa visite de plus de 13 heures au Salon de l’Agriculture, Emmanuel Macron a présenté un ensemble de réponses aux difficultés que doit affronter un monde agricole dont, en 40 ans, le nombre d’actifs a diminué de 75%, tandis que près de la moitié des agriculteurs aujourd’hui en activité partiront à la retraite d’ici une dizaine d’année.Le premier défi est climatique : avec la hausse des température moyennes de saison, la raréfaction des pluies a généré un épisode de sécheresse hivernale inédit, empêchant le renouvellement des nappes phréatiques déjà mises à mal par la sécheresse de l’été précédent. Selon le site Info Sécheresse, 32 départements sont actuellement placés en niveau rouge en ce qui concerne leurs réserves d'eau. Cette situation met en difficulté les agriculteurs, qui consomment 45% de la consommation nationale en eau. Le changement climatique accentue par ailleurs le risque d’inondation et la dégradation des sols et affecte la propagation et l’intensité des vagues de ravageurs. Il met également le secteur agricole, responsable de l’émission de 21 % du gaz à effet de serre en France en 2022, au défi de son propre impact environnemental et climatique.Le deuxième enjeu est celui de la compétitivité de la « ferme France ». En vingt ans, notre pays est passé du deuxième au cinquième rang des exportateurs mondiaux de produit agroalimentaires, tandis que les importations ont été multipliée par deux. Sauf pour le vin, la balance commerciale alimentaire de la France est déficitaire. Le modèle traditionnel de l’exploitation agricole familiale subit les conséquences de la financiarisation croissante du foncier. En 2022, un rapport de la Fédération Terre de Lien indiquait que le nombre d'exploitations agricoles a diminué en France de près de 20% en vingt ans, tandis que les entreprises du luxe et de l'agroalimentaire sont de plus en plus représentées parmi les nouveaux propriétaires fonciers. Ces difficultés s’ajoutent aux contrecoups de l’inflation sur les produits énergétiques qui entraîne une forte hausse du prix des engrais.Dans ce contexte, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, a annoncé la préparation d’un « plan de sobriété sur l’eau » construit sur le modèle du « plan de sobriété énergétique » de l’été 2022. Elisabeth Borne a présenté un ensemble de mesures-cadres sur l’usage des produits phytosanitaires à horizon 2030. Prenant en considération les réclamations des agriculteurs, celui-ci ne fixe plus d’objectif de réduction de l’usage des pesticides et vise à développer des alternatives efficaces à l’interdiction prochaine de 250 substances chimiques dans le cadre du calendrier européen. Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, a exposé son plan de soutien à l’agriculture biologique. En parallèle, il a proposé plusieurs mesures d’adaptation des pratiques d’élevage au changement climatique et à l’ouverture des marchés français aux pays d’Amérique Latine, dans le cadre des négociations commerciales de l’Union européenne avec les pays du Mercosur. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frN°286 / 26 février 2023Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 24 février 2023.Avec cette semaine :Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. LA TURQUIE APRÈS LE SÉISMELe 6 février, deux séismes de magnitude de 7,8 et de 7,5 ont secoué le sud de la Turquie et une partie de la Syrie voisine. Si on recense aujourd’hui plus de 45.000 morts, leur nombre pourrait être de 100.000. A la croisée de trois plaques tectoniques, la Turquie a connu depuis 1900, dix-huit tremblements de terre d'une magnitude égale ou supérieure à 7 sur l'échelle de Richter. 7 habitants sur 10 vivent dans une zone sismique, soit 60 millions de personnes (sur 86 millions). L’Organisation mondiale de la santé déclare que 5 millions de personnes sont en situation de vulnérabilité et craint le développement d’épidémies. Le 20 février, deux nouvelles répliques de forte puissance (6,4 et 5,8) ont eu lieu dans la province turque d'Hatay au sud du pays déjà fortement touché.La « diplomatie du séisme » - activée pour la première fois après les tremblements de terre successifs qui ont frappé la Grèce et la Turquie à l'été 1999 et ont conduit à une amélioration des relations gréco-turques - a été réactivée après ce nouveau séisme. Non seulement la Grèce, mais également Israël et l'Arménie, des pays qui ont en commun d'entretenir des relations plus ou moins tendues avec la Turquie, ont été parmi les premiers à avoir proposé leur aide.En Turquie, devant la montée des critiques publiées sur les réseaux sociaux, accompagnées des appels à l'aide de familles dont les proches étaient coincés sous les décombres, le gouvernement a choisi le 8 février de couper l'accès au réseau Twitter grâce auquel les survivants communiquaient et ... critiquaient le pouvoir. Des voix s’élèvent pour dénoncer vingt années de politique urbanistique désastreuse, de négligence, de corruption, de clientélisme, de népotisme et de stratégies électoralistes. La plupart des habitations turques ne sont pas construites aux normes antisismiques, malgré une loi votée en 2007, peu appliquée en raison de la corruption. Les sinistrés critiquent le manque de préparation des autorités, le retard des secours, l’absence de l'armée, seule en Turquie à posséder les moyens d'agir dans un tel chaos. Si le président turc Recep Tayyip Erdogan a reconnu des « lacunes » dans la réponse apportée, il a cependant assuré qu’« il est impossible d'être préparé à un tel désastre ».D'aucuns rappellent que la gestion hasardeuse du tremblement de terre de 1999, près d’Istanbul, par les autorités d'alors, avait favorisé l'ascension du Parti de la justice et du développement (AKP) d’Erdogan et favorisé son élection en 2003. En difficulté aujourd’hui dans les sondages, la popularité du chef de l’État turc est déjà mise à mal par sa politique monétaire, ayant plongé le pays dans une profonde crise économique. Alors que la chasse aux sorcières contre les promoteurs immobiliers a commencé, au vu de l’ampleur de la catastrophe, la tenue des élections législatives et présidentielle, prévues pour le 14 mai pourrait être reportée.***LA DROITE FRANÇAISE POURRA-T-ELLE SURVIVRE À LA RÉFORME DES RETRAITES ?Après la défaite de sa candidate à l'Élysée, battue avec moins de 5 % des voix, suivie par la perte d'un tiers de ses députés après les élections législatives, le parti Les Républicains connait de nouveaux déboires. Mi-janvier, son nouveau président Éric Ciotti dévoile l'organigramme des Républicains. A la surprise générale, il nomme deux vice-présidents exécutifs : Aurélien Pradié, député du Lot, qui, au premier tour a recueilli près du quart des suffrages des militants et François-Xavier Bellamy, qui soutien de et soutenu par Bruno Retailleau, finaliste de cette élection. Le député du Lot n’a pas tardé à faire savoir qu’il n’appréciait pas de ne pas être l’unique numéro deux du parti.Alors que les rancœurs nées de l'organigramme ne sont pas dissipées, LR doit trouver une position commune sur la réforme des retraites. Le 12 janvier, le Éric Ciotti s’est mis d’accord avec le gouvernement sur un texte qu'il se flatte d'avoir substantiellement orienté : report à 64 ans au lieu de 65 de l'âge légal de départ à la retraite, et accélération de la hausse de la durée de cotisation. Or, si, d’un côté, la direction du parti défend une ligne de « responsabilité » en s'engageant à soutenir le texte du gouvernement qui a accepté ses exigences, de l'autre, les soutiens du député du Lot ne souhaitent pas endosser l'impopularité de la réforme. Pour eux, il faut avant tout reparler aux catégories populaires et s'opposer à tout texte porté par la macronie. Aurélien Pradié dénonce notamment l'absence de prise en compte des carrières longues et réclame que personne n’ait à cotiser plus de quarante-trois ans pour partir à taux plein. Bruno Retailleau dénonce une dérive « socialisante » chez l’élu du Lot.Le 14 février, 38 députés Les Républicains sur 62 ont voté contre l’« index seniors », avec la Nouvelle Union populaire écologique et sociale et le Rassemblement national. Le17 février Aurélien Pradié est vivement applaudi par les députés de la Nupes sur les carrières longues dans l'Hémicycle. C'en est trop pour Éric Ciotti et nombre de députés LR. La sanction tombe le lendemain. Le patron des Républicains démet Aurélien Pradié de ses fonctions de vice-président exécutif car « ses prises de position répétées n'étaient plus conformes avec les valeurs de cohérence, d'unité et de rassemblement qui doivent guider la droite républicaine ». « Je refuserai toujours que la droite devienne peu à peu la béquille conciliante de la macronie », répond Aurélien Pradié.Le texte sur les retraites qui n’a pas pu être voté à l’Assemblée nationale le 17 février, doit arriver le 28 février en commission des Affaires sociales au Sénat, où les Républicains et les centristes disposent de la majorité. Les sénateurs LR devraient eux aussi poser leurs conditions, mais dans le sens d'un durcissement de la réforme pour le cas des régimes spéciaux. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°285 / 19 février 2023Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 17 février 2023.Avec cette semaine :Akram Belkaïd, journaliste au Monde diplomatique.Michel Eltchaninoff, rédacteur en chef du mensuel Philosophie Magazine.Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef du quotidien La Croix. Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.Merci à CyberGhost VPN de soutenir le podcast. Vous pourrez profiter de 83% de réduction et 4 mois offerts en vous rendant sur cyberghostvpn.com/LNEP LA STRATÉGIE DU RASSEMBLEMENT NATIONALDepuis son échec à la présidentielle et son succès aux législatives, Marine Le Pen ne cesse de répéter que le Rassemblement national est la seule « force d'alternance » possible à Emmanuel Macron, qu'elle et ses troupes ont toutes les compétences pour prendre les rênes du pays en 2027. Pas question, donc, sur la réforme des retraites, d'appeler à l'insurrection sociale ou même de défiler dans les cortèges syndicaux, où les élus du Rassemblement national ne sont de toutes façons pas les bienvenus. La chef du RN mènera son combat d’abord à l'Assemblée nationale et dans les médias pour défendre son programme : maintien de l'âge légal de départ à 62 ans pour 42 annuités, arrêt de la réforme Touraine qui vise à augmenter le nombre de trimestres cotisés et retraite garantie à 60 ans pour les carrières longues.Selon les chiffres de l'Ifop, 68 % des électeurs du Rassemblement national se disent révoltés, contre la réforme des retraites contre 48 % des Français. Et 71 % des électeurs de Marine Le Pen disent souhaiter une explosion sociale du type de celle des Gilets jaunes, contre 52 % des Français.Néanmoins, afin de réussir à conforter sa base électorale très hostile à la réforme des retraites, sans pour autant grever ses chances de séduire de nouveaux électeurs ancrés à droite, hostiles aux grèves comme aux manifestations et pour qui l'allongement de la durée du travail peut être perçu comme une nécessité, Marine Le Pen poursuit sa stratégie de normalisation qui repose presque uniquement sur le travail parlementaire. Chaque député RN a été prié d'optimiser son emploi du temps pour occuper « 24 heures sur 24 » les bancs de l'Hémicycle durant les débats sur la réforme. Dans cette bataille, Marine Le Pen compte donner de sa personne depuis l'hémicycle, où elle préside un groupe de 87 députés depuis les élections législatives de juin 2022. Deux défaites au second tour des législatives partielles le 29 janvier dernier ont amputé le groupe frontiste d'une députée, et empêché l'élection d'un autre, dans le Pas-de-Calais. 20.363 amendements ont été déposés sur le projet de loi examiné en séance depuis le 6 février. La Nupes en a déposé 17.910, dont elle a retiré une partie. Le RN pensant que la « qualité » prime sur la quantité 238, et aucun doublon. Au sein du groupe RN, certains considèrent que moins d’un amendement par député, lorsque l’on prétend concentrer ses forces sur la bataille à l’Assemblée, est insuffisant. Le parti justifie cette stratégie par le temps contraint d’examen du texte, et la nécessité d’aller jusqu’à un vote.Dans une étude réalisée par YouGov pour Le HuffPost les 30 et 31 janvier, les sondés estiment à 25% que la Nupes incarne le mieux l’opposition à la réforme des retraites, 20% des sondés désignent le RN. Selon un sondage BVA/RTL, publié le 15 février, 44% des Français ont une bonne image de l’action des syndicats dans la réforme des retraite, 26% sont favorables aux politiques qui sont pour la réforme, 27% pour ceux qui sont résolument contre, comme LFI, tandis que le RN recueille 35% d’opinions favorables.***UKRAINE : ENLISEMENT OU ESCALADE ?Alors que les combats redoublent d'intensité depuis fin janvier dans l'Est ukrainien, où l'armée russe est à l'offensive, Washington, Londres, Berlin et Varsovie ont donné leur feu vert à l'envoi de chars lourds à Kiev. Une première pour les dirigeants occidentaux qui veulent soutenir l'Ukraine jusqu'au départ des forces russes, tout en évitant une « escalade » avec Moscou. Depuis le début de l'invasion russe, le 24 février 2022, ils ont d'abord consenti de livrer à l’Ukraine des armes « défensives », puis des systèmes antiaériens, puis de l'artillerie tractée, puis des transports de troupes blindés. Lors de sa tournée à Londres, Paris et Bruxelles, début février, le président Zelensky a demandé avec insistance des avions de combat et des missiles de longue portée. Plusieurs pays, dont la France ou les Pays-Bas, ne l'excluent pas.L’ambassadeur russe à Berlin a pointé une volonté d’« escalade permanente » de l’Allemagne et des alliés, tandis que le Kremlin a dénoncé « l’engagement direct » de l’Occident dans le conflit. Le 25 janvier, devant le Bundestag, le chancelier allemand a affirmé : « Nous faisons ce qui est nécessaire et possible pour soutenir l’Ukraine, mais nous empêchons en même temps une escalade de la guerre, vers une guerre entre la Russie et l’OTAN ». L’Elysée a également répété que, contrairement à ce que prétend Moscou, la livraison de chars de combat à l’Ukraine « n’est pas escalatoire »,à partir du moment où Kiev les utilise uniquement pour libérer ses territoires. Pour s’en assurer, les alliés imposent aux Ukrainiens un « cadre d’emploi » très strict de leurs matériels. Emmanuel Macron et Olaf Scholz, qui ont tout fait depuis onze mois pour maintenir un canal de communication avec le chef du Kremlin, ont admis que les pourparlers qu’ils appellent de leurs vœux lorsque les Ukrainiens y seront prêts n’étaient pas à l’ordre du jour et que l’urgence ordonnait au contraire de renforcer leur soutien à Kyiv, sans entrer en guerre avec la Russie.Après plusieurs mois de statu quo, plusieurs signes indiquent que la guerre s'apprête à entrer dans une nouvelle phase. Selon les renseignements occidentaux, cités par le Financial Times, « la Russie amasse des avions et des hélicoptères près de la frontière avec l'Ukraine », avant de lancer une vaste offensive. The Guardian évoque une « phrase cruciale » du conflit. Il estime que « l'envoi de plus de chars occidentaux ne signifie pas que la guerre est désormais presque finie. Elle va encore durer des mois, pour ne pas dire des années. Ce qui change, souligne le quotidien britannique,c'est que l'attitude des Occidentaux s'est durcie, et que les chars confèrent un avantage militaire à l'Ukraine qui pourrait être décisif ».Toutefois, selon le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, « le taux de consommation de munitions par les Ukrainiens est plus élevé que le taux de production » par les alliés. « On estime que les troupes de Kyiv tirent quotidiennement plus de 5.000 obus d'artillerie ». Quant à la Russie, elle tire « en moyenne 20.000 pièces d'artillerie par jour », soit « l'équivalent de la production mensuelle européenne », a averti la première ministre estonienne, Kaja Kallas. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°284 / 12 février 2023Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 10 février 2023.Avec cette semaine :Michel Eltchaninoff, rédacteur en chef du mensuel Philosophie Magazine.Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef du quotidien La Croix.Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.Merci à CyberGhost VPN de soutenir le podcast. Vous pourrez profiter de 83% de réduction et 4 mois offerts en vous rendant sur cyberghostvpn.com/LNEPLE BREXIT SIX ANS APRÈSLe Brexit a été voté en juin 2016, et la sortie effective du marché unique européen a eu lieu le 1er janvier 2021. Difficile de faire précisément le tri entre le Brexit, la pandémie, le choc énergétique et le chaos politique, mais les faits sont là : l’économie britannique décroche plus qu’ailleurs. Selon les calculs du Centre for European Reform, un groupe de réflexion britannique, entre le deuxième trimestre 2016, date du référendum, et celui de 2022, le Royaume-Uni a connu une croissance inférieure de 5,5 % à celle d’un groupe d’une quarantaine de pays comparables qui connaissaient, les années précédentes, une croissance similaire. Le volume du commerce extérieur britannique a également augmenté de 7 % de moins que ce groupe et les investissements sont de 11 % inférieurs. Sur un an, ce seraient 40 milliards de recettes fiscales perdues pour le gouvernement. Un trou qu'il a fallu compenser dans le budget de rigueur concocté en urgence par le chancelier de l'Échiquier en novembre dernier, avec 55 milliards de livres de hausses d'impôts (25 milliards) et de baisses de dépenses (30 milliards). Le Centre for European Reform estime, en outre, que la fin de la libre circulation a entraîné un manque à gagner de 330.000 travailleurs européens qui seraient sans cela arrivés sur le marché du travail depuis deux ans. Selon l’Office National Statistique britannique, 28 % des entreprises de plus de dix salariés se disent concernées par les pénuries. Parmi elles, 40 % ne peuvent, pour cette raison, répondre à la demande.Le mécontentement social, accumulé après des années d’austérité – avec néanmoins une pause durant la pandémie - et de sous-investissement dans les services publics, éclate désormais avec une longue série de grèves, inédites depuis les années 1970, dont celle cette semaine, chez les 360.000 infirmières du Service national de santé.Depuis janvier, ce sont désormais 60 % des Britanniques qui affirment que la sortie de l’Union européenne a été une erreur, contre 40 % qui la soutiennent. Le basculement a commencé à l’été 2021 (les Britanniques étaient alors partagés, à 50/50 ) et, depuis, les deux courbes s’éloignent progressivement. Le pourcentage des Brexiters qui pensent que c'était une erreur a grimpé de 4 % à 19 %. Friands de néologismes, les Britanniques ont trouvé un nom pour désigner le sentiment de regret du Brexit : le « Bregret ». Il est particulièrement prononcé chez les Londoniens : 7 sur 10 pensent que c'était une erreur de quitter l'Union européenne. Autre néologisme apparu pour désigner ceux qui souhaitent revenir dans l’UE : les « rejoiners », nombreux chez les jeunes qui n’avaient pas l’âge de voter en 2016.***LES RÉFORMES INSTITUTIONNELLES DU PRÉSIDENTAu début de son premier quinquennat Emmanuel Macron avait présenté aux parlementaires une révision de la Constitution, finalement enterrée au cœur de l'été 2018 à la suite de l'affaire Benalla. Entre les deux tours de la présidentielle, il avait esquissé une autre méthode, s'il était réélu, avec la mise en place d'une « commission transpartisane » pour réviser la Constitution.Dans un entretien au Figaro le 12 janvier, le secrétaire général du parti présidentiel Renaissance, Stéphane Séjourné, a annoncé : « Après les retraites, nous devrons réformer nos institutions ». Le même jour, Emmanuel Macron réunissait les présidents de commission des lois de la majorité pour ouvrir le chantier. Stéphane Séjourné a confié à l'ancienne garde des Sceaux Nicole Belloubet et au député de la Vienne Sacha Houlié, président de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, le soin de préparer la position que le parti défendra au sein de la commission transpartisane. Les conclusions de ce travail sont attendues ce mois-ci, dans la perspective du premier Conseil national que le parti Renaissance organisera au printemps.Ce chantier comporte quelques grands attendus : une réflexion sur la réduction du nombre de parlementaires, sur la réforme des modes de scrutin, sur le retour au septennat, sur la fin de la Cour de justice de la République... La disparition du poste de Premier ministre pourrait aussi être envisagée. Une réflexion pourrait être menée notamment sur le découpage territorial avec une éventuelle suppression de l’échelon régional. Des réflexions sont aussi promises sur le non-cumul des mandats qui, à en croire ses détracteurs, a rompu le lien entre démocratie locale et nationale. La question du scrutin proportionnel, chère à François Bayrou, allié du chef de l’Etat, reste également dans les esprits, même si le parti Les Républicains, majoritaire au Sénat, s’y oppose frontalement. La simplification du recours au référendum pourrait être abordée pour dédramatiser son usage.Le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier, à la tête du groupe de réflexion sur l’évolution de la Constitution et des institutions (Gréci), explique qu’« il existe deux alternatives pour valider une réforme constitutionnelle. Dans les deux cas, elle doit au préalable être approuvée par les assemblées dans des termes identiques. Ensuite, le texte peut être définitivement entériné soit par référendum soit par la réunion du Congrès ». Au regard du rapport de force au sein des assemblées, l’adoption des textes pourrait être complexe. L’ancien Premier ministre Edouard Balladur a rappelé que trois réformes constitutionnelles ont eu lieu au cours de la IIIème République, une seule durant la IVème et... vingt et une pendant la Vème.Selon le directeur général de l’institut de sondages IFOP, Frédéric Dabi, le sujet de la réforme institutionnelle « n’intéresse pas les Français ». Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°283 / 5 février 2023Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École alsacienne le 5 février 2023.Avec cette semaine :Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France.Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. LA RÉFORME DES RETRAITES : SORTIE, ISSUE DE SECOURS, ENLISEMENT ?Dès ce lundi, les députés et sénateurs ont tenté de modifier le très contesté projet de loi sur la réforme des retraites qui prévoit de reculer de 62 à 64 ans l’âge de départ à la retraite. Plus de 20.000 amendements ont été déposés (dont 18.000 par la NUPES) avant l'arrivée du texte à l'Assemblée. Mais les délais sont comptés, car le gouvernement a inclus cette réforme dans un Projet de loi de finance rectificative de la sécurité sociale, ce qui contraint légalement les parlementaires à voter le projet de loi en 50 jours calendaires. Si le 26 mars 2023, le Parlement n'a pas définitivement adopté le projet de loi, la Constitution permet au gouvernement de mettre en œuvre la réforme par ordonnance. Ainsi, la réforme des retraites devrait entrer en vigueur le 1er septembre 2023, si tout se déroule tel que le gouvernement l'a prévu.Dans la rue, le 31 janvier, la colère contre la réforme des retraites n’a montré aucun signe de fléchissement. Plus d’1 million de Français – 1,27 million, selon le ministère de l’intérieur, plus de 2,5 millions selon les syndicats – ont de nouveau protesté contre le projet de l’exécutif. « C'est une des plus grandes manifestations organisées dans notre pays depuis des dizaines d'années », a déclaré Laurent Berger, le numéro un de la CFDT. Si davantage de monde est descendu dans la rue, le nombre de grévistes a reculé dans plusieurs secteurs clefs, comme dans celui de l’éducation nationale, à la SNCF ou chez EDF.De nouvelles grèves sont déjà annoncées dans les ports, raffineries et centrales électriques à partir du 6 février. Chez les cheminots, ce sera le 7 et le 8, prélude à un préavis reconductible « dès la mi-février », ont prévenu la CGT et SUD. Soit pendant les vacances d'hiver et son grand weekend de chassé-croisé du 18-19.Dans un éditorial de la République des Pyrénées, Jean-Marcel Bouguereau rappelle une note de la fondation Jean-Jaurès qui, en juillet dernier, soulignait que le rapport des Français à leur travail a été profondément chamboulé par la crise sanitaire. Les salariés aspirent à trouver un bon équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Des attentes déjà présentes avant la pandémie, mais pour lesquelles le Covid a joué un rôle de catalyseur, « transformant des aspirations en priorité ». Si l’hebdomadaire allemand Der Spiegel titre en couverture « Les Français sont-ils paresseux ? », (mais répond par la négative dans ses pages intérieures), on observera que la Fédération allemande de la métallurgie a adopté une durée hebdomadaire de travail de 28 heures et constaté un maintien de la productivité. « La puissance des réactions suscitées par la réforme des retraites ne s’explique pas seulement par le report de l’âge légal du départ en retraite de 62 à 64 ans. Elle jette une lumière crue sur l’ampleur de la crise de sens du travail en France » conclut l’éditorialiste. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°282 / 29 janvier 2023Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 27 janvier 2023.Avec cette semaine :François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France.Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. QUELLE POLITIQUE DE DÉFENSE ?A Toulon, le 9 novembre, le président de la République a présenté la nouvelle Revue nationale stratégique. Rédigée en urgence pour tirer des leçons du conflit en Ukraine, elle constitue une première étape avant les débats sur la prochaine loi de programmation militaire 2024-2030. Le document liste dix objectifs stratégiques pour la défense des intérêts français, du maintien de la crédibilité de la dissuasion jusqu'au renforcement de la résilience nationale. Les fonctions stratégiques consacrées à l'anticipation, la dissuasion, la protection, la prévention et l'intervention sont élargies à l'influence, en étroite coopération avec la diplomatie. Elles se déclinent notamment dans la modernisation de la dissuasion nucléaire, la capacité à conduire la guerre de haute intensité, l'affirmation comme un acteur cyber de premier rang, la riposte aux menaces hybrides, la résilience de la nation et la mobilisation de l'économie au service de la défense. Le président a énuméré les conditions nécessaires pour que la France reste une « puissance d'équilibres » qui ne soit « ni alignée ni vassalisée ». La République populaire de Chine est désignée très clairement comme la future puissance ennemie des Occidentaux, du fait de sa volonté de déstabiliser le leadership mondial occidental ainsi que la gouvernance mondiale. Désormais, la lutte anti-terroriste n'est plus la priorité numéro un, mais c'est le durcissement des armées en vue d'une possible participation à un conflit majeur qui dictera la prochaine loi de programmation militaire. En Afrique, la France veut changer de modèle pour n'agir qu'à la demande des autorités africaines et seulement en appui de leurs armées. Il s’agit de basculer les forces françaises vers l'Est, avec la volonté d'inscrire la France comme un partenaire de premier plan de l'OTAN et de l'Europe. Une page se tourne.Afin de mettre en œuvre cette stratégie, le 20 janvier, sur la base de Mont-de-Marsan, le Président a présenté les grandes orientations de la loi de programmation militaire (LPM). Les armées françaises bénéficieront d'un budget de 413 milliards d'euros (400 milliards de crédits budgétaires et 13 milliards de recettes extra-budgétaires), sur la période 2024-2030. Soit 40% de plus que l'enveloppe de la précédente LPM et une moyenne de 59 milliards d'euros par an consacrés aux dépenses militaires. « En 2030, le budget des armées aura doublé depuis 2017 », a tweeté le 20 janvier le ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Afin de pouvoir anticiper et conserver une autonomie de décision, le président a promis une très forte hausse du budget alloué au renseignement militaire. Soit près de 60% sur la période 2024-2030. Emmanuel Macron souhaite en particulier la mise en place d'une stratégie nationale d'influence pour mieux protéger le pays contre les attaques hybrides, et notamment les attaques informationnelles. Il utilise le terme de « transformation » pour caractériser cette nouvelle LPM, après que la précédente (2019-2023) a été qualifiée de « réparation ».Le projet de loi de programmation militaire devrait être déposé courant mars à l’Assemblée nationale, en vue d'une adoption avant le 14 juillet.***LE RETOUR DU PROTECTIONNISMEAprès quarante ans de mondialisation, les Etats se mettent à protéger au niveau national des pans entiers de leurs industries et de leurs économies. Dès la crise de 2008, provoquée par une défaillance du système financier américain, les vieux réflexes protectionnistes avaient déjà refait surface. En 2013, les Chinois avaient programmé des centaines de milliards de dollars d’aide publique pour déployer, jusqu’en 2025, la chaîne complète de fabrication des semi-conducteurs de demain. Depuis trois ans, avec le Covid, la guerre en Ukraine, la transition climatique, un même mot d'ordre s'est imposé, de Pékin à Washington : celui de protéger les populations, mais aussi les marchés, des aléas extérieurs. Classiquement, le protectionnisme définit une politique qui vise à diminuer les importations. Le concept s'est élargi ces derniers temps jusqu'à embrasser toute mesure de soutien national dont l’augmentation des tarifs douaniers, la distribution de subventions, les mesures réglementaires ciblées, les politiques de soutien à l'industrie et à l'innovation... Avec un objectif principal : fabriquer soi-même les produits incontournables pour assurer croissance et souveraineté. Le prix à la consommation n’est plus l’unique critère du succès d’un service ou d’un bien. Les conditions de production comptent aussi notamment le souci de l’environnement, du maintien de l’emploi sur place, du raccourcissement des chaînes de production.Aux États-Unis, l'Inflation Reduction Act (IRA) de Joe Biden, visant à faciliter la transition énergétique, entré en vigueur le 1er janvier est doté de 369 milliards de dollars de subventions, de primes, d’exemption d’impôts pour les fabricants de batteries et de voitures électriques à condition qu’elles soient, les unes et les autres, assemblées aux Etats-Unis. Cette politique industrielle volontariste a suscité l'inquiétude des Européens, car l'IRA risque d'entraîner une diminution des exportations vers les Etats-Unis sur les produits aidés, une moindre attractivité de l'Europe en termes d'investissements étrangers et des délocalisations vers les Etats-Unis. A Bruxelles, une série de lois ont été adoptées contre les entreprises étrangères dopées aux subventions, contre la coercition économique, sur la réciprocité des marchés publics et sur la nécessité de protéger ses intérêts en cas de pénurie mondiale. On y parle désormais relocalisation, réindustrialisation, politique industrielle commune et même souveraineté économique. A Davos, le 17 janvier, la présidente de la Commission européenne a annoncé une législation sur une « industrie à zéro émission nette ». Elle a proposé la création d'un « fonds de souveraineté » européen qui permette l'accès de tous à des moyens comparables, y compris des « aides anti-délocalisation ». Pas question à ce stade de lever de nouveaux emprunts communs, après le plan de relance massif post-Covid à 750 milliards d'euros. Il s'agirait plutôt de recycler et de réorienter des reliquats de ce fonds, ainsi que des ressources du budget de l'UE. La Commission doit affiner ses propositions d'ici au début février et les chefs d'État et de gouvernements tenteront de trouver un accord lors d'un sommet extraordinaire les 9 et 10 février. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
N°281 / 22 janvier 2023Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 20 janvier 2023.Avec cette semaine :Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Matthias Fekl, avocat et ancien ministre de l’Intérieur.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung.RETRAITES : UNE RÉFORME MAL ACCUEILLIELe 10 janvier, la Première ministre a présenté les différentes mesures de sa refonte controversée du régime de retraites. Le recul de l’âge légal de départ de 62 ans actuellement, à 64 ans d’ici à 2030 sera couplé à un allongement de la durée de cotisation, qui interviendra plus rapidement que prévu : il faudra avoir cotisé quarante-trois ans dès 2027 au lieu de 2035 pour obtenir une pension de retraite à taux plein. Ce nouveau système actera par ailleurs « l’extinction des principaux régimes spéciaux ». Le minimum de pension sera relevé à 85 % du smic net, « soit près de 1 200 euros par mois dès cette année », pour les futurs retraités ayant une carrière complète, mais aussi pour ceux d’aujourd’hui. Un dispositif « carrières longues » sera préservé. Afin de favoriser le maintien au travail des seniors, le gouvernement veut créer un « index seniors ». Concernant le facteur pénibilité, les trois critères abandonnés en 2017 (port de charges lourdes, postures pénibles et vibrations mécaniques) devraient être réintégrés, sous réserve d’un examen médical. Les périodes de congés parentaux seraient désormais prises en compte. Selon le ministre de l'Économie, la réforme des retraites pourrait rapporter 17,7 milliards d'euros aux caisses des retraites d'ici à 2030 et pourrait créer 100.000 emplois d'ici à 2025. Selon ces calculs, l’exécutif disposera d’une cagnotte de 4,2 milliards d’euros pour financer des mesures d’accompagnement, dont quelque 3,1 milliards d’euros serviront à financer les départs en retraite anticipés pour inaptitude ou invalidité.Plus de deux tiers des Français (68 %) sont défavorables au report de l’âge légal, même à 64 ans, selon un sondage IFOP pour Fiducial. Dès l’annonce du plan, les dirigeants des huit grands syndicats (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, Solidaires et FSU) ont appelé avec succès à une première journée de grève et de manifestation le 19 janvier. Les organisations syndicales sont opposées à tout relèvement de l’âge légal, estimant qu’il affecterait surtout les plus modestes, qui ont commencé à travailler tôt et ont déjà leurs trimestres à 62 ans. La droite, qui avait affirmé être prête « à soutenir une réforme » des retraites, à « quelques conditions », s’est dite « satisfaite d’avoir été entendue » par le gouvernement, notamment quant à la chronologie du report de l’âge de départ à la retraite et à la revalorisation des petites pensions. Le syndicat patronal Medef a salué « les décisions pragmatiques et responsables » tout en se disant « opposé au principe d’un index seniors ». Pour le leader de La France insoumise « la réforme Macron-Borne, c’est une grave régression sociale », tandis que le premier secrétaire du Parti communiste français a dénoncé un « projet brutal de recul de l’âge de départ en retraite ». La présidente du Rassemblement national a fait part de sa « détermination pour faire barrage » à la réforme « injuste » des retraites présentée par la Première ministre.***LA RELATION FRANCO-ALLEMANDE Ce dimanche à Paris, on célèbre le 60e anniversaire du Traité de l'Elysée, colonne vertébrale de la relation franco-allemande, signé le 22 janvier 1963 par le Général de Gaulle et le Chancelier Konrad Adenauer pour sceller officiellement la réconciliation entre les deux pays. Cérémonie à la Sorbonne ce matin, suivie d'un Conseil des ministres franco-allemand à l'Élysée. Celui-là même qui avait été reporté fin octobre sur fond de dissensions bilatérales, et de glissement du cœur de l'Europe vers l'Est avec la guerre en Ukraine qui bouleverse l'équilibre du moteur franco-allemand.Les motifs d'incompréhension, voire de discorde, sont apparus depuis qu'Olaf Scholz a succédé à Angela Merkel en décembre 2021, notamment sur le prix du gaz, le nucléaire, le Système de combat aérien futur ou la défense antimissile européenne - pour laquelle Berlin prône une solution concurrente de celle de Paris. Emmanuel Macron n’a pas apprécié d’avoir été écarté de la visite du chancelier allemand à Pékin, le 4 novembre. Il n’a pas non plus été informé à l’avance de la mise en place d’un plan d’aide allemand de 200 milliards d’euros pour compenser la crise énergétique. Olaf Scholz reproche au président français d’avoir tué dans l’œuf le projet de gazoduc MidCat (Midi-Catalogne), soutenu par Berlin. En matière d’énergie, l’Allemagne a choisi une politique de transition vers le tout renouvelable, couplée au gaz, tandis que la stratégie française repose sur le nucléaire qu’Emmanuel Macron veut renforcer avec de nouveaux EPR. En août, à Prague, le chancelier a dessiné sa vision de l’Europe, comprenant de nombreux points de convergence avec celle d’Emmanuel Macron, mais sans mentionner une seule fois l'axe franco-allemand. Derniers incidents en date : Emmanuel Macron a annoncé la livraison de chars de combat légers à l'Ukraine le 4 janvier, sans crier gare, conduisant Berlin et Washington à sortir du bois avec la même annonce le lendemain, puis le 17 janvier, à Davos, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a détaillé la réponse de la Commission européenne à l'Inflation Reduction Act (IRA) américain, avec notamment la création d'un fonds commun pour soutenir les industries vertes et un assouplissement temporaire du cadre des aides d'Etat. Une solution défendue par Paris, mais critiquée par Berlin.Afin de rapprocher les points de vue, après Olaf Scholz, les partenaires de la coalition allemande ont été conviés pour la première fois à l'Élysée et Élisabeth Borne a pris le chemin de Berlin le 25 novembre. Un groupe de quelques Françaises et Français, dont le diplomate Maurice Gourdault-Montagne, et notre ami Matthias Fekl, a pris l’initiative de créer une Académie franco-allemande de Paris, comme il existe une Académie de Berlin depuis 2006.Il se murmure que le travail entamé à Paris en janvier pourrait aboutir à une visite d'État du président français en Allemagne l'été prochain. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 13 janvier 2023.Avec cette semaine :Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Akram Belkaïd, journaliste au Monde diplomatique.Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. L’ÉTAT DU SYSTÈME DE SANTÉMédecins généralistes et laboratoires d'analyses médicales se sont mis successivement en grève, alors que tous les acteurs du système de santé dénoncent le délitement de leurs conditions de travail et la mise en danger des malades. C'est dans ce contexte que le président de la République a présenté ses vœux le 6 janvier au personnel médical depuis le centre hospitalier de Corbeil-Essonnes, tout en présentant les grandes lignes de son plan santé. Emmanuel Macron, qui a érigé la santé en priorité de son second quinquennat, a annoncé de nombreuses mesures de réorganisation plutôt que des moyens financiers supplémentaires. Il n'a pas annoncé le doublement du tarif de la consultation de 25 à 50 euros réclamé par une partie des libéraux en grève, mais entend libérer du temps aux médecins pour leur permettre d'augmenter leur file de patients. D'une part en accélérant le déploiement des assistants médicaux, dont le nombre devrait passer de 4.000 aujourd'hui à 10.000 en 2023. D'autre part en encourageant et accélérant la délégation de tâches, jusqu'ici réservées aux médecins, à d'autres professionnels de santé (pharmaciens, kinés, sage-femmes, infirmières, etc.). Emmanuel Macron a promis que « les 600.000 patients avec une maladie chronique qui n'ont pas aujourd'hui de médecin traitant auront accès d'ici la fin de l'année à un médecin traitant ou à une équipe traitante ». Certains ont salué un « diagnostic clair », un « calendrier précis », l’« ouverture de perspectives », la « sortie du déni ». D’autres pointent l’« absence d’engagements chiffrés », un « flou sur les alternatives » ou sur la « méthode ».Selon un sondage Elabe, pour « Les Échos », Radio Classique et l'Institut Montaigne, à l'heure où la population de médecins vieillit et où quelque 6 millions de Français sont sans médecin traitant, une majorité de sondés (53 %) estiment que le système de santé fonctionne assez mal ou très mal (contre 22 % en juin 2021). Un sondé sur 10 dit n'avoir aucun accès à un médecin généraliste, un spécialiste ou un hôpital. Le sentiment d'un dysfonctionnement est plus marqué chez les habitants des communes rurales, des petites et moyennes agglomérations. Les habitants des grandes agglomérations sont plus partagés. Près de trois Français sur quatre (73 %) ont le sentiment que le système « s'est dégradé » ces dernières années. Même ceux qui disent n'avoir pas de problème pour se soigner ou ceux qui jugent que le système fonctionne bien parlent en majorité de dégradation. Le sentiment de dégradation se retrouve aussi bien chez les électeurs de Jean-Luc Mélenchon (83 %) que ceux de Marine Le Pen (78 %) ou d'Emmanuel Macron (71 %). Il est aussi très fort chez les abstentionnistes (69 %). Interrogés sur les causes des problèmes actuels, les Français mettent en avant les manques tant de moyens des hôpitaux que de soignants, ainsi que les conditions de travail difficiles des soignants, pas assez bien payés. Le recours abusif aux urgences est aussi pointé du doigt (34 %). Près de trois Français sur quatre disent ne pas faire confiance à Emmanuel Macron et à son gouvernement pour régler les problèmes actuels du système de santé.***LA GUERRE SANS FIN EN UKRAINELa visite du président ukrainien à Washington, le 21 décembre, a permis à Kyiv de s'assurer du soutien américain, avec la promesse américaine de livrer aux Ukrainiens le système antiaérien Patriot. Le 10 janvier, l'UE et l'Otan se sont engagés à fournir aux Ukrainiens tous les moyens militaires nécessaires pour défendre leur pays. Des discussions sont prévues « la semaine prochaine » sur les types d'armes qui pourront être fournies, ont annoncé les dirigeants des deux organisations. Toutefois, la plupart des pays ont peu ou prou épuisé le soutien qu'ils pouvaient apporter à l'Ukraine, non pas en argent, mais en munitions. Les Ukrainiens tirent en moyenne 5.000 obus d'artillerie par jour. Or, les Américains produisent actuellement 14.000 obus par mois, à peu près autant que les Européens.Avec la frappe sur Makiivka, dans la nuit de la Saint-Sylvestre qui a fait chez les soldats russes 400 morts selon les Ukrainiens, 89 selon les Russes, la nouvelle année n'a pas commencé sous les meilleurs auspices pour Vladimir Poutine. Dans ce contexte, le scénario d'une nouvelle vague de mobilisation décrétée par le pouvoir russe n'a cessé de se renforcer. L'objectif pour Moscou serait de reprendre la main en 2023 sur un conflit qui lui échappe depuis bientôt onze mois. Exposant le plan que pourrait avoir en tête le président russe, le porte-parole du renseignement militaire ukrainien a affirmé le 7 janvier que « pas moins de 500.000 Russes » pourraient être enrôlés dans les forces armées à compter du 15 janvier. Y compris, cette fois, dans des grandes villes comme Moscou et Saint-Pétersbourg, moins touchées par la précédente vague de septembre.Alors que depuis six mois la Russie n'a plus conquis de ville, le 11 janvier, le patron de la milice Wagner, Evguéni Prigojine a annoncé la prise de la ville de Soledar voisine de Bakhmout dans l'oblast de Donetsk. Cette information n'a pas encore été confirmée par le Kremlin qui demeure prudent, laissant entendre que la commune n'était pas entièrement aux mains de son armée. Elle a été démentie par l'armée ukrainienne. Depuis le 17 mai, la ville de Bakhmout et sa région sont le théâtre de combats acharnés entre Russes et Ukrainiens.Mercredi, le ministère russe de la Défense a annoncé avoir de nouveau remplacé le commandant de son offensive en Ukraine, au général Sourovikine – le général Armageddon- succède le chef d’état-major des armées, le général Valéri Guerassimov, celui qu’Armageddon avait remplacé il y a à peine 3 mois.Dans le Washington Post, le 7 janvier, deux Républicains « classiques », l’ancienne secrétaire d’État Condoleezza Rice et l’ancien secrétaire à la Défense Robert Gates, assuraient que le temps ne joue pas en faveur de Kyiv et que la patience stratégique est durablement installée à Moscou. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École alsacienne le 8 janvier 2023Avec cette semaine :Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. COLÈRES SOCIALES, GILETJAUNISATION, RÉFORMES SANS CONFRONTATION A ce jour, les syndicats font front commun contre les projets de réforme des retraites et le report de l'âge légal de départ. Après la grève cet automne des salariés des raffineries de pétrole, celle des contrôleurs de train au moment des fêtes et, aujourd’hui, celle des médecins libéraux et ses conséquences sur l'engorgement des services d'urgence à l'hôpital, avec le retour annoncé ou fantasmé des Gilets jaunes « partout en France », le climat social, dans un contexte d’inflation et donc de baisse du pouvoir d'achat, est devenu inflammable, d’autant que nombre de services publics sont défaillants, notamment ceux de la santé et des transports. Le maintien d'un bouclier tarifaire sur le gaz et l'électricité permet de contenir les factures d'énergie des ménages. Si l’inflation vient de connaître deux mois consécutifs de baisse en Europe, la hausse des prix des produits alimentaires se poursuit et le chômage pourrait remonter de son faible niveau actuel en raison du ralentissement de la croissance. Un contexte compliqué pour faire accepter une réforme des retraites à laquelle deux tiers des Français se disent opposés.A quelques jours de la présentation de cette réforme mardi prochain, l'exécutif a poursuivi son opération de déminage. La Première ministre a indiqué, le 3 janvier, le retrait de la partie controversée du décret sur l’assurance-chômage qui prévoyait de réduire de 40 % la durée d’indemnisation lorsque le taux de chômage passerait sous la barre de 6 % de la population active. Elisabeth Borne a précisé que 65 ans n’était pas « totem ». et que « d'autres solutions peuvent permettre aussi d'atteindre l'équilibre de notre système de retraites à l'horizon 2030 » . Il pourrait s’agir d’un rehaussement à 64 ans de l’âge du départ, doublé d'une accélération de la réforme Touraine pour arriver à 43 annuités de cotisation. Mais les syndicats, après avoir été reçus cette semaine à Matignon, et une bonne partie de l'opinion publique, restent vivement opposés au projet du gouvernement.Le directeur général Opinion de l'Ifop, Frédéric Dabi a indiqué sur Europe 1 le 2 janvier que seuls 22 % des Français soutiennent un âge de départ légal à la retraite fixé à 65 ans. Le même jour sur France inter, le directeur général délégué d'Ipsos France, Brice Teinturier a constaté que « 36 % des Français disent appartenir à une France en colère et plus de 50 % se disent mécontents ». Rien n'assure toutefois que cette contestation se traduise dans la rue. Et pour cause, « le contexte actuel n'est pas très favorable à des dynamiques collectives », juge le patron d'Ipsos. La FSU « appelle l'ensemble des agent-es concourant au service public d'éducation à une journée d'action le 17 janvier » pour « les salaires et la retraite ». Côté partis politiques, la France Insoumise appelle à une « Marche pour nos retraites » à Paris le 21 janvier prochain.***XI JINPING DANS UNE IMPASSE ?Début 2020, lorsque la pandémie a éclaté, Pékin a inventé la stratégie du confinement, et sa politique “zéro Covid” semble avoir d’abord été un succès sanitaire. Mais près de trois ans plus tard cette politique portée par Xi Jinping a sapé l’économie et coupé le pays d’un monde qui, lui, a continué son chemin. Au lendemain du 20ème congrès du Parti communiste chinois, fin octobre, qui a consacré le pouvoir absolu de Xi Jinping, la Chine a été confrontée à une vague de protestation contre la stratégie zéro Covid, d’une ampleur sans précédent depuis le mouvement de Tiananmen, en 1989. La colère sociale a gagné l'ensemble du pays après l’incendie le 24 novembre à Urumqi, la capitale régionale du Xinjiang, d’un immeuble confiné et cadenassé qui a fait au moins dix morts. Des manifestations violentes contre les confinements sans fin et les tests quotidiens se sont déroulées à l'intérieur des villes dans plus de quinze provinces, dans une centaine d'universités et dans des usines géantes, comme celle de Foxconn, à Zhengzhou. Beaucoup de citoyens ont réclamé ouvertement la démocratie, la fin du système de parti unique et le départ de Xi Jinping.Les confinements à répétition ont miné l'économie chinoise et sapé son attractivité. La désorganisation de la production et l'effondrement de la demande intérieure limiteront la croissance, qui était de 9,5 % par an lors de l'accession au pouvoir de Xi Jinping en 2012, à 2 à 3 % au cours de la décennie 2020, contre 4,5 % en Asie et 7 % en Inde. Le ralentissement de l'activité génère déjà un fort chômage, qui touche notamment 20 % des jeunes, tandis que la population connaît un vieillissement accéléré sans système de retraite ni de santé pour y faire face. La population active pourrait être divisée par deux en un demi-siècle.Sous la pression de la rue et d’une économie en déclin, Pékin a annoncé le 7 décembre une mise à l’écart de facto de la politique zéro Covid. En vingt-quatre heures, la Chine est passée de l’injonction « protéger la vie quoi qu’il en coûte » à « privilégier l’économie à tout prix », et de « l’État prend soin de toi » à « chacun prend soin de soi ». Officiellement, ce n’est pas la politique qui a changé, c’est le virus, martèle la propagande. Jusqu’au 6 décembre, celui-ci était une pneumonie mortelle. Depuis le 7, la Chine l’assimile à une grippe, voire à un simple rhume. Cependant, les hôpitaux et les crématoriums sont débordés et les autorités jugent « impossible » de quantifier l’épidémie. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne conversation entre David Elkaïm, Vincent Poymiro et Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique en avril 2021.Avec David Elkaïm et Vincent Poymiro, principaux scénaristes de la série d’Arte « En Thérapie ». Le succès en boule de neige de cette succession de 35 huis-clos en pleine période de restriction des possibilités de circuler et d’avoir une vie sociale donne la mesure de la densité que lui confèrent sa réalisation, son interprétation, son scénario et ses dialogues. Impressionné, comme près de 3 millions de téléspectateurs, par cette série inspirée d’un original israélien ("Be Tipul"), j’ai voulu faire la connaissance de ce duo de scénaristes seniors, connaître leur formation, leurs influences, leurs rencontres, leur première complicité au lycée Montaigne de Bordeaux et leur incessante collaboration depuis : c’est la 1ère partie de notre bada, mis en ligne le 14 avril. Le 21 avril, nous mettrons en ligne la seconde partie consacrée à « En Thérapie », à leurs méthodes de travail et d’écriture, aux distances prises avec la série matrice, Be Tipoul et avec son avatar étasunien (In Therapy), à leurs rapports avec les comédiens, à leur méthode d’écriture à quatre mains, aux difficultés propres à tel ou tel épisode ou à tel ou tel des 7 personnages principaux. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 15 novembre 2019.Avec cette semaine :Julian Jackson, historien britannique et biographe du général de Gaulle.Nicolas Baverez, essayiste et avocat.François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France.Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung.« DE GAULLE » PAR JULIAN JACKSONJ’ai trouvé dans les mémoires du diplomate et journaliste libanais Salah Stétié cette appréciation sur le commandant de Gaulle, rédigée par le général de Bigault du Granrut lorsque de Gaulle quitta son poste au Liban : "Depuis deux ans que je peux l'apprécier dans les fonctions de Chef du 3ème Bureau de mon état-major, je n'ai cessé d'éprouver pour l'ensemble des qualités intellectuelles et morales qu'il possède une estime mêlée d'admiration. Sur la valeur guerrière je n'ai pas besoin d'appuyer, ses blessures, le reste de ses citations se passent de commentaires. J'insiste sur les mérites hors pair de ce soldat qui développe par un travail constant les qualités qu'il a conscience de posséder. Il sait d'ailleurs les faire apprécier avec discrétion, gardant en toutes circonstances une attitude réservée, empreinte d'une correction toute militaire. Beau soldat, ce sera un beau chef, qu'il y a intérêt pour le bien de son armée et de toute l'armée à pousser rapidement aux hautes situations où il donnera sa pleine mesure et ne décevra pas."2020 marquera un triple anniversaire : les 130 ans de la naissance de Charles de Gaulle, les 50 ans de sa disparition et les 80 ans de l’appel du 18 juin. Pour nous y préparer, c’est le citoyen d’un pays avec lequel le général a entretenu des rapports pour le moins contrastés, la Grande Bretagne. Professeur Julian Jackson, vous enseignez à Queen Mary, University of London, vous êtesun spécialiste de l’histoire de la France au XXe siècle. On vous doit notamment, « La France sous l’occupation 1940-1944 » aux éditions Flammarion et vouspubliez aux éditions du Seuil « De Gaulle. Une certaine idée de la France ouvrage salué par la critique britannique, américaine et française et couronné du Duff Cooper Prize.» Pour cette biographie, vous vous êtes appuyé sur de nombreux fonds documentaires, lettres, et livres, et sur les archives récemment ouvertes de la présidence de la Ve République, ainsi que de celles de Michel Debré.La personnalité rugueuse du Général constitue une donnée essentielle pour comprendre un itinéraire parfois chaotique. Courageux, déterminé, mais aussi colérique et ingrat, Charles de Gaulle parait un homme pétri de contradictions : « un soldat qui passa le plus clair de sa carrière à critiquer l’armée ; un conservateur qui s’exprimait souvent comme un révolutionnaire ; un homme de passion incapable, ou presque, d’exprimer des émotions » Si le général de Gaulle s’affirmait guidé par « une certaine idée de la France », vous montrez que cette idée était sujette à d’importantes variations selon une dialectique toute bergsonienne qui cherche « à établir l’importance de l’intuition par rapport à l’intelligence analytique, de l’élan vital contre la doctrine figée ». Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne conversation entre David Elkaïm, Vincent Poymiro et Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique en avril 2021.Avec David Elkaïm et Vincent Poymiro, principaux scénaristes de la série d’Arte « En Thérapie ». Le succès en boule de neige de cette succession de 35 huis-clos en pleine période de restriction des possibilités de circuler et d’avoir une vie sociale donne la mesure de la densité que lui confèrent sa réalisation, son interprétation, son scénario et ses dialogues. Impressionné, comme près de 3 millions de téléspectateurs, par cette série inspirée d’un original israélien ("Be Tipul"), j’ai voulu faire la connaissance de ce duo de scénaristes seniors, connaître leur formation, leurs influences, leurs rencontres, leur première complicité au lycée Montaigne de Bordeaux et leur incessante collaboration depuis : c’est la 1ère partie de notre bada, mis en ligne le 14 avril. Le 21 avril, nous mettrons en ligne la seconde partie consacrée à « En Thérapie », à leurs méthodes de travail et d’écriture, aux distances prises avec la série matrice, Be Tipoul et avec son avatar étasunien (In Therapy), à leurs rapports avec les comédiens, à leur méthode d’écriture à quatre mains, aux difficultés propres à tel ou tel épisode ou à tel ou tel des 7 personnages principaux. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Cette émission avait originellement enregistrée en public à l’Ecole alsacienne le 8 décembre 2019.Les invités de Philippe Meyer :Dominique Moïsi, géopolitiologue et auteur de La géopolitique des séries où le triomphe de la peur.Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.Matthias Fekl, avocat et ancien ministre de l’Intérieur.Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. LA GÉOPOLITIQUE DES SÉRIES OU LE TRIOMPHE DE LA PEURAu lendemain du 11 septembre 2001, la géopolitique a envahi non seulement le réel mais aussi nos imaginaires. Les séries sont devenues des références politiques tout autant que culturelles. Par la force de leurs intuitions, les scénaristes ne sont-ils pas les meilleurs analystes du monde contemporain ? Que perçoivent-ils de nos sociétés ? Avant tout la peur, répond Dominique Moïsi dans son ouvrage « La géopolitique des séries ou le triomphe de la peur ». La peur de la barbarie et le triomphe du chaos avec Game of Thrones, (Le Trône de fer), la peur de la fin de la démocratie avec House of Cards, (Le Chateau de cartes) celle du terrorisme avec Homeland, celle d’un ordre du monde qui disparait dans Downton Abbey, enfin la peur de la menace russe avec Occupied (Envahis).Foreign Policy s’était amusée à transposer le monde fantastique de Game of Throne ou la fascination du chaos, dans le Moyen-Orient d’aujourd’hui. Ainsi les Lannister sont l’Arabie saoudite, la Maison Stark les mouvements d’opposition qui ont brièvement accédé au pouvoir au lendemain des « printemps arabes » ; la Maison Barathéon représente les autocrates… Après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris, la réalité a dépassé la fiction. Ce n’estplus Winter is coming, mais Winter has come. Et comme dans la série, on peut craindre qu’il ne dure très longtemps.Dans Downton Abbey, Dominique Moïsi analyse la nostalgie de l’ordre. La série débute en 1912. Un monde s’apprête à être bouleversé. Cette saga familiale aurait pu s’appeler « Le déclin de la famille Crawley ». La problématique de Homeland – et si l’ennemi venait de l’intérieur, et s’il était nous ? – a pris une crédibilité plus grande aux lendemains des attentats de Londres en 2005, des assassinats de Toulouse en 2012, de Paris en 2015, de Fort Hood et de San Bernardino aux Etats-Unis…House of Cards, décrit la fin du rêve américain et la montée des populismes, avec à l’époque de la diffusion de la série, les premiers succès flatteurs de Donald Trump, lors de la campagne pour les primaires du Parti. House of Cards traduit une perte de confiance généralisée à l’égard des élites.Dans Occupied, on retrouve croisées toutes les peurs de notre temps, du réchauffement climatique à la crise du modèle démocratique encouragée par des dirigeants médiocres. De la montée de la peur face à la Russie de Poutine, surtout depuis sa gestion de la crise ukrainienne, au discrédit relatif ou absolu dans lequel sont tombés l’Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique au cours de ces dernières années. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 16 décembre 2022.Avec cette semaine :Michel Winock, historien et écrivain.Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.Michel Eltchaninoff, rédacteur en chef du mensuel Philosophie Magazine.Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.LES CRISES ET LEURS LEÇONS, AVEC MICHEL WINOCKMichel Winock, votre carrière d’historien est celle d’un professeur, d’un chercheur, d’un éditeur et d’un collaborateur de revues. Agrégé d’histoire, docteur ès lettres, après un passage dans le secondaire, vous êtes devenu professeur à l’université expérimentale de Vincennes, avant d’entrer en 1979 à Sciences Po où vous avez occupé la chaire d’Histoire des idées politiques. En parallèle, vous collaborez à la revue Esprit et, aux Éditions du Seuil, vous dirigez ou co-dirigez diverses collections avant de fonder en 1978 le magazine l’Histoire. Votre nom est associé à l’âge d’or de l’édition historique. Vous publiez de nombreux ouvrages historiques sur la République ou des biographies politiques, comme celle de Clémenceau, ou littéraires, comme celle de Mme de Staël. Cette année, une partie de votre œuvre profuse sur la France et ses gouvernants est regroupée dans un ouvrage des éditions Quarto chez Gallimard intitulé : « Gouverner la France ».« La Fièvre Hexagonale » est un des ouvrages centraux de ce recueil. Il paraît à l’origine en 1986, et reprend les thèmes de votre thèse intitulée : « Crises et idées de crise en France, 1871-1968 ». Il s’agit d’une tentative de conceptualiser les « grandes crises politiques » en s’appuyant sur les exemples français entre la Commune de Paris et Mai 68. Chaque crise est remise dans son contexte et racontée jusqu’à ses retombées plus lointaines. On découvre à travers elles les grandes questions autour desquelles la France et son peuple se sont déchirés. Il y a la problématique religieuse, centrale lors des législatives de 1877. Il y a la question sociale, pendant et après la Commune de Paris, puis lorsqu’une partie des ouvriers, las des promesses non tenues des radicaux soutînt le boulangisme. Il y a la question nationale qui court le 19ème et le début du 20ème siècle.A partir de 1958, la nouvelle République gaullienne, surtout axée sur l’exécutif, semblait siffler la fin du déchirement français sur les institutions. L’élection du président de la République au suffrage universel comblait le goût français du plébiscite et l’alternance gauche-droite devenait possible.Aujourd’hui, au terme d’une année 2022 électoralement mouvementée, la Vème République apparaît moins solide. La montée de l’extrême droite, de l’abstention, des affaires, l’explosion du modèle gauche-droite semblent mettre à mal la stabilité du système politique. L’Assemblée est profondément divisée et le gouvernement ne parvient à imposer sa politique qu’à l’aide de l’article 49-3. Dans le même temps, la revendication d’un Referendum d’Initiative Citoyenne, portée par les Gilets Jaunes, est soutenue par 73% des Français. En 2018, à l’occasion des soixante ans de la Vème République, 53% des Français déclaraient voulait passer à la VIème alors que 51% souhaitaient accorder davantage de pouvoir à l’Assemblée nationale. C’est sur ces questions actuelles de refondation que vous vous étiez penché en 2015, dans un rapport codirigé avec Claude Bartolone, intitulé « Refaire la démocratie ». Ces travaux avaient pour thèmes : restaurer le lien entre les citoyens et leurs représentants, redéfinir l’équilibre entre les pouvoirs exécutifs et législatifs, contrôler le cumul des mandats, renforcer l’État de droit. Dans les 17 propositions du rapport on trouve une volonté visible de nuancer la domination de l’exécutif, dans un régime que beaucoup appellent encore : « une monarchie présidentielle ». Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 9 décembre 2022.Avec cette semaine :Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Akram Belkaïd, journaliste au Monde diplomatique.Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.COUPE DU MONDE DE FOOTBALLLa Coupe du monde de football, organisée du 20 novembre au 18 décembre au Qatar a soulevé à travers le monde différents griefs à l’encontre du pays accueillant l’un des rendez-vous sportifs les plus suivis à l’échelle de la planète : soupçons de corruption dans le processus d’attribution, négation des droits humains, désastre écologique…A l’heure du dérèglement climatique, les matches se déroulent dans des stades climatisés et les huit stades auraient déjà émis 644.000 tonnes de CO2. Le Qatar, deuxième exportateur mondial de gaz naturel, a bâti pour 200 milliards de dollars d'infrastructures qui s'inscrivent dans le plan de développement du pays à l'horizon 2030. L’émirat est accusé de violations des droits humains, et une enquête du Guardian parue début 2021 a avancé le chiffre de 6.500 décès de travailleurs étrangers sur les chantiers. Les rapports émis par des organismes comme Amnesty International, pointent également les discriminations subies au Qatar par les femmes et la communauté LGBTQIA. Un sondage YouGov commandé par Amnesty International établit que 67 % des 17.477 sondés - originaires d'Europe, d'Amérique centrale et latine, des États-Unis et du Kenya - souhaitaient que leurs fédérations nationales respectives s'expriment publiquement sur la question des droits humains liés au Mondial au Qatar.En France, alors que les Bleus défendent leur titre dans l’émirat, la plupart des grandes villes métropolitaines, comme Paris, Lille ou encore Marseille, ont renoncé à diffuser les matchs en public sur des écrans géants. Une décision prise aussi par de nombreuses communes outre-Rhin.Très présentes en Europe, les critiques à l’encontre du pays hôte du Mondial ont toutefois moins d’écho ailleurs. A Doha, ces polémiques sont vécues comme du « Qatar Bashing ». Raphaël Le Magoariec, qui étudie la géopolitique du Golfe par le prisme de la diplomatie du sport, observe que « les Qataris n'ont jamais fait mystère du fait que cette Coupe du monde ne s'adresse pas de prime abord aux Occidentaux. Elle a été organisée pour un public arabe et asiatique. » Un haut fonctionnaire de la région abonde : « Il était temps que le monde arabe ait lui aussi sa Coupe du monde, non ? C'est une question de fierté. »Pour rendre compte de l’événement, les conditions d'accréditation des médias interdisent aux télévisions étrangères d'interviewer les gens chez eux ou de filmer les logements, comme ceux qui hébergent les travailleurs migrants. Les équipes sont uniquement autorisées à filmer l'espace public dans trois lieux de Doha : la corniche, le front de mer et le quartier cossu de West Bay.***STRATÉGIE ÉNERGÉTIQUE DE LA FRANCELa sortie du Covid-19, la guerre en Ukraine et l’indisponibilité d’une partie du parc nucléaire français, ont provoqué l’explosion des prix de l’énergie. Ils ont plus que triplé en un an pour l’électricité et le gaz, et sont en hausse de près de 15 % pour le baril de brut. Ces augmentations ont conduit l’exécutif à multiplier les dispositifs de soutien aux ménages depuis l’automne 2021, comme l’ont fait les autres grands pays européens, et à chercher de nouvelles sources d’approvisionnement. Conçues comme des mesures d’urgence, ces aides n’ont cessé d’être élargies et prolongées à grand renfort d’argent public, sans qu’il soit possible de prédire quand s’achèvera la crise. Gel du prix du gaz, bouclier tarifaire pour contenir le prix de l’électricité, ristournes à la pompe pour les automobilistes, chèque énergie, indemnité inflation, aides diverses pour les entreprises… La facture totale dépasse les 110 milliards d’euros pour 2021, 2022 et 2023.A la mi-novembre, le gestionnaire du réseau électrique RTE a alerté sur un risque « élevé » de tensions, en janvier 2023, dû à la maintenance prolongée de réacteurs nucléaires. Le gouvernement a alors dévoilé les premières lignes de son plan pour éviter un « black-out », une panne généralisée. Matignon a enjoint aux préfets d’anticiper et de préparer la population, les entreprises et les administrations à ces coupures afin d'en limiter les inconvénients. 60% de la population pourrait être concernée, mais aucun site critique ni client prioritaire. Les sites essentiels à la continuité de la vie de la nation – hôpitaux, casernes de pompiers, gendarmeries et commissariats, prisons, bases militaire – ne seront pas privés d’électricité. Les quelque 4.000 personnes à haut risque vital seront recensées pour assurer leur suivi médical. Dans tous les cas, les coupures auraient lieu aux moments des pics de consommation, entre 8h et 13h le matin, et entre 18h et 20h le soir. Les écoles délestées n’ouvriront pas en matinée. Trains et métros pourront être supprimés pour éviter le blocage en pleine voie. Pour les urgences, il sera recommandé de privilégier le 112. Une cartographie complexe des zones blanches où les antennes téléphoniques relais seraient coupées est en cours de réalisation. « On n’est pas dans un film catastrophe », a voulu rassurer Olivier Véran, en ajoutant toutefois que les feux de signalisation s’arrêteront de fonctionner par endroits, et qu’« il n’est pas impossible qu’on ne puisse pas retirer du cash ». Le 3 décembre, le président français a invité les Français à ne « pas paniquer » face aux menaces de coupures électriques cet hiver. Elles pourraient être évitées, dit-il, si consommateurs et entreprises parviennent à réduire la consommation de 10 %, comme le prévoit le plan du gouvernement. Si délestages il y a, ils tomberont au moment où les Français verront leur facture d’électricité et de gaz augmenter de 15 %.Dans toute l'Europe, le risque de black-out est bien réel cet hiver et les consommateurs sont appelés à la sobriété. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École alsacienne le 4 décembre 2022.Avec cette semaine :Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France.Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit.Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova.LES RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET LES ÉTATS-UNISDu 30 novembre au 2 décembre, le président de la République Emmanuel Macron était aux États-Unis en visite d'État, la première pour le président Joe Biden depuis son élection, en 2020, la seconde pour son homologue français pour qui Donald Trump avait déployé ce cérémonial en 2018.Il y a un peu plus d'un an, en septembre 2021, un clash diplomatique avait éclaté entre Paris et Washington, lorsque l'Australie était revenue sur sa promesse d'acheter des sous-marins français pour leur préférer ceux de l'alliance militaire Aukus (qui regroupe l'Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni). En réaction, Emmanuel Macron avait rappelé les ambassadeurs à Washington et Canberra et fait lanterner sept jours Joe Biden avant de le prendre au téléphone. Aujourd’hui, la Maison-Blanche et l'Élysée ont décidé de mettre l'accent sur trois axes de partenariat franco-américain : le spatial, le nucléaire (« sujets d'excellence américaine et française ») et la transition écologique. Sur le conflit en Ukraine, les alliés ont multiplié les efforts de concertation depuis le déclenchement des hostilités par la Russie, voici dix mois. Le soutien de Washington et Paris envers Kyiv reste prioritaire, tout comme le souhait d’éviter l’escalade avec Moscou. Les deux pays ont appelé l'Ukraine à être ouverte à des négociations de paix. Mais, d'ici là, Emmanuel Macron cherche comment équilibrer les conséquences des sanctions prises contre la Russie, dont l'Europe, contrairement aux États-Unis, paie aujourd'hui le prix fort en matière d'énergie. Paris et Washington sont en désaccord sur le comportement à adopter face à la Chine. Si, pour le Pentagone et le Département d'État, elle constitue la menace absolue, la France se veut plus mesurée, et refuse tout agenda géopolitique imposé et voit d'un mauvais œil la volonté américaine de faire de l’OTAN une arme anti-Pékin, tandis que le concept d'autonomie stratégique européenne cher à Emmanuel Macron est vilipendé à Washington. Au cœur de la rencontre entre le chef d’Etat français et son homologue américain figurait également l’épineux sujet de l’Inflation Reduction Act (IRA), ce vaste plan de subventions et de bonifications fiscales accordées aux industriels américains pour accélérer la transition énergétique. Un plan « super agressif », a déclaré Emmanuel Macron, mercredi, devant des élus américains. Les États-Unis ont promis d’étudier le sujet pour aboutir à une solution qui convienne à leurs alliés européens. Les deux dirigeants ont confié à un groupe de travail le soin d'harmoniser les politiques économiques et de trouver des solutions pratiques sur les sujets qui fâchent. Cette équipe se rendra à Washington la semaine prochaine.***QUE RESTE-T-IL DU MACRONISME ET DE LA MACRONIE ?Réélu en avril, le président Macron a entamé un second mandat sans avoir de majorité dans une Assemblée nationale où les oppositions sont déterminées et combattives. Le projet d’une gouvernance par le compromis et par des alliances « au cas par cas », à la manière illustrée par Michel Rocard entre 1988 et 1991, s’est transformé en utilisation à répétition du 49.3 Une large majorité des amendements déposés par les oppositions n’ont pas été retenus par le gouvernement, même lorsqu’ils avaient été votés par une majorité de députés.Pensé à l’origine comme un dépassement du « clivage gauche-droite », le macronisme apparaît aujourd’hui englué dans cet antagonisme. La main tendue par le président de la République, lors du JT de France 2 le 26 octobre dernier, à droite aux députés LR et à gauche aux députés du petit groupe Libertés Indépendants Outre-mer et Territoires n’a pas encore été saisie. Des dissensions se manifestent dans la majorité. En se fondant dans la maison commune « Renaissance », l’aile gauche de la Macronie, le groupe Territoire et Progrès du Ministre du Travail Olivier Dussopt a perdu ceux de ses membres mécontents de leur manque d’influence sur l’agenda de la majorité, dont ils jugent que la réforme de l’assurance chômage, le report de la date du départ à la retraite ou une nouvelle loi sur l’immigration la fait pencher à droite.L’incertitude créée par cette Assemblée inédite et par une scène internationale instable et imprévisible depuis l’agression russe en Ukraine pèse sur le gouvernement qui doit faire face pêle-mêle à la crise du système de santé, à l’augmentation de la dette, à la misère de l’institution judiciaire, à l’inflation, à la dégradation des transports en commun, et à des difficultés d’approvisionnement en énergie, qui l’ont conduit à mettre en place un plan de coupures d’électricité cet hiver. Selon une étude récente d’Opinion-Way pour les Echos, 70% des Français trouvent « peu lisible » la politique énergétique du gouvernement. Il en est de même sur l’écologie et le dérèglement climatique où 53% des Français jugent « insuffisante » l’action de l’exécutif, alors que le président voulait faire de ce sujet une des priorités de son second mandat.La crédibilité de la Macronie portée, à ses débuts, par un désir d’exemplarité, est malmenée par les mises en examen du secrétaire général de la présidence Alexis Kohler et du ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti, tous deux maintenus à leur poste alors que le président avait annoncé, à l’orée de son mandat, qu’il réclamerait la démission de tout responsable inquiété par la justice. Le rebond de l’affaire McKinsey, les Uber Files qui touchent directement Emmanuel Macron et l’enquête ouverte sur ses comptes de campagne, en 2017 et en 2022, sont autant d’éléments qui alourdissent un climat lourd et tendu. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 25 novembre 2022.Avec cette semaine :Michel Eltchaninoff, rédacteur en chef du mensuel Philosophie Magazine.Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova.IRAN : LA RUE CONTRE LES MOLLAHSNées de l’arrestation par la police des mœurs, puis de la mort en cellule de Mahsa Amini, une jeune femme kurde de vingt-deux ans, accusée de porter une coiffure inappropriée, les manifestations s’amplifient continument depuis le 16 septembre Le président Ebrahim Raissï, tient une ligne de confrontation avec une société iranienne de plus en plus en colère, tandis qu’un certain nombre de ressortissants occidentaux ont été arrêtés comme otages. La répression a fait au moins 326 morts, dont 43 enfants. D'après la justice iranienne, plus de 2.000 personnes ont été inculpées pour leur participation au mouvement. Les ONG étrangères estiment que jusqu'à 15.000 Iraniens ont été arrêtés. Les slogans des manifestants vont du rôle de la police des mœurs aux restrictions sociales en vigueur en passant par des revendications économiques et le manque de représentativité politique. On constate une forme de convergence des doléances des contestataires. Contrairement aux manifestations antérieures en Iran, celles-ci ne comportent aucun slogan religieux. Personne ne demande de réforme du système islamique. La devise des manifestants, « Femme, vie, liberté », dénonce la dictature en place dans le pays et demande un changement de régime. Dans un sondage de juin 2020 conduit par l'institut Gamaanet, cité en août 2020 par Iran International, une chaîne de télévision par satellite persanophone installée à Londres, 73 % des personnes interrogées se disaient opposées à l'obligation du port du hidjab, et 26 % seulement indiquaient croire en l'imam Mahdi, dont le retour à la fin des temps est pourtant un élément central du chiisme contemporain. Parmi les 61 % de sondés issus d'une famille religieuse, 60 % déclaraient ne pas faire la prière. Alors que l'Iran est l'un des pays les mieux dotés du monde en richesses naturelles, plus de la moitié de sa population vit sous le seuil de pauvreté.Après avoir longtemps mis en avant le principe « ni Est ni Ouest » pour affirmer son indépendance vis-à-vis tant de l'URSS que des Etats-Unis, l'Iran a clairement basculé du côté de la Russie. La coopération entre les deux pays s'est scellée en 2015, quand ils ont joint leurs efforts pour sauver de l'effondrement le régime de Bachar al-Assad en Syrie. La guerre d'Ukraine est en train de devenir un nouveau théâtre de collaboration entre les deux pays. En plus de fournir « des centaines », de drones à l’armée russe, selon le département de la défense américaine, Téhéran serait aussi prêt à livrer des missiles sol-sol après un accord conclu le 8 octobre avec Moscou, selon le Washington Post et l'agence Reuters. Pendant ce temps, l'Iran est en train d'atteindre le seuil nucléaire. Le 22 novembre, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a confirmé, que l’Iran avait commencé à produire de l’uranium enrichi à 60 % dans son usine de Fordo. Cette nouvelle entorse à ses engagements, décidée après une résolution critique adoptée le jeudi 17 novembre à l’AIEA, intervient alors que les négociations initiées en avril 2021 à Vienne pour ranimer l’accord international de 2015 sur le programme nucléaire iranien sont au point mort.***FRANCOPHONIE : QU’EN RESTE-T-IL ?Le 18ème sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) s’est tenu le week-end dernier à Djerba, en Tunisie. Chaque année, le 20 mars est célébré comme la Journée internationale de la Francophonie et le sommet de la Francophonie réunit ses membres tous les deux ans. Après deux reports, le premier en 2020 du fait de la pandémie de Covid-19, le second en 2021 en raison de la crise politique que le président tunisien Kaïs Saïed a provoquée en s’octroyant l’essentiel des pouvoirs exécutifs, la tenue à Djerba du sommet de la Francophonie est une victoire diplomatique pour le chef de l’Etat tunisien. Ce sommet a célébré - avec donc deux ans de retard - les 50 ans d’une organisation de 88 membres dont la Tunisie fut l’un des pays fondateurs sous son président Habib Bourguiba, aux côtés du Sénégalais Léopold Sedar Senghor, du Nigérien Hamani Diori et du Cambodgien Norodom Sihanouk.Le français est la cinquième langue la plus parlée au monde avec 321 millions de locuteurs, appelés à devenir 750 millions en 2050, grâce à la croissance démographique de l'Afrique. Quelque 36% de francophones vivent en Europe et plus de 54% en Afrique. Avec 21 membres à sa création en 1970, l'OIF compte aujourd’hui 54 pays membres de plein droit, sept membres associés et 27 observateurs. À l’origine, la Francophonie était tournée vers la culture et la diffusion de la langue française. Mais depuis quelques années, elle se voit aussi comme un espace économique. Depuis le dernier sommet en 2018 à Erevan, en Arménie, le monde francophone n’a pas été épargné : le Liban est en plein naufrage économique, Haïti a vu son président Jovenel Moïse assassiné à son domicile en 2021, le Tchad a lui aussi perdu son chef de l’Etat, Idriss Déby, tué au combat la même année avant que son fils lui succède. Le Mali, la Guinée et le Burkina Faso sont désormais dirigés par des militaires arrivés au pouvoir après un coup d’Etat. Ils n’ont en conséquence pas été invités au sommet. Du fait du différend entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda, le président de la RDC, Felix Tshisekedi, a préféré rester dans son pays et son Premier ministre a refusé de poser sur la photo de famille à côté du président rwandais Paul Kagame. Autre sujet de préoccupation : l’Ukraine.La secrétaire générale de l’Organisation Internationale de la Francophonie, de nationalité rwandaise Louise Mushikiwabo a été élue pour un deuxième mandat. Le prochain grand rendez-vous de la famille francophone en France aura lieu en 2024 dans la toute nouvelle Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts, lieu symbolique où François Ier signa en 1539 la célèbre ordonnance qui imposait pour la première fois le français dans les actes officiels plutôt que le latin. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 18 novembre 2022.Avec cette semaine :Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef du quotidien La Croix.Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.8 MILLIARDS, EST-CE TENABLE ?Selon l'estimation officielle des Nations unies, le cap des 8 milliards d'habitants a été franchi ce 15 novembre 2022, et devrait atteindre 10 milliards d'ici 2080. Le premier seuil est « un important jalon du développement humain » et un rappel de « notre responsabilité partagée de prendre soin de notre planète », a souligné le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, au moment même où se déroule la COP27 en Égypte. En à peine plus de 200 ans, la population mondiale a été multipliée par huit. 60% de la population mondiale vit dans des pays où le taux de fécondité est inférieur au seuil de remplacement de 2,1 enfants par femme. Les 2 milliards de Terriens supplémentaires attendus d'ici à la fin du siècle naîtront principalement en Asie, dans une bande entre Kazakhstan et Pakistan, mais surtout en Afrique, dont la population devrait tripler. D'ici à 2050, huit pays seulement concentreront la moitié de la croissance démographique : la RDC, l'Égypte, l'Éthiopie, l'Inde, le Nigeria, le Pakistan, les Philippines et la Tanzanie. Autant de zones particulièrement vulnérables aux effets du changement climatique.Les ONG Global Footprint Network et WWF soulignent qu’ aujourd’hui, nous consommons plus de ressources biologiques (forêts, poissons, terres...) que ce que la terre peut régénérer chaque année et cette surconsommation, notamment d'énergies fossiles, entraîne toujours plus d'émissions de CO2. Elles considèrent qu’ il faudrait 1,75 Terre pour subvenir aux besoins de la population de façon durable. Si tout le monde vivait comme un habitant de l'Inde, l'humanité n'aurait besoin que de 0,8 planète chaque année, contre plus de 5 planètes pour un habitant des Etats-Unis, selon les deux ONG. Côté climat, le dernier rapport des experts climat de l'ONU (Giec) notait que si la croissance de la population est bien un des moteurs majeurs de la hausse des émissions de gaz à effet de serre, elle l’est toutefois moins que la croissance économique. En matière d'atteinte à l'environnement, le nombre importe considérablement moins que le mode de vie. Un Américain émet en moyenne 17 tonnes de CO2 par an, un Indien 1,76 et un Éthiopien 0,19... Selon l'économiste Alban Thomas, la planète dispose d'assez de ressources pour nourrir 10 milliards d'êtres humains, mais cela nécessiterait de profonds changements dans nos modes de production et nos régimes alimentaires.L'humanité va vieillir. Depuis 2018, les plus de 65 ans sont plus nombreux que les enfants de moins de 5 ans et en 2050, leur proportion aura doublé, ils pèseront 16 % de la population mondiale.***L’AVENIR DE LA NUPESEn six mois d'existence, la Nupes a déjà dû affronter plusieurs crises. Dès la rentrée, la France Insoumise s'est retrouvée dans la tourmente avec la mise en retrait du député Adrien Quatennens, qui avait reconnu des faits de violences conjugales. Les écologistes ont également été secoués par l'affaire Bayou. Selon un sondage Odoxa-Backbone pour Le Figaro, 64 % des Français estiment que ces incidents ont « décrédibilisé l'ensemble » de cette alliance. Ils sont également une majorité à le penser chez les sympathisants de gauche (52 %). Tandis que des divergences sont apparues sur Taïwan, sur la dénonciation de l'apartheid en Palestine ou encore sur la valeur travail, les partis de la coalition ont dû, dans la foulée, ferrailler ensemble contre le budget imposé par le gouvernement à coups de 49.3. Alors que la première motion de censure a été portée le 24 octobre par toute la Nupes, des désaccords sont apparus sur l'opportunité d'en déposer une à chaque utilisation du 49.3 par Élisabeth Borne. Le 31 octobre, le groupe LFI a voté comme un seul homme en faveur de sa nouvelle motion de censure, mais près de la moitié des députés PS (12 sur 31) a manqué à l'appel. La déperdition a été moindre au sein des communistes, puisque 6 membres sur 22 ont refusé de soutenir la motion Insoumise, comme chez les écologistes (4 sur 23). Chaque fois les voix du Rassemblement national se sont joints à celles de la Nupes.De nouvelles divergences apparaissent aujourd’hui au sein de l’alliance au sujet de la sécurité. Alors que le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur est examiné depuis le 14 novembre à l'Assemblée nationale, la Nupes tente d'harmoniser sa stratégie malgré des positions discordantes de ses différentes composantes sur la sécurité. Le gouvernement propose d'investir 15 milliards d'euros d'ici 2027 pour recruter notamment 8.500 policiers et gendarmes sur cinq ans et pour la transformation numérique du ministère. Si les socialistes ne se prononcent pas contre ce texte, en revanche, les insoumis, les communistes et les écologistes le rejettent. Récits pluriels également sur l’immigration. Alors que l’affaire de l’Ocean-Viking, le navire transportant quelques 234 migrants, dont 37 enfants, accueilli le 11 novembre à Toulon, a rouvert le dossier de l’immigration, le gouvernement prépare un nouveau projet de loi sur le sujet. Différentes sensibilités émergent de nouveau au sein de la Nupes. Le PS ne voit pas d’un mauvais œil la mise en place d’un titre de séjour pour les métiers en tension tandis que Jean-Luc Mélenchon continue de surfer sur une ligne de crête, entre discours humanitaire et reconnaissance des frontières et que l’hypothèse d’un titre de séjour hérisse le secrétaire national du Parti communiste Fabien Roussel.Dans les mois à venir, plusieurs échéances internes attendent les différentes composantes de la Nupes. À partir du 10 décembre, les écologistes seront en congrès. Le même jour, la France Insoumise tiendra son assemblée représentative. Les socialistes suivront en janvier, alors que la ligne tenue par Olivier Faure est contestée par un certain nombre d'entre eux. Le Parti communiste fermera le ban avec son congrès en avril. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 7 octobre 2022.Avec cette semaine :Anna Colin Lebedev, chercheuse spécialiste des questions post-soviétiques, maîtresse de conférences à l’université Paris-Naterre.Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung.Six mois après l’invasion russe en Ukraine, Anna Colin Lebedev, chercheuse française « d'origine soviétique », comme vous aimez à vous présenter, maîtresse de conférences à l'université Paris-Nanterre et spécialiste des sociétés post-soviétiques, dans votre ouvrage « Jamais frères ? (Le d’interrogation est important) Ukraine et Russie : une tragédie postsoviétique », vous vous attachez à déconstruire le mythe des « frères » slaves. Vous décryptez les similarités entre les sociétés russe et ukrainienne, le poids des traumatismes du XXe siècle et les trajectoires de plus en plus divergentes que les deux pays ont suivies depuis 1991.A l’époque de l’Union soviétique, vous rappelez-vous, la Russie était le centre, et l’Ukraine une périphérie. L’homogénéisation s’est faite en écrasant un certain nombre de différences, l’histoire commune avait été écrite en gommant certains aspects gênants qui ne rentraient pas dans le récit officiel. Les trajectoires contraires suivies par les sociétés russe et ukrainienne ne sont pas un argument suffisant pour expliquer la guerre entre les deux pays, observez-vous. Mais un certain nombre de sujets aident à comprendre ce qui se joue aujourd’hui. Sujets que vous passez au crible : rapport à l’histoire soviétique, construction d’une mémoire de la grande famine et de la Seconde Guerre mondiale, place des communautés juives et de la mémoire de la Shoah, rapport au pouvoir politique, rapport à la violence, place des langues. Votre livre décrit également la fracture entre les deux sociétés, lorsque Russes et Ukrainiens ont cessé, en 2014, de partager la même vision de ce qui se joue entre les deux pays, en Crimée et dans le Donbass. En 2022, la fracture s’est transformée en rupture.Ce qu’on présentait comme une fraternité, disent les Ukrainiens, s’est révélé un rapt. Côté russe, l’Ukraine serait une Russie transformée en anti-Russie par l’Occident hostile. La ligne de fracture que dessinent les deux discours montre bien, soulignez-vous, la nature existentielle d’une guerre qu’on ne peut réduire à une volonté de conquête territoriale ou d’accès à des ressources naturelles ou économiques. Existentielle, car pour l'Ukraine : soit elle parvient à vaincre la Russie - ce qui veut dire que Moscou renonce à toute prétention territoriale et d'influence sur l'Etat ukrainien - soit elle cesse d'exister. Contrairement à la société ukrainienne, la société russe, en grande partie aveugle à cette guerre conduite en son nom, n’a pas l'expérience de protestations qui auraient réussi. Vous dressez le portrait d'une société russe convaincue de son impuissance et soutenant sans enthousiasme une guerre qu'elle ne peut pas ou peu critiquer et qui ne réalise pas encore la profondeur de la déchirure, qui est pourtant entérinée du côté de l’agressé, l’Ukraine. Pour les Ukrainiens, désormais, tout ce qu’il pourrait y avoir de commun avec les Russes – la langue, les références culturelles partagées, la mixité, les souvenirs de l’époque soviétique - n’est plus vu que comme l’effet d’une domination ou d’une oppression. On avait pensé, à tort, les comptes de l’Union soviétique soldés lorsqu’elle s’était dissoute sans conflictualité majeure en 1991 écrivez-vous, le vrai prix à payer nous est donné aujourd’hui. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École alsacienne le 6 novembre 2022.Avec cette semaine :Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France.Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung.LES ETATS-UNIS À L’HEURE DES MIDTERMSMardi 8 novembre, les Américains sont appelés aux urnes pour renouveler l’ensemble des sièges de la Chambre des représentants et un tiers du Sénat de Washington, ainsi que pour une multitude de scrutins locaux, depuis les gouverneurs de certains États jusqu’aux shérifs, en passant par les élus des Parlements locaux. Si en général le parti du président en exercice perd des élus lors de ce scrutin, les démocrates pourraient cette année conserver le contrôle du Sénat, où les dernières projections du siteFiveThirtyEight - qui fournit une synthèse statistique des sondages d'opinions relatifs aux élections - les donnent au coude-à-coude avec les républicains. Selon les sondages, ceux-ci sont en revanche largement favoris pour la Chambre des représentants, du fait notamment d’une carte électorale favorable. Les démocrates disposent actuellement de 223 sièges sur 435 à la Chambre et de 50 sièges sur 100 au Sénat, où la voix de la vice-présidente, Kamala Harris, leur permet de faire pencher la balance.Les préoccupations des deux camps sont assez différentes d’après le sondage CNBC-All America Survey. Les républicains sont très sensibles aux problèmes d’immigration et de criminalité, les démocrates plus inquiets sur les menaces qui pèsent sur la démocratie. L’inflation serait le principal souci des indépendants. Selon un récent sondage du New York Times et de l’université de Sienne, 71 % des électeurs américains jugent leur démocratie en danger, mais ils ne sont que 7 % à y voir le problème le plus important auquel le pays est confronté. Ils ont des priorités plus immédiates : les États-Unis connaissent leur taux d’inflation le plus élevé depuis quarante ans ; pour la première fois depuis un demi-siècle, l’avortement n’est plus un droit protégé au niveau fédéral ; partout les gens ont le sentiment que la criminalité s’aggrave – si ce n’est chez eux, au sein des grandes villes voisines. Selon un décompte du Washington Post, plus d’un candidat républicain sur deux (291 sur 560) engagés dans une élection le 8 novembre a mis en doute ou rejeté le résultat de la dernière présidentielle. Dans le sondage du New York Times, 71 % des républicains se disent prêts à voter pour un candidat qui estime que l’élection de 2020 a été volée. C’est aussi le cas de 37 % des électeurs indépendants et, étonnamment, de 12 % des démocrates.Dans un discours solennel et dramatique, prononcé le 2 novembre, Joe Biden a déclaré :« La démocratie est en jeu » lors du scrutin, en mettant en cause – sans le nommer – Donald Trump et le mouvement Make America Great Again (MAGA), qui lui est affilié. « C’est la voie vers le chaos en Amérique », a-t-il souligné indiquant que « plus de 300 » candidats républicains se présentent en refusant de s’engager à reconnaître le résultat. L’agression, le 28 octobre, de Paul Pelosi, le mari de Nancy Pelosi, la présidente démocrate de la Chambre des représentants, a rappelé la propagation d’une culture de violence issue de l’extrême droite. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 28 octobre 2022.Avec cette semaine :Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. BROUILLE FRANCO-ALLEMANDEA trois mois du soixantième anniversaire du traité de l’Élysée, qui a scellé la réconciliation entre la France et l’Allemagne, et jeté les bases de la coopération entre les deux pays, les relations bilatérales entre Paris et Berlin sont au point bas. Les sujets de discorde se sont accumulés ces dernières semaines, poussant au report inopiné à janvier 2023 du conseil des ministres franco-allemand prévu à Fontainebleau le 26 octobre, le premier depuis l'accession du dirigeant social-démocrate Olaf Scholz au pouvoir. Il s'agit d'une décision sans précédent depuis l'institution de ces rendez-vous annuels instaurés en 2003 par Jacques Chirac dans le cadre du traité de l'Élysée. Une annulation symptomatique d'un « dialogue dysfonctionnel », estime Éric-André Martin, secrétaire général du Comité d'étude des relations franco-allemandes. La liste des différends qui secoue le « couple » franco-allemand mais qu'on appelle ainsi seulement du côté français, est aujourd'hui très longue.Dans la défense, plusieurs projets communs font du surplace, qu’il s’agisse de l’avion du futur ou de la prochaine génération de chars. Le projet de bouclier antimissiles conduit par l’Allemagne au sein d’un groupe de 14 pays dont les États-Unis et Israël, mais sans la France qui mène le sien propre, a tendu encore un peu plus les relations. Dans l’énergie, au nom de la défense des mécanismes du marché, Berlin bloque sur le principe d’un plafonnement du prix du gaz poussé par la France, tandis que Paris ne veut pas entendre parler d’un projet de gazoduc reliant l’Espagne au reste de l’Europe pour alimenter l’industrie allemande. Sur le plan économique, la France n’a pas apprécié que le chancelier allemand annonce sans prévenir un plan de soutien à son économie de 200 milliards d’euros, interprété comme une remise en question des principes de concurrence au sein de l’Union européenne. Paris est également agacé par le refus allemand d'un financement communautaire des dépenses énergétiques de l'UE, qui serait analogue au fonds de relance mis en place naguère par Angela Merkel et Emmanuel Macron dans le cadre de la pandémie de Covid-19. Même le rythme de la construction européenne fait l’objet de débats. Quand Berlin défend un élargissement vers l’est, Paris plaide pour un approfondissement de l’intégration, sans craindre une Europe à plusieurs vitesses. La guerre en Ukraine est en train de modifier les équilibres en Europe, déplaçant son centre de gravité vers l’est.En conséquence, seule une entrevue restreinte entre le président Emmanuel Macron et le chancelier Olaf Scholz a finalement été organisée à Paris, le 26 octobre. A l’issue, la France et l'Allemagne ont salué un « dialogue constructif » malgré l'annulation de la conférence de presse commune. L’Élysée a ajouté que la rencontre avait conduit à la mise en place de groupes de travail en matière d’énergie, de défense et d’innovation.***TRANSITION ÉCOLOGIQUE : QUEL PILOTE QUELLES ÉTAPES ?Candidat à sa réélection, Emmanuel Macron avait promis « mon second mandat sera écologique ou ne sera pas ».  Ancienne ministre de la Transition écologique, la Première ministre a présenté le 21 octobre la méthode du gouvernement pour « planifier » la transition écologique. « Un défi immense » souligne-t-elle, alors que « nous devons faire en huit ans plus que ce que nous avons fait en trente-deux ans ». Pour atteindre les objectifs de sortie des énergies fossiles, de réduction de 55 % de nos émissions de gaz à effet de serre dès 2030 et de neutralité carbone en 2050, Elisabeth Borne appelle à une mobilisation générale, sous la bannière « France nation verte ». Elle se déclinera à travers vingt-deux chantiers, allant du transport au logement, en passant par la façon de produire, de consommer, mais aussi par la préservation de la biodiversité et des écosystèmes. Ils feront chacun l'objet d’un « plan d'actions ». Aux ministres en charge d'engager des concertations avec les acteurs économiques et politiques concernés avant mi-novembre, pour aboutir d'ici la fin de l'année à des feuilles de routes de la transition. Indicateurs, tableaux de bord et rendez-vous réguliers doivent permettre de suivre l'avancement des différents chantiers.  Grâce à un site Internet on pourra connaître l'avancement des mesures à partir de la fin de l'année. Certaines ont déjà été lancées, comme le plan sobriété ou le projet de loi sur les énergies renouvelables qui doit venir en débat le 31 octobre au Sénat. Les milliards investis, dans la rénovation thermique des bâtiments, dans le plan vélo, dans l’hydrogène, étant déjà connus, la Première ministre a tracé de grandes lignes sans rentrer dans le détail des mesures : développement des véhicules électriques, du train, de l'avion bas carbone, du recyclage, d'une nouvelle gestion de l'eau, de l'hydrogène, de l'isolation des bâtiments, des investissements verts...Parallèlement, le gouvernement prévoit sept chantiers « transversaux » : financements, accompagnement social, emplois, sobriété, exemplarité des services publics et planification territoriale. Ces « chantiers » seront pilotés directement depuis Matignon, sous l'égide du Secrétariat général à la planification écologique créé fin mai et dirigé par Antoine Peillon. Afin de plancher sur les mesures, le gouvernement s'appuiera sur un Conseil national de la refondation climat et biodiversité - un organe supplémentaire de consultation lancé le 21 octobre - regroupant des représentants de la société civile et des secteurs économiques. À terme, il devrait se décliner à l'échelon territorial. Etat, collectivités locales, entreprises et ménages, tous doivent apporter leur contribution et faire converger leurs efforts.Les plans climat dont s’est déjà dotée la France s’enchaînent : après la stratégie nationale bas carbone, le plan national d’adaptation au changement climatique, bientôt la loi de programmation énergie climat qui doit être adoptée d’ici juillet 2023. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 21 octobre 2022.Avec cette semaine :Akram Belkaïd, journaliste au Monde diplomatique.Michel Eltchaninoff, rédacteur en chef du mensuel Philosophie Magazine.Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.PÉNURIES, GRÈVES, MANIFESTATIONS : DE LA PROTESTATION À L’EXPLOSION ?Le 11 octobre, face à la grève persistante dans les stations et dépôts de carburant qui provoquait depuis plus de dix jours pénuries et files d’attente, la Première ministre Elisabeth Borne a mis a exécution sa menace de « réquisition ». Un accord salarial avait été obtenu entre la direction du groupe Esso-ExxonMobil et les syndicats majoritaires, laissant présager un déblocage progressif, chez TotalEnergies, la direction a finalement ouvert les négociations le 13 octobre.Le dimanche 16 octobre, orchestrée, par la Nouvelle Union populaire écologique et sociale, la « grande marche contre la vie chère et l’inaction climatique » a confirmé les tensions sociales qui agitent le pays. Réunissant quelque 140.000 personnes selon les organisateurs, 29.500 selon le cabinet indépendant Occurence, le mouvement préfigure, aux yeux de son principal instigateur, Jean-Luc Mélenchon, « la conjonction de la mobilisation populaire, de la mobilisation syndicale et de la crise institutionnelle ». Le soir-même, la Première ministre, a exhorté les entreprises qui le peuvent à augmenter les salaires. Lundi, le chef de l'Etat, a convoqué une réunion à l'issue de laquelle, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a annoncé que les préfets seraient « mobilisés un cran au-dessus pour accélérer l'acheminement » des carburants vers les stations.Après la mobilisation du 29 septembre, une autre journée interprofessionnelle a été lancée le 18 octobre par la CGT, avec FO, Solidaires, FSU ainsi que des mouvements de jeunesse. Premier syndicat de France, la CFDT n'a pas participé au mouvement, s'opposant ainsi aux grandes manifestations interprofessionnelles, inefficace pour obtenir des augmentations salariales dans les entreprises, selon elle. Mardi, 107.000 manifestants ont défilé en France, dont 13.000 à Paris selon le ministère de l'Intérieur. La CGT revendiquait quant à elle 70.000 manifestants à Paris et 300.000 à l'échelle nationale. Les participants défilaient pour « l'augmentation des salaires et la défense du droit de grève », selon les termes du communiqué publié la semaine dernière. Autre motif de mécontentement, qui a convaincu Force ouvrière de se joindre au mouvement : les réquisitions. Pour Martial Foucault, directeur du Cevipof, le Centre de recherches politiques de Sciences Po, « la mobilisation décevante des manifestations syndicales de ces dernières semaines montre une certaine lassitude vis-à-vis de la capacité à changer le cours de l'action de l'exécutif par la rue ».Le recours à l’article 49.3, mercredi par la Première ministre pour faire passer le budget, n'apaisera pas le débat public. Ni la manifestation organisée jeudi par l'Institut pour la justice, un think tank proche d’Éric Zemmour, pour rendre hommage à la petite Lola, tuée le 14 octobre à Paris.***AZERBAÏDJAN-ARMÉNIE : UNE GUERRE PEUT EN CACHER UNE AUTRELe conflit endémique qui oppose l'Arménie à l'Azerbaïdjan depuis le démantèlement du bloc soviétique a connu une nouvelle flambée en septembre. Durant plus de deux jours, une quinzaine de villes et de sites, civils ou militaires, arméniens ont été bombardés ou pris d'assaut par les forces azéries le long de 250 kilomètres de frontières, faisant près de 300 victimes du côté arménien. Un fragile cessez-le-feu a été signé mi-septembre. Les deux pays se rejettent la responsabilité de ces affrontements, qui ont poussé des centaines de civils arméniens vivant dans la zone frontalière à fuir.Après l'effondrement de l'Union soviétique en 1991, les Arméniens séparatistes du Nagorny Karabakh avaient unilatéralement proclamé leur indépendance. Le conflit qui a suivi avait fait 30.000 morts. En 2020, Bakou avait tenté de récupérer cette région dans une offensive qui s'était soldée par un accord de cessez-le-feu. Il actait notamment la restitution de trois quarts du territoire du Nagorny Karabakh à l’Azerbaïdjan, mais aussi « la restauration des liaisons économiques et de transport » entre l’Azerbaïdjan et sa région enclavée du Nakhitchevan, située entre la Turquie et l’Arménie. Ce point supposait la création d’un corridor (contrôlé par les forces de paix russes) en plein territoire souverain arménien. L’Arménie a refusé cette perte de souveraineté.Dénonçant une « agression » et espérant une réaction de la communauté internationale, le Premier ministre arménien a demandé « l'aide de la Russie, de l'Organisation du traité de sécurité collective [OTSC une organisation politico-militaire créée en 2002 par la Russie, l'Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan et le Tadjikistan] et du Conseil de sécurité des Nations unies ». Une délégation de l’OTSC est arrivée le 15 octobre à Erevan pour examiner la situation. Alors que Moscou est de plus en plus isolé sur la scène internationale, les États-Unis et l'Union européenne ont pris un rôle majeur de médiateurs dans le processus de normalisation entre Bakou et Erevan. La France, coprésidente du groupe de Minsk chargé d'une résolution pacifique des différends entre les deux pays avec les États-Unis et la Russie, a saisi le Conseil de sécurité de l'ONU. L'Union européenne va envoyer une « mission civile » en Arménie le long de la frontière avec l'Azerbaïdjan pour « établir la confiance » entre les deux pays et contribuer à la délimitation des frontières.A trois exceptions près (la France, l’Inde ainsi que les Etats-Unis), les commentaires officiels, y compris européens, s’en tiennent à respecter une stricte symétrie entre les parties au conflit. Le 18 juillet dernier, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a signé un accord prévoyant un doublement des importations de gaz azerbaïdjanais dans l’Union européenne. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée en public, en Suisse, à la fondation Jan Michalski le 14 octobre 2022.Avec cette semaine :Jacques Pilet, journaliste et créateur de journaux.Lucile Schmid, membre du comité de rédaction de la revue Esprit. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova.UKRAINE : « UN CHANGEMENT DE NATURE DE LA GUERRE » ? Deux jours après l’attaque qui a endommagé le pont de Crimée, sans que l’on en sache encore le responsable, la Russie a lancé le 10 octobre, 84 missiles et 24 drones suicides sur l’Ukraine, selon un décompte établi par le président ukrainien, Volodymyr Zemlinsky. La capitale, Kyiv, touchée par plusieurs projectiles, n’avait plus été visée depuis le 26 juin. Au total, 23 villes ont été pilonnées, parmi lesquelles Lviv, Kharkiv, Odessa, Dnipro ou encore Zaporijia. Plusieurs cités, situées dans l’ouest du pays, loin des combats, n’avaient pas connu un tel déluge depuis le début du conflit. Des infrastructures énergétiques mais aussi des cibles civiles, dont une aire de jeux pour enfants, ont été atteintes.Certains des missiles tombés sur la capitale ukrainienne ont été tirés du territoire biélorusse, et le maître du Kremlin a promis de monter en gamme en y stationnant également des missiles balistiques Iskander-M. Alexandre Loukachenko, qui avait jusqu’alors prêté son territoire à l’armée russe sans participer au conflit, a accusé l’Ukraine de préparer une attaque contre la Biélorussie et annoncé le déploiement de troupes communes russes et biélorusses. Il a également accusé deux autres pays voisins, la Pologne et la Lituanie, d'accueillir des « combattants » qui prépareraient « des sabotages, des actes terroristes et un soulèvement militaire dans notre pays. Cela devient une menace directe ». L'armée biélorusse peu entraînée ne compte que 45.000 hommes dans les forces actives.L'ONU a dénoncé une « escalade inacceptable de la guerre ». Ces « frappes délibérées de la Russie sur l'ensemble du territoire ukrainien et contre des civils, c'est un changement profond de la nature de cette guerre », a commenté pour sa part Emmanuel Macron. Pour le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kouleba, « Poutine est désespéré à cause des défaites sur le champ de bataille, et il utilise le terrorisme des missiles pour essayer de changer le rythme de la guerre en sa faveur », Ces nouvelles frappes russes ont incité l'Europe et les Etats-Unis à poursuivre et à amplifier leur aide à l'Ukraine. Kyiv recevra plus rapidement des systèmes de défense antiaérienne sophistiqués et, peut-être, des armes offensives à longue portée. Joe Biden a promis des systèmes avancés de défense aérienne. La ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a confirmé la livraison « dans les prochains jours » de systèmes Iris-T, créant une bulle de protection de 20 kilomètres de hauteur et de 40 kilomètres de largeur.Deux jours avant les frappes, la nomination, à la tête des troupes russes en Ukraine de Sergueï Sourovikine, connu pour ses faits d’armes « non conventionnels » en Syrie, a été saluée par les faucons du régime. Sergueï Sourovikine doit son surnom de « général Armageddon » à ses exploits comme commandant le détachement russe venu en aide au régime de Bachar El-Assad en Syrie, et notamment à la destruction d’Alep où il aurait recouru, selon l’ONG Human Right Watch à des armes chimiques. Les frappes aériennes massives et indiscriminées du 10 octobre semblent être sa « signature ».***LA GAUCHE DE GOUVERNEMENT TROUVERA-T-ELLE UN MODÈLE EN AMÉRIQUE LATINE, SI BOLSONARO PERDAIT ? Après une décennie de régimes de droite, avec désormais six de ses sept États les plus peuplés classés à gauche, l’Amérique latine apparaît désormais plus rouge (ou rose) que n'importe quelle autre région du monde. Si au Brésil, l'ancien président de gauche Lula l’emportait contre le chef de l'État d'extrême droite Jair Bolsonaro lors du deuxième tour du scrutin présidentiel le 30 octobre prochain, c'est 90 % de la population du sous-continent qui pourraient vivre sous un gouvernement de gauche en 2022. Ce mouvement a débuté avec la victoire d'Andres Manuel Lopez Obrador au Mexique, en juillet 2018, puis celle d'Alberto Fernandez en Argentine en octobre 2019 ; suivirent celles de Luis Arce en Bolivie en octobre 2020, de Pedro Castillo au Pérou en juillet 2021, de Xiomara Castro au Honduras en novembre 2021, de Gabriel Boric au Chili en décembre 2021, et enfin celle de Gustavo Petro en Colombie en juin 2022.Des gauches de tendances différentes : les unes progressistes, les autres plus populistes, certaines comme le Venezuela, le Nicaragua et Cuba font bon marché de la démocratie. Les programmes de Gabriel Boric, Xiamora Castro ou Gustavo Petro s'inspirent plus des revendications environnementales et de celles portant sur l'égalité de genres que des préceptes révolutionnaires d'antan. Les gauches démocratiques d'Amérique latine se retrouvent dans leur projet de justice sociale et de lutte contre les inégalités. Mais celles-ci disposent de marges de manœuvre plus limitées qu'à l'époque de la première « vague rose », au début des années 2000, quand les dirigeants profitaient de l'explosion du cours des matières premières pour financer leurs politiques redistributives, sans procéder à des réformes fiscales d'ampleur.Pour autant, « dire que le balancier repart à gauche en Amérique latine est un peu simpliste, estime Christophe Ventura, expert de l'Amérique latine à l'Iris. Il s'agit surtout d'une vague de dégagisme. La droite est revenue au pouvoir dans les années 2010 et elle est à son tour sanctionnée depuis quelques années. » Le mécontentement contre les régimes de droite a été notamment nourri par la crise sanitaire liée à la pandémie, qui a encore plus creusé les inégalités : la pauvreté extrême est passée dans la région de 13,1 % à 13,8 % entre 2020 et 2021, « un recul de vingt-sept ans », selon la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes de l’ONU.Au Brésil, au terme du premier tour de l’élection présidentielle, le 2 octobre, Lula a terminé en tête avec 48,43 % des voix contre 43,2 % à Bolsonaro, qui réalise un score bien plus élevé que celui prévu par les instituts de sondage. A peine 5 points, soit 6 millions de voix seulement (sur un total 123 millions de suffrages) séparent deux hommes, qui se retrouveront pour un second tour incertain le 30 octobre. Lula demeure le favori du scrutin. Mais un favori fragilisé, placé sur la défensive. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 29 septembre 2022.Avec cette semaine :Pauline Schnapper, professeure à la Sorbonne Nouvelle.Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova.LE ROYAUME-UNI DANS LA TOURMENTE Avec la mort de la reine Elizabeth II, la Grande-Bretagne a perdu un symbole majeur de son unité. Au terme de dix jours de deuil national, le Royaume s’est éveillé avec une Première ministre novice et déjà mal-aimée, héritière d’un Boris Johnson qui est passé, en trois ans seulement, d’un triomphe électoral à une démission forcée en juin dernier. Les critiques sur sa gestion de la crise sanitaire, le « Partygate » ou encore les premières conséquences désagréables d’un Brexit dur, auront eu raison de l’ancien maire de Londres, lâché par les siens. La tâche qu’il lègue à son héritière, la très libérale Liz Truss, s’annonce donc considérable à l’image tant de la chute de la livre que du tollé a provoqué par le projet de déporter les demandeurs d’asile au Rwanda, le temps de traiter leur dossier. L’inflation qui frappe durement le pays met en avant les inégalités profondes d’un Royaume qui a vu la décrépitude de ses services publics depuis les années 70. En témoigne l’état du système de santé, la NHS, si chère aux Britanniques, qui s’est retrouvée au bord de l’implosion durant la crise sanitaire, faute de financements et de main d’œuvre étrangère. Le climat social est particulièrement tendu. Les coûts de l’énergie et les conditions de travail ont poussé récemment les cheminots et le personnel soignant dans la rue. Certains Britanniques se retrouvent déjà dans l’incapacité de payer leurs factures énergétiques tandis qu’un mouvement citoyen appelle à ne pas les régler, en signe de protestation. Une fronde dont le Labour de Keir Starmer ne parvient pas pour l’instant à tirer pleinement profit. Les échecs des Tories et les complications post-Brexit ont alimenté les mouvements nationalistes et indépendantistes du Royaume. Une Ecosse qui avait voté à 62% pour rester dans l’UE en 2016, a vu la nette victoire du Scottish National Party de Nicola Sturgeon et de ses alliés aux élections générales de 2019. Depuis les tensions demeurent grandes entre Londres et Édimbourg, notamment autour de la question de la tenue d’un nouveau referendum sur l’indépendance promis pour fin 2023 par les indépendantistes, mais désavoué par le 10 Downing Street. De même, les contrôles douaniers en mer d’Irlande ont contribué à la victoire historique du parti nationaliste irlandais Sein Fein devant les unionistes du DUP.Depuis la sortie de l’UE, c’est aussi une nouvelle place internationale qui est en jeu pour le Royaume-Uni, dont le PIB est désormais inférieur à celui de l’Inde. Le projet « Global Britain » présenté par Boris Johnson dès 2020, défend la vision d’une puissance britannique mondiale. Londres a déjà été récompensé de sa fidélité atlantiste avec la place prépondérante qu’elle tient dans l’alliance militaire AUKUS avec les Etats-Unis et l’Australie. Le gouvernement britannique s’est également aligné sur la position américaine en soutenant rapidement et massivement l’Ukraine. “Global Britain” veut aussi s'appuyer sur un Commowealth fort et soudé, défi que la disparition de la reine ne rend pas plus aisé.  Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École alsacienne le 2 octobre 2022.Avec cette semaine :Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.Lucile Schmid, membre du comité de rédaction de la revue Esprit. GUERRE EN UKRAINE, APRÈS L’ANNEXION DE 4 RÉGIONS Face aux succès de la contre-offensive ukrainienne, notamment entre Kharkiv et Izioum, ces dernières semaines, Vladimir Poutine a choisi l'escalade. Après avoir annoncé la tenue de référendums dans quatre régions ukrainiennes contrôlées par Moscou en Ukraine, après avoir décrété le 21 septembre la « mobilisation partielle » des réservistes de son armée, entre 300.000 et 1 million d'hommes selon les sources - une initiative sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale – le président russe a de nouveau procédé à un chantage nucléaire.L’appel à la mobilisation a provoqué un vent de panique en Russie : des manifestations contre l'appel sous les drapeaux se sont déroulées dans une quarantaine de villes du pays, notamment au Daguestan, dans le Caucase, l'une des régions ayant payé le plus fort tribut à la guerre en Ukraine en hommes tombés au front. Plusieurs centres d'appel sous les drapeaux à Nijni-Novgorod, Orenbourg et Saint-Pétersbourg, ont été incendié. Plus de 2.400 personnes ont été arrêtées depuis l'annonce de la mobilisation. Des milliers de jeunes Russes se sont rués dans les aéroports et aux frontières pour tenter d'échapper à l’enrôlement. Cette nouvelle vague d'exode a déferlé sur les pays voisins, telle la Géorgie, avant que certains ne ferment leurs frontières, à l'exemple de la Finlande et des pays Baltes. Le Kazakhstan a indiqué mardi que 98.000 Russes avaient déjà trouvé refuge sur son territoire.Les scrutins ont été organisés en urgence du 23 au 27 septembre, dans les régions de Zaporijjia, Kherson, Louhansk et Donetsk. Mardi, les autorités prorusses revendiquaient la victoire avec 93%, 87%, 98% et 99% de « oui » à l'annexion à la Russie. Les fraudes et les pressions ont été patentes : les agents électoraux se sont déplacés au domicile des électeurs, accompagnés de soldats ; les bureaux de vote, également placés sous haute surveillance, ne disposaient souvent pas d'isoloirs. Qualifiés de « mascarades » par Paris et de « simulacres » par l'Ukraine, ils ont suscité de la réprobation jusqu'à Pékin et Ankara.Vendredi Poutine a officialisé l'annexion des quatre régions ukrainiennes et promis de les défendre « par tous les moyens possibles » tout en se disant prêt à retourner à la table des négociations. Il s’est ensuite livré à une diatribe non plus contre Kiev mais contre l’Occident tout entier, accusant les Etats-Unis et l’Union européenne d’être des puissances « russophobes », « haïssant la vérité » et « colonisatrices », qui imposent un « diktat sur le monde » en usant de « racisme », de « barbarie » et même de « satanisme ».Peu après, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé que son pays était candidat à rejoindre au plus vite l’Otan. Pour Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du Centre Russie-Nouveaux Etats indépendants, à l’Institut français des relations internationales, « le risque d’une confrontation potentielle directe entre la Russie et l’OTAN n’a jamais été si élevé ».***PEUT-ON DÉPENSER SUR TOUS LES FRONTS : DÉFENSE, ÉCOLOGIE, ÉDUCATION, SANTÉ ?  Le 26 septembre, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a présenté un budget 2023 de « protection » et de « plein emploi », calculé « à l’euro près ». Le projet de loi de finances entérine une hausse de 24 milliards des crédits ministériels et une augmentation des effectifs de l'État de plus de 10.000 postes l'an prochain. Le bouclier tarifaire sera reconduit en 2023, mais les particuliers devront encaisser une augmentation de 15 % des factures de gaz et d'électricité.Le ministère du Travail et de l'Emploi en passant de 14,5 à 20,7 milliards d'euros, bénéficie de la hausse de crédits la plus importante. Ses effectifs devraient aussi gonfler d'un millier de personnes. L'éducation voit son budget renforcé et passe de 56,5 milliards d'euros à 60,2 milliards. Avec la dégradation spectaculaire de l'équilibre international, le budget des armées a été augmenté de 3 milliards et atteindra 43,9 milliards d'euros. Le ministère de l'Agriculture sera doté d'un budget de 5,987 milliards d'euros, en hausse de plus de 20%. Dans ce budget qui fait la part belle aux ministères régaliens, celui de la Justice voit sa dotation passer de 8,9 à 9,6 milliards d'euros. Cette augmentation s'explique principalement par le recrutement de 2.300 personnels supplémentaires. Le budget 2023 du ministère des Outre-mer est en hausse de 11%, atteignant les 2,4 milliards d'euros de crédits budgétaires, avec notamment une augmentation des crédits du service militaire adapté. Avec la création de 3.100 postes supplémentaires, le ministère de l'Intérieur est celui qui enregistrera la plus grande hausse d’effectifs en 2023. Le budget alloué aux « Sécurités » passe ainsi de 14,7 à 15,8 milliards d'euros. Les quelques rares ministères perdants sont celui de l'Économie qui voit ses crédits passer de 4,1 à 3,7 milliards d'euros et la suppression de 508 postes ; le budget du ministère des Anciens combattants passe, lui, de 2,1 à 1,9 milliard d'euros. Enfin, certains plans d'investissements vont réduire la voilure en 2023.Au total, l'exécutif prévoit un bond des dépenses de près de 40 milliards d'euros entre la loi de finances initiale en 2022 et le projet de loi de finances 2023 passant de 461,5 milliards d'euros à 500,2 milliards d'euros l'année prochaine. Cette enveloppe pourrait être amenée à gonfler en fonction de l'évolution du contexte géopolitique et des prix de l'énergie. Le Haut Conseil des finances publiques, un organisme indépendant rattaché à la Cour des comptes a jugé « peu ambitieuse » la trajectoire de maîtrise des finances publiques sur les cinq prochaines années. Il estime que « l'effort de la maîtrise de la dépense n'est que partiellement documenté ». En 2022, le taux d'endettement public est de 116 % du PIB, le déficit public de l'ordre de 5,5 % du PIB.Plusieurs partis d'opposition (Nupes, Rassemblement national) ont déjà fait savoir qu'ils n'allaient pas voter ce budget. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne conversation entre Sandy Vercruyssen et Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 1er juillet 2022.Professeure de français, dans l’un des 384 collèges classés Zone d’éducation Prioritaire, Sandy Vercruyssen s’appuie sur la pratique du théâtre et de la radio, ainsi que sur le soutien du Pass Culture et de la Cité éducative, pour corriger l’impact des inégalités sociales et économiques sur la réussite scolaire. Voilà quelques enseignements que l’on peut retenir de cet échange : . Le collège Pablo Neruda dispose d’un studio de radio dans lequel les élèves de 4ème ont réalisé de courts journaux d’informations, mais aussi inventé des interviews décalées de Molière.·      L’écriture et l’enregistrement d'émission de radio ont permis à ses élèves, habitant une cité très enclavée d'Aulnay-sous-Bois, de se familiariser avec ce média qui leur est assez étranger dans ce monde de l’image dans lequel ils évoluent.·      Le Pass Culture se révèle être un outil formidable qui permet de financer et de réserver plus simplement des sorties culturelles. Le point noir reste la question du transport qui n’est pas pris en charge par le Pass Culture.·     La Cité éducative qui sert à faire le lien entre les différents établissements scolaires de la commune d’Aulnay-sous-Bois crée des synergies et permet de repérer des situations compliquées chez les élèves. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 23 septembre 2022.Avec cette semaine :Nicolas Baverez, essayiste et avocat.François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France.Matthias Fekl, avocat et ancien ministre de l’Intérieur.Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova.LA RÉCESSION QUI MENACEDans leurs prévisions publiées fin juillet, les experts du FMI expliquaient qu'une chute de l'activité n'est pas leur scénario central (malgré le recul enregistré au printemps) avant d'affirmer cependant que « le risque de récession est particulièrement proéminent en 2023 » tandis que l'agence de notation Fitch évoque des « probabilités croissantes de récession ». Tout dépend de ce que l'on appelle récession. Il fut un temps où les prévisionnistes parlaient de récession mondiale lorsque la croissance annuelle du PIB descendait au-dessous de 3 %. Avec cette définition large, une récession mondiale paraît désormais inévitable dès cette année, l'an prochain au plus tard. Il en va autrement avec la définition désormais la plus courante de la récession : une baisse de la production sur une année. Contrairement à ce qui s'est passé en 2009 après la crise financière, puis en 2020 avec le Covid, l'activité mondiale devrait tout de même progresser en 2022, mais à un rythme bien moindre que lors des deux dernières décennies, où la moyenne fut proche de 4 % l'an.Selon le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, une récession ne devrait pas intervenir en France en 2022, mais « pour 2023, rien ne peut être exclu dans la période de grandes incertitudes que nous vivons, mais nous nous attendons pour la France à un net ralentissement plutôt qu'à une récession ». Un scénario d'autant plus probable que la Banque centrale européenne (BCE) envisage de relever ses taux de 75 points de base en septembre face à une inflation qui frôle les deux chiffres. De son côté, la Première ministre prévoit que la France atteindra le pic de l'inflation « au cours de l'année 2023 ». Le 15 septembre, la Banque de France a publié ses prévisions de croissance pour les deux ans à venir. Si elle s'attend à une solide croissance du produit intérieur brut de 2,6 % cette année, proche de la prévision du gouvernement (2,7 %), elle table désormais sur une croissance du PIB de 0,5% en 2023 contre 1,2% en juin dernier dans son scénario central. En cas de fermeture complète du robinet du gaz russe et de coupures électriques, l'économie française pourrait plonger en récession estime l'institution bancaire dans son scénario le plus sombre. Les experts de la Banque de France misent cependant sur un franc rebond dès 2024 avec une croissance de 1,8 %. Au cœur de cet optimisme, la prévision d'une nette décrue de l'inflation d'ici deux ans. Pour 2023, la Banque de France s'attend à des hausses de prix encore très élevées, entre 4,2 % et 6,9 %, après 5,8 % en 2022. Mais en 2024, l'inflation redescendrait à 2,7 %.À deux semaines de la présentation du budget 2023, le gouvernement table sur une croissance de 1% pour l'année prochaine contre 1,4% précédemment et exclut pour l'instant le scénario noir d'une récession, même si la conjoncture internationale ne cesse de se dégrader.***LE SOMMET DE SAMARCANDELes 15 et 16 septembre, l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) s’est réunie, pour son 22ème sommet, à Samarcande en Ouzbékistan. Composée à sa création en 2001 de six pays – la Chine, la Russie et quatre États d’Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan) tous issus de l’ex-Union soviétique –, l’OCS regroupe près de la moitié de la population mondiale aujourd’hui (42%). L’Inde et le Pakistan y ont fait leur entrée en 2017 et l’Iran vient d’y être admise. Plusieurs pays frappent à sa porte : Biélorussie, Égypte, Arabie saoudite, Qatar, Bahreïn, Maldives, Émirats arabes unis, Koweït et Birmanie. Sans parler de la Turquie, dont le président, Recep Tayyip Erdogan assistait au sommet. L'OCS visait à ses débuts à assurer la sécurité collective de ses adhérents face aux menaces « du terrorisme, de l'extrémisme et du séparatisme ». Ni organisation d'intégration politique comme l'Union européenne, ni alliance militaire comme l'OTAN, l’OCS conduit cependant régulièrement des exercices antiterroristes communs sous le nom de « Peace mission». Aucune femme ne figurait sur la photo de famille.Alors que le Premier ministre indien a signifié au président Vladimir Poutine que l’heure n’est « pas à la guerre », insistant sur « l'importance de la démocratie, de la diplomatie et du dialogue », le président russe a admis lors de sa rencontre avec son homologue chinois que Pékin avait manifesté des préoccupations sur la guerre en Ukraine. Si la Chine partage la lecture du conflit que promeut Moscou, qui en attribue l’origine à l’extension de l’OTAN en Europe centrale et si elle condamne les sanctions occidentales, elle ne les viole cependant pas et ne fournit ni armes, ni composants industriels à la Russie.Selon Xi Jinping « le monde d’aujourd’hui est loin d’être en paix et la concurrence entre deux orientations politiques, l’une marquée par la solidarité et la coopération, l’autre par la division et la confrontation, se fait avec une acuité croissante ». Le dirigeant chinois considère l’OCS comme l'expression de ce que pourrait être un ordre mondial alternatif à celui sur lequel les Occidentaux s’appuient. Il a appelé ses collègues à « travailler ensemble à la promotion d'un ordre international dans une direction plus juste et rationnelle ». Cependant, l'OCS n'est pas exempte de tensions entre certains de ses membres, à l'instar de l'Inde et du Pakistan, et de l'Inde et de la Chine. Aucun pays d’Asie Centrale n’a reconnu l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014. Interprétée comme une tentative de restauration de l’hégémonie russe, l’invasion de l’Ukraine est perçue négativement dans les ex-républiques soviétiques. D’autant plus que la rhétorique russe à l’égard de ces pays d’Asie centrale est devenue plus menaçante et que les tensions se multiplient dans la région comme récemment avec l’Arménie. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 16 septembre 2022.Avec cette semaine :Akram Belkaïd, journaliste au Monde diplomatique.Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef du quotidien La Croix. Lucile Schmid, membre du comité de rédaction de la revue Esprit. L’ÉCOLOGIE ENTRE CONSENSUS ET GUERRE CIVILEAu milieu de crises énergétique et alimentaire, après une saison de canicules, d’incendies et de sécheresses, l'écologie s’impose comme une priorité dans toutes les études d’opinion. Si le GIEC appelait, début avril, à des mesures immédiates, radicales et dans tous les secteurs pour « garantir un avenir vivable », si la réponse du gouvernement français « progresse », elle reste « insuffisante », a averti le Haut Conseil pour le climat, dans son rapport annuel. Candidat à sa réélection, Emmanuel Macron, avait affirmé le 16 avril « la politique que je mènerai dans les cinq ans à venir sera écologique ou ne sera pas ». Il a installé à la tête du gouvernement une Première ministre directement chargée de la planification écologique et énergétique : Elisabeth Borne, ancienne ministre de la transition écologique lors du premier quinquennat. Dans son discours de politique générale à l’Assemblée nationale, le 6 juillet, elle a annoncé « des transformations radicales dans notre manière de produire, de nous loger, de nous déplacer, de consommer ». Toutefois, l’urgence écologique n’a été évoquée qu’en troisième position – après l’enjeu du pouvoir d’achat et le défi du plein-emploi. et Christophe Béchu, le nouveau ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, a été rétrogradé, dans l’ordre protocolaire, de la cinquième place occupée par sa prédécesseure, Amélie de Montchalin, à la dixième place. Autre innovation du gouvernement, la création d’un secrétariat général à la planification écologique, rattaché à la Première ministre afin d’aller « deux fois plus vite » pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.Dans l’opposition, La France Insoumise revendique de porter, tout autant sinon plus qu’Europe écologie les verts, un projet pour le climat, tandis que depuis leur échec à la présidentielle (4,63 %), les écologistes cherchent à réorganiser leur parti pour tenter de gagner des batailles politiques et plus seulement d’opinion. C'est l'enjeu de leur prochain congrès prévu le premier week-end de décembre. Déjà, un florilège de prémotions a commencé à voir le jour. La motion majoritaire, Grandir ensemble a lancé fin juillet une demande de « référendum d'initiative militante » invitant les 13.000 adhérents écologistes à se prononcer sur un « nouveau parti de l'écologie politique » pour en faire une « machine de guerre » électorale.Dans les médias, les tribunes en faveur de l’écologie se multiplient : des élus écologistes tels l’eurodéputée Karima Delli et le député du Val-d’Oise Aurélien Taché, appellent à s’appuyer sur les militants de terrain pour inventer une écologie renouvelée, radicale et pragmatique. D’autres militants de l’environnement, dont Corinne Lepage, appellent à faire émerger une écologie politique innovante, et regrettent que l’écologie politique, telle qu’elle est représentée en France, se réduise à un mouvement ancré à l’extrême gauche. A droite, certains plaident en faveur d’une écologie positive. A chacun son écologie.***EXTRÊME DROITE SUÉDOISE ET ITALIENNEEn Suède, à l’issue des élections législatives du 11 septembre, le bloc composé de la droite libérale conservatrice et de l’extrême droite l’a emporté avec 176 députés contre 173 pour le centre gauche et les Verts. Le parti d’extrême droite les Démocrates de Suède (DS) est devenu la première force à droite et le deuxième parti du pays derrière les sociaux-démocrates, avec 20,5 % des voix. Créé en 1988 par d'anciens néonazis du parti Reich nordique, le mouvement les Démocrates de Suède a connu une progression fulgurante : 5 % des suffrages en 2010, 12 % en 2018 et aujourd’hui plus de 20%. Pour la première fois dans l'histoire du pays, les sondages d'opinion indiquent que la criminalité est la principale préoccupation des Suédois. En cause, la multiplication, cet été, des règlements de comptes entre bandes criminelles et l'insécurité croissante dans les banlieues et dans les centres-villes qui ont contribué à relancer les Démocrates de Suède. Chef de SD depuis dix-sept ans, Jimmie Akesson n'a eu de cesse de critiquer « l'islamisation » du pays et de dénoncer « le laxisme » des gouvernements successifs dans le domaine de l'immigration. Dans ce pays, 20 % des 10 millions d'habitants sont nés à l'étranger, selon des statistiques officielles de fin 2021, soit un doublement en deux décennies. Le fait est que l'extrême droite n'est plus pestiférée comme elle l'a longtemps été, tant sur la scène politique que dans les médias suédois. « En Suède, lier immigration et insécurité a longtemps été perçu comme un discours extrémiste, voire dangereux. Ce n'est plus le cas », observe Anders Hellström, professeur associé à l'Institut de recherche sur les migrations et la diversité à l'université de Malmö. En politique étrangère, le SD a renoncé au « Swexit » mais reste fortement eurosceptique alors que la Suède accédera en janvier à la présidence de l'Union européenne.En Italie, la jeune leader d'extrême droite italienne Giorgia Meloni, caracole en tête des sondages pour les législatives du 25 septembre prochain. Elle pourrait devenir la première femme présidente du Conseil du pays. Son parti, Fratelli d'Italia, est crédité d'environ 25% des intentions de vote. Il domine la coalition de droite composée de la Ligue de Matteo Salvini (12,9%) et de Forza Italia de Silvio Berlusconi (11,4%). Son programme : la protection de la famille traditionnelle contre les droits LGBTQIA +, un souverainisme exacerbé contre le « danger chinois », un euroscepticisme virulent avec pour cible les technocrates bruxellois, enfin une lutte inflexible contre l'immigration qu’illustre son projet d'instaurer un blocus naval au large des côtes africaines. Elle refuse catégoriquement de retirer La flamme (fasciste) du Mouvement social italien qui trône sur l'emblème de Fratelli d'Italia. Si elle ne plaide plus pour la sortie de l'Union européenne et l'abandon de l'euro elle prône cependant une révision des traités pour recouvrer plus de souveraineté économique ainsi qu'une renégociation des priorités du plan de relance. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 9 septembre 2022.Avec cette semaine :Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. REFONDATION NÉCESSAIRE ? CONCERTATION POSSIBLE ?Le président de la République a lancé jeudi, à Marcoussis dans l’Essonne, le Conseil national de la refondation (CNR), symbole de sa « nouvelle méthode » : le dialogue. Selon l'Élysée, « il s'agit de revivifier notre démocratie et faire face à d'immenses défis », de « recréer la confiance ». Le Haut-Commissaire au Plan et principal allié de LREM François Bayrou (MoDem) en est le secrétaire général. Parmi les thèmes abordés figurent le plein emploi, l’école, la santé, le bien-vieillir et la transition écologique. Destiné à réunir acteurs politiques, syndicats, associations et citoyens pour réfléchir aux grands sujets du moment, le CNR est qualifié de « bidule macroniste » par Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains au Sénat, d’« objet politique non identifié », par le sénateur socialiste Patrick Kanner ou de « saison 2 du bla-bla » par le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon. De LR au Rassemblement national en passant par les Verts, les « insoumis », les socialistes et les communistes, tous ont fait savoir qu’ils boycotteraient les discussions. Même l’ancien Premier ministre, Edouard Philippe sera absent. Le président (LR) du Sénat, Gérard Larcher redoute que le CNR ne vise à contourner le Parlement. D’autres soulignent une instance à faible valeur ajoutée au regard du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Même si l’Élysée martèle qu’« il s’agit d’une méthode de concertation, et non d’une nouvelle structure ou institution ». En revanche, les principales associations d'élus ont finalement accepté de participer à son lancement après avoir obtenu des réunions régulières avec Emmanuel Macron. Le Medef, La CFDT, la CFE-CGC et la CFTC ont également répondu à l’invitation.L'idée, de ce CNR avait été lancée par Emmanuel Macron juste avant les élections législatives de juin dernier. Le « clin d’œil » au Conseil national de la résistance est assumé. Fondé par Jean Moulin en 1943, il avait adopté en 1944 un programme pour relever la France anéantie par l'occupation nazie. Un programme qui dessinait notamment les contours de l'État-providence. Regroupant tous les mouvements politiques de la Résistance intérieure, ce fut un moment rare d'union nationale avant que la politique et ses divisions ne reprenne ses droits en 1947. « Nous vivons un temps comparable, a assuré Emmanuel Macron. Nous sommes dans une ère historique qui impose de changer profondément de modèle et puis la guerre est là ».La journée de jeudi a démarré par un état de la situation du pays : une présentation des finances publiques par Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, de l’économie par François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, et des enjeux climatiques par Corinne Le Quéré, présidente du Haut Conseil pour le climat. Pour François Bayrou « ce qui est en jeu, c'est notre vie pour les années qui viennent et nos raisons de vivre pour les années qui viennent ».***TENSIONS À TAÏWANLa tension est montée d'un cran début août, après à la visite à Taïwan de la présidente américaine de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi. En représailles, l'armée chinoise a lancé d'importantes manœuvres militaires, allant jusqu'à simuler un blocus de Taïwan. Le Parti communiste chinois s'insurge contre toute action diplomatique susceptible de conférer une légitimité à Taïwan et réagit avec une agressivité croissante aux visites de responsables occidentaux.L’élection à Taïwan, en 2016, de la démocrate Tsai Ing-wen plus souverainiste que son prédécesseur du Kouomintang traditionnellement ouvert à la Chine, a grandement mécontenté le président chinois Xi Jing Ping. Selon le dernier sondage d'opinion réalisé en juin 2022, seul 2% de la population taïwanaise est favorable à une réunification de l'île et du continent. Xi Jing Ping doit soigner sa stature d'homme fort avant le 20ème Congrès du PCC à l'automne et une session plénière de l'Assemblée nationale populaire en 2023 où il devrait briguer un troisième mandat présidentiel de cinq ans. Selon lui, l’« unification » avec Taïwan est une priorité qui « ne peut être laissée aux générations futures ». Le 10 août, Pékin a publié un Livre blanc consacré à Taïwan, le premier depuis 2000, et « le plus ferme jamais écrit » contre l’indépendance de l’île, d'après le journal nationaliste pékinois Huanqiu Shibao. Le spectre d’un conflit armé opposant Pékin et Taipei plane sur le détroit de Formose depuis 70 ans, lorsque les troupes nationalistes du Kuomintang se sont installées sur l'île, fuyant l'avancée des communistes de Mao.En 2022, Taïwan a porté son budget militaire à un niveau record, près de 15 milliards de dollars, mais selon le think-tank américain Council on Foreign Relations, « les dépenses de la Chine seraient environ vingt-deux fois supérieures à celles de Taïwan ». L’armée chinoise, l’Armée populaire de libération compte plus de deux millions d’hommes et de femmes d’active, dont près d’un million rattachés à l’armée de terre, à quoi s’ajoutent 500.000 paramilitaires mobilisables et 500.000 réservistes. En comparaison, l’armée taïwanaise aligne 169.000 militaires d’active, mais peut compter sur près de 1,66 million de réservistes, selon le rapport 2022 de l’International Institute for Strategic Studies. Début septembre, la Chine a demandé aux Etats-Unis de renoncer « immédiatement » à la vente, pour 1,1 milliard de dollars d'armes à Taïwan menaçant dans le cas contraire de prendre des « contre-mesures ».Traditionnellement, les Etats-Unis avaient adopté une position d’« ambiguïté stratégique » consistant à ne pas dire clairement s’ils défendraient Taïwan en cas d’attaque chinoise. Mais depuis deux ans le président Joe Biden a affirmé à plusieurs reprises que son pays défendrait l’île si la Chine l’attaquait.Le piège de Thucydide, qui veut qu'une puissance dominante soit souvent poussée à entrer en guerre avec une puissance émergente, va-t-il se refermer sur les Etats-Unis et la Chine ? Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École alsacienne le 4 septembre 2022.Avec cette semaine :David Djaïz, essayiste et enseignant à Sciences Po.Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova.Fin de l’abondance, crise ou défi ? En conseil des ministres, le 24 août, le président a annoncé la « fin de l’abondance, de l’insouciance et des évidences ». La « fin de l’abondance », c’est celle de l’accès aux matières premières et aux produits « qui nous semblaient perpétuellement disponibles », a reconnu Emmanuel Macron. La crise sanitaire puis le conflit ukrainien ont réduit la voilure des échanges internationaux et l’espoir d’une mondialisation heureuse. C’est aussi l’accès à l’eau, raréfié en raison du réchauffement climatique, mais également celui aux « liquidités sans coût », a ajouté le chef de l’Etat. Les taux d’intérêt négatifs appartiennent désormais au passé. « Nous aurons à en tirer les conséquences en termes de finances publiques », a prévenu M. Macron. Il y a cinquante ans, le Club de Rome, un cercle de responsables économiques et politiques occidentaux, lançait un cri d'alarme. Reprenant le discours « malthusien » d'un révérend, Thomas Robert Malthus, auteur d'un Essai sur le principe de population publié à Londres en 1798, il affirmait : « Si les rythmes de croissance et donc la surconsommation des réserves se poursuivent, les limites seront atteintes au siècle prochain. » Après le choc pétrolier de 1973, Pierre Messmer, alors Premier ministre, ne disait pas autre chose en annonçant, la fin de l'énergie illimitée et bon marché.Après un été marqué par la canicule, la sécheresse et des incendies de forêt hors norme, l'enjeu est au cœur de la rentrée politique de la Première ministre, à travers un entretien au Parisien, le 28 août, son discours aux entrepreneurs, le 29, puis un séminaire ministériel à l'Élysée, le 31. Devenue plus populaire que le président, elle aura la lourde tâche de vendre aux Français son grand plan pour une sobriété choisie plutôt que subie, une sobriété juste et équitablement répartie. Pour le court terme, il convient d’« arrêter dès maintenant toutes les consommations d'énergies qui ne sont pas indispensables ». Dans ce but, elle en a appelé à « la responsabilité collective » : État, collectivités publiques, entreprises, associations et particuliers. Pour le plus long terme, le gouvernement prépare « un plan global et complet : se déplacer, se nourrir, produire, se loger, consommer », a détaillé Élisabeth Borne. Celui-ci sera élaboré « à l'automne », secteur par secteur, avec les ministres concernés. Trois premiers chantiers vont être lancés « dès septembre » : la forêt, l'eau et la production d'énergies décarbonnées, qu'il s'agisse du nucléaire ou de l'accélération du déploiement des sources renouvelables. Son suivi sera réalisé par le nouveau secrétaire général à la planification écologique, Antoine Pellion.En annonçant « la fin de l'abondance », Emmanuel Macron a réalisé une improbable union des oppositions ; les uns criant à l'insulte pour les plus modestes, privés d'abondance ; les autres dénonçant un discours aux résonances décroissantes. Selon un sondage Elabe publié le 24 août, les trois premiers mots évoqués par les sondés pour qualifier cette rentrée sont « lassitude », « nostalgie » et « tristesse », la « sérénité » ne pointant qu'en quatrième position. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 8 avril 2022.Avec cette semaine :Bart Van Loo, écrivain, auteur de Les Téméraires Quand la Bourgogne défiait l’Europe.Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée Nationale.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.Les Téméraires, quand la Bourgogne défiait l’EuropeBart Van Loo, vous êtes écrivain, vous avez enseigné le français et écrit plusieurs livres sur l’histoire et la littérature française. Vous êtes aussi Belge, néerlandophone, et marié à une Bourguignonne. Votre dernier livre est dédié à votre femme : « À mon épouse bourguignonne, rentrée chez elle en Flandre ». Dans cet ouvrage vous retracez l’histoire des ducs de Bourgogne et montrez leur rôle dans la genèse des Plats Pays, qui deviendraient plus tard les Pays-Bas et la Belgique. Ce livre, traduit en français sous le titre Les Téméraires. Quand la Bourgogne défiait l’Europe, s’est vendu à plus de 300 000 exemplaires dans plusieurs pays européens. Remarquant que la Bourgogne est souvent laissée pour compte dans l’histoire de France, et également mal connue en Belgique, vous avez entrepris de revenir sur les traces des ducs bourguignons : Philippe le Hardi, Jean sans Peur, Philippe le Bon et Charles le Téméraire. Bien que vous ayez fait des études de philologie romane, c’est ici plus en conteur que vous traversez les siècles, de l’arrivée des Burgondes en Occident en 506 à la naissance de Charles Quint en 1500. Le duché de Bourgogne est né autour de la région française du même nom, et même plus précisément de la Bourgogne-Franche-Comté « réunifiée » par la réforme administrative de 2016 qui a reproduit de manière fortuite des frontières proches de celles du royaume de Gondebaud aux Ve et VIe siècles. Mais les efforts des ducs de Bourgogne aux XIVe et XVe siècles se sont surtout déployés vers les Plats Pays : des terres marécageuses des Flandres, ils ont su faire une région prospère que vous qualifiez même de berceau du capitalisme en Europe occidentale. Les ducs de Bourgogne ont progressivement unifié ces territoires qui forment ce qu’on appelle à partir de Charles le Téméraire les « Dix-Sept Provinces » et qui deviendront au XVIe siècle les Pays-Bas espagnols et les Provinces-Unies. Ils y mènent des réformes juridiques, financières, et répriment fréquemment les soulèvements des villes comme Bruges et Gand. L’histoire du duché de Bourgogne que vous racontez, c’est aussi celle de ses rapports avec la France, marqués par des guerres et des meurtres. Celui de Jean sans Peur qui ordonne l’assassinat de Louis d’Orléans en 1407, avant d’être à son tour exécuté en 1419, en présence du Dauphin de France, le futur Charles VII. En pleine Guerre de Cent Ans, l’Angleterre s’immisce dans ces rivalités, et les Bourguignons oscillent entre alliances avec les Anglais et réconciliation avec la France, comme ce fut le cas à Arras en 1435. Votre fresque retrace toutes les stratégies d’alliance et de mariages qui ont permis, le hasard aidant, que le dernier bourguignon soit aussi le plus grand roi de l’époque moderne, régnant sur un empire immense, Charles Quint. Pour introduire notre conversation, j’aimerais vous demander, Bart Van Loo, quel accueil ce livre qui aborde à la fois l’histoire des Pays-Bas, de la Belgique, de la France et, dans une moindre mesure de l’Angleterre, a reçu dans ces différents pays. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 6 mai 2022.Avec cette semaine :Jérôme Fehrenbach, inspecteur des Finances, historien et biographe de Jenny Marx.Akram Belkaïd, journaliste au Monde diplomatique.Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.Lucile Schmid, membre du comité de rédaction de la revue Esprit. JENNY MARXJérôme Fehrenbach, vous êtes haut-fonctionnaire, inspecteur des finances et historien. Vous êtes l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire de la France et de l’Allemagne, de l’Ancien régime et l’époque contemporaine. En 2021, vous avez publié Jenny Marx. La tentation bourgeoise, aux éditions Passés composés. Dans cette biographie, vous retracez la vie de la femme de Karl Marx et de sa famille. L’épouse de Marx est née Jenny von Westphalen. Elle est issue d’une famille de noblesse récente mais reçoit une éducation bourgeoise. Vous expliquez que son père est un fonctionnaire « qui avait davantage de goût pour les lettres que pour les circulaires » et qui ne parvint pas à devenir propriétaire terrien. Par la famille de son épouse, Marx a donc côtoyé une petite noblesse urbaine éloignée du modèle nobiliaire allemand, ce qui l’a empêché selon vous de comprendre son rôle dans la société prussienne de l’époque, et sa différence avec la bourgeoisie de son temps.Le rapport du couple Marx à la bourgeoisie traverse votre livre. On y apprend que Karl et Jenny Marx, désargentés et perpétuellement à la recherche de financements, avaient à leur service une domestique, « offerte » à Jenny par sa mère. Vous soulignez aussi les contradictions de l’auteur du Capital qui a vécu pour grande partie grâce aux héritages divers et à l’aide financière de son ami Engels, héritant lui-même de la fortune que son père a bâti dans l’industrie textile. La vie de la famille Marx a été celle de nomades. Ils quittent leur Prusse natale pour s’installer en France où règne une relative liberté d’expression, puis partent en Belgique, chassés par Louis-Philippe à la demande du gouvernement prussien, avant de s’installer à Londres. En Angleterre, ils côtoient de nombreux immigrés qui fuient la répression qui sévit en Europe après le Printemps des peuples.Jenny Marx est tiraillée par toutes ces appartenances : au moment de la guerre franco-prussienne de 1870, elle est partagée entre sa patrie de naissance et sa patrie d’élection, la France, à qui elle reproche d’avoir renié les idéaux de la Révolution. Elle est aussi attachée à la Grande-Bretagne par sa grand-mère maternelle issue de la noblesse écossaise.Le rapport du couple Marx à ces différentes patries est aussi littéraire ; ils ont un goût prononcé pour Shakespeare, mais aussi pour Goethe, Dante et Homère. Jenny Marx était décrite par son époux comme une virtuose dans l’art d’écrire des lettres et vous estimez, Jérôme Fehrenbach, que ses correspondances figurent parmi les plus belles pages de la littérature épistolaire allemande.Dans son éloge funèbre, Engels a dépeint Jenny Marx comme une femme de l’ombre ayant joué un rôle déterminant dans le mouvement révolutionnaire. Mais malgré son goût marqué pour la politique, vous considérez que ce mythe de la baronne rouge est éloigné de la réalité.Jérôme Fehrenbach, vous qui avez écrit plusieurs livres sur des figures issues de l’aristocratie allemande, comme la Princesse palatine ou l’évêque Von Galen, j’aimerais vous demander, pour introduire notre conversation, ce qui a attiré votre attention en premier lieu sur ce personnage de Jenny Marx. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 4 mars 2022.Avec cette semaine :Florence Pinton, sociologue et enseignante.David Djaïz, essayiste et enseignant à Sciences Po.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Le Temps.AGRICULTURE Avec plus de la moitié de son territoire couvert par des activités agricoles, et une production représentant 18% du total européen, la France est le premier pays agricole de l’Union européenne. Alors qu’on compte aujourd’hui environ 400 000 exploitations en France, leur nombre ne cesse de décroître, à un rythme de 2% par an, tandis que leur surface s’étend davantage. 10% des plus grandes exploitations représentent ainsi 45% de la production nationale. La part de l’emploi agricole a fortement diminué en quarante ans, passant de 7% en 1982 à 1,5% aujourd’hui.Cette baisse du nombre d’agriculteurs s’accompagne d’un vieillissement de la profession, dont un tiers des représentants a plus de 60 ans ou atteindra cet âge d’ici cinq ans. La jeune génération représente une faible proportion, avec seulement 1% des agriculteurs âgés de moins de 25 ans, ce qui est imputable en partie à l’allongement des études : un agriculteur sur deux est aujourd’hui titulaire du baccalauréat et plus de 25% sont diplômés de l’enseignement supérieur.Confronté au défi de nourrir 9,7 milliards d’humains à l’horizon 2050 tout en prenant en compte les questions environnementales, le secteur agricole connait des évolutions importantes. L’agriculture biologique se développe en France et représente désormais 8,5% de la surface agricole. La nécessité d’investir pour la mise aux normes des outils de production et l’achat d’instrument plus performants, associée à une augmentation du coût de la terre, a conduit à une augmentation du taux d’endettement des agriculteurs, qui est passé de 35% en moyenne en 1990 à 43% en 2015.Cet endettement a accéléré la financiarisation de l’agriculture, avec des fonds d’investissement et des groupes industriels agroalimentaires effectuant des placements dans le foncier agricole, considéré comme un actif sûr, ou entrant dans le capital d’exploitations importantes. Si les corporate farms, détenues uniquement par des actionnaires, représentent encore une portion infime des exploitations en France, de plus en plus de fermes sortent du modèle familial pour adopter un mode de fonctionnement s’apparentant à celui de firmes industrielles.Au-delà de ces entreprises agricoles, la situation économique des agriculteurs demeure préoccupante, avec près d’un ménage agricole sur cinq vivant sous le seuil de pauvreté. Pour répondre à ce problème, le Parlement a adopté en octobre 2021 la loi EGALIM 2 visant à protéger la rémunération des agriculteurs. Elle prévoit entre autres une sanctuarisation du prix des matières premières au profit des agriculteurs et instaure une clause de révision automatique des prix dans les négociations entre producteurs et acheteurs.Florence Pinton, vous êtes enseignante et chercheuse en sociologie rurale – vous avez été formée chez et par Henri Mendras - et en sociologie de l’environnement. Vous vous intéressez aux conditions d’accès aux ressources naturelles et à leur mode de valorisation, aux politiques de conservation de la biodiversité et à la diffusion de l’agroécologie dans les systèmes agricoles, au Nord comme au Sud. Vous travaillez et vous avez travaillé en France, singulièrement en Bourgogne, mais aussi au Brésil, l’un de vos centres d’intérêt est la transition écologique et les « « systèmes agricoles alternatifs ». De quoi sont faits ces systèmes ? Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Dans « Elle l’adore », le premier film de Jeanne Herry sorti en 2014, une esthéticienne mythomane, Sandrine Kiberlain, réalisait son rêve de groupie idolâtre : avoir tout à elle un célèbre chanteur à minettes et à succès, Laurent Laffite. Sur les circonstances chaotiques de ce rapprochement qui va de déboires en désastres, renvoyons nos auditeurs au film. Jeanne Herry est actrice, elle a mis en scène pour la Comédie française, au Théâtre du Vieux Colombier un spectacle qu’elle a conçu à partir des échanges sur les Forums d’Internet, elle a publié chez Gallimard 80 étés, un bref livre sur ses liens d’affection avec les siens. En 2018, son deuxième film, Pupille, avec notamment Sandrine Kiberlain, Gilles Lellouche et Clotilde Mollet a reçu un accueil ému et chaleureux. Il s’agit des premiers mois de Théo, un enfant né sous X, et de tout ce qui peut se mettre ne branle pour quecette vie ne pâtisse pas d’être partie de travers. Il s’agit de tous ceux et de toutes celles qui s’y emploient. Il s’agit d’une femme dans la quarantaine qui avait postulé pour adopter avant que son mariage ne vole en éclats et qui n’a pas renoncé à ce projet. Il s’agit d’une assistante sociale, d’un assistant maternel, de tout un service dont Théo devient le souci, la crainte, la réussite, le centre.  Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le8 avril 2022. Avec cette semaine : Agnès Spiquel, spécialiste d’Albert Camus. Akram Belkaïd, journaliste auMonde diplomatique. Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova. Lucile Schmid, membre du comité de rédaction de la revueEsprit. CAMUS ET L’ALGÉRIE Né le 7 novembre 1913 à Mondovi, dans l’Est de l’Algérie, Albert Camus grandit à Belcourt, quartier populaire de la banlieue d’Alger. Il est élève au lycée Bugeaud puis obtient en 1936 un diplôme d’études supérieures à l’université d’Alger. L’année suivante, il refuse un poste de professeur au collège de Sidi-Bel-Abbès et se tourne vers le journalisme, collaborant au journalAlger républicainà partir de 1938. Adhérent au Parti communiste de 1935 à 1937, Camus est à l’origine du «Manifeste des intellectuels d’Algérie en faveur du projet Viollette» pour une démocratisation de l’Algérie, une assimilation de la population et l’accès à la citoyenneté française pour un certain nombre de musulmans d’Algérie. Sensible à la question sociale, il réalise en 1939 un reportage de onze articles intitulé «Misère de la Kabylie» dans lequel il décrit la grande pauvreté de cette région. Albert Camus dénonce la répression que subissent les nationalistes algériens et l’étouffement des revendications du Parti du peuple algérien. En mai 1945, à la suite des émeutes dans le Constantinois, il publie dansCombatplusieurs articles dans lesquels il prend la défense de nationalistes algériens comme Ferhat Abbas et Messali Hadj. Camus quitte l’Algérie en 1940 ; il revient vivre à Oran quelques mois puis reste en France à partir de la guerre. Avant la Seconde Guerre mondiale, ses amis rapportent qu’il indiquait être de nationalité algérienne lorsqu’il remplissait des fiches d’hôtel à l’étranger. Dans son «Petit guide pour des villes sans passé» publié en 1947, il écrit «J’ai avec l’Algérie une longue liaison qui sans doute n’en finira jamais, et qui m’empêche d’être tout à fait clairvoyant à son égard.» Son absence de prise de parti en faveur de l’indépendance au moment de la Guerre d’Algérie lui est reproché. En janvier 1956, il propose une trêve civile afin de pacifier provisoirement la situation. Il préconise une solution fédérale dans laquelle l’Algérie serait constituée par des peuples fédérés et reliée à la France. Il dénonce aussi les violences perpétrées pendant la guerre, autant les pratiques de torture et de représailles de l’armée française que les actions terroristes du FLN. En juin 1958, il publie sesChroniques algériennes, rassemblant ses articles sur l’Algérie, et une mise au point sur sa position. Il y décrit la politique de la France comme le résultat d’un aveuglement politique ayant conduit à une suite d’échecs. Il meurt deux ans plus tard, en 1960, avant la fin de la guerre et l’exode des pieds noirs. Agnès Spiquel Courdille vous enseignez la littérature, vous avez collaboré à l’édition des œuvres de Camus dans La Pléiade, vous êtes un membre très actif de la société d’études camusiennes qui compte des membres dans 24 pays à travers les cinq continents, vous en étiez la présidente jusqu’en 2020. Dans un entretien au Monde, en 2012, vous déclariez.: «Le Premier Homme. Dans ce roman, pourtant inachevé, complètement nourri de la vie et de l'expérience de Camus lui-même, vous percevrez l'intensité de ses souvenirs d'enfance, son amour pour l'Algérie, son déchirement devant la guerre, sa méditation sur la dignité des pauvres, son questionnement sur le dur chemin à inventer pour devenir un homme ; tout cela dans une écriture somptueuse, tantôt nette et sèche, tantôt frémissante et lyrique, toujours gorgée de vie et de sensation.» Comment caractériseriez-vous la place de l’Algérie dans l’œuvre de Camus?Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Dans « Elle l’adore », le premier film de Jeanne Herry sorti en 2014, une esthéticienne mythomane, Sandrine Kiberlain, réalisait son rêve de groupie idolâtre : avoir tout à elle un célèbre chanteur à minettes et à succès, Laurent Laffite. Sur les circonstances chaotiques de ce rapprochement qui va de déboires en désastres, renvoyons nos auditeurs au film. Jeanne Herry est actrice, elle a mis en scène pour la Comédie française, au Théâtre du Vieux Colombier un spectacle qu’elle a conçu à partir des échanges sur les Forums d’Internet, elle a publié chez Gallimard 80 étés, un bref livre sur ses liens d’affection avec les siens. En 2018, son deuxième film, Pupille, avec notamment Sandrine Kiberlain, Gilles Lellouche et Clotilde Mollet a reçu un accueil ému et chaleureux. Il s’agit des premiers mois de Théo, un enfant né sous X, et de tout ce qui peut se mettre ne branle pour quecette vie ne pâtisse pas d’être partie de travers. Il s’agit de tous ceux et de toutes celles qui s’y emploient. Il s’agit d’une femme dans la quarantaine qui avait postulé pour adopter avant que son mariage ne vole en éclats et qui n’a pas renoncé à ce projet. Il s’agit d’une assistante sociale, d’un assistant maternel, de tout un service dont Théo devient le souci, la crainte, la réussite, le centre.  Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 29 avril 2022.Avec cette semaine :Laurence Debray, auteure, historienne et réalisatrice de documentaires.Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Lucile Schmid, membre du comité de rédaction de la revue Esprit.JUAN CARLOS Laurence Debray, vous êtes auteure, historienne et réalisatrice de documentaires. Juan Carlos est une figure qui vous intéresse de longue date : vous avez consacré votre mémoire de maîtrise en Sorbonne à son rôle dans la transition démocratique espagnole, puis vous avez écrit un premier livre à son sujet en espagnol en 2000. En 2013, vous avez publié une biographie en français de Juan Carlos d’Espagne chez Perrin et, plus récemment, vous lui avez consacré un roman, Mon roi déchu, paru chez Stock en 2021.Votre rapport à Juan Carlos est teinté d’affection : vous racontez avoir accroché un portrait de lui dans votre chambre, que votre père Régis Debray a remplacé par une photo de François Mitterrand. Mais, dépassant l’admiration de la jeune fille, vous avez enquêté sur ce personnage clé de la transition démocratique espagnole.Dans la biographie que vous avez consacré à Juan Carlos, vous brossez, le portrait d’« un homme devenu animal politique au bénéfice de la démocratie » et vous affirmez que ce monarque vous a « redonné confiance dans la politique », insistant sur la capacité qu’a eu son régime, en apparence désuet, à assurer une transition progressive de l’Espagne après la mort de Franco.Vous revenez sur l’enfance et la formation de Juan Carlos, qui devient très jeune un objet de négociations entre son propre père, Don Juan, et Franco, qui dirige l’Espagne depuis 1936. Juan Carlos comprend mieux que son père la nécessité de s’accommoder avec le franquisme pour que les Bourbons puissent revenir au pouvoir en Espagne et, face à un père qui promeut un modèle de monarchie constitutionnelle libérale, Juan Carlos n’a pas de mal à adopter un discours conservateur conforme aux souhaits du dictateur. Ces efforts sont récompensés : en 1969, Franco désigne Juan Carlos comme son successeur.Il devient roi d’Espagne en novembre 1975 et, malgré l’indifférence du peuple espagnol et la méfiance de l’opinion publique étrangère à son égard, il entreprend de démocratiser le régime. Juan Carlos autorise les partis politiques en 1977 puis dote l’Espagne d’une Constitution limitant les pouvoirs du roi en 1978.Le héros de la transition démocratique espagnole a depuis perdu de sa superbe, fragilisé par différents épisodes ayant déplu aux Espagnols, de la chasse à l’éléphant au Botswana aux scandales financiers touchants la famille royale, en passant par ses aventures extra-conjugales. Juan Carlos a abdiqué en 2014, cédant le trône à son fils Felipe. Soupçonné de corruption, il s’est ensuite exilé à Abu Dhabi en 2020. Laurence Debray, vous avez rencontré ce roi déchu dans son exil à Abu Dhabi et en avez tiré un roman paru en 2021.Dans une lettre ouverte adressée à Juan Carlos en 2020, publiée dans le quotidien El Mundo (puis en français dans Le Figaro), vous invitiez l’ancien monarque à relativiser l’opprobre qui le frappe en Espagne : « Dans quelques décennies, une autre génération d’Espagnols se souviendra de vous comme l’homme qui incarna la réconciliation, la modernisation, la démocratie. Peut-être même qu’ils vous remercieront ». Pour introduire notre conversation, j’aimerais donc vous demander, Laurence Debray, si vous croyez véritablement que Juan Carlos va faire l’objet d’un retour en grâce dans la mémoire espagnole. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 8 avril 2022.Avec cette semaine :Jérémie Gallon, diplomate et enseignant.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.Lucile Schmid, membre du comité de rédaction de la revue Esprit. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick.Henry Kissinger. L’Européen Jérémie Gallon, vous êtes directeur de la branche européenne du cabinet de conseil géopolitique McLarty Associates, vous enseignez les relations internationales à Sciences Po et vous avez été conseiller auprès de l’Ambassadeur de l’Union européenne aux États-Unis de 2015 à 2017. Après votre premier livre qui était le Journal d’un jeune diplomate dans l’Amérique de Trump, paru en 2018, vous avez publié en 2021 Henry Kissinger. L’Européen chez Gallimard.Dans ce livre, vous dressez le portrait d’un homme qui vous a marqué et qui, selon vous, devrait représenter une source d’inspiration majeure pour bâtir la diplomatie européenne de demain. Vous rappelez les origines européennes d’Henry Kissinger, né en 1923 à Fürth, à quelques kilomètres de Nuremberg, et vous insistez sur ce qui le rapproche du vieux continent. Il admirait le général de Gaulle et avait des convergences intellectuelles avec Raymond Aron qui s’est séparé de lui à propos du Sud Viêtnam dont il n’a pas accepté l’abandon et du Chili, dont il na réprouvé le soutien au coup d’État. Son action diplomatique a toujours été teintée d'un réalisme européen dans un pays où nombre d’hommes politiques préféraient une approche idéaliste des relations internationales, fondée sur la croyance en la vocation messianique de leur pays.Le rapport d’Henry Kissinger à l’Europe a aussi été nourri par l’histoire, et par ses travaux de doctorat sur le Congrès de Vienne, dans lesquels il a cherché à comprendre comment Metternich et le vicomte de Castlereagh ont bâti les fondations d’un équilibre durable en Europe après la défaite de Napoléon. Ces travaux, et la carrière universitaire qui a précédé la vie d’homme d’État de Kissinger lui ont conféré, selon vous, une densité intellectuelle et humaine qui manque aujourd’hui à la plupart des dirigeants mondiaux.Cette densité lui a permis de voir loin et de ne pas céder au court-termisme de l’opinion, d’être l’architecte de la politique de Détente avec l’URSS là où nombre de ses compatriotes y voyaient une capitulation de l’Occident. Il a aussi participé au rapprochement des États-Unis avec la Chine et, encore aujourd’hui, prône un apaisement des relations entre Pékin et Washington.Dans votre livre, Jérémie Gallon, vous vous faites le défenseur de celui que certains n’ont pas hésité à accuser de crimes contre l’humanité : entre les bombardements au Cambodge, la guerre du Vietnam et le soutien au coup d’État de Pinochet au Chili, vous considérez que le secrétaire d’État américain n’est pas indéfendable. Votre expérience de diplomate de l’Union européenne à Washington vous a conduit à considérer que ce qui est impardonnable pour un diplomate est plutôt l’impuissance et la résignation à laisser sombrer dans le déclin la puissance qu’il sert. Vous qui vous faites l’apôtre d’une politique de puissance contre une diplomatie des bons sentiments et qui semblez admirer Henry Kissinger aussi bien pour son action diplomatique que pour sa capacité à penser les relations internationales, pourriez-vous, pour introduire notre conversation, revenir sur la notion de realpolitik, notion souvent mal comprise qui est associée à la personne d’Henry Kissinger. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 29 avril 2022.Avec cette semaine :François Bougon, journaliste spécialiste de la Chine, auteur de Dans la tête de Xi Jinping.Nicolas Baverez, essayiste et avocat.Lucile Schmid, membre du comité de rédaction de la revue Esprit. François Bougon, vous êtes journaliste et spécialiste de la Chine, vous avez été correspondant de l’AFP à Pékin entre 2005 et 2010 et vous êtes désormais responsable du service international de Mediapart. Vous avez publié en 2017 Dans la tête de Xi Jinping, aux éditions Solin et Actes Sud. Dans ce livre, vous ambitionnez de dresser un panorama des influences intellectuelles du président chinois et vous expliquez l’idéologie et la vision de l’histoire sur lesquelles s’appuie celui qui est devenu secrétaire général du Parti Communiste Chinois (PCC) en 2012 puis président de la République populaire de Chine en 2013.Xi Jinping a des sources d’inspiration variées qui englobent l’ensemble de la tradition chinoise. Il ne rejette pas l’héritage maoïste en dépit du rapport ambivalent de sa famille avec le Grand Timonier et sa politique. Le père de Xi Jinping a combattu aux côtés de Mao avant d’être exclu du Parti en 1962, et Xi Jinping lui-même a fait partie des cohortes de « jeunes instruits » envoyés à la campagne pendant la Révolution culturelle pour y être rééduqué par les paysans. Vous expliquez, François Bougon, que le président chinois n’en a pas moins conscience du rôle fondateur de Mao dans l’histoire de la République populaire de Chine et qu’il estime que toute critique à l’égard du Grand Timonier risque d’affaiblir le régime.Le président chinois se distingue de ses prédécesseurs en accordant une place importante dans sa pensée à l’histoire longue de la Chine. Là où les dirigeants communistes insistaient sur la rupture qu’a représentée la révolution de 1949, Xi Jinping exalte une civilisation chinoise millénaire. Cela se traduit dans les références mobilisées par le régime : les Entretiens de Confucius ont supplanté le Petit livre rougeet Xi Jinping convoque volontiers des écoles de pensée des IVe et IIIe siècles avant notre ère, comme le taoïsme et le légisme.Pour asseoir le pouvoir du Parti communiste, son secrétaire général promeut un « rêve chinois » qui, contrairement au rêve américain, repose sur plus de 2000 ans d’histoire. Il réconcilie ainsi ce que vous appelez le roman national maoïste avec l’histoire impériale de la Chine. Cette lecture de l’histoire est strictement encadrée contre les tenants de ce que Xi Jinping appelle le « nihilisme historique ».Ce récit qui insiste sur le particularisme chinois permet aussi à Xi Jinping de marquer l’opposition de la Chine à l’Occident : il répudie la « démocratie constitutionnelle occidentale », les « valeurs universelles », la « société civile », le « néolibéralisme » ou encore le « journalisme à l’occidentale » et parle désormais de « solution chinoise » face aux défis de la globalisation et aux défauts du système démocratique.Votre livre, paru en 2017, se concluait par une interrogation sur l’émergence d’un éventuel « Xi-isme », soit une pensée propre de Xi Jinping qui donnerait une nouvelle orientation au régime. Depuis, Xi Jinping, comme tous ses prédécesseurs, a inscrit sa pensée « sur le socialisme à la chinoise de la nouvelle ère » dans la charte du Parti. Pour introduire notre conversation je voudrais donc vous demander, François Bougon, quelle réponse vous apporteriez aujourd’hui à cette question de l’émergence d’une pensée propre de Xi Jinping. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 8 juillet 2022.Avec cette semaine :Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef du quotidien La Croix. Lucile Schmid, membre du comité de rédaction de la revue Esprit. Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin et président de la fondation Terra Nova.LA VE RÉPUBLIQUE À L’ÉPREUVE DE LA MAJORITÉ RELATIVEAu lendemain d’un nouveau remaniement, lors de son discours de politique générale mercredi, la Première ministre n’a pas demandé la confiance des députés. Elisabeth Borne a appelé à bâtir "une majorité d'idées" autour de grands objectifs (réformer les retraites, atteindre le "plein emploi", "répondre à l'urgence du pouvoir d'achat" ou "apporter des réponses radicales" à "l'urgence climatique". Avec le président Macron, elle s’apprête à gouverner sans majorité, en allant chercher des alliances texte par texte, afin de pallier le manque de 44 députés pour atteindre une majorité absolue. La Ve République a connu plusieurs périodes de majorité relative à l’Assemblée nationale et la Constitution de 1958 donne des armes à l’exécutif pour agir en situation minoritaire. Elle a d’ailleurs été pensée afin de permettre à l’exécutif de gouverner sans majorité absolue, car une telle majorité n’était pas pensable à l’époque. De fait, de 1958 à 1962, de Gaulle n'a pas eu de majorité absolue à l'Assemblée. Durant la période 1976-1981, le parti de Valéry Giscard d'Estaing (l'UDF) était minoritaire et devait constamment négocier avec le RPR. Il en a été de même pour François Mitterrand de 1988 à 1993. Entre 2014 et 2017, François Hollande n'avait plus qu'une majorité relative du fait des frondeurs du PS qui sont allés jusqu'à vouloir déposer une motion de censure contre leur gouvernement.En Europe, rares sont les partis politiques à disposer seuls d'une majorité absolue au Parlement - à l'exception de quelques pays comme le Portugal, la Grèce ou encore Malte. L’analyste d’opinion Paul Cébille, un ancien de l’Ifop, a établi la représentativité des gouvernements des 27 membres de l’UE en comparant, pays par pays, les scores aux législatives des partis représentés au gouvernement. En moyenne, les gouvernements dans l’Union européenne représentent 48% des votants et 32% des inscrits. En France, le gouvernement Borne 2 ne pèse que 26% des votants et 12% des inscrits (le score de La République En Marche et de ses alliés au premier tour), soit un Français adulte sur huit, classant la France au 27e rang sur 27 dans l’Union européenne.L’arme de l’opposition est la motion de censure. Plus de 100 ont été déposées depuis 1958 : une seule a été adoptée, en 1962, faisant chuter le gouvernement de Georges Pompidou.***LA COUR SUPRÊME, L’IVG ET LE CLIMATEn quelques jours, la Cour suprême des Etats-Unis a provoqué l'interdiction de l'avortement dans la moitié du pays, autorisé davantage d'armes dans les rues, et limité le pouvoir du gouvernement en matière de réglementation des gaz à effet de serre. Le 24 juin, six des neuf juges, dont trois nommés par Donald Trump, ont annulé l'arrêt « Roe vs Wade » rendu par les États-Unis sur la question de la constitutionnalité des lois qui criminalisent ou restreignent l'accès à l'avortement. Cette décision confirme l’approche dite « originaliste » de la Cour, qui retient une interprétation littérale de la Constitution américaine : ce qui n’y serait pas explicitement mentionné ne relèverait pas d’un droit inaliénable. Selon la Cour, il reviendra à chaque État de déterminer sa propre législation en la matière, en interdisant l’avortement, en le limitant drastiquement, comme l’a fait le Texas dès septembre 2021, ou bien en l’autorisant largement. Selon l’Institut Guttmacher, vingt-six États sont susceptibles de criminaliser ce droit. Parmi eux, treize disposent déjà de législations contre l’avortement et n’attendaient que la décision de la Cour. Selon un sondage de NBC, 70 % des Américains, un taux sans équivalent depuis vingt ans, souhaitent le maintien d'une protection fédérale d'un droit établi depuis 1973. Joe Biden a déploré une "erreur dramatique" de la Cour suprême et appelé les Américains à élire des représentants et sénateurs démocrates aux élections de mi-mandat en novembre dans le but de rétablir le droit à l'IVG au niveau fédéral. Les stratèges républicains estiment cependant que l'inflation, l'incertitude économique et la sécurité resteront au premier plan des préoccupations des électeurs, en particulier des femmes des banlieues résidentielles, clés de la victoire dans les États-pivots.Dans un autre registre, les juges ont pris fait et cause pour les producteurs de charbon et décrété que l'Agence de Protection de l'Environnement ne pouvait pas édicter de règles générales pour limiter les émissions de CO2 des centrales thermiques. Cette décision, publiée le 30 juin, va entraver la tâche du président Biden, qui s’est fixé pour objectif de produire aux Etats-Unis une électricité neutre en carbone d’ici à 2035. Les sages ont également invalidé, le 23 juin, une loi centenaire de l'État de New York qui impose des restrictions au port d'arme en public, même si 79% des New-Yorkais sont favorables à son maintien.La crédibilité de la Cour suprême s’effondre. Selon un sondage Gallup, publié le 23 juin, seulement 25 % des Américains ont confiance dans cette institution essentielle, contre 36 % en 2021. Ils étaient 50 % il y a vingt ans. Dans les mois à venir, la Cour pourrait casser d'autres décisions antérieures portant sur la discrimination positive, le redécoupage électoral voire sur la contraception et le mariage gay. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 1er juillet 2022.Avec cette semaine :Akram Belkaïd, journaliste au Monde diplomatique.Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung.G7 ET OTAN FACE À LA GUERRE EN UKRAINEQuatre mois après le début de la guerre en Ukraine, au G7, de dimanche à mardi en Allemagne, puis lors du sommet de l’OTAN, de mardi soir à jeudi à Madrid, les Occidentaux ont tenté de surmonter les tensions et divergences que le prolongement de la guerre risque de creuser. A Elmau, en Bavière, les sept dirigeants des pays les plus riches ont décidé de frapper l'économie russe en « travaillant » sur un plafonnement du prix du pétrole russe et en imposant des restrictions à l'importation de l'or russe. Les dirigeants du G7 ont promis de soutenir l’Ukraine « tant qu’il le faudra » sur le plan militaire, financier, humanitaire ou diplomatique. Ils sont prêts à injecter cette année jusqu’à 28 Mds€ dans le budget de l’Etat ukrainien. Depuis le début de la guerre, le 24 février, les pays du G7 ont déjà promis l’équivalent de plus de 2,6 Mds€ d’aide humanitaire. Bien que le G7 joue un rôle central dans la coordination des sanctions engagées contre la Russie et dans l'aide apportée à l'Ukraine, il est tenu de composer avec les nombreux pays asiatiques, africains et latino-américains qui refusent de choisir leur camp et s'inquiètent des conséquences du retour de la guerre en Europe. Raison pour laquelle cinq dirigeants du Sud ont été invités lundi au sommet du G7.Le sommet de l’OTAN à Madrid, du 28 au 30 juin, s’est ouvert par la levée du veto turc sur l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN. Puis, les Etats-Unis ont annoncé l’envoi de nouveaux renforts militaires terrestres, maritimes et aériens américains en Europe afin de muscler les capacités de défense de l’OTAN face à la Russie, même si certaines de ces annonces viennent parachever des projets amorcés depuis plusieurs années. L’OTAN veut pouvoir mobiliser plus de 300 000 soldats en Europe. Dans une interview à l'ARD, le chancelier Olaf Scholz a assuré que la Bundeswehr allait devenir « la plus grande armée conventionnelle » d'Europe. Désormais, la stratégie de « défense avancée » de l'Otan consiste à déployer à l'Est une puissance de feu suffisante pour empêcher les chars russes de percer en premier. L'Alliance retrouve ainsi sa mission première : la défense du territoire de ses pays membres contre la menace russe. Le Secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg a déclaré que la Russie représente « la menace la plus importante et la plus directe » pour la sécurité de la coalition militaire occidentale. Invité par visio-conférence aux deux sommets, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a exhorté chaque fois les Occidentaux à intensifier les livraisons d’armements lourds à l’Ukraine et les sanctions contre Moscou afin que la guerre menée par la Russie dans son pays prenne fin avant l'hiver. Cependant, l'OTAN prévoit une guerre longue.Outre les chefs d'Etat et de gouvernement des 30 pays membres de l'OTAN, ainsi que ceux des deux nouveaux candidats, Finlande et Suède, pour la première fois, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud et le Japon ont été invités à participer au sommet de l'Alliance sous l’impulsion des Etats-Unis.***ALGÉRIE : 60 ANS APRÈS L’INDÉPENDANCE Le 5 juillet 1962, la France quittait l'Algérie après plus d'un siècle de domination coloniale. La célébration de cet anniversaire intervient dans un climat social morose. Les espoirs de libéralisation nés en 2019 lors du départ du président Abdelaziz Bouteflika, poussé par le Hirak un mouvement de protestation populaire, à renoncer à briguer un cinquième mandat après vingt ans de pouvoir, ont fait long feu. Depuis, le régime a embastillé journalistes et défenseurs des droits humains. Au cours des six premiers mois de 2022, près de 300 Algériens ont été placés derrière les barreaux pour délit d’opinion, selon l’organisme Algerian Detainees. Depuis 2019, plus de 600 citoyens ont été arrêtés pour avoir manifesté ou même simplement soutenu l’opposition au régime en place. Après les militants du Hirak, les manifestants, les leaders des partis d’opposition et les journalistes, premiers dans la ligne de mire du pouvoir en place, ce sont désormais les avocats des accusés qui se retrouvent inculpés. Le divorce entre le peuple et ses dirigeants a été illustré par la participation indigente au référendum constitutionnel de novembre 2020. Moins du quart du corps électoral s'est déplacé. La pandémie a aggravé les vulnérabilités de l'économie, qui s'est contractée de près de 5 % en 2020. Les déficits des comptes publics se creusent, l'inflation galope, le chômage affecte un jeune sur quatre et la dépendance absolue au pétrole et au gaz (qui fournissent plus de 90 % des recettes d'exportation) rend nécessaire une reconversion profonde de l'économie que le pouvoir semble incapable d'engager. Dans ce pays de 45 millions d'habitants où les moins de 30 ans représentent plus de la moitié de la population, la jeunesse vote avec ses pieds : au moins 10 000 Algériens ont rejoint l'Espagne clandestinement depuis le début de 2021. Sur cet arrière-plan de crise politique, économique et sociale, le pouvoir cherche son salut dans le durcissement extérieur. Avec Paris, il a engagé un bras de fer sur l'épineuse question mémorielle. Il a coupé les liens avec le Maroc, avec qui la relation était déjà déplorable. La rupture a été matérialisée par la fermeture, depuis le 31 octobre 2021, du gazoduc qui alimentait le royaume chérifien et, au-delà, l'Espagne.Le quotidien algérien El Watan observe que « l'idéal post-indépendance tant imaginé par les pères fondateurs de la nation algérienne n'est pas encore atteint […] La question sociale, celle du patriarcat, la condition des femmes, la place du religieux dans l'ordre social et politique ou la question de la diversité linguistique et culturelle sont autant d'interrogations qui conditionnent le devenir du pays ».Toutefois, la hausse des cours des hydrocarbures provoquée par la guerre en Ukraine offre au pouvoir une marge de manœuvre en matière de redistribution. Selon les prévisions du Fonds monétaire international, les recettes de l'Algérie devraient atteindre 58 milliards de dollars en 2022, contre 34 milliards en 2021 et 20 milliards en 2020. Même si les prix du blé et des autres produits alimentaires importés explosent, la situation financière s'améliore nettement permettant d’acheter la paix sociale. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr
Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.frUne émission de Philippe Meyer, enregistrée en direct et en public à l’École alsacienne le 26 juin 2022.Avec cette semaine :Jean-Louis Bourlanges, député.David Djaïz, essayiste et enseignant à Sciences Po.Lucile Schmid, membre du comité de rédaction de la revue Esprit. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick. LEGISLATIVES 2022 : BILANAu lendemain du second tour des législatives, après le revers pour le pouvoir en place qui, avec 246 députés, obtient la plus petite majorité de la Ve République, le mot est sur toutes les lèvres des éditorialistes : « Ingouvernable » avant même ceux de « séisme » et de « gifle ». La République en marche et ses alliés – MoDem et Horizons – sont loin des 289 sièges d’une majorité absolue. L’exécutif va être contraint de négocier sur chaque réforme pour pouvoir gouverner face à 142 élus de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale et un futur groupe Rassemblement national fort de 89 députés – un record pour l’extrême droite. Les Républicains comptent 64 sièges de députés. L’Hémicycle nouveau, bien que toujours fruit du scrutin majoritaire, ressemble à une Assemblée élue à la proportionnelle. Une fois déjà, dans l'histoire de la Ve République, les élections législatives ont abouti à l'émergence d'une majorité relative. C'était en 1988, lorsque François Mitterrand et son Premier ministre Michel Rocard avaient manqué de 14 sièges la majorité absolue. Aujourd'hui, ce sont 44 sièges qui manquent au gouvernement.En recul par rapport au record observé lors du second tour des élections législatives de 2017 (57,4 %), l'abstention a touché une nouvelle fois plus d'un électeur sur deux (53,77%). Elle marque une fracture générationnelle : chez les plus de 70 ans, la déperdition d'électeurs entre la présidentielle et les législatives n'est que de huit points, quand elle est de 27 points chez les 18-24 ans. Pas un député de cette nouvelle assemblée n’a été élu avec plus de 40% des voix des inscrits de sa circonscription. Pour 95% d’entre eux, ce chiffre est même en dessous de 30% (pour le RN c’est systématiquement moins de 26%).Pour Ipsos, lorsque les électeurs de la Nupes devaient choisir entre Ensemble ! et le RN, ils ont voté à 37 % pour les candidats de la coalition présidentielle et à 18 % pour ceux du parti lepéniste. Le barrage habituel anti-RN n'a pas eu lieu, et le parti de Marine Le Pen a servi de vote utile contre la Nupes, explique Jérôme Jaffré, le directeur du Centre d'études et de connaissances sur l'opinion publique (Cecop) qui souligne la dimension sociale prononcée de ce scrutin. Les trois départements les plus riches de France - Paris, les Yvelines et les Hauts-de-Seine – ont plébiscité